L'école.
- Par Thierry LEDRU
- Le 23/04/2011
- 1 commentaire
Tout ce qu'il conviendrait de faire. Et il y a urgence...
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DEI-France
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LETTRE OUVERTE
A Monsieur Eric DEBARBIEUX
Saint-Denis, le 22 avril 2011
Objet : Assises nationales sur le harcèlement à l’Ecole / 2 et 3 mai 2011
Monsieur,
DEI-France est une association – section française de l’ONG Défense des enfants International, habilitée auprès des Nations Unies – qui promeut la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et milite donc de façon globale et pluridisciplinaire pour le respect des droits des enfants à être protégés – contre toute violence notamment – en même temps que pour leurs droits à participer à leur éducation et à exercer progressivement leurs libertés, qui sont des gages évidents d’une meilleure protection. C’est dans cet état d’esprit que deux de nos membres ont été signataires de la « lettre ouverte » qui a été adressée au ministre de l’Education nationale en janvier sur le sujet, et que nous participerons aux prochaines Assises sur le harcèlement à l’Ecole.
Nous avons pris connaissance avec intérêt de l’étude de victimation que vous avez réalisée avec Georges FOTINOS à la demande d’UNICEF-France sur les violences dans les écoles primaires. Nous sommes heureux qu’enfin une étude sociologique donne directement la parole aux enfants pour recueillir leur « expertise » sur ce qu’ils vivent au quotidien. Nous apprécions également qu’une étude similaire ait été lancée par le ministre dans les collèges dont nous pensons qu’ils cristallisent plus encore que l’école primaire ces phénomènes de violences et de harcèlement.
Dans la perspective de la mise en débat, à l’occasion des prochaines Assises des 2 et 3 mai sous votre caution scientifique, de propositions pour lutter contre les phénomènes de harcèlement entre pairs dans l’institution scolaire, nous souhaitons attirer votre attention sur les écueils suivants :
- S’il est indispensable de trouver des solutions pour prévenir et lutter contre les phénomènes de harcèlement entre pairs, il ne faut pas oublier pour autant toutes les autres formes de violences auxquelles sont confrontés les élèves, parfois même du fait de l’organisation de l’institution scolaire, dont les acteurs soulignent de plus en plus les tensions professionnelles et les déficits de formation auxquels ils sont eux-mêmes exposés.
- Il y a lieu de ne pas se désintéresser non plus des situations où des élèves - en l’absence de tout comportement violent apparent - retournent contre eux-mêmes la violence qu’ils ressentent, et l’expriment par des comportements d’autoagressivité voire d’autodestruction ou encore de désinvestissement, d’évitement et de repli. Moins perturbateurs pour la communauté scolaire, ces enfants n’en sont pas moins, eux aussi, en réel danger.
- Enfin et surtout, s’il faut viser à repérer, pour mieux les accompagner, les victimes et les auteurs potentiels de ces violences, il ne faut pas en rester, dans la recherche des causes comme des solutions, à une approche strictement individuelle : il y a lieu bien sûr de faire prendre conscience aux élèves de leur responsabilité individuelle, y compris au sein de groupes, mais il n’en reste pas moins vrai que les causes essentielles de ces phénomènes de harcèlement sont collectives, comme les solutions d’ailleurs.
A ce sujet, nous tenons à vous signaler les solutions originales que DEI-France promeut depuis longtemps mais pour lesquelles nous n’avons pas trouvé une oreille attentive de la part des prédécesseurs de Monsieur Luc Chatel[1]. Elles peuvent être résumées dans les quelques items qui suivent :
- Approche et enseignement des fondements du droit dès l’école primaire et, au collège, un enseignement plus poussé de l’organisation de notre système judiciaire et des notions de droit civil et pénal utiles à tout citoyen.
- Une approche et un enseignement particulier aux droits de l’homme, à commencer par les droits de l’enfant, non seulement à être protégé mais aussi à être acteur de son éducation et à exercer progressivement ses libertés – d’expression, d’information, de conscience – aussi bien dans la famille que dans l’école ou dans la cité.
- Sensibilisation des élèves aux phénomènes de groupe, à la gestion des conflits, à la relation à l’autre, à « l’apprivoisement » des différences (handicap, âge, sexe, etc.). Une approche sous des formes actives - théatre forum, expressions artistiques ou autres - permet ainsi des apports plus théoriques comportant, adaptées aux contextes, des notions de philosophie, d’anthropologie, de sociologie, de psychologie, d’éducation sexuelle, à la santé, à la gestion des conflits, etc.
- Une organisation des établissements scolaires – en matière de locaux, de groupes classes, de rythmes scolaires, de vie scolaire, de présence de permanences médicales et sociales, - qui mette en œuvre concrètement les droits de l’enfant à être protégé dans son intimité, sa santé, contre toute forme de violence ou de négligence, mais aussi ses droits à être écouté, pris au sérieux, à avoir un pouvoir sur sa vie en participant, avec l’accompagnement des adultes, aux décisions qui le concernent.
- En matière de discipline, l’élaboration avec les élèves et tous les acteurs de l’établissement de règles de vie connues et valables pour tous mais tenant compte de la « spécificité d’enfant » des élèves[2] ; l’utilisation de sanctions restauratrices plutôt que la mise à l’écart ; le développement et la formation des élèves aux pratiques de médiation entre pairs et une présence d’adultes disponibles et en nombre suffisant, plutôt que le recours à des systèmes de surveillance désincarnés dont on connaît bien les limites.
- S’agissant des méthodes pédagogiques, le développement de méthodes actives et coopératives, du « faire ensemble » aussi bien entre élèves qu’entre élèves et adultes ; la valorisation du travail de l’élève plutôt que de la seule parole de l’enseignant.
- Quant à l’évaluation, l’abandon du système actuel construit sur les notes[3], le classement, le tri entre bons et mauvais, ceux qui réussissent et ceux qui échouent, pour retenir comme objectif principal du nouvel outil d’évaluation l’utilité pour l’enfant de mesurer ses progrès et de lui donner, ainsi qu’à sa famille, les éléments lui permettant de s’orienter au mieux pour la poursuite de ses études et pour sa formation professionnelle.
- La formation de tous les personnels scolaires au développement d’une nouvelle forme d’autorité fondée non pas sur une différence de statut adulte-enfant ou enseignant-enseigné mais sur la capacité de cette autorité à autoriser et pas seulement à interdire, à protéger les élèves, à faire de l’Ecole un lieu « secure » tout en les aidant progressivement à grandir intellectuellement, à s’ouvrir à d’autres cultures que familiale et à acquérir leur autonomie en les accompagnant dans une prise de risque maîtrisée.
- Plus fondamentalement une affirmation forte dans les objectifs de l’école obligatoire, et localement dans les projets d’école et d’établissement, de la volonté de réconcilier « réussite » individuelle et apprentissage du vivre en société, d’éduquer aux notions de bien collectif, de travail en équipe et de promouvoir les valeurs de solidarité [4].
- Une formation indispensable des personnels aux implications éducatives de leur mission de service public, au delà de leur fonction d’enseignant, d’ATSEM, d’ATOS ou de personnel de direction ; et un minimum de connaissance de psychologie des enfants, des situations de handicap, des droits de l’enfant et du rôle des autres acteurs publics de l’enfance et de la famille.
- L’ouverture de l’Ecole sur l’environnement par l’implication des personnels, des enfants et des familles dans l’élaboration d’un projet éducatif territorial et global permettant d’articuler de façon cohérente tous les espaces-temps de l’enfant [5].
Si ces propositions peuvent paraître très générales et parfois éloignées du seul problème des violences et harcèlements entre pairs, elles nous semblent pour autant essentielles : nous sommes convaincus que ces violences et harcèlements trouvent en large partie leur source dans le fonctionnement actuel de l’institution scolaire qui engendre lui-même de la souffrance, de l’exclusion[6] et donc de la négligence et de la violence. Elles sont aussi la reproduction par les enfants de replis identitaires ou de mise à l’écart de la différence dans notre société qui tend à une normalisation de plus en plus forte, quand elle ne disqualifie pas purement et simplement toute une partie de la population qui ne peut avoir accès aux conditions quotidiennes d’une sécurité de base..
Nous espérons vivement que, sous votre caution scientifique, les Assises organisées par le ministre de l’Education nationale sauront éviter les écueils d’une réduction de la violence à l’Ecole aux seuls phénomènes visibles de harcèlement entre pairs et d’un oubli des responsabilités collectives et institutionnelles en la matière ; qu’elles déboucheront aussi sur des propositions de solution qui, loin des systèmes de surveillance déshumanisés, et bien au delà des seuls dispositifs de repérage individuel des auteurs ou victimes de harcèlement, sauront s’attaquer aux causes profondes et collectives de ces violences que malheureusement les orientations du gouvernement ces dernières années, en termes d’effectifs et de formation des personnels, de scolarisation des 2-3 ans, de modification des textes sur la discipline, de responsabilisation à outrance des parents ou les discours nostalgiques sur une autorité à l’ancienne n’ont fait qu’accroître.
En vous remerciant de l’attention que vous voudrez bien porter à cette lettre, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de ma haute considération
Jean-Pierre ROSENCZVEIG,
Président
Copie à : M. Georges FOTINOS et M. Jacques HINTZY, président d’UNICEF-France
[1] Nous avons rencontré un conseiller du Ministre Xavier DARCOS en février 2008 : cf lettre adressée le 10 mars 2008:
http://www.dei-france.org/DEI-communiques-commentaires/2008/Lettre_MEN_13-03-2008.pdf
Voir aussi les recommandations de notre rapport alternatif au Comité des droits de l’enfant au chapitre éducation loisir et culture :
http://www.dei-france.org/rapports/2008/index_rapport2008.html
[2] Comme il en existe déjà dans certaines écoles primaires, par exemple l’école Marie Curie à Bobigny.
[3] Cf la proposition de L’AFEV et d’autres associations dans le domaine scolaire :
[4] Voir l’Appel de Bobigny signé par plus de 40 organisations : syndicats, réseaux de villes, associations complémentaires de l’Education Nationale et d’éducation populaire, associations de parents…
[5] Cf la proposition n°10 de l’appel de Bobigny
[6] Voir les conclusions de la journée du refus de l’échec scolaire 2010 organisée par l’Association de la fondation étudiante pour la ville : http://www.afev.fr/communication/Bilan_jres_2010_AFEV_web.pdf
Commentaires
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- 1. Lajotte Françoise Le 23/04/2011
Et si on ne faisait pas crouler de plus en plus les familles sous des fardeaux engendrés par tous les derniers gouvernements, elles demeureraient solides et ouvertes et personne n'aurait à les pointer du doigt!Entre autre...
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