Les études scientifiques
- Par Thierry LEDRU
- Le 14/12/2019
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Il existe un problème majeur au regard de l'état de la planète. C'est la lecture qui est faite des études scientifiques.
Ce sont des lectures très souvent tronquées, très fortement résumées, perdant inévitablement de leur impact sur la masse.
Il suffit de lire les articles issus de France info ou d'autres médias "grand public".
Ces études, dans ce format restreint, ne sont pas prises au sérieux. Elles ne deviennent que des "actualités" au même titre que les faits divers et autres situations événementielles alors qu'elles sont bien au-delà du faits divers : elles sont notre avenir et non simplement, notre présent.
Voilà deux jours que je me suis attelé à lire cette étude.
Elle est tellement ardue et complexe pour moi que je ne peux pas l'assimiler à la première lecture. mais je m'accroche parce que je veux comprendre, parce que je veux posséder les connaissances permettant de contredire tous ceux qui tournent en dérision ou veulent ignorer ces études scientifiques, parce qu'il s'agit de la survie de tous et même de ces esprits obtus et limités...
L'étude est si longue que je ne peux pas la transférer intégralement ici...C'est bien souvent la première raison qui fera qu'elle ne sera lue que par d'autres scientifiques et que les autres attendront qu'elle soit résumée sur France Info...
Le site s'appelle "HORIZON 2060". Je ne serai sans doute plus là à cet horizon mais ce "prétexte" à ne rien vouloir savoir est tellement pitoyable et égoïste que j'ai du mal à imaginer que certains individus s'en contentent pour continuer à piller le seul lieu vivant connu actuellement dans tout l'Univers.
http://horizon2060.com/limites-planetaires/
Des limites planétaires en dépassement ?
I DE TOUTES FAÇONS, DES LIMITES
Les éléments de base de l’écosystème terrestre, l’hydrogène, l’oxygène, le carbone, l’azote, le potassium, le soufre se combinent, sous l’influence de l’énergie qui les traverse, pour créer et maintenir la vie. Ces éléments ne sont pas en quantités infinies : ils sont stockés dans des « réservoirs » (l’atmosphère, la lithosphère, l’hydrosphère), et sont constamment recyclés : des producteurs primaires (plantes, phytoplancton), grâce à la photosynthèse, permettent l’existence de producteurs secondaires : animaux, etc. Les décomposeurs de déchets (vers de terre, micro-organismes…) défont la matière organique pour en extraire les matériaux de base, et le cycle recommence.
Les matières et l’énergie utilisées par la population et les usines ne viennent pas de nulle part. Elles sont extraites de la planète. Et elles ne disparaissent pas. Lorsque leur usage économique est terminé, les matières sont recyclées ou bien constituent des déchets et des polluants, et la chaleur inexploitable de l’énergie se dissipe. Les flux de matière et d’énergie proviennent des sources de la planète, passent par le sous-système économique et finissent dans les exutoires de cette même planète sous forme de déchets et de polluants. Le recyclage et des modes de production plus propres peuvent considérablement réduire les déchets et la pollution par unité de consommation, sans pour autant les éliminer totalement. Les hommes auront toujours besoin de nourriture, d’eau, d’air sain, d’un toit et de bien d’autres éléments pour se développer, rester en bonne santé, mener des vies productives et générer à la fois des capitaux et une descendance. Quant aux machines et aux bâtiments, ils auront toujours recours à l’énergie, à l’eau, à l’air, à certains types de métaux, de produits chimiques et de matières biologiques pour pouvoir produire des biens et des services, être réparés et construire d’autres machines et d’autres bâtiments. Or il y a des limites au rythme auquel les sources peuvent produire ce dont nous avons besoin, et les exutoires absorber ces flux sans porter préjudice aux hommes, à l’économie ni au processus de régénération et de régulation de la planète (Meadows, Meadows, Randers, 2012, 97).
Ainsi l’économie humaine est un sous-système de la biosphère : elle ne peut s’en extraire. Le système économique compte largement sur le système écologique pour jouer un double rôle d’alimentation d’énergie et matières premières, et d’assimilation finale de ces déchets. Il s’ensuit que l’économie ne peut pas se développer sur le long terme si la biosphère est endommagée : c’est le problème de la soutenabilité (Boutaud, Gondran, 2009).
Or l’économie humaine utilise aujourd’hui tant de ressources capitales et produit tant de déchets qu’elle ne semble pas soutenable. Les sources se tarissent, les exutoires se remplissent et, pour certains, débordent. La plupart des flux ne peuvent être maintenus sur le long terme, même à leur débit actuel, a fortiori s’ils s’intensifient.
Dans les dernières décennies, les scientifiques ont constaté des signes de basculement dans les différents milieux naturels, des bassins / étangs, à l’échelle locale, aux récifs coralliens, voire au bassin de l’Amazone.
Une rapide montée des températures, ou une diminution drastique des nutriments, et les systèmes sont capables d’une brusque reconfiguration. Selon certains chercheurs, c’est ce qui s’est passé lorsque la diversité de la vie a explosé, il y a 540 millions d’années.
Mais alors que l’explosion des espèces au Cambrien et le réchauffement de l’Holocène ont été déclenchés par des changements à l’échelle de la planète, par la chimie des océans et/ou par l’intensité du rayonnement solaire, il y a, selon de nombreux chercheurs, une nouvelle force à considérer : 7 milliards de personnes qui exercent une influence combinée sur les processus de la planète, et sollicitent ses limites.
Nous commencerons leur examen, à tout seigneur tout honneur, par le rapport de (Meadows, Meadows, Randers, 2012) « Les limites à la croissance » qui actualise le célèbre rapport des mêmes en 1972 : « Halte à la croissance ».
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II » LES LIMITES À LA CROISSANCE «
II 1 LA DÉMARCHE
L’équipe à la base de la rédaction du rapport a développé un modèle « pour comprendre l’avenir dans ses grandes lignes, c’est-à-dire les différents modes ou schémas comportementaux qui vont présider à l’interaction entre l’économie humaine et la capacité de charge de la planète durant le siècle à venir ». La question centrale posée par le modèle est : comment la population mondiale et l’économie matérielle, toutes deux en plein essor, peuvent-elles interagir avec la capacité de charge limitée de la planète et s’y adapter durant les décennies à venir ?
Il s’agit de donner «une représentation, la plus fidèle possible, de l’écosystème mondial (…) [et] d’améliorer notre représentation mentale des problèmes planétaires à long terme». Les données utilisées se rapportent à la population, à l’industrialisation, à la production alimentaire, à l’utilisation des ressources naturelles et à la pollution.
Les auteurs constatent que les données de base sont en croissance exponentielle lorsqu’on les observe dans un avenir rapproché. Leurs simulations ne sont pas des prévisions, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas pour but de prévoir les valeurs précises des variables ni la chronologie exacte des évènements, mais elles constituent simplement les scénarios de ce qui a le plus de chance de se produire si les politiques, la croissance économique, la démographie et les technologies continuent de progresser comme c’était le cas au moment de l’étude.
Dans ce modèle, les stocks évoluent en fonction de flux comme celui des naissances et des décès (dans le cas de la population), des investissements et de la dépréciation (pour chaque stock de capital), des émissions de pollution et de leur neutralisation (pollution persistante) et (dans le cas des terres arables) de l’érosion des sols, de l’amélioration des terres et des terres supprimées au profit d’usages urbains ou industriels. Seule une fraction des terres arables est cultivée. En multipliant la surface de terres cultivées par le rendement moyen, on obtient la production totale de nourriture. Celle-ci, divisée par la population, donne la quantité de nourriture par habitant. Si cette dernière tombe en dessous d’un seuil critique, le taux de mortalité se met à augmenter (Boutaud, Gondran, 2009, 204).
II 2 LES SCÉNARIOS
Les auteurs présentent une dizaine de « simulations numériques » ou scénarios différents générés par leur modèle. Chaque simulation est réalisée à partir de la même structure informatique, mais à chaque scénario, certains chiffres sont modifiés pour tester différentes estimations des variables considérées ou pour intégrer des prévisions plus précises. Les 6 premiers scénarios sont cumulatifs, c’est-à-dire que le scénario suivant reprend toutes les hypothèses du scénario précédent, mais en modifie ou en ajoute une.
Examinons succinctement ces scénarios :
Scénario 1
En supposant que les tendances actuelles se poursuivent, l’interaction des variables aboutit au résultat que «l’expansion démographique et l’expansion économique s’arrêteront au plus tard au cours du siècle prochain, par suite d’une pénurie de matières premières». Les graphiques du scénario 1 montrent le comportement du modèle lorsqu’il fonctionne « tel quel », avec des chiffres décrivant de façon « réaliste » la situation moyenne qui a été celle de la seconde partie du XXe siècle et sans hypothèse technique ou politiques sortant de l’ordinaire. « Tout à coup, alors que le XXIe siècle est entamé depuis quelques décennies à peine, la croissance de l’économie s’arrête et s’inverse de façon assez soudaine. Cette discontinuité est principalement due à l’augmentation rapide du coût des ressources non renouvelables. Cette hausse se répercute sur tous les secteurs économiques et se traduit par des capacités d’investissement de plus en plus rares. » (Ibid., p. 250)
Ci-dessous les trajectoires des principales variables selon le scénario tendanciel :
Source : (Meadows, Meadows, Randers, 2012, 249)
Scénario 2
Si l’on modifie les hypothèses de départ en supposant un développement de la production industrielle dû à l’exploitation de l’énergie solaire, le reste sans changement, on aboutit à une pollution catastrophique et à un effondrement plus radical encore de la courbe de la population.
Scénario 3
Si l’on suppose que l’on maîtrise en outre la pollution, c’est la pénurie alimentaire qui va entraîner la chute de la production industrielle et l’élévation du taux de mortalité. Que le contrôle de la pollution s’établisse, en plus du recyclage des ressources à soixante-quinze pour cent, de la réduction de la pollution à vingt-cinq pour cent du taux de 1970 et du rendement doublé des terres cultivables, c’est l’épuisement des ressources naturelles, l’accumulation de la pollution et, finalement, la décroissance de la production alimentaire qui s’ensuivront. «En somme, quelles que soient les hypothèses que l’on formule, le résultat demeure sensiblement le même dès que l’on se contente de solutions purement techniques aux problèmes qui se posent. L’écosystème mondial se comporte toujours de la même manière: une croissance exponentielle de la population et des investissements, suivie d’un effondrement».
Scénario 4
Il suppose une amélioration des rendements agricoles ; alors, la détérioration de la fertilité des sols et la perte de terres arables du fait de l’érosion et de l’extension urbaine et industrielle finissent par annuler les effets positifs des nouvelles technologies sur les rendements, et la production totale de nourriture diminue. Cette « crise de l’érosion des sols » est à son maximum après 2070 lorsque survient une chute catastrophique des surfaces de terres arables, entraînant un effondrement quasi total avant 2100.
Scénario 5
Qu’à cela ne tienne, qu’en serait-il en ajoutant un programmes de lutte contre l’érosion des sols de la planète ? Si cette option permet de prolonger un peu au-delà de 2070 la période de bien-être humain, il n’est pour autant pas soutenable. Le scénario 5 se termine en effet par un effondrement causé par plusieurs crises plus ou moins simultanées : crise de ressources, crise de la nourriture et coûts élevés : après 2070, le coût des technologies et l’augmentation du coût d’obtention de ressources non renouvelables devenues de plus en plus rares nécessitent plus de capital que l’économie ne peut en fournir. Le résultat est un déclin assez abrupt.
Scénario 6
On simule alors le lancement pour le XXIe siècle d’un vaste programme d’éco-efficience dont le coût est élevé, mais dont l’objectif est une importante réduction de l’empreinte écologique des hommes. Cette puissante association de technologies permet d’éviter l’effondrement du scénario 5 lors du 3e tiers du XXIe siècle. Mais elle arrive un peu trop tard pour empêcher une baisse progressive du bien-être humain à la même période. Au terme d’un XXIe siècle quelque peu compliqué, une population stable comptant un peu moins de 8 milliards d’individus vit dans un monde façonné par les technologies de pointe et peu pollué, dont l’indice de bien-être humain est à peu près le même qu’en 2000.
Source : (Meadows, Meadows, Randers, 2012, 313)
on pourrait résumer ces différents scénarios en disant que l’empreinte écologique de l’homme tend à s’élever au-dessus du niveau soutenable et que ce phénomène déclenche une diminution forcée de cette même empreinte. Dans un monde complexe et fini, lorsqu’on supprime ou repousse une limite pour permettre à la croissance de continuer, on en rencontre une autre. Et lorsque cette croissance est exponentielle, cette autre limite arrive étonnamment vite (Meadows, Meadows, Randers, 2012, 317).
Le 2e enseignement est que plus un pays parvient à retarder ses limites face à des adaptations économiques et techniques, plus il risque de se heurter à plusieurs d’entre elles à la fois.
Scénario 7
La planète cherche à partir de 2002 à stabiliser sa population. Ce scénario suppose qu’à partir de 2002, tous les couples décident de limiter leur famille à 2 enfants et qu’ils aient accès à des moyens de contrôle des naissances efficaces. La production industrielle atteint un pic en 2040 puis baisse au même rythme à peu près que dans le scénario 2 et rigoureusement pour les mêmes raisons. On ne peut donc couper à l’effondrement si on ne stabilise que la population mondiale. La poursuite de la croissance du capital est tout aussi non soutenable que celle de la croissance démographique. Si elles ne sont pas contrôlées, chacune d’elles a pour conséquence une empreinte écologique qui dépasse la capacité de charge du globe.
Scénario 8
La planète cherche à partir de 2002 à stabiliser sa population et sa production industrielle par habitant. Ce monde a décidé de se fixer comme objectif une production industrielle par habitant d’environ 10 % supérieurs pour tout le monde à la moyenne mondiale de 2000. Cela se traduit concrètement par une avancée considérable pour les populations pauvres et à un changement des modes de consommation pour les populations riches. Mais cette économie n’est pas véritablement stabilisée. Elle se caractérise par une empreinte écologique au-dessus du niveau soutenable et elle contraint à un lent déclin après 2040. Une consommation limitée, une progéniture limitée et une certaine discipline sociale ne sont donc pas garantes à elles seules de la durabilité lorsqu’elles entrent en action trop tard, c’est-à-dire après que le système a dépassé ses limites. Pour demeurer soutenable, le monde du scénario 8 ne peut pas se contenter de contrôler sa croissance : il doit baisser son empreinte écologique en dessous de la capacité de charge de l’environnement et il doit accentuer sa restructuration sociale grâce à une exploitation concertée et appropriée du progrès technologique.
Scénario 9
La planète cherche à partir de 2002 à stabiliser sa population et sa production industrielle par habitant, et ajoute des technologies relatives à la pollution, aux ressources et à l’agriculture. Dans ce scénario comme dans le précédent, la population et la production industrielle sont limitées, mais on ajoute des technologies destinées à lutter contre la pollution, à préserver les ressources, à augmenter les rendements agricoles et à protéger les terres. La société qui en résulte est soutenable : près de 8 milliards d’individus connaissent en effet un niveau de bien-être élevé et une empreinte écologique en constante baisse.
Dans la société plus mesurée du scénario 9, la population croît plus lentement mais il n’est pas nécessaire de consacrer du capital à la poursuite de la croissance ni à la résolution de problèmes survenant cascade, si bien que les nouvelles technologies peuvent recevoir un soutien un soutien plein et entier. Mises en œuvre tout au long du siècle, elles réduisent de 80 % l’utilisation de ressources non renouvelables par unité de production industrielle et de 90 % la pollution générée par unité de production. Les services par habitant augmentent de 50 % par rapport à leur niveau de 2000. À la fin du XXIe siècle, il y a assez de nourriture pour tous. La pollution connaît un pic, mais diminue avant d’avoir causé des dégâts irréversibles. Le scénario 9 est l’illustration de la durabilité ; le système mondial est parvenu à un équilibre.
Scénario 10
Même scénario mais les changements sont introduits en 1982 et non en 2002. Si nous nous étions orientés vers la durabilité 20 ans plus tôt, nous aurions créé plutôt un monde plus sûr et plus riche et nous aurions connu moins de problèmes d’ajustement dans le secteur agricole.
II 3 DISCUSSION
Le rapport Meadows est extrêmement intéressant, pédagogique, et beaucoup plus nuancé que l’on ne pourrait croire a priori au vu des comptes-rendus qui en ont été faits. Le rapport ne cesse en effet d’attirer l’attention sur le fait que son objet n’est en aucun cas la prévision, mais bien plutôt la simulation sur la base d’hypothèses réalistes. Et les hypothèses sont réalistes puisque le modèle est calé sur la période 1900-1970, c’est-à-dire qu’il reproduit les évolutions constatées sur les 5 variables clés durant cette période. La preuve :
(Turner, 2008) a analysé les données relatives aux 5 paramètres clés ayant fait l’objet de simulation (démographie, production alimentaire, production industrielle, pollution et ressources non renouvelables) dans la publication de 1972. La conclusion est que le scénario de base standard élaboré dans les années 70 est fortement corroboré par l’observation empirique de la période 1970–2000 comme le montrent les graphiques ci-après :
Source : (Turner, 2008)
L’auteur conclut qu’en plus de la corroboration des données présentées, les questions contemporaines telles que le pic pétrolier, le changement climatique, la sécurité alimentaire et d’approvisionnement en eau résonnent fortement avec les dynamiques de rétroaction de « dépassement » et « d’effondrement » affichées dans le scénario tendanciel du rapport. À moins qu’il ne soit invalidé par d’autres recherches, la comparaison des données vient étayer la conclusion que le système mondial est sur une trajectoire insoutenable à moins d’une importante et rapide réduction des comportements de consommation, en combinaison avec le progrès technologique.
Source : (Turner, 2008)
Pour autant, on ne peut s’empêcher de ressentir un certain malaise devant ce « malthusianisme systémique » qui repose évidemment sur un grand nombre d’équations dûment calibrées, mais dont l’absence de théorie explicative est gênante. Un programme informatique est un programme informatique, certes, mais il en sort que ce que l’on y a entré, et si à la sortie la population est la cause de tous les problèmes, c’est que l’on y a entré que la population est la cause de tous les problèmes. Pour en rester à la population, on ne peut s’empêcher de ne pas être très convaincu par le recours à cette catégorie fourre-tout qu’est la population mondiale, qui met sur le même pied l’américain, le suédois, le centrafricain ou le somalien : les modes et niveaux de consommation de cette population, la distribution des revenus, etc. sont des variables explicatives qui paraissent bien supérieures. Derrière la froide abstraction des chiffres et des courbes, il y a des réalités humaines. Et de ce point de vue, le tracé des courbes d’effondrement de la population du scénario tendanciel posent question. Si l’on se reporte en effet au tableau de données fournies avec les courbes, la population mondiale atteindrait 7,46 milliards d’habitants en 2025 (contre 8,1 actuellement prévu selon la révision 2015 du service statistiques de l’ONU).
Puis elle diminuerait à :
–6,45 milliards en 2050, soit une perte en 25 ans d’un milliard d’habitants soit encore 13,5 % de la population mondiale de 2025 ;
–5,32 milliards en 2065 ;
–3,46 milliards en 2100 : soit 4 milliards de moins en 75 ans !
Pour mémoire, la 2e guerre mondiale a fait 60 millions de morts, soit 2,5 % de la population mondiale de 1939. Cependant les pertes du 3e Reich se sont élevées de 8 à 10,5 %, tandis que celles de l’Union soviétique, 20 millions de morts, se sont montées à 13,5 % de la population concernée de 1939 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pertes_humaines_pendant_la_Seconde_Guerre_mondiale).
Il est peu crédible que l’humanité se laisse décimer tranquillement pendant 75 ans sans réagir de quelque manière que ce soit, et sans doute plutôt fortement !
Par contre, on sent bien que de tels taux appliqués à des statistiques de consommation auraient davantage de réalité.
Au total,
« En confondant, par le recours à des moyennes mondiales, riches et pauvres, les modèles du MIT évacuent toute réflexion sur les usages de la croissance et sur les choix institutionnels qu’elle implique. En réduisant le débat au problème des limites physiques de l’univers, on laisse tomber les questions les plus épineuses : celles qui ont trait à une utilisation plus judicieuse des ressources et à une répartition plus équitable des richesses. D’ordre moral et politique, ces problèmes exigent la prise en considération des fins et des valeurs impliquées dans toute vie sociale. Parce qu’ils s’abstiennent d’aborder ces questions, les spécialistes du MIT prétendent à une neutralité inattaquable. Ils peuvent ainsi assigner une cause objective à la misère qui nous menace : l’explosion démographique dans le tiers-monde. Mais comment ne pas qualifier d’illusoire une neutralité qui élimine responsabilité historique et sociale des pays riches ? » (Mongeau, 2012)).
« Et ce d’autant que les auteurs procèdent à « une globalisation à outrance qui additionne des situations locales et prétend obtenir ainsi la juste estimation de la situation mondiale. Un modèle global suppose que l’ensemble des pays évolue au même rythme et que leurs cycles de croissance sont tous synchronisés dans le temps. Mais c’est plutôt le contraire que l’on observe dans le monde réel : les cycles d’évolution des pays sont déphasés les uns par rapport aux autres. Il en est de même en ce qui concerne l’épuisement éventuel des ressources non renouvelables : leur rareté ou leur abondance ne se font pas sentir au même moment pour chacune d’entre elles.
De nombreux scientifiques ont contesté les fondements du raisonnement. Ainsi, Samuel Farfari a résumé les critiques qu’il convient de faire au rapport Meadows : La principale raison pour laquelle ce club …s’est fourvoyé sur cette question comme sur d’autres, c’est parce qu’il pensait à une évolution linéaire de la technologie et estimait que les évolutions de la démographie, de la pollution et des besoins suivaient une tendance exponentielle. Cela ne pouvait que conduire à une interprétation catastrophique du futur. Petite erreur d’hypothèse mais grande divergence quant aux résultats.
[Plus concrètement :] « Il lui est d’abord reproché d’avoir fondé son modèle sur l’agrégation qui a toujours été considérée comme une démarche appauvrissante bien qu’inévitable en macroéconomie et qui, de ce fait ignore largement les problèmes de structure. Il est également reproché d’avoir appliqué un « principe d’accélération », qui veut qu’un output soit proportionnel à son stock en capital. Il est reproché d’avoir (implicitement) supposé que la même proportionnalité prévalait pour la pollution – qui est aussi un output ! La dernière critique faite est de ne pas avoir pris en compte les phénomènes de prix dans la mesure de la rareté des ressource et d’avoir retenu une hypothèse de croissance exponentielle de la technologie » (Mongeau, 2012, 95-102).
III DES « LIMITES PLANÉTAIRES » PHYSIQUES
III 1 LES LIMITES PLANÉTAIRES DU STOCKHOLM RESILIENCE CENTER
L’étude de (Rockström, Steffen, Noone, Persson, Chapin, Lambin, Lenton, Scheffer, Folke, Schellnhuber, 2009) « Planetary Boundaries » propose une approche dans laquelle la Terre est pensée comme un système dont l’équilibre et la stabilité dépendent de neuf limites interdépendantes.
L’idée à la base est que l’expansion rapide des activités humaines depuis la révolution industrielle a engendré une force géophysique planétaire équivalente à certaines des grandes forces de la nature ; nombre de scientifiques pensent que nous sommes entrés dans une nouvelle époque géologique qui a besoin d’un nouveau nom – l’Anthropocène.
Comme le reconnaissent et le revendiquent les auteurs, « le cadre proposé s’appuie sur et dépasse les approches type limites à la croissance (Meadows et al. 1972, 2004), normes minimales de sécurité (Ciriacy-Wantrup 1952 Bishop 1978 Crowards 1998), principe de précaution (Raffensperger et Tickner 1999) et « fenêtres tolérables » (WBGU 1995, Petschel-Held et al. 1999) ».
L’avancée majeure est que l’étude se concentre sur les processus biophysiques du système terrestre qui déterminent la capacité d’auto-régulation de la planète. Elle se fonde sur le concept de seuils liés aux processus de grande envergure du système terrestre, dont le dépassement peut déclencher des changements non linéaires dans le fonctionnement du système. Prises ensembles, les limites –valeurs basses des seuils– représentent «l’espace biophysique dynamique du système terrestre dans lequel l’humanité a évolué et prospéré ». Le respect de ces limites permet de définir le « champ d’action planétaire» disponible pour l’entreprise humaine.
III 1 1 La notion de seuil
Les seuils fixés dans les processus clés du système terrestre existent indépendamment des préférences, des valeurs ou compromis que font les peuples sur la base de leurs faisabilités politiques ou socio-économiques.
Selon les auteurs, des travaux ultérieurs devront se concentrer sur les dynamiques sociales qui ont conduit à la situation actuelle et proposer les voies et moyens permettant à nos sociétés de rester dans ces limites.
Les seuils sont définis comme des transitions non-linéaires dans le fonctionnement des systèmes couplés homme-environnement, comme le récent recul brutal de la banquise arctique causée par le réchauffement climatique anthropique. Les seuils sont des caractéristiques intrinsèques de ces systèmes et sont souvent définis par une ou plusieurs variables de contrôle, comme par exemple la température et la diminution de l’albédo dans le cas de la banquise.
Certains processus importants du système terrestre, comme le changement d’affectation des terres, ne sont pas associées à des seuils connus à l’échelle continentale ou mondiale, mais peuvent, par le truchement d’un déclin continu de fonctions écologiques-clés (telles que la séquestration du carbone par exemple), provoquer des effondrements fonctionnels, générant des évolutions qui déclenchent ou augmentent la probabilité d’apparition d’un seuil plus global dans d’autres processus (tels que le changement climatique).
Ces processus peuvent aussi déclencher des dynamiques non linéaires aux échelles inférieures (par exemple : franchissement de seuils concernant l’utilisation de l’eau et les nutriments dans les lacs, les forêts et les savanes à la suite d’un changement d’affectation des terres). Ces changements non linéaires peuvent devenir une préoccupation mondiale pour l’humanité s’ils se produisent à l’échelle de la planète.
Les seuils sont très difficiles à évaluer, car le système terrestre est très complexe. Aussi, au lieu de définir des valeurs pour chaque seuil, l’étude établit une plage de variation dans laquelle le seuil est supposé se trouver. L’extrémité inférieure de cette plage est définie comme étant la limite à ne pas franchir. Par conséquent, est ainsi défini un espace sûr, dans le sens que tant que le système est en dessous de la limite, il est nécessairement en dessous de la valeur du seuil. A contrario, si la limite est franchie, il entre dans la zone de danger.
III 1 2 Les processus limites
Après avoir fait une recherche exhaustive des processus clés du système terrestre et de leurs variables de contrôle associé, les auteurs ont identifié 9 processus pour lesquelles les frontières doivent être mises en place si l’on veut minimiser le risque de franchissement de seuils critiques pouvant conduire à des résultats très indésirables ou inacceptables.
Une modification inacceptable s’entend par rapport aux risques auxquels l’humanité a été confrontée lors de la transition holocène – anthropocène. L’environnement relativement stable de l’Holocène, la période interglaciaire actuelle qui a débuté il ya environ 10 000 ans, a permis l’agriculture et à des sociétés complexes de se développer et de s’épanouir.
Les auteurs ont identifié neuf processus planétaires fondamentaux et, en s’appuyant sur les connaissances scientifiques actuelles, proposent des quantifications pour sept d’entre eux. Ces sept processus sont : le changement climatique, l’acidification des océans, la concentration en ozone stratosphérique, les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, l’utilisation mondiale de l’eau douce, le changement d’affectation des terres, et la vitesse de l’érosion de la diversité biologique. Les deux limites planétaires supplémentaires pour lesquels ils n’ont pas encore été en mesure de déterminer une limite sont la pollution chimique et la concentration atmosphérique des aérosols. Dans l’étude de 2009, ils estimaient que l’humanité avait déjà transgressé trois limites planétaires: le changement climatique, la perte de biodiversité et le cycle mondial de l’azote.
Processus de la biosphère | Variable(s) de contrôle | Limites proposées | Valeur actuelle |
Changement climatique | Concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère (parties par million en volume) | 350,0 | 387,0 |
Changement du forçage radiatif (watts par mètre au carré) | 1,0 | 2,3 (1,1-3,3 W/m2) | |
La perte de biodiversité et l’extinction des espèces | Rythme d’extinction des espèces (nombre d’espèces disparues par million d’espèces et par an | 10,0 | 100 – 1000 |
Indicateur d’intégrité de la diversité biologique (BII)Variables provisoires dans l’attente de plus appropriées | Maintenir le BII à 90% ou au-dessus; évalué par biomes ou àl’échelle régionale large (ex: Sud-Afrique), à celles des écosystèmes marins (ex: récifs coralliens) ou de grands groupes fonctionnels | 84% pour Sud-Afrique seul | |
L’affaiblissement de la couche d’ozone stratosphérique | Concentration en ozone stratosphériques (unité Dobson) | <5% de réduction par rapport au niveau pré-industriel de 290 DU (5% -10%), évalué selon latitude | Transgressé seulement au-dessus de l’Antarctique (env. 200 DU) |
Acidification des océans | État de saturation mondial moyen d’aragonite dans les eaux marines de surface | ≥80% de l’aragonite saturation pré-industrielle moyenne de l’aragonite à la surface de l’océan, y compris variabilité naturelle journalière et saisonnière (≥80% – ≥70%) | env. 84% |
Cycles biogéochimiques | Azote : Quantités de N retirées de l’atmosphère pour les activités humaines (millions de tonnes/an | 62,0 | 150,0 |
Phosphore : Quantités de P déversées dans les océans (millions de tonnes/an) | 11,0 | env. 22,0 | |
Changement d’affectation des terres | Global : part de la forêt par rapport à la couverture forestière originale | global : 75 % (75–54 %). Les valeurs sont des moyennes pondérées de 3 frontières de biomes individuels | 62% |
Biome : superficie actuelle de la forêt par rapport à la forêt potentielle | biomes : tropical : 85 % (85–60 %) tempéré : 50 % (50–30 %) boréal : 85 % (85–60 %) |
||
Surconsommation de l\’eau douce | Consommation en eau douce (Km3/an) | 4000 (4000 – 6000 km3/an) | 2600,0 |
Présence d’aérosols atmosphériques | Concentration globale de particules | A déterminer | |
Nouveaux polluants | P. ex. quantité émise ou concentration de polluants organiques persistants, de plastiques, de perturbateurs endocriniens, de métaux lourds et déchets nucléaires, dans l’environnement mondial, ou effets de ces éléments sur l’écosystème et le fonctionnement du système terrestre | A déterminer |
Source : (Rockström et al., 2009)
Source : (Rockström et al., 2009)
Représentation des neuf processus planétaires menacés par les activités humaines, de leur limite et de leur valeur actuelle.
III 1 3 Éléments de discussion
Le concept de frontières planétaires suggère que l’existence du monde que nous connaissons, et dont l’humanité a profité tout au long de l’Holocène, dépend de l’exercice de son rôle de gardien du globe. Il entraîne avec lui la nécessité d’un nouveau paradigme de développement bâti sur les possibilités offertes par une seule planète. Les frontières planétaires cherchent à fournir des mesures scientifiques pour réaligner politiques du développement, modèles d’entreprises et choix de mode de vie… Il n’est donc pas étonnant que, depuis sa publication en 2009, il ait suscité un vif débat au sein de la communauté scientifique mais aussi au-delà, et ce faisant, influencé les agendas des mondes économique et politique.
Sur le contenu
Voici les reproches communément adressés à l’étude du Stockholm Center :
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