Face au déluge de documents communiqués via l’ancien consultant américain de la NSA, Edward Snowden, au coeur d’un imbroglio mondial digne des meilleurs romans d’espionnage, Bruxelles a averti même de possibles conséquences sur la négociation d’une zone de libre-échange transatlantique. « Entre partenaires, on n’espionne pas ! », a lancé dimanche au Luxembourg la commissaire européenne à la Justice, Viviane Reding. « On ne peut pas négocier sur un grand marché transatlantique s’il y a le moindre doute que nos partenaires ciblent des écoutes vers les bureaux des négociateurs européens », a-t-elle estimé, en réclamant que les Etats-Unis « dissipent ces doutes très rapidement ».
La Direction nationale du renseignement américain (ODNI), qui chapeaute les 17 agences de renseignement du pays dont la NSA, a indiqué dans un communiqué transmis à l’AFP que les Etats-Unis répondront de façon appropriée à l’UE et à ses Etats membres par les canaux diplomatiques.
De son côté, le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, a jugé sur une chaîne de télévision belge que l’affaire serait «très grave» si ces allégations étaient confirmées.
« Clarté, vérité et transparence: c’est ce qu’on peut et doit attendre de nos amis et alliés. Les explications américaines sont nécessaires et urgentes », a affirmé sur son compte Twitter le commissaire français, Michel Barnier.
La France a elle aussi demandé des explications dans les plus brefs délais. « Ces faits, s’ils étaient confirmés, seraient tout à fait inacceptables », a déclaré le chef de sa diplomatie, Laurent Fabius. La ministre française de la Justice, Christiane Taubira, est allée plus loin, en estimant que si Washington avait bel et bien mené les opérations d’espionnage décrites par le Spiegel, ce serait «un acte d’hostilité inqualifiable». Pour son homologue allemande Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, qui a elle aussi réclamé des explications «immédiatement et en détail, ce n’est pas sans rappeler des actions entre ennemis pendant la Guerre froide».
Selon le Spiegel, le programme était constitué non seulement de micros installés dans le bâtiment de l’UE à Washington, mais aussi d’une infiltration du réseau informatique qui lui permettait de lire les courriers électroniques et les documents internes. La représentation de l’UE à l’ONU était surveillée de la même manière, toujours selon ces documents, dans lesquels les Européens sont explicitement désignés comme des «cibles à attaquer».
Et les dernières révélations du Spiegel dimanche risquent d’enflammer l’opinion allemande, très sensible sur les questions de protection de vie privée.
L’Allemagne est en effet « le pays européen le plus surveillé » par la NSA, avec 500 millions de connexions téléphoniques et Internet enregistrées mensuellement, assure le magazine, qui explique qu’une journée «normale» d’espionnage concerne environ 15 millions d’appels téléphoniques recensés en Allemagne, contre environ deux millions quotidiennement en France.
L’Allemagne, comme la France, sont considérées par la NSA comme moins fiables que le Canada, la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, explique aussi Der Spiegel se fondant sur ces documents.