Le mental et l'esprit.
- Par Thierry LEDRU
- Le 30/11/2009
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C’est parfois par un « éveil » brutal que l’individu s’ouvre à une conscience plus élargie. Quelque chose survient qui dévoile l’essence profonde de l’être, l’individu est comme saisi ou arraché à ce qu’il était et accède à autre chose. La dureté de ce qu’il vit fait qu’il n’a pas le choix. C’est un saut dans l’inconnu et il ne le maîtrise pas. Freud parle de « l’inquiétante étrangeté », Maslow d’une « expérience paroxystique », Krishnamurti de « l’êtreté », Mircéa Eliade « du surgissement du sacré », Michel Hulin de « la mystique sauvage », Romain Rolland « d’un sentiment océanique »…Ce sont des moments de flashs existentiels…
Ca peut prendre la forme d’un drame mais également d’une situation plus banale, comme une écoute musicale, un paysage, un regard, un coup de foudre... Sauf que cette fois, ça n’est pas perçu par le mental, à travers des références éprouvées mais à travers une émotion paroxystique qui n’a pas de source connue, un embrasement, un « décrochage » au sens littéral. L’individu identifié n’est plus là, c’est une autre entité qui se révèle. Il s’agit bien entendu toujours du même individu, rien ne descend en lui, tout est déjà là mais c’est comme si toutes les « barrières mentales » avaient volé en éclat. Bien évidemment ce flash a des conséquences immenses, un bouleversement complet, durable…Il n’est pas toujours simple de le gérer d’ailleurs. La cassure avec l’environnement connu peut plonger l’individu dans un isolement qui peut sembler névrotique…Dès lors la peur risque de bloquer l’évolution, la peur de perdre ses repères, ses relations…Il suffit de regarder le nombre « d’expériencers » (survivants de NDE). Beaucoup se taisent et s’efforcent même parfois de tout nier, de tout oublier.
Cet état dé-mentalisé, je le perçois comme l’irruption de l’esprit, une fulgurance bouleversante. L’individu n’a aucun point de repère, aucune connaissance qui lui permette de comprendre ce qu’il a vécu et perdure en le laissant dans un état de réception qui frise parfois l’intolérable. Ca n’est pas nécessairement agréable tellement c’est déstabilisant…Le problème vient du fait que l’individu cherche à comprendre, à analyser, à identifier, à classifier, il alterne entre l’euphorie et l’inquiétude. C’est là que le lâcher prise prend toute son importance.
« Laisse la vie te vivre, elle sait où elle va. »
Cette phrase qui s’est imposée à moi m’a apaisé, considérablement. J’ai arrêté de chercher à comprendre. Le mental n’avait rien à faire là. Il n’avait aucun rôle à jouer, il ne pouvait être qu’une entrave. Cette conscience « élargie » s’est installée dès lors. De l’individu torturé, je suis passé à un état de détachement. Enormément de problèmes ont disparu. Au point que j’ai retrouvé mon intégrité physique sans que le monde médical ne puisse l’expliquer.
L’esprit.
Qu’est-ce que c’était ? Qu’est-ce qui s’était révélé ainsi ? D’où venait cette perception de la vie qui m’avait toujours échappé ?
Gurdjieff parle de quatre niveaux de conscience :
Le sommeil nocturne
L’état de veille ordinaire (champ d’investigation du mental)
Conscience du Soi
Conscience objective.
Selon Gurdjieff, l’individu existe essentiellement dans les deux premiers états de conscience et connaît par ouïe dire le quatrième, que les Traditions orientales appellent « état de grâce, nirvana, illumination »…Mais ce niveau de conscience objective reste inaccessible à l’homme ordinaire si le goût et la saveur du troisième état, celui de la conscience de soi, lui sont inconnus.
« Chaque pensée, chaque sentiment, chaque sensation, désir, attirance ou répulsion constitue un « moi ». Ces « moi » ne sont réellement ni coordonnés ni reliés entre eux. Ils sont même parfois en totale opposition…Chacun d’eux dépend d’un changement de circonstances extérieures et d’impressions reçues. Dans la plupart des cas, l’homme croit au dernier « moi » qui s’est exprimé et cela tant qu’il dure, c'est-à-dire tant qu’un autre « moi » parfois sans lien avec le précédent n’exprime pas plus fortement son opinion et ses désirs. Ces « moi » forment l’égo. »
Il n’y a donc pas d’unité mais un amalgame de « moi ». Ils peuvent être très performants et capables de réaliser de grandes choses, il n’est pas question de les renier, mais dans cet état anarchique l’individu souffre, inconsciemment ou pas, d’une étrange nostalgie, une impression indéfinissable d’avoir égaré une part de lui-même…Cette tristesse inexplicable qui nous saisit parfois sans raison connue. L’esprit ? On la rejette en raisonnant, « allez, reprends-toi, t’as du boulot, t’as aucune raison d’être comme ça, etc… »
La raison…Je ne l’aime pas celle-là. Rien à voir avec ce que j’appelle « la vigilance ». La raison est très éducative alors que la vigilance est une écoute attentive de soi. En dehors des paramètres sociaux, des regards de l’autre. Je suis vigilant à mon être intérieur et je l’aime, je l’écoute, je lui suis attentif, même si c’est « déraisonnable ».
Joëlle Maurel et René Barbier ont écrit : « Nous définissons la spiritualité comme l’énergie qui pousse l’individu à la transcendance de sa conscience personnelle afin de s’ouvrir à la conscience universelle que nous appellerons l’esprit ou la fonction noétique. »
Le bonheur que j’ai éprouvé en lisant cette phrase…Comme si on me donnait enfin à comprendre cet état étrange, cette « distanciation » dans laquelle je vivais. J’avais une idée plus claire de cet esprit…Je comprenais mieux également cette énergie fabuleuse que j’avais éprouvée à diverses occasions, cette force incompréhensible, pas nécessairement une force physique, même s’il y avait des effets corporels, mais bien davantage une « nourriture » spirituelle, une lucidité incroyable, une perception affinée, un lâcher prise total, quelque chose que je ne saisissais parfois pas dans l’instant mais avec le recul. Je comprenais ces états contemplatifs qui me faisaient pleurer au sommet d’une montagne, dans la solitude lumineuse des horizons intérieurs…
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