L'arrière boutique.
- Par Thierry LEDRU
- Le 23/06/2013
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Note de lecture
Titre :
Avis général sur le texte : Une vie brisée, un regard acide sur la société, une errance de plus en plus grande, des tentatives d’intégration avortées, des amitiés perdues, des amours gâchés, la destruction entretenue par des drogues de plus en plus dures, une désespérance associés aux mensonges de famille, au rejet parental, aux silences, aux non-dits, aux secrets les plus lourds…Le néant effroyable d’une vie.
Dans le tableau ci-dessous, points positifs / points négatifs :
+ |
– |
Une puissance indéniable dans le récit, froid, dur, violent, une désespérance progressive, une fin inéluctable, les relations humaines, les silences, les mensonges, les secrets familiaux. |
Les phrases surlignées en jaune doivent absolument être reprises. Il est inutile de vouloir faire de grandes tirades dans ce registre littéraire, le décalage avec l’histoire brise parfois le rythme mais rien de rédhibitoire. |
Une narration cinématographique, des réflexions parfaitement imbriquées dans le scénario, des pensées redoutables, destructrices. |
Il manque des virgules dans les phrases de type : Comp CIR+ GS+V+COD. Le Comp CIR DOIT être isolé par une virgule. |
La dégradation humaine, nourrie par des règles sociales qui conduisent les êtres au désenchantement, à la haine, au rejet, à l’errance. Une noirceur effroyable… |
Un titre qui ne parle pas, trop neutre au regard de la noirceur de l’histoire. « Inéluctable » conviendrait mieux, par exemple. |
Notation (de 0 à 5)
Ecriture (niveau de langue) :
Orthographe : 4
Intérêt de l’histoire : 5
Personnages : 5
Qualité de l’intrigue : 5
Conclusion :
(en quelques lignes, avec avis de publication ou pas)
Une qualité narrative indéniable : les sentiments, le mal être, la routine, la lassitude, les ruptures familiales, sociales, une société qui broie, humilie…Une capacité à maintenir une tension parfois insoutenable, la certitude des drames à venir, des flash back très bien construits, des révélations qui surgissent et éclairent le lecteur. Les relations père-fils, patron-ouvrier, mère-fils, les amitiés, les amours brisés…Rien ne peut sauver ces individus…Des scènes extraordinairement bien racontées (la mort de Pierre), des phrases couperets, tristes à pleurer, des violences ravalées qui nourriront les actes futurs, toujours plus loin dans les noirceurs, des flics violeurs qui finissent séropositifs et qui se flinguent…Une alternance magnifique entre les situations et les conclusions qui s’imposent, inéluctables. C’est le plus effrayant dans ce récit : tout devient inéluctable. Jusqu’au suicide…Finalement dans cette histoire, aucune vie ne vaut la peine d’être vécue, tant la peine qu’elle impose est destructrice…Terrifiant.
Avis très positif.
Voilà un exemple des fiches de lecture que j’écris pour mon éditeur.
Une réflexion qui s’impose.
J’ai eu la chance d’être directement contacté par Numeriklivres pour la publication de « À cœur ouvert ». Je sais pourtant que beaucoup d’auteurs se tournent vers l’édition numérique par dépit, que les refus des maisons classiques s’entassent sur leur bureau.
S’il en est de même pour ce roman, comment expliquer les refus ? Rien ne peut les justifier. C’est remarquablement bien écrit, même si quelques passages méritent d’être encore travaillés. Alors, quel est le problème ?
C’est très simple : cet auteur est inconnu. Comme moi et les milliers d’autres en France qui ne parviennent pas à décrocher le Graal. Un éditeur parisien me l’a dit un jour : « Vous écrivez très bien mais vous avez un gros défaut. Vous ne vivez pas à Paris et personne ne vous connaît. » Ça avait le mérite d’être clair.
Il n’est qu’à voir le lynchage en direct orchestré par l’équipe de Ruquier envers une auteur qui a été publiée après un beau parcours sur un site littéraire. Une petite maison d’édition, aucun contact médiatique, aucun « sponsor people », les chroniqueurs s’en sont donnés à cœur joie. Eux, ils savent, eux, ils jugent, ils sont les maîtres à penser, ils détiennent le pouvoir…
Il reste donc l’édition numérique. Mais l’image qui lui est associée est celle d’une arrière boutique, des recoins sombres et malodorants, des produits délaissés qui tentent de survivre… C’est consternant mais très bien entretenu par les maisons classiques qui ne veulent pas lâcher l’os qu’elles rognent depuis des décennies. « Vous êtes publiés en numérique ? Bon, alors, c’est que ça ne vaut rien. »
Il semblerait donc que je ne sache pas écrire. Les médias que j’ai contactés ne répondent même pas. Pour eux, je ne suis pas un auteur digne de ce nom. Et puis de toute façon, pourquoi iraient-elles s’intéresser à un auteur inconnu ? Qu’est-ce que ça pourrait leur rapporter ? Et des romans à visées philosophiques en plus ! N’importe quoi…Le roman que je viens de lire par exemple ne les intéressera pas : « Une vision cauchemardesque de la société ? Non, mais vous n’allez pas bien, mon bon monsieur, c’est invendable ! »
La réussite, la voilà :
« Cinq nuances de Grey », meilleures ventes sur Fnac, Amazon et autres.
Résumé :
Romantique, libérateur et totalement addictif, ce roman vous obsédera, vous possédera et vous marquera à jamais.
Lorsqu’Anastasia Steele, étudiante en littérature, interviewe le richissime jeune chef d’entreprise Christian Grey, elle le trouve très séduisant mais profondément intimidant. Convaincue que leur rencontre a été désastreuse, elle tente de l’oublier, jusqu’à ce qu’il débarque dans le magasin où elle travaille et l’invite à un rendez-vous en tête-à-tête.
Naïve et innocente, Ana ne se reconnait pas dans son désir pour cet homme. Quand il la prévient de garder ses distances, cela ne fait que raviver son trouble.
Mais Grey est tourmenté par des démons intérieurs, et consumé par le besoin de tout contrôler. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, Ana découvre ses propres désirs, ainsi que les secrets obscurs que Grey tient à dissimuler aux regards indiscrets?
Consternant…
Alors qu’en est-il pour ces quelques auteurs qui parviennent à entrer malgré tout dans des petites structures classiques, qui tiennent dans leurs mains leur ouvrage en papier. Et bien, ils les vendent à leur famille, à leurs amis, ils vont dans des salons et tentent d’intéresser une dizaine de lecteurs. Deux paramètres rédhibitoires : Personne ne les connaît et un roman-papier, ça coûte cher. Peu de gens sont prêts à payer quinze euros un auteur inconnu. Au moins, quand ils achètent du Lévy ou du Musso ou n’importe qui d’autre dont ils entendu parler à la télé, qui ont eu un article dans le Figaro ou autres boîtes soudoyées, ils sont rassurés…Ils entretiennent bien entendu l’abattoir littéraire, ils n’entendront jamais parler de tous les auteurs mort-nés. C’est de la cul-ture. Nabila sait se vendre, elle, et sa petite entreprise rapporte gros. Denisot qui l’invite au Grand Journal…On s’enfonce dans la fange…
Donc, il me reste à virer transsexuel, à me faire greffer deux lolos ou bien à enlever mes élèves, à éviscérer mon Inspecteur, enfin, à tenter par tous les moyens de passer dans la lucarne.
Revenons au numérique.
Le prix des romans est abordable comparé au livre papier mais soit les lecteurs ne sont pas prêts à franchir le pas technologique, soit ils ne connaissent pas l’auteur. Retour à la case départ.
Qui a acheté mon roman ces derniers jours ? Les gens qui ont lu mon blog ? Les gens qui me connaissent un peu ? (vu que je ne vois absolument personne, ça limite grandement…)
Je ne passe pas dans le Figaro magazine, Denisot n’a jamais entendu parler de moi, je ne gonflerai pas l’audimat. Fin de l’histoire.
Si je regarde sur Amazon, les livres numérisés existent déjà en papier. Dans ce sens-là, l’exploitation commerciale est possible et le transfert technologique intéresse les éditeurs. S’il ne s’agit que d’un roman numérisé, c’est comme s’il n’existait pas. Il faut rester lucide…
Y a-t-il une solution ?
Oui.
Elle passe par les lecteurs. C’est à eux de sortir des sentiers balisés, des tranchées dirais-je…C’est à eux d’entrer en résistance au lieu de collaborer aveuglément. Le même phénomène existe avec la télévision ou la musique.
Peut-on l’envisager, y a-t-il un espoir ?
Ou alors, si je ne sais pas écrire, qu’ils me le disent et qu’on en finisse. J'écrirai juste pour moi. J'aime bien ce que j'écris. C'est déjà pas mal. Il m'aura fallu vingt ans pour y parvenir.
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