Education relationnelle

Un blog très intéressant, clair, précis, documenté, une vision générale qui me plaît beaucoup.

https://educationrelationnelle.wordpress.com/category/analyse-transactionnelle-2/

« Plus je découvre les principales causes des comportements qui nuisent aux jeunes et affaiblissent notre société, plus je crois que notre plus grand espoir de prévention réside dans un autre type de stratégie. Il s’agit d’aider les adultes qui vivent ou travaillent avec les enfants à apprendre une nouvelle façon de diriger leur famille, leurs écoles et les organismes pour la jeunesse. Cette stratégie exigera d’eux une attitude moins autoritaire, moins permissive et plus démocratique » – Thomas Gordon

Il y a quelques jours, je lisais un article intitulé « Ces enfants gâtés à qui on a laissé le pouvoir » qui abordait les difficultés que rencontrent certaines familles Norvégiennes depuis la loi interdisant les châtiments corporels. Des enfants qui décident, qui dominent et qui ont pris le pouvoir VS des parents qui adoptent le point de vue de leurs enfants…

Le lendemain matin, j’écoutais une émission de radio : « Les enfants tyrans contre leurs parents », dans laquelle l’animateur présentait la séquence qui arrivait (donc pas inclue dans le podcast) en disant quelque chose comme : « Aujourd’hui, dès l’âge de 3 ans, les enfants font la loi chez eux et dans les cours d’écoles. Parents, nous vous dirons comment réagir face aux comportements de ces enfants tyrans ».

Les mots, choisis, en disent long sur le regard de notre société à l’égard de l’enfance, de l’éducation.

* Un regard qui ne date pas d’hier *

Et ce ne sont ni les premiers ni les derniers articles, vidéos, émissions dénonçant les attitudes tyranniques et manipulatrices des enfants. Platon en parlait déjà au Vè siècle :

Socrate_et_Platon« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants,
lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles,
lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter,
lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien et de personne,
alors, c’est là en toute beauté et en toute jeunesse le début de la tyrannie. » – Platon

Et Socrate avant lui, au IVè siècle :

« Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans. » – Socrate

Ces réflexions sont donc présentes dans la société depuis bien longtemps et il semble que nous en soyons toujours au même point, du moins dans ce que laissent entendre les médias. L’éducation fait parler. L’éducation fait de l’audience. Surtout quand elle vient caresser la toute puissance ou au contraire l’impuissance parentale. L’éducation questionne et a toujours questionné.

Mais alors pourquoi aujourd’hui, après plusieurs siècles à réfléchir sur la question, l’éducation fait toujours autant parler d’elle, dans des termes qui finalement n’ont pas beaucoup évolué ? Je vais tenter d’apporter quelques hypothèses avec un regard empreint de l’analyse transactionnelle, développée par Eric Berne dans les années 50.

Les médias présentent les parents comme des Victimes de leurs enfants (d’où les enfants tyrans = Persécuteurs). Parfois de leurs propres parents (un peu moins souvent relayé par les médias, ceci dit !)… Pour finalement ancrer cette conviction chez les auditeurs/lecteurs eux-mêmes qui, s’ils s’imprègnent de ce message et l’intègrent comme une vérité, se dédouanent alors de leur propre responsabilité face aux comportements de leurs progénitures. Et au fond, qui se cache derrière ces « médias » ? Des hommes, des femmes qui sont, sans doute pour la plupart d’entre eux, des parents eux-mêmes avec leurs propres croyances, leurs propres difficultés relationnelles et parentales, leurs propres méconnaissances. Chercheraient-ils à Sauver les autres parents avec des conseils, des confirmations de leurs croyances ? Avec ces éléments, je ne peux que vous rappeler le Triangle de Karpmann :

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* Qui sont les vrais protagonistes ? *

Dans les deux exemples que je vous ai proposé en début d’article, il est question d’enfants qui dominent, qui prennent des décisions, qui ont pris le pouvoir face à des parents qui adoptent le point de vue de leurs enfants, d’enfants qui tyrannisent leurs parents ou les adultes en général, qui font la loi…

Pardonnez-moi, mais il y a quand même quelque chose qui me dérange ! Pour que des enfants puissent avoir ce rôle à long terme, il faut bien que de l’autre côté, des personnes les laissent le prendre. Car ce ne sont, me semble-t-il, pas les enfants qui se disent un beau jour : « Tiens, j’ai décidé que j’allais prendre le dessus sur mon parent et que c’est moi qui allait faire la loi ». Ça me semble un peu trop complexe et tordu pour un enfant (bien que certains prétendront le contraire). Des jeux, ça se joue à plusieurs, ça ne se joue pas tout seul. Et jusqu’à présent, il me semble clair que c’est aux adultes de guider les enfants et non l’inverse. Il ne s’agirait certainement pas de passer d’un mode où ce sont les parents qui ont le pouvoir sur l’enfant à un mode où ce sont les enfants qui prennent le pouvoir. L’idée étant de permettre à chaque de trouver l’équilibre qui le rend heureux et épanouis, et de favoriser des relations basées sur le respect et l’équité dans la reconnaissance des besoins.

Ceci étant dit, il est important de préciser que pour la plupart d’entre nous, parvenir à vivre des relations authentiques avec soi et avec l’autre demande un long cheminement interne. Et ce chemin est plus ou moins long, plus ou moins épineux, plus ou moins coloré selon l’histoire de chacun.

Donc des parents Victimes de leurs Enfants, oui, j’y crois. Mais je crois également que l’on se trompe de cible… Je crois que la « responsabilité » n’en revient pas aux enfants réels qui grandissent ici et maintenant mais aux Enfants Intérieurs de ces parents qui sont en prise directe avec leurs blessures, leurs émotions, leurs croyances, leurs représentation du monde de (tout) petit.

Source de l'image : http://charisme-durable.fr/content/jugnot-en-parent-controlant

Diagramme des états du moi, concept important de l’analyse transactionnelle
Source de l’image : http://charisme-durable.fr/content/jugnot-en-parent-controlant

L’Enfant du parent 

Les adultes d’aujourd’hui sont, avec plus ou moins de conscience, en contact avec l’enfant qu’ils ont été. Cet enfant a grandi dans un contexte spécifique, a vécu de nombreuses émotions, a eu des besoins qui ont été ou non satisfaits. Cet enfant s’est fait une représentation de la vie et des relations, il a pris des décisions et a intégré des croyances avec la perception propre qu’un petit enfant peut avoir de ce qui l’entoure, de ce qu’il entend, de ce qu’on lui dit, de ce qu’il en comprend. Tout cela a été enregistré dans le corps, dans la mémoire, dans l’inconscient. Cet Enfant Intérieur est toujours présent chez l’adulte.

Les parents dont les besoins de l’Enfant n’ont pas été satisfaits, ou qui ont eu une enfance dans laquelle ils ont manqué de repères, d’amour, d’attachement, ou encore qui ont subi des confusions de rôles, des relations symbiotiques risquent de recontacter, à la naissance de leur propre enfant, des émotions et des besoins enfouis jusque là et adopter des attitudes qui seront non pas guidés par l’adulte qu’ils sont mais pas leur petit Enfant qui est toujours empreint de sa perception enfantine de la vie.

Généraliser me semble peu pertinent car les paramètres sont tellement différents et spécifiques selon les histoires que je ne peux me résoudre à rédiger une pensée commune pour chaque parent. Ce que je souhaite juste en dire est que cela peut se traduire de différentes manières dans la relation parent-enfant (compétition de besoins, parentification, méconnaissance des besoins de son enfant, projections de son propre Enfant, etc.).

Le Parent du parent

De même, les parents aujourd’hui ont eu des parents, des éducateurs, des professeurs (etc.) qui ont marqué leur enfance. Des personnes qui adoptaient tel ou tel comportement face à l’enfant, face au monde, face aux autres, face à lui-même. Des personnes qui ont eux-même eu des sentiments. Ce sont toutes les croyances, valeurs, émotions, représentations des figures parentales qu’a contacté l’enfant. Celui-ci les a introjectés, de manière juste ou interprétée selon sa perception enfantine de la situation. A l’âge adulte, ces introjections restent présentes et l’adulte peut les considérer comme des réalités.

Exemples : 
Une mère qui disait à ses enfants : « Il n’y a que la fessée pour te faire comprendre les choses »
Un père qui exprime une croyance profonde : Que les enfants n’ont pas leur mot à dire et que ce sont aux parents de leur inculquer la vie en leur faisant respecter l’autorité
Un oncle qui se sent impuissant face aux comportements de ses enfants et qui a tendance à céder à leurs désirs
Une grand-mère qui dit à qui veut bien l’entendre : « Les enfants, il faut les chérir. Moi, je passe après, c’est pas important ! »
Il y a autant d’exemples que de relations sur cette terre.

(Pour en savoir plus sur les états du moi, cliquez ici)

En résumé…

Pour résumer ces quelques paragraphes, je dirai que :

  • Chaque protagoniste tient un rôle dans le Triangle Dramatique. On ne joue pas seul.
  • Les enfants d’aujourd’hui sont accusés de persécuter leurs parents et les parents sont souvent montrés comme des victimes de ces enfants.
  • Les médias prennent un peu la forme du sauveur et se positionnent ainsi en « personnes qui savent » face à l’autre qui ne sait pas. Le message envoyé est : « Laisse-moi faire, tu n’es pas capable, je suis plus compétent que toi » et prive ainsi la Victime de contacter et développer ses propres ressources. Ce rôle de Sauveur est parfois endossé par certains psys ou professionnels de la relation d’aide ou de l’enfance (et je ne parlerai pas ici du système social de l’aide à l’enfance… il y a aurait beaucoup à en dire !)
  • On peut émettre l’hypothèse que les réelles personnes qui mettent les parents en difficulté, ce sont en fait eux-mêmes, à travers leurs propres représentations de la vie, leurs propres croyances, leurs propres émotions enfouies qui biaisent l’image qu’ils ont de leurs enfants et qui entravent la qualité de la relation qu’ils ont avec eux.

Pourquoi est-ce si important ?

Lorsque l’on se considère comme Victime et que l’on se complait (consciemment ou pas) dans ce rôle, on méconnaît ses propres responsabilités dans la situation et surtout sa propre capacité à résoudre son problème.
Si ce sont les enfants qui sont réellement les persécuteurs de leurs parents, il apparaît en effet encore plus compliqué de reprendre la responsabilité de la situation puisque « ce n’est pas de notre faute ! ».
Si par contre nous acceptons de voir que nous avons une part de responsabilité dans ce qui se joue avec nos enfants, si nous acceptons de nous réapproprier notre histoire et à ne pas l’attribuer à nos enfants, nous nous donnons toutes les chances de pouvoir changer.

Parce que le changement doit avant tout venir de nous.

 » Tout changement implique le changement de soi car si l’être humain ne change pas lui même,il ne pourra changer durablement le monde dont il est responsable » – Pierre Rabhi

Le débat sur la fessée fait beaucoup parler depuis quelques mois. Et beaucoup de parents s’intéressent à l’éducation dite bienveillante ou positive. Mais cette éducation n’a pas de bienveillant que le nom, elle doit être, selon moi, non pas appliquée comme une « nouvelle méthode éducative à la mode » mais plutôt vécue de l’intérieur, considérée comme une manière d’être avant d’être une manière de faire. Les conséquences dont parle le premier article que je vous ai proposé en début d’article montrent bien comment les parents ont mis de côté leurs responsabilités parentales pour « faire plaisir » à leurs enfants et « céder » à leurs désirs. Ce n’est certainement pas la bonne alternative. La bonne alternative vient de l’intérieur, d’une relation gagnant-gagnant dans laquelle l’enfant reste à une place de petit être qui découvre le monde, guidé par un adulte en lien avec ses limites/besoins/émotions.

Recontactons nos propres ressources et notre Puissance, reprenons la responsabilité de notre vie

Connaissez-vous l’ »antidote » du triangle dramatique ?

Le Triangle des « 3 P » :

  • Puissance : recontacter nos ressources internes, reprendre confiance en notre capacité à vivre notre vie en pleine conscience
  • Protection : poser des repères sécurisants pour une relation dans laquelle les limites de chacun seront reconnus et respectés
  • Permission : se donner la permission d’être soi-même, de faire des choix qui sont bons pour nous

Plus concrètement, pour un parent, il s’agit de :

  • Reprendre contact avec notre Enfant intérieur. Réapprendre à écouter nos émotions, à décrypter nos besoins et à savoir faire des demandes. La Communication Non Violente est une approche très intéressante pour cette étape qui demande du temps, de l’introspection, de l’empathie envers soi pour accéder à des relations authentiques de soi à soi et de soi envers les autres.
  • Repérer quelles sont nos limites et savoir les exprimer / Entendre, reconnaître les limites de l’autre et les accepter. Cela me fait penser à l’attitude gagnant-gagnant de Thomas Gordon
  • Apprendre à se détacher de ses croyances scénariques et développer une vision du monde réajustée par rapport à notre regard d’Adulte conscient de lui et de l’autre. Accéder à l’autonomie qui est un concept clé de l’analyse transactionnelle.

Bien sûr, tout cela reste théorique et la meilleure manière d’accéder à un changement est d’expérimenter, de vivre, de faire des rencontres, de s’écouter, de lire… de Vivre.Ce sont des pistes, parmi tant d’autres, qui peuvent nous aider à nous réapproprier notre responsabilité d’adulte et d’éviter de faire porter à nos enfants le poids de notre histoire.

Il n’existe pas une bonne manière d’éduquer un enfant, si ce n’est celle d’avoir déjà pris le temps de s’éduquer soi-même.

N’hésitez pas à commenter cet article en exprimant ce qu’il vous évoque, en remettant en question des propos qui y sont écrits, en ajoutant des pistes, en précisant vos incompréhensions… de manière à la fois d’échanger ensemble et en même temps de me permettre d’améliorer ma manière d’écrire et d’exprimer ma pensée.

A bientôt !

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