L'élastique

Le lien qui unit un enfant à ses parents pourrait prendre la forme d'un élastique.
C'est l'enfant qui est en avant, les parents le suivent.
C'est lui qui trace son chemin, influencé certainement par les commentaires des parents.
Les parents se doivent d'accompagner l'enfant, faire en sorte que l'élastique ne soit pas inconsidéremment tendu.
Des parents qui resteraient figés dans leur peur et chercheraient à retenir l'enfant génèreraient une tension qui irait immanquablement en s'amplifiant.
L'enfant, l'ado, le jeune adulte ne peut pas rester sur place, il faut qu'il avance. Nécessairement il s'éloignera.
Soit les parents l'accompagnent, le soutiennent, le conseillent, gèrent eux-mêmes leurs craintes sans les transmettre, et dès lors ils font en sorte que le lien ne soit pas une tension mais un contact, soit ils refusent cette évolution, il s'ancrent dans leurs certitudes, ils se nourrissent de leurs peurs et les transmettent. L'élastique va se tendre, se tendre irrémédiablement. Aucune avancée ne peut être stoppée sinon par la mort. L'enfant devra lutter pour s'éloigner, pour répondre à l'appel des horizons, sa route sera chaotique car il devra sans cesse lutter contre la tension qui le retient.
Les ressentiments, les conflits, les incompréhensions, les colères, finiront par s'achever dans la rupture.

L'élastique sera brisé.
Personne ne s'en remettra jamais.

Il ne faut pas tendre l'élastique, il faut suivre le mouvement. C'est nous qui suivons les enfants et pas l'inverse. Comme le dit Khalil Gibran, "la vie ne va pas en arrière".
Si l'élastique à force d'être tendu se rompt, tout le monde en souffre.
Les parents diront :
"Avec tout ce qu'on a fait pour toi, on t'a protégé de tout..."...
Et l'enfant répondra :
"Avec tout ce que m'avez empêché de faire, vous m'avez privé de tout ce que je devais découvrir."

Les parents souffriront de cette absence de reconnaissance, l'enfant souffrira de ce qu'il est devenu et de la souffrance qu'il fait subir à ses parents. Double peine...

Il en est de même dans la relation de couple. Il ne s'agit pas que l'un suive l'autre, ça serait désastreux mais que l'un et l'autre ajuste la souplesse du lien qui les unit. Il ne s'agit pas d'un enchaînement mais d'un attachement spirituel, non pas une dépendance mais un accompagnement parallèle qui va être nourri par l'amour et l'attention de chacun. Les périodes de relâchement sont des périodes de repos, des moments de validation des découvertes de chacun, des partages. Lorsque l'un reprend sa route, l'éloignement s'installe mais la souplesse du lien joue son rôle. C'est lorsque la rigidité s'installe que le risque de brisure prend forme. Comme un élastique usé par les intempéries, décharné, fragilisé par les conditions de vie. C'est la rigidité spirituelle qui entraîne l'affaiblissement du lien parce que l'éloignement, l'évolution de l'autre n'est plus supportée, qu'elle est perçue comme une trahison, une menace. L'élastique est perçu dès lors comme une entrave au lieu d'être une opportunité de retrouvailles et de partages.

Il est facile, bien évidemment, d'envisager que cette rigidité spirituelle est la résultante d'une enfance bridée par un élastique qui n'était qu'une entrave. Reproduction du schéma, puissance du conditionnement, jusque dans le traumatisme.

Tout chemin de vie commence par une enfance. La suite n'est qu'un prolongement joyeux et confiant ou l'enchaînement de misères renouvelées. 

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