Liberté et intuition
- Par Thierry LEDRU
- Le 07/10/2016
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Liberté et intuition
« Les hommes se croient libres par cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions mais qu’ils ignorent les causes qui les déterminent. » Spinoza
Si on s'applique à analyser l'existence sans aucun détour, on réalise à quel point l'ignorance de ces causes relève quasiment de la déficience mentale et c'est effrayant. D'autant plus lorsque, après avoir enfin identifié une cause, on réalise que cette cause n'est pas née de rien mais d'une cause qui la précède...Et que dès lors, il est absurde et même prétentieux de se croire parvenu quelque part alors qu'il se tient dans les strates fossilisées des causes archaïques sur lesquelles repose tout l'édifice.
Quel est le degré de liberté que les hommes peuvent atteindre ?
Je ne parle pas ici de la liberté matérielle, professionnelle, familiale, sociétale mais de la liberté intérieure, existentielle, de la liberté spirituelle.
Pour ce qui est des situations précédentes, toutes celles qui relèvent de la vie extérieure, je ne crois pas un seul instant à une quelconque liberté. Tout est l'effet des causes initiales.
Spinoza utilise volontairement le verbe « croire ». Il est essentiel de le noter.
Si je regarde les enchaînements de mon existence, je finis toujours par trouver une cause première. Mes choix n'ont été que des réactions et non des actions. Je sais pourquoi je suis devenu instituteur, je sais pourquoi j'aime la montagne, je sais pourquoi j'aime la solitude, pourquoi j'écris... Rien ne s'est fait "librement" mais parce qu'il y avait initialement un événement qui m'amenait à réagir. Je pourrais convenir pour me rassurer qu'il y a tout de même une décision prise de ma part et qu'il y en avait sans doute une autre d'envisageable. Mais la source reste la même. Rien ne vient de rien.
Je pourrais choisir d'arrêter d'écrire cet article et de fermer l'ordinateur pour me prouver que j'ai un pouvoir décisionnel. Je regretterai certainement dans peu de temps ce caprice prétentieux et je reviendrai m'asseoir en me maudissant d'avoir perdu ce que j'avais déjà écrit. Je "dois" écrire ce que je porte. Je sais pourquoi je dois l'écrire.
Cette illusion du choix s'établit dans les contingences de la vie quotidienne. C'est certain mais c'est si insignifiant que ça n'a aucun intérêt. Je vais choisir une nouvelle tapisserie. Ouah, formidable...Ou acheter un smartphone, ouah, trop bien ! Ah, non, finalement, là je ne l'ai pas choisi, je n'en avais pas besoin, je n'ai fait que succomber à une pression médiatique et encore une fois prétentieuse. Mais je vais m’efforcer de croire que j’ai fait un choix en excluant toutes les pressions environnementales qui m’ont « conduit » à cet achat.
Ah, et puis, je pourrais changer de voiture aussi, là, il y a du choix. C'est important le choix d'une voiture ! Elles ont bien toutes quatre roues, un moteur et une caisse mais quand même il y en a qui sont mieux que d'autres et je serais tellement heureux de rouler dans une voiture qui me plaît. Oui, bon, ok , c'est ridicule, je sais...
Je pourrais même choisir de changer de femme. Celle-là est vraiment trop commune. Et d'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi j'en suis arrivé à l'aimer et à avoir des enfants avec elle. Des femmes, il y en a tellement, c'est comme les voitures, il y a du choix...Quand je vois ce qui existe dans les revues que je lis...Non, pas les revues de bagnole, les revues avec de belles femmes ! Celle du cinéma par exemple, c'est extraordinaire comme elles sont belles au cinéma. Ah, oui, là c'est vrai, je me fais un film et j'en finis même par ne plus voir la réalité magnifique de ma femme et le miracle de notre rencontre...
Les pressions extérieures, lorsqu’elles sont devenues addictives, les comparaisons, les hiérarchies, les « valeurs marchandes » produisent des effets, parfois dévastateurs… Jusque dans la sphère intime.
Liberté du choix...Quelle fumisterie. Il faudrait déjà exister intérieurement pour pouvoir prétendre faire un choix. Car enfin, qui choisit ? Qui est là pour choisir ? Un individu lucide, conscient, éveillé ou une machine qui se remplit de carburant pour croire qu'elle avance par elle-même ? Qui lui donne ce carburant ? Les autres ? Des individus endormis qui fonctionnent avec le même carburant ? Ah, non, ceux-là, les pourvoyeurs, sont propriétaires des pompes à carburant. Ils sont tout aussi endormis. C'est juste qu'ils ont appris à en profiter davantage et à se servir de ceux qui restent juste attachés à ce désir immodéré de remettre sans cesse du carburant. Hiérarchie sociale dans le sommeil et dans les addictions. Il y a les patrons des pompes et les utilisateurs qui rêvent de prendre la place du patron pour dormir encore mais dans de la soie.
Le choix de se croire libre est par conséquent une auto mutilation. Je coupe en moi le lien qui me rattachait à mon âme et je "décide" de me soumettre à mon mental. Ça n'est évidemment pas une décision réfléchie mais juste un abandon par conditionnements. C'est pour cela qu'il faut bénir les drames. Ils sont la plupart du temps les seuls évènements susceptibles de réveiller les individus. Il y aura toujours ceux qui regretteront infiniment le temps du grand sommeil et de la multiplicité des pompes à carburant. Bon, tant pis.
Et puis, il y a ceux ou celles qui ne peuvent plus dormir. Parfois même réellement. Ils vont aller marcher pendant des jours et des nuits. Mus par une énergie inconnue qui les brûle intérieurement.
Et alors, qu'en est-il de cette liberté existentielle ?
On a donc les endormis qui se gavent de carburant. Liberté existentielle : néant.
On a aussi les victimes qui adorent leur statut de victimes. Liberté existentielle : néant.
On a aussi les traumatisés qui ne cherchent pas à se plaindre parce qu'ils ont basculé dans un espace qu'ils ne connaissaient pas et qui se révèlent absolument fabuleux. Liberté existentielle : en cours d'apprentissage.
Ces derniers possèdent-ils un libre arbitre ? Non, bien entendu étant donné que leur évolution est dictée par un évènement indépendant de leur volonté. Mais il y a une différence essentielle. ILS LE SAVENT.
Dès lors, il y a une observation lucide qui s'installe, celle que j'appelle "le juste milieu".
À mon sens, « le cul entre deux chaises » est l'état d'une personne n'ayant pas réussi à faire un choix. Elle reste donc torturée par son indécision, hésitant constamment à prendre une direction définie et souffrant de son incapacité à le faire. À peine partie dans un sens, elle regrette déjà son élan et s'arrête, souffrant aussitôt d'être revenue au point de départ, là où pour elle il n'y a que le chaudron bouillant dans lequel elle cuit sans comprendre que les flammes sont attisées par sa propre errance.
Le juste milieu représente à mon sens, non pas la capacité à rester au centre du carrefour sans prendre de décision mais la capacité à ne pas s'identifier à la décision qui a été prise. Le juste milieu est l'endroit duquel l'individu peut observer ses actes sans être lui-même les actes. C'est un état d'observation qui fait que l'on peut entretenir la lucidité nécessaire à l'analyse de ce qui est entrepris. Je ne suis pas ce que je fais. Je ne suis pas ce que j'ai décidé de faire. Je le gère mais sans être emporté dans le flot d'émotions, de ressentis, que cela génère.
Pour ne pas couler au milieu de l'océan, il ne sert à rien de nager, il faut faire la planche et observer, saisir chaque instant en se libérant de l'activité. Au milieu de l'océan, le nageur aura systématiquement le cul entre deux chaises en décidant de prendre une direction puisqu'il ne sait pas vers où il va. Il va dépenser une énergie considérable à nager et dès lors il ne peut pas s'observer.
Le "planchiste" se laisse porter en mesurant ses efforts et en restant réceptif à tout ce qui l'entoure. Les courants l'entraînent mais ça n'a aucune importance étant donné qu'il ne sait pas vers où il faut aller. Il est donc inutile d'y penser. Agir dans le non-agir revient donc à être inscrit dans le juste milieu.
Il ne s'agit nullement de rester inerte au carrefour d'une décision à prendre. Le juste milieu consiste à ne pas devenir la décision...Chaque fois qu'une préoccupation trop vive nous saisit et que celle-ci implique une décision à prendre nous restons bien nous-mêmes évidemment mais nous ne sommes plus avec nous-mêmes. Nous nous perdons de vue dans les évènements extérieurs. Comme si les actes nous engloutissaient. Ça peut devenir de la colère, des regrets, de la rancœur, de la jalousie ou du bonheur mais quelques soient les effets, si nous nous perdons de vue, il n'y a plus d'observateur, nous sommes devenus ce que nous faisons.
Le juste milieu consiste à ne pas nous identifier à cette décision. Il s'agit donc de continuer à analyser les évènements, avec lucidité et si une autre direction s'impose, il n'y a aucun regret à avoir, il serait inutile de continuer à se fourvoyer, par prétention ou entêtement. Le juste milieu est à la source de la lucidité. Il ne s'agit pas de rester indécis et de refuser l'engagement. Il faut s'engager. Mais celui qui s'engage dans une voie ne devient pas la voie. Il reste une entité homogène.
La décision d'être volontairement engagé donne à l'acte lui-même la conscience de l'être uniquement lorsque la volonté est consciente des causes qui la nourrissent.
Le juste milieu est une observation de ce que nous faisons. Comme si nous prenions de la hauteur en fait, que nous installions une vision macroscopique de nos actes au lieu de nous étourdir de ces actes eux-mêmes.
Le libre arbitre existe dans la dimension du juste milieu. Non pas qu'il y ait pour autant une liberté totale et inconditionnelle des choix mais il existe une conscience réelle de la raison de ces choix et ensuite une absence d'identification à ces choix. L'individu reste dans un état d'observation. Il ne dort plus et l'énergie intérieure est son seul carburant.
Qu’en est-il du libre-arbitre ?
Dans le déroulement de vie d’une personne, on peut considérer que l’éducation favorise l’émergence de trois paramètres : la culture s’impose en premier lieu, elle se renforcera dans certains domaines pour devenir une réelle connaissance à travers diverses expériences, puis, dans certains cas et pour certaines personnes, viendront prendre place les convictions.
Un petit enfant africain, un petit enfant européen ou un petit enfant asiatique n’aura pas le même bagage culturel. Ses connaissances et ses convictions seront donc influencées par cet environnement culturel.
-Culture : accumulation de « savoirs. »
-Connaissances : une culture à laquelle s’ajoute une expérience. Savoir et faire. Avoir et être.
-Convictions : idées profondément ancrées.
Dès lors se pose le problème de ce libre-arbitre…
Définition : « La notion de libre arbitre, synonyme de liberté, désigne le pouvoir de choisir de façon absolue, c’est à dire d’être à l’origine de ses actes. »
Mais si nous gardons à l’esprit les influences environnementales, est-ce qu’il est possible d’envisager ce libre-arbitre ? Ne sommes-nous pas plutôt fondamentalement « enfermés » dans des fonctionnements qui nous échappent ? Le libre-arbitre ne nous est-il pas retiré au fur et à mesure de notre avancée, au fil des expériences de vie ? Ne s’agit-il pas davantage d’une liberté à prendre à travers le prisme éclairant de la conscience ?
Un sujet qui se voudrait libre est sensé pouvoir choisir de lui-même ce qu’il choisit, sans être poussé à l’avance d’un côté ou d’un autre par quelque influence ou cause que ce soit. Si l’individu « choisit », c’est qu’il dispose de plusieurs options et surtout qu’il bénéficie d’un complet contrôle de lui-même. Il se doit d’être « vierge » de toutes influences… Mais est-ce que c’est possible ? Ne conviendrait-il pas plutôt d’être capable d’identifier clairement l’ensemble de ces influences afin de s’en détacher et de pouvoir assumer dès lors l’intégralité du choix ? La complexité des conditions de vie, les relations sociales, le poids du passé, l’intégration, le formatage intellectuel, l'éducation et le formatage scolaire ne maintiennent-ils pas insidieusement un détournement de l’esprit, une direction donnée ? Les conditions objectives n’enferment-elles pas l’esprit dans un conditionnement subjectif ?
Sur quoi repose la notion de libre-arbitre ?
N’est-elle pas simplement une certaine forme de prétention, un déni de l’enfermement ?
Un exemple :
J’ai décidé de réfléchir sur la notion de libre-arbitre, sur l’idée essentielle de ma liberté. Je tente de cerner les tenants et les aboutissants (en voilà une expression bien « culturelle »…) et aussitôt me viennent à l’esprit les résidus de mes cours de philosophie : Platon, Spinoza, Nietzsche, Schopenhauer, Marx…
La culture est là (enfin, bon, quelques restes de culture…). Jaillissent aussi mes quelques expériences de vie à travers lesquelles je peux constater que beaucoup trop d’éléments m’ont échappé pour que je puisse affirmer que mes choix se sont faits en toute liberté. Intervient dès lors la conviction que ce libre-arbitre n’est qu’une illusion…
Est-ce que cette réflexion porte fondamentalement une liberté totale ou n’est-elle qu’un imbroglio anarchique de multiples données chaotiques…Un immonde fatras en quelque sorte …
Bien sûr que j’ai décidé librement de mener cette réflexion… Tiens, non, d’ailleurs, ça n’est même pas certain…C’est peut-être plus justement une certaine souffrance liée à un désordre intérieur, une inquiétude de voir à quel point tout m’échappe… Ce sont mes conditions de vie qui m’ont amené à réfléchir. Je n’ai fait que réagir à un tourment. Je n’ai pas été libre d’entamer cette quête et je ne peux que tenter de la mener à son terme pour m’en libérer… Mais alors, pour être libre, il faudrait s’être libéré de la volonté de devenir libre… Ça paraît absurde et pourtant il s’agit bien sans doute de cela.
Le libre-arbitre ne serait que l’effort à mener pour être davantage libéré de tout ce que l’on porte.
Plus profondément encore, le libre-arbitre ne serait que la conscience de mon enfermement et l’effort produit pour l’éventuel élargissement de la cellule…
Je peux quand même me réjouir de taper librement sur mon clavier, c’est un acte que je maîtrise, que j’ai pensé, que je pense et que j’élabore. GRTDFCVHKKIO…Voilà ce que ça donnerait si je n’avais pas de culture. Chouette, je suis libre par ma culture et la connaissance expérimentale que j’en ai. Tiens, d’ailleurs, je vais aller me faire un café et je reviens. Yeah, je suis libre de me lever et d’aller faire un café. Comme la vie est belle et riche de trésors !
Aucune moquerie là-dedans d’ailleurs. La personne tétraplégique ne connaît pas ou plus ce bonheur immense…J’ai la chance extraordinaire de posséder encore toute mon intégrité physique. Peut-être d’ailleurs devrais-je m’en contenter et arrêter de me prendre la tête. Mais je suis aussi un être tourmenté qui a besoin d’explorer les espaces intérieurs. C’est peut-être culturel, peut-être historique (ma petite histoire personnelle bien évidemment), l’écheveau des traumatismes irrésolus pourrait-on dire.
Excellent ce café.
Bon, je suis libre de taper sur mon clavier parce que j’ai enregistré toute la connaissance nécessaire mais je ne suis pas libre des pensées qui m’envahissent et couvrent les pages. Il faut donc que je les saisisse au vol et que je les autopsie. Sacrée boucherie en perspective…
Philosophiquement parlant, si je veux pouvoir autopsier ces pensées, il faut que je me libère des émotions qui les nourrissent sinon, je ne ferai qu’entretenir leur croissance en générant d’autres émotions comme autant d’engrais. Je me dois d’être lucide. D’ailleurs, si je continue à me répéter que mon libre-arbitre est une illusion, je créé en moi une émotion mortifère qui me désole et me ronge et si par contre je décide que je suis libre, je libère un bonheur hallucinogène qui trouble ma lucidité.
Je dois donc être neutre ou pour parler scientifiquement me soumettre à une lobotomie volontaire, une ataraxie libératoire.
Cela fait-il du libre-arbitre et du contrôle qu’il suppose une donnée évidente ? Est-il si évident que nous possédons un contrôle sur nos pensées et nos émotions ? La plupart de nos supposées « actions », ne sont-elles pas en réalité des réactions mécaniques qui répondent à autant de facteurs intérieurs (émotions, préjugés…) et extérieurs (les circonstances) que nous ne contrôlons pas ? Et nos supposées pensées ne sont-elles pas toujours la résultante de pensées antérieures ?
Prenons l’exemple d’un arbre au milieu d’une forêt. Bien sûr qu’il continue à croître et à se dresser vers la lumière mais son environnement influe sur cette croissance. La proximité des autres arbres, le climat, l’intervention humaine, un accident de parcours dans une tempête redoutable. Il n’existe pas de croissance libre.
La multitude des expériences de vie et mon environnement immédiat et même planétaire conditionnent ma croissance. Et l’ensemble de mes pensées n’est qu’un courant agité par cet environnement lui-même.
D’ailleurs, si je remonte encore plus loin vers la source ou vers la graine, je n’ai même pas choisi ce que je suis. Je n’ai pas choisi délibérément ma naissance. Est-il envisageable de parler de liberté innée ? Je ne pense pas. Il ne peut s’agir que d’une liberté qui s’acquiert. Ou plutôt de la désintégration progressive de tout ce qui peut porter atteinte à la liberté.
Disons qu’il n’y a aucune liberté. Mais qu’il est éventuellement possible au fil du temps d’en acquérir.
Mais en écrivant cela, j'entre dans le domaine des convictions et j'y perds ma liberté de penser..
Est-ce que l'arbitre d’un sport est libre de réguler le jeu ?
Non, bien entendu, il suit des règles qui lui ont été transmises et qu'il a adoptées.
Pourtant, il lui reste la capacité à interpréter les faits et par conséquent à changer le cours des choses : un pénalty pour une faute qu'il est le seul à avoir vue. Il a vu ce qu'il a interprété comme une faute, c'est à dire qu'en lui la faute existait déjà suite à une réflexion, un questionnement, une expérience antérieure et surtout un enseignement.
Cette situation lui a semblé correspondre à cette « connaissance » qu'il avait de la faute, même s'il est le seul, parfois, à la percevoir ainsi. Il a donc appliqué "son" choix. Un autre arbitre n'aurait peut-être pas sifflé. On pourrait dire qu'il dispose donc de son libre-arbitre...Mais il y a la pression du match, une erreur antérieure qu'il aurait dû siffler et qui aurait pu changer la physionomie du match, une altercation passée avec le joueur qui vient de commettre cette faute, etc etc...L'arbitre porte en lui un fardeau qui l'empêche d'évoluer en toute liberté. Et en plus, il ne dispose pas toujours du temps nécessaire à la réflexion. Il agit dans l'urgence ce qui réduit encore plus le champ de cette liberté.
Nous agissons très souvent dans l'urgence...
Ne parlons pas d'un arbitre qui appliquerait à la lettre, sans aucun discernement, les règles apprises alors qu'il se doit justement de tenir compte de tous les paramètres afférents à la présence de tous les individus sur le terrain (sans parler du public et des entraîneurs). Celui-là ne dispose d'aucune liberté sinon celle de se retrancher derrière l'obscurantisme des règles. Une règle ne tient pas compte de tous les paramètres de la réalité. Seul, l'humain, impliqué, en est capable. Ou se doit de l'être... Au risque d'être obscur. Il n'y a pas d’arbitre libre de son libre-arbitre, il n'y a qu'un imbroglio gigantesque de situations et de conséquences. Et nous en sommes tous là.
Notre terrain de « jeu » s’étend dans plusieurs dimensions et les règles sont multiples tout autant que l’ensemble des intervenants.
La seule liberté du prisonnier est d'avoir conscience de sa situation. C'est évident dans une geôle. Beaucoup moins dans une situation de liberté illusoire. Il ne reste donc que cette conscience pour pouvoir se libérer. Non pas se libérer des règles, c'est impossible, mais se libérer de l'ignorance de cette impossibilité.
L'intuition ne porte-t-elle pas dans le secret de son jaillissement la source même de la liberté ? ...
Il convient à mon sens d'analyser ce que nous entendons par là. Premièrement, il me semble que nous sommes obligatoirement au fil du temps engagés dans des schémas de pensées et que ces schémas constituent des chemins sur lesquels nous aimons avancer. Dès lors, nous risquons de voir dans un phénomène la validation d'une pensée ancienne, sa confirmation. C'est là que la vigilance ou la lucidité jouent un rôle essentiel.
Il est possible par conséquent que le cas surprenant d'une intuition vienne nourrir en moi l'idée de cette âme qui a en charge mon parcours. Ça ne serait donc nullement une preuve mais juste un ressenti qui convient à mon cheminement spirituel.
Mais il est possible également que cette intuition soit en fait nourrie elle-même par l'assemblage gigantesque de mes anciennes expériences de vie et que ce que j'appelle une intuition ne soit en fait qu'une résurgence inconsciente issue de ma mémoire.
Je prends un exemple.
Je fais de l'escalade. Il m'arrive parfois d'arriver dans un passage particulièrement complexe et je ne sais pas si je dois prendre à droite ou à gauche, rien ne me permet d'être certain de la suite. Et pourtant, il pourrait s'avérer redoutable de ne pas partir dans le bon passage. Alors, j'observe, j'essaie de trouver des repères... Et puis, là, soudainement, j'ai l'intuition que je dois partir à droite... Qu'est-ce qui s'est passé ? On pourrait imaginer qu'en fait, dans ma mémoire, il reste quelques traces d'une ancienne voie, ressemblant quelque peu à celle-ci et que la décision que j'avais prise d'aller à droite s'était révélée juste...Peut-être que la couleur du rocher, la lumière, la structure de la roche, la forme d'un pilier ont suffi à créer dans mon inconscient le rappel de cette décision favorable. Je ne m'en souviens pas, de façon rationnelle, mais ce ressenti est là. Et je vais le suivre.
Si cette décision s'avère être la bonne, selon mes schémas de pensées, je vais considérer cette intuition comme un signe intérieur, une écoute intime, une apparition de mon âme, celle qui a en charge mon parcours.
Ou alors, il ne s'agira que d'un pur hasard, un sacré coup de chance... Aucune intention d'âme mais juste une issue favorable, une tournure qui aurait tout aussi bien pu virer au cauchemar...
Prenons maintenant le cas d'une décision défavorable. Après une longue traversée ascendante sur des prises ridicules, je me retrouve au pied d'un pilier surplombant absolument infranchissable. Et cette traversée que je viens d'effectuer m'interdit tout retour...Je suis piégé...Selon mes schémas de pensées, je vais voir dans cette situation une sacrée déveine ou une mauvaise intuition... Mais comment peut-on concevoir une mauvaise intuition si on accepte l'idée qu'elle vient de notre âme ? Ça paraît impossible que notre âme soit à la source d'une galère monumentale ?
"Ah, la vache, pourquoi elle me fait ça ????"
Mais dans le cheminement de l'âme, cette galère est nécessaire. Je ne dois pas la voir avec mon mental. C'est là que prend toute la force de cette conception de la vie. Je suis là, c'est à dire moi en tant qu'individu, parce que mon âme a besoin de cette épreuve pour avancer ou pour que tout s'arrête. Il ne me reste donc qu'à entrer en lutte contre mes faiblesses pour voir où cette intuition d'âme veut m'amener. Ça ne dépend pas essentiellement de moi que je sois là mais ça dépend de moi, pour l'instant, que je mette tout en œuvre pour m'en sortir...Et là, j'aime mon âme dans ce qu'elle me propose de vivre. Et si je tombe et que tout s'arrête, c'est que l'âme jugeait cette fin idéale dans son parcours d'âme.
Cette question du "destin" dans les mains de cette âme est un sacré problème.
Si effectivement, nous décidons qu'il existe une "ame", une "énergie", un "Soi", etc ...et que cette âme a une Conscience, non pas notre conscience mentalisée (J'ai conscience en ce moment de ce que j'écris) mais une Conscience qui appartient à une dimension éternelle, universelle, qui prend sa source dans le flux vital et ne peut pas le quitter, une âme qui a besoin de parcours matérialisés dans une enveloppe pour affiner son évolution, alors on peut s'attendre de sa part à un choix objectif, elle sait ce dont elle a besoin.
Cette Conscience a conscience de ses manques, de ses errances, des paramètres inachevés, elle va donc chercher une "destinée" qui correspondra à ce qu'elle doit apprendre, on peut imaginer une âme étudiant diverses options humaines et choisissant par exemple l'enveloppe de celui qui va devenir "moi". Cela sous-entend qu'elle a donc accès à une vision future, qu'elle peut "entrevoir" ce qui va se produire dans la vie de ce "moi", tout ce qu'elle va pouvoir développer au coeur de cette enveloppe...
Dès lors, ce "moi", lorsque sa conscience sera suffisamment évoluée, va chercher à comprendre son "destin", son cheminement, les évènements survenus dans sa vie et sur lesquels il n'avait aucune emprise possible, sa naissance, sa famille, son pays, son physique etc...
"Mais pourquoi, pourquoi, pourquoi ?"...
Et là, on entre tous dans un conflit intérieur parfois redoutable. Nous allons nous plaindre, nous lamenter ou nous réjouir d'un destin qui nous brutalise ou nous comble alors que ce regard est issu d'un mental, de l'ego, de nos identifications et pas de cette âme...
Elle, l'âme, elle sait très bien où elle va...Notre vision du Bien ou du Mal doit bien l'amuser d'ailleurs...
Même le nouveau-né qui va mourir deux heures après sa naissance a une âme qui savait ce qu'elle voulait.
Si on rejette cette éventualité, alors il faut rejeter tout le concept d'âme.
Il faut à mon sens établir une distinction claire et nette entre l'âme et le mental, et ne pas essayer de comprendre l'âme avec ce mental.
Évidemment, que lorsque je regarde confortablement dans mon salon les effets dévastateurs de l’ouragan à Haïti, je me demande par quelle épouvantable malédiction, ce peuple peut encore être frappé, comment un tel acharnement néfaste peut exister... Une vision mentalisée, par compassion...Même si d'ailleurs, dans mon salon, elle ne sert à rien aux Haïtiens...
Mais, reprenons l'idée de l'âme. Il y aurait donc dans la vie brisée de tous ces gens le choix volontaire d'une âme... Difficile à accepter... Parce qu'il est très douloureux de se dire que cette immense souffrance est intentionnelle et que cette intention nous sera toujours inaccessible... C'est sans doute cela le plus effroyable... Nous ne connaitrons jamais le projet de cette âme. Nous continuerons à errer au gré des évènements exogènes sans jamais savoir ce qui se trame depuis le début au coeur de cette enveloppe fragile.
Si, et seulement si, nous considérons cette hypothèse viable...
Car, si ça n'est pas le cas et qu'il faut s'en tenir à un hasard facétieux, ou sordide, alors, il faut accepter cette errance absolue et opter pour l'absurdité définitive de l'existence. Nous n'allons nulle part, ni en tant qu'individu, ni en tant qu'esprit, si jamais il y a autre chose qu'un simple cerveau... Nous nous rapprochons juste des vers qui nous rongeront. Il faut choisir.
Une intention ou le néant.
L'intuition n'est pas une imagination capable de se projeter au-delà de l'instant mais une connaissance inexplicable dans l'immédiat et au-delà de cet instant.
L'imagination est une pensée qui sort de l'espace réel et espère parfois que cette réalité correspondra à ce qui est imaginé.
L'intuition n'est pas une pensée comme les autres étant donné qu'elle surgit dans un laps de temps qui n'offre même pas la possibilité d'observer cette pensée et d'en juger de la qualité, de la pertinence, de la justesse. L'intuition s'impose. Elle est spontanée. Elle survient dans une circonstance précise et n'a pas d'existence propre comme une pensée qui peut très bien se construire et durer sans aucune nécessité.
L'intuition répond à une nécessité. Pas l'imagination.
L'intuition n'est donc pas une pensée basique. Elle n'a pas de temps. Elle est sans passé, sans avenir, et s'écoule dans un battement de paupières. C'est un rappel au niveau conscient d'une connaissance inconsciente, une mise en lumière foudroyante de ce qui était dans l'obscurité. Elle survient comme un éclair. Elle peut durer dans certaines circonstances mais il semble dès lors qu'elle ait été remplacée par une pensée qui se l'attribue et la rationnalise.
Ce qui est stupéfiant, c'est de considérer que nous possédons par conséquent une opportunité de choix absolument inexplicable par la raison mais qui contient pourtant une justesse imparable. Il n'est pas question de hasard bien entendu. Celui-là n'est que le résidu édulcoré de notre incapacité à comprendre les phénomènes.
Il y a quelques temps déjà, j'ai été renversé par une voiture alors que j'arrivais en vélo à une priorité à droite, en bas d'une descente. L'automobiliste a forcé le passage, je n'avais aucune possibilité de l'éviter. Par contre, il était préférable que je ne passe pas sur le capot ou pire encore sous les roues. Tout va beaucoup trop vite pour que la pensée puisse entrer en action. J'ai bloqué les freins, dérapé de la roue arrière, braqué le guidon vers l'arrière de la voiture, heurté le coffre, passé par-dessus, pivoté en l'air, emporté par l'élan et je suis retombé sur le dos, tous les muscles bandés pour amortir au mieux le choc. J'avais un casque heureusement...Tout a tapé, le dos, la tête, les bras. Sonné. Pompiers, immobilisation, urgences, radios, minerve...J'ai réalisé trois jours plus tard qu'une molaire ne tenait plus. Elle était cassée au niveau des trois racines. Un vol plané de trois mètres d'après les gendarmes.
Eh bien, je sais que je n'ai pensé à rien. Et j'ai pourtant choisi toutes les bonnes options. C’est en visualisant intérieurement l’accident, a postériori, que j’ai pu penser à ce que j’avais accompli et aux décisions que j’avais prises. Mais, dans l’instant, je n’ai pensé à rien.
Ou alors c'est que certaines pensées ne laissent aucune trace. Est-ce que l'intuition est une autre forme de pensées ? Une pensée sans l'influence de la raison. Une saisie immédiate de la réalité et des actes qui en découlent. Est-ce que cette pensée sans raison pourrait trouver sa source dans le corps lui-même ? Je n'ai pas eu le temps d'organiser intellectuellement une issue à cette situation. Tout s'est fait en moi sans que je n'intervienne par la raison, ni même de façon consciente par la pensée. On pourrait attribuer ces réactions spontanées à l'instinct de survie. Dans ce cas-là, je pense que ça convient effectivement.
L'instinct, tout comme l'intuition, peut survenir dans des situations de danger. Le dictionnaire ne fait habituellement aucune distinction entre les deux.
Mais il arrive aussi que nous ayons des intuitions dans des circonstances dénuées de tout risque. Ma princesse est par exemple très douée pour trouver un endroit précis en ville et pour ma part, c'est la même chose mais dans la nature. Un sentier caché derrière un amas de roches ou le cabinet médical au détour d'un parc d'enfants. Le genre de choses pour lesquelles on pourrait tourner en rond pendant une heure ou même ne jamais les trouver. Eh bien, il y a parfois une intuition...Une étrange impression qui nous fait penser que c'est par là...
On pourrait parler de hasard si ça n'arrivait qu'une fois tous les dix ans. Pas quand ça se répète. Je ne crois pas au hasard.
Est-ce qu'il y a en nous une mémoire très profonde, liée à de multiples expériences de vie, et qui pourrait survenir de façon inconsciente et nous guider ? Ma princesse a longtemps vécu à Lyon et d'autres grandes villes et je cours dans les bois depuis mon enfance...Est-ce qu'il y a une mémoire ayant enregistré un nombre infini de situations similaires et dans lesquelles nous avons établi une connaissance insondable ?
Cela signifierait que les enfants ne disposeraient pas de cette intuition ou qu'elle serait infime. Et là, je sais bien qu'il n'en est rien. Les enfants sont emplis d’intuitions très justes…
Mais alors si cette intuition n'attend pas le nombre d'années pour se révéler, d'où vient-elle ?
Même si la mémoire est indispensable, il se pose le problème de son empreinte sur l'instant présent. Se pose également son emprise sur l'intuition dès lors que cette mémoire consciente dont nous usons continuellement ne permet pas en raison de cette omniprésence d'user de cette perception inconsciente d'une vérité qui est en nous et qui surgit sans que nous ayons eu la volonté de nous en servir.
J'ai l'impression que cette mémoire attachée au phénomène des pensées obéit à l'ego et à cette obligation d'imposer à l'existence son empreinte. La mémoire consciente est au service du mental, elle utilise le réseau des pensées pour exister et entretient cette impression de maîtrise.
La mémoire a un fonctionnement temporel étant donné qu'elle est inscrite dans le passé, c'est en cela d'ailleurs qu'elle répond aux exigences du mental.
L'intuition pour sa part ne prend forme que dans l'instant présent en percevant des éléments qui nous échappent et qui lui permettent d'établir la justesse d'un acte. Un acte qui n'est pas décidé volontairement mais qui s'impose.
L'intuition a ceci de déstabilisant qu'elle ne répond pas à cette "maîtrise" illusoire du mental mais qu'elle existe par elle-même, sans aucune intervention consciente. Il ne s'agit pas d'une mémoire mentalisée se nourrissant d'un effort cognitif ou expérimental mais d'un flux de perceptions détachées de la raison et des pensées. Il est probable que ces perceptions se soient inscrites en nous à travers le champ des expériences mais qu'elles ne soient pas restées inventoriées au niveau de la mémoire et de la pensée. Elles sont "tombées" dans une dimension bien plus profonde jusqu'à intégrer notre inconscient.
Même si l'intuition a une part expérimentale inexpliquée, elle n'est pas d'ordre conscient et la mémoire n'en a gardé aucune trace.
Ce qui me tracasse, c'est la présence de cette intuition extrêmement forte chez les jeunes enfants. Une espèce de connaissance immédiate, irraisonnée, démentalisée. J'en ai plus d'une fois été le témoin à travers mon métier. L'étendue des expériences étant trop faible pour expliquer cette prescience, il faut bien situer cette faculté dans un champ intemporel...La capacité naturelle à être impliqué dans l'instant présent et par conséquent à se libérer de la contrainte de la mémoire et de la pensée est sans doute un élément favorable. Il n'y a qu'un enfant pour pouvoir faire d'un bâton une fusée au milieu d'un cercle agité d'adultes...
Il est détaché de ce fardeau temporel, cognitif, expérimental, historique, sociétal, il est libre, encore pour quelques temps, de ce formatage et de cette raison restrictive qui vont lui être imposés par les adultes qui l'entourent et "l'éduquent"...
Cette intuition ou cet instinct (une dimension encore plus archaïque) existe par conséquent à priori... C'est ça qui me fascine. Ce qui m'effraie par contre, c'est de constater l'effacement progressif de cette intuition au fil du temps. Elle est plus présente chez les femmes, c'est une réalité bien connue. Elle est également chez elles plus durable.
Peut-être que cet ego tentaculaire est moins présent chez les femmes et qu'elles parviennent dès lors à rester en prise avec cet inconscient profond. Les hommes sont éduqués à être plus cartésiens ou obtus... C'est selon...
Les femmes donnent la vie aussi. C'est un avantage indéniable sur les hommes au regard de la perception intime de ce que la vie propose...
Tout cela ne me dit pas quelle est la source de cette intuition.
S'il ne s'agit pas de la mémoire consciente, ni du phénomène des pensées, s'il ne s'agit pas d'un raisonnement, il faut trouver un autre émetteur.
Je me demandais par rapport à quelques expériences en montagne si cette intuition ne serait pas insérée dans la totalité du corps. Comme une "mémoire" corporelle ajoutée à une mémoire cérébrale. Je ne m'explique pas en effet certains "réflexes" intuitifs que j'ai eus.
Comme si mon corps n'avait absolument pas besoin d'être soutenu par une unique intervention cérébrale mais qu'il était capable d'oeuvrer seul à sa survie. J'ai bien pensé au cerveau reptilien. Mais alors, ce qui est effrayant, c'est de se dire que notre évolution existentielle ne met en oeuvre qu'une partie précise de notre potentiel et nous prive d'un autre. Et que seules, quelques expériences précises, souvent inattendues et parfois même dangereuses, peuvent rétablir cette connexion bridée.
Notre confort quotidien et la sécurité acquise ne sont-ils pas symétriquement au bonheur qu’ils apportent une source de dégénérescence ?
C'est sans doute cette osmose entre le corps et l’esprit que recherchent les alpinistes, escaladeurs, explorateurs, bikers, free riders et autres adeptes de l'adrénaline. Bien plus qu'un simple "shoot" d'endorphines mais des retrouvailles avec ce cerveau englué sous les synapses du néo cortex.
L’intuition contient-elle donc la dimension la plus étendue de la liberté intérieure ?
Le jaillissement de l’individu dans un dépouillement intérieur.
« Là où le raisonnement s’arrête, l’intuition continue. »
Victor Hugo
On pourrait ajouter que c’est là que la liberté prend forme.
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