La civilisation de l'entraide
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/05/2022
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La question est simple : Qui serait le plus à même de survivre à une époque considérablement chaotique ? Réponse : ceux qui s'entraident. C'est la raison première qui a conduit notre espèce humaine, fragile au premier abord, à avoir réussi à occuper l'ensemble de la planète et à avoir appris à en retirer tous les bénéfices. Au détriment de la planète elle-même, c'est là tout le problème. Peut-être devrons-nous donc repasser par la case départ pour retrouver le fondement même de l'humanité.
« Il y a des années, un étudiant a demandé à l’anthropologue Margaret Mead ce qu’elle pensait être le premier signe de civilisation dans une culture. L’étudiant s’attendait à ce que Mead parle d’hameçons, de casseroles en terre cuite ou de moulins en pierre. Mais ce ne fut pas le cas.
Mead a dit que le premier signe de civilisation dans une culture ancienne était un fémur cassé puis guéri. Elle a expliqué que dans le règne animal, si tu te casses la jambe, tu meurs. Tu ne peux pas fuir le danger, aller à la rivière boire ou chercher de la nourriture. C’est n’être plus que chair pour bêtes prédatrices. Aucun animal ne survit à une jambe cassée assez longtemps pour que l’os guérisse. Un fémur cassé qui est guéri est la preuve que quelqu’un a pris le temps d’être avec celui qui est tombé, a bandé sa blessure, l’a emmené dans un endroit sûr et l’a aidé à se remettre.
Mead a dit qu’aider quelqu’un d’autre dans les difficultés est le point où la civilisation commence. »
L'entraide n'est pas une valeur. La coopération est un mode adaptatif, une stratégie sélectionnée dans l'évolution pour les avantages qu'elle peut aussi procurer dans l'optimisation de la capture d'énergie et la domination.
Extraits de l'article :
"L’être humain, de nos jours, est seul, et c’est exceptionnel. Durant la majorité de notre existence en tant qu’Homo sapiens, nous avons partagé la planète avec toutes sortes d’autres espèces humaines. À l’époque où notre lignée a commencé à évoluer, en Afrique, il y a environ 300 000 ans, on en comptait au moins cinq autres. Et s’il avait fallu parier sur la survie d’une seule de ces espèces, vous n’auriez peut-être pas misé sur nous.
En fait, c’étaient plutôt les Néandertaliens qui semblaient les mieux lotis, eux qui s’étaient déjà adaptés à la vie sous des climats plus rigoureux et s’étaient répandus dans une grande partie de l’Eurasie. Ou Homo erectus, qui s’était installé avec succès dans le sud-est de l’Asie. En comparaison, nos ancêtres Homo sapiens étaient les derniers arrivés, et il leur faudrait attendre encore plus de 200 000 ans avant de s’implanter ailleurs qu’en Afrique. Pourtant, il y a 40 000 ans, voire moins, nous étions les seuls humains encore en vie. Pourquoi ?
Survie du plus aimable
Bien des hypothèses ont été avancées : la puissance de notre cerveau, le langage, ou la chance, tout simplement. Aujourd’hui, une nouvelle idée se fait jour pour expliquer notre domination. Curieusement, ce sont peut-être certaines de nos plus grandes vulnérabilités – notre dépendance vis-à-vis des autres, notre aptitude à la compassion et à l’empathie – qui nous ont donné l’avantage."
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Nouer des relations
L’archéologue Penny Spikins, de l’université de York, au Royaume-Uni, propose une nouvelle explication. Elle pense que ce sont nos fragilités et notre nature émotive qui nous ont conféré l’avantage : “Notre besoin affectif nous a poussés à entrer en contact avec les autres.” Et plus nous avons étendu notre réseau, plus nous sommes devenus résistants, ce qui nous a permis de prospérer dans bien des environnements différents.
Cet investissement dans l’attention a produit des bénéfices tant pour le groupe que pour l’individu. Penny Spikins précise :
“Cela a permis à l’être humain de chasser des animaux dangereux tout en vivant avec les conséquences en matière de risques de blessures. Et cela a allongé la durée de vie, donnant aux grands-parents la possibilité de s’impliquer dans l’éducation des plus jeunes et de leur transmettre leur savoir et leurs compétences.”
Plus on se rapproche de notre époque, plus l’archéologie nous apporte des preuves de ces bénéfices, et l’on voit que les hommes chassaient des animaux plus grands qu’eux et coopéraient pour s’attaquer à une faune particulièrement dangereuse, comme le rhinocéros laineux, le mammouth et le grand buffle du Cap [Pelorovis antiquus].
Augmenter ses chances de survie
Mais, dès son apparition, Homo sapiens a perfectionné ces compétences collaboratives et a commencé à interagir de façon considérable avec d’autres individus que les membres de son groupe – ce qui n’avait encore jamais été vu. On ne sait pas ce qui a motivé cette évolution, mais d’importantes variations climatiques en Afrique ont pu rendre l’existence difficile et ceux qui collaboraient avaient peut-être plus de chances de survie.
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Les Homo sapiens se seraient « domestiqués » eux-mêmes
Qui plus est, ces mêmes mutations peuvent expliquer pourquoi les Néandertaliens sont parfois décrits comme ayant l’air de brutes, avec leurs arcades sourcilières épaisses et leur mâchoire robuste. Penny Spikins commente :
“Non seulement ces changements génétiques nous ont rendus moins agressifs, mais ils ont apparemment pour résultat des caractéristiques physiques qui nous font paraître moins menaçants.”
En fait, nos ancêtres Homo sapiens se seraient apparemment “domestiqués” eux-mêmes. Les découvertes archéologiques confirment que l’adoucissement des traits de notre visage, avec le développement de crânes plus petits, de maxillaires moins proéminents et de dents plus petites, commence à se produire dans notre lignée il y a environ 300 000 ans."
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