OCDE, c'est du long terme...
- Par Thierry LEDRU
- Le 17/05/2014
- 0 commentaire
Cette analyse date de juillet 2003...
On voit aujourd'hui la ténacité des gouvernements à mettre en place cette privatisation et cette libéralisation, jusque dans le système scolaire.
Droite ou Gauche, rien ne change bien entendu. C'est d'ailleurs la Droite qui avait initié cette Réforme...
http://leruisseau.iguane.org/spip.php?article11
l’OCDE donne le kit de la privatisation facile
La France se privatise doucement. Cela se fait par le changement de statut des entreprises publiques, plus ou moins progressivement. Mais cela se fait aussi par l’affaiblissement des services publics, ce qui a pour effet de favoriser le développement de services privés. Ces politiques sont insidieuses, et l’on a du mal à en mesurer les répercutions. Accompagnées par un discours qui nie farouchement toute volonté d’affaiblissement du service public, l’opinion à du mal à savoir ce qui se prépare.
Chacun dans son domaine constate une augmentation des cadences, une précarisation de l’emploi, une dégradation de l’offre publique (augmentation des services payants, durée d’acheminement du courrier, disparition des services de proximité, dégradation du climat scolaire, etc...) qui pousse automatiquement à aller chercher une réponse dans secteur privé (envoi du courrier sous 24h, cliniques privées, établissements scolaires privés plus sécurisants etc...)
Il ne faudra pas attendre que telle ou telle école publique soit privatisée pour dire « le système éducatif français se privatise ». En France, il y a déjà concurrence entre un système éducatif public et un système éducatif privé. Une simple dégradation lente, progressive de l’offre publique suffit à permettre le développement du secteur privé. Pour se persuader que tous les signes observables sont bien à inclure dans une volonté globale de libéralisation du secteur public, voici quelques exemples d’analyses politiques proposées par l’OCDE (dont la France est membre). Les citations (en italliques) sont extraites d’une brochure téléchargeable sur internet sur le site de l’OCDE : Le cahier de politique économique n°13 : la faisabilité politique de l’ajustement. (quelques extraits - notés comme tels - sont également tirés du cahier de politique économique n°1 : ajustement et équité, dont le cahier n°13 est le prolongement - les deux brochures sont téléchargeables ci-contre)
Ce texte est édifiant. Il se base sur « cinq études de cas approfondies (sur l’Équateur, le Venezuela, les Philippines, la Côte d’Ivoire et le Maroc) », et des analyses comparatives de « sept pays d’Amérique latine et 23 pays d’Afrique pendant les années 80 » lorsque ces pays ont pratiqué des politiques de privatisation et de libéralisation.
Le cahier n°13 (rédigé par Christian Morrisson, pour le centre de développement de l’OCDE) est présenté ainsi :
"Le Centre de Développement s’efforce, dans ses activités de recherche, d’identifier et d’analyser les problèmes qui vont se poser à moyen terme, dont les implications concernent aussi bien les pays Membres de l’OCDE que les pays non-membres, et d’en dégager des lignes d’action pour faciliter l’élaboration de politiques adéquates. (...) De par sa diffusion rapide, large et ciblée, cette série est destinée plus particulièrement aux responsables politiques et aux décideurs concernés par les recommandations qui y sont faites." (cahier n°13, page3)
Dans le vocabulaire de l’OCDE, la stabilisation est une baisse subite des dépenses de l’Etat, et l’ajustement structurel est une réorganisation de l’économie du pays pour diminuer les dépenses de l’Etat (le secteur moderne est le secteur public et parapublic). Dans tous les cas, une privatisation du secteur public est imposée, avec la collaboration du FMI et de la banque mondiale :
"Quelle que soit la diversité des politiques d’ajustement structurel, une comparaison entre les programmes montre qu’ils s’inspirent d’une philosophie commune, à savoir l’intérêt d’une libéralisation des échanges, à l’intérieur comme à l’extérieur, et éventuellement l’intérêt d’une privatisation des entreprises parapubliques pour accroître l’efficacité de l’économie. Cette philosophie guide aussi bien les programmes conçus en collaboration avec le FMI et la Banque mondiale que ceux des pays comme l’Indonésie qui ont agi indépendamment." (cahier n°1, p11)
Le danger pour l’OCDE, c’est que ces mesures de déréglementation et de privatisations soient bloquées par des grèves : de pauvres, de fonctionnaires ou de salariés d’entreprises publiques.
"L’application de programmes d’ajustement dans des dizaines de pays pendant les années 80 a montré que l’on avait négligé la dimension politique de l’ajustement. Sous la pression de grèves, de manifestations, voire d’émeutes, plusieurs gouvernements ont été obligés d’interrompre ou d’amputer sévèrement leurs programmes. (...) La dimension sociale de l’ajustement est évidente lorsque les troubles représentent une réaction de désespoir de la part des plus pauvres à des mesures de stabilisation qui les frappent directement. Dans d’autres cas, cependant, l’opposition à l’ajustement n’est pas le fait des pauvres : des fonctionnaires ou des salariés d’entreprises publiques peuvent, par la grève dans des secteurs clés, bloquer l’action gouvernementale. (...) (cahier n°13, page 6) Seules les dictatures qui interdisent toute liberté de presse et d’expression évitent ce coût. En raison de ces réactions politiques à l’ajustement, de nombreux gouvernements peuvent donc souhaiter minimiser les coûts humains de l’ajustement, même si les considérations sociales ne sont pas prioritaires pour eux." (Cahier n°1, page 5)
Une brutale hausse des prix à la consommation, (causée par l’arrêt de certaines subventions aux denrées alimentaires de base) peut provoquer des troubles politiques très graves. Mais les réductions de salaire et d’emploi dans le secteur public entraînent des grèves qui peuvent sont une arme très efficace.
"La réduction des salaires et de l’emploi dans l’administration et dans les entreprises parapubliques figure, habituellement, parmi les principales mesures des programmes de stabilisation. En principe, elle est moins dangereuse politiquement que la hausse des prix à la consommation : elle suscite des grèves plutôt que des manifestations et elle touche les classes moyennes plutôt que les pauvres (il y a peu de fonctionnaires parmi les 40 pour cent les plus pauvres). Mais ce n’est pas parce que cette mesure peut se justifier du point de vue de l’équité qu’elle ne comporte pas de risque politique. En effet, il s’agit de secteurs où la proportion de salariés syndiqués est la plus élevée, où les salariés ne prennent pas de risque en faisant grève comme dans le secteur privé et, enfin, où la grève peut être une arme très efficace : l’économie est paralysée par une grève des transports ou de la production d’électricité ; et l’État est privé de recettes si les agents du fisc cessent de travailler. La grève des enseignants n’est pas, en tant que telle, une gêne pour le gouvernement mais elle est indirectement dangereuse, comme on l’a noté, puisqu’elle libère la jeunesse pour manifester. Ces grèves peuvent donc devenir des épreuves de force difficiles à gérer.(...) (cahier n°13, p29) Les grèves comportent un inconvénient sérieux, celui de favoriser les manifestations. Par définition les grévistes ont le temps de manifester." (cahier n°13, p26)
Pourquoi ce sont toujours les salariés du public qui font grève ? Ils sont bien organisés répond l’étude.
"Mais la réforme la plus souvent nécessaire, et la plus dangereuse, est celle des entreprises publiques, qu’il s’agisse de les réorganiser ou de les privatiser. Cette réforme est très difficile parce que les salariés de ce secteur sont souvent bien organisés et contrôlent des domaines stratégiques. Ils vont se battre avec tous les moyens possibles pour défendre leurs avantages, sans que le gouvernement soit soutenu par l’opinion parce que les bénéfices de la réforme n’apparaîtront qu’après plusieurs années et seront diffus, tandis que les perdants seront touchés immédiatement. Plus un pays a développé un large secteur parapublic, plus cette réforme sera difficile à mettre en œuvre, le cas limite étant celui des économies socialistes où les dangers sont les plus grands." (cahier n°13, p33)
L’étude est très documentée, en chiffres, en exemples divers. La France est parfois citée :
"Le cas du Venezuela montre qu’il n’y a pas de lien entre la violence sociale et le niveau de développement : malgré un revenu par habitant relativement élevé, c’est le pays où les troubles ont été les plus violents. (...) Une telle réforme a des retombées favorables pour certains groupes d’intérêts, mais défavorables pour d’autres. Elle correspond donc à un changement dans l’équilibre socio-politique du pays, qu’il est plus facile de faire accepter dans la conjoncture d’une crise financière et d’un programme de stabilisation. Ceci se vérifie à la fois dans les pays en développement et dans les pays industrialisés, comme le montre l’exemple du programme de stabilisation et d’ajustement structurel appliqué en France en 1958." (cahier n°1, page 8)
Aujourd’hui en Europe, beaucoup disent que les gouvernements des Etats membres font endosser à la commission de Bruxelles les décisions impopulaires alors qu’ils sont d’accord, puisqu’ils ont signé les textes quelques mois auparavant. L’OCDE voit deux options : paraître indépendant ou dire que cela viens d’une instance supérieure :
"Politiquement, le gouvernement n’est pas obligé de négocier avec le FMI dans un contexte de crise et de reconnaître ainsi des erreurs de gestion. En procédant dans l’indépendance, le gouvernement paraît mieux placé pour faire accepter son plan de stabilisation par l’opinion publique (à moins qu’il ne préfère en imputer la responsabilité au FMI)." (cahier n°1, p21)
Passons à la pratique, voilà comment procéder :
1-Prendre des mesures qui se voient le moins possible :
"Les mesures idéales sont celles qui permettent une grande économie de la dépense publique, sans créer de troubles politiques. On trouve ainsi les coupes qui se voient le moins, comme les budgets d’investissement, où les mesures qui pénalisent les PME, sans poids politique :
Les coupures dans les budgets d’investissement ne suscitent habituellement aucune réaction, même lorsqu’elles sont très sévères : -40 pour cent au Maroc en trois ans, -40 pour cent en Côte d’Ivoire en deux ans, -66 pour cent au Venezuela de 1982 à 1985, et -60 pour cent aux Philippines en deux ans. Certes, au Maroc, des partis d’opposition ont critiqué cette mesure en faisant remarquer qu’elle empêchait la création d’emplois et compromettait à terme la croissance. Dans la réalité, les entreprises du bâtiment souffrent beaucoup de telles coupures qui multiplient les faillites et les licenciements. Mais ce secteur, composé surtout de petites et moyennes entreprises, n’a quasiment aucun poids politique. (...) La chute des investissements publics ralentit la croissance pour les années à venir et met sur-le-champ des milliers d’ouvriers du bâtiment au chômage, sans allocation. Mais nous raisonnons ici en fonction d’un seul critère : minimiser les risques de troubles." (cahier n°13, p17)
Les gouvernements doivent prendre les mesures les plus violentes juste après les élections. Et avoir un plan de communication bien carré :
"Si un gouvernement arrive au pouvoir au moment où les déséquilibres macro-économiques se développent, il bénéficie d’une courte période d’ouverture (quatre à six mois), pendant laquelle l’opinion publique le soutient et il peut rejeter sur ses prédécesseurs l’impopularité de l’ajustement. Grâce à ce soutien, les corporatismes sont temporairement affaiblis et il peut dresser l’opinion contre ses adversaires. Après ce délai de grâce, c’est fini : le nouveau gouvernement doit assumer en totalité les coûts politiques de l’ajustement, car il est considéré comme le seul responsable de la situation. Il a donc intérêt à appliquer sur-le- champ un programme de stabilisation, tout en reportant la responsabilité des difficultés sur ses adversaires. Cela suppose une bonne stratégie de communication, cette stratégie étant une arme importante dans le combat politique. Il faut dès l’arrivée au pouvoir insister, voire en exagérant, sur la gravité des déséquilibres, souligner les responsabilités des prédécesseurs et le rôle des facteurs exogènes défavorables, au lieu de tenir un discours optimiste et de reporter l’heure de vérité. En revanche, dès que le programme de stabilisation a été appliqué, le gouvernement peut tenir un discours plus optimiste pour rétablir la confiance (un facteur positif pour la reprise), tout en s’imputant le mérite des premiers bénéfices de l’ajustement. Il est bon d’étaler les mesures dans le temps pour éviter une coalition d’opposants. En complément des programmes de stabilisation, l’ajustement amène souvent des réformes structurelles qui comportent moins de risques politiques. Ces réformes sont habituellement moins délicates, parce que certains groupes d’intérêt en pâtissent, tandis que d’autres en bénéficient. Le gouvernement peut donc facilement organiser une coalition des gagnants pour s’appuyer sur elle contre celle des perdants. (...) Par ailleurs, les réformes structurelles n’ont pas, en général, le caractère d’urgence des mesures de stabilisation. Le gouvernement peut donc les étaler dans le temps et éviter ainsi une coalition des mécontentements, comme celle qu’il suscite en prenant simultanément de nombreuses mesures impopulaires de stabilisation." (cahier n°13, p32)
L’OCDE remarque que les mesures compliquées et qui s’appliquent à long terme sont plus dures à décrypter pour la population.
"On observe, avec un décalage de trois à six mois, un lien étroit entre l’annonce des mesures de stabilisation et les troubles, les grèves ou les manifestations. Ce décalage est intéressant, car il prouve que, contrairement à l’hypothèse d’anticipations rationnelles, les réactions politiques ont lieu au moment de l’application des mesures plutôt qu’à leur annonce. Cela peut s’expliquer par le caractère technique de l’ajustement : lorsque le gouvernement annonce un programme et en trace les grandes lignes, la plupart des personnes concernées ne sont pas capables d’avoir une idée claire des conséquences de ce programme pour elles, ou pensent qu’il touche surtout les autres." (cahier n°13, p11)
L’OCDE préconise des mesures insidieuses de complexification administratives pour alléger le budget de certaines aides. Ils ne sont donc pas hostiles à une bureaucratie ! (cela éclair d’un regard original les files d’attentes aux ASSEDIC ou à la sécurité sociale.)
"Une autre mesure politiquement risquée serait de réduire le nombre (ou le montant) des bourses aux lycéens et aux étudiants. Même si cette mesure n’a pas d’effet social négatif, puisque le gouvernement maintient toutes les aides aux enfants de familles pauvres, des risques importants sont pris, car ce groupe est politiquement très sensible, facile à mobiliser, soutenu par les médias et, par principe, proche de l’opposition. Il est donc préférable d’agir prudemment, par exemple en bloquant le montant nominal des bourses malgré l’inflation, ou en ajoutant certaines contraintes administratives. Mais cet exemple prouve que la première précaution à prendre est d’éviter une politique laxiste en période de prospérité, car celle-ci crée des droits qu’il est difficile ensuite de remettre en question." (cahier n°13, p29)
Le souci du détail ne connaît pas de limites !!!
"Rien n’est plus dangereux politiquement que de prendre des mesures globales pour résoudre un problème macro-économique. Par exemple, si l’on réduit les salaires des fonctionnaires, il faut les baisser dans tel secteur, les bloquer en valeur nominale dans un autre, et même les augmenter dans un secteur clé politiquement. Si l’on diminue les subventions, il faut couper celles pour tels produits, mais maintenir en totalité celles pour d’autres produits. Le souci du détail ne connaît pas de limite : si les ménages pauvres consomment seulement du sucre en poudre, on peut augmenter le prix du sucre en morceaux pourvu que l’on garde la subvention au sucre en poudre." (cahier n°13, p31)
2- A l’assaut du secteur public ! (le seul à pouvoir lutter contre la privatisation)
Dans les pays étudiés, encore plus qu’en France, le secteur privé a du mal à faire grève. Alors que les fonctionnaires se défendent. (le secteur informel est le travail au noir.)
"Dans beaucoup de pays, la majorité de la population urbaine est occupée dans les petites entreprises ou le secteur informel, secteurs où il n’est pas possible de faire grève sans perdre son emploi. D’autre part, les grèves sont des mouvements catégoriels par nature, ce qui explique la corrélation entre les restrictions budgétaires touchant les fonctionnaires et les grèves. Ces restrictions entraînent souvent des baisses de salaire, voire des licenciements dans l’administration et les entreprises publiques : les salariés étant organisés et souvent assurés de conserver leur emploi, ils peuvent faire grève." (cahier n°13, p11)
Il faut éviter la grève générale en pratiquant une politique discriminatoire.
"Les salaires nominaux peuvent être bloqués (ce qui allège rapidement la masse salariale en termes réels si le taux d’inflation atteint 7 ou 8 pour cent) ; on peut ne pas remplacer une partie des salariés qui partent en retraite ; ou bien l’on peut supprimer des primes dans certaines administrations, en suivant une politique discriminatoire pour éviter un front commun de tous les fonctionnaires. Évidemment, il est déconseillé de supprimer les primes versées aux forces de l’ordre dans une conjoncture politique difficile où l’on peut en avoir besoin. Comme on le voit, pourvu qu’il fasse des concessions stratégiques, un gouvernement peut, en procédant de manière graduelle et par mesures sectorielles (et non globales), réduire les charges salariales de manière considérable. L’essentiel est d’éviter un mouvement de grève générale dans le secteur public qui remettrait en question un objectif essentiel du programme de stabilisation : la réduction du déficit budgétaire." (cahier n°13, p30)
Une politique discriminatoire sert aussi à orienter l’opinion publique (Ca rappelle quelque chose, prendre une mesure touchant le secteur privé, plus dur à mobiliser, et ne s’attaquer au secteur public qu’ensuite !)
"Un gouvernement peut difficilement stabiliser contre la volonté de l’opinion publique dans son ensemble. Il doit se ménager le soutien d’une partie de l’opinion, au besoin en pénalisant davantage certains groupes. En ce sens, un programme qui toucherait de façon égale tous les groupes (c’est-à-dire qui serait neutre du point de vue social) serait plus difficile à appliquer qu’un programme discriminatoire, faisant supporter l’ajustement à certains groupes et épargnant les autres pour qu’ils soutiennent le gouvernement." (cahier n°13, p17)
Dans tous les cas, il faut éviter que les salariés de la fonction publique soient soutenus par les pauvres. Il faut les isoler, quitte à donner des aides aux classes les plus populaires afin de créer une coalition opposée. (Ne serait-il pas bon aussi de parler de privilèges pour les fonctionnaires ? Ou plutôt créer une campagne médiatique de longue haleine, et afficher la plus grande impartialité le moment venu !)
"Il faut éviter que ce mouvement s’étende à toute la population urbaine, en se ménageant par des actions discriminatoires le soutien de divers groupes, afin de constituer une coalition opposée. Il est souhaitable, par exemple, de limiter les réductions de salaire aux fonctionnaires civils et d’accorder une aide bien adaptée à des familles pauvres. Cette stratégie permet de gagner des soutiens, sans en perdre, puisque beaucoup de fonctionnaires civils auraient été de toute façon hostiles à l’ajustement. (...)" (cahier n°13, p25)
Les cheminots, les salariés d’EDF, de la poste et de la RATP ont-ils des soucis à se faire ? Pourquoi ne sont-ils pas concernés directement ? L’OCDE appelle cela des précautions :
"Il ne faut pas acculer ces salariés au désespoir en les licenciant purement et simplement. Des fonds de reconversion sont indispensables pour les réinsérer.Enfin, il est souhaitable, dans un premier temps, d’exclure de la réforme les secteurs stratégiques comme l’énergie ou les transports, quitte à prendre des mesures plus tard, dans une conjoncture politique et économique meilleure." (cahier n°13, p33)
Diminuer graduellement la qualité de l’enseignement en diminuant les dépenses de fonctionnement ne crée aucune difficulté politique pour un gouvernement ! On est heureux de l’apprendre. Et les enseignants l’avaient déjà un peu remarqué !
"On peut, (...) recommander de nombreuses mesures qui ne créent aucune difficulté politique. Pour réduire le déficit budgétaire, une réduction très importante des investissements publics ou une diminution des dépenses de fonctionnement ne comportent pas de risque politique. Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population." (cahier n°13, p30)
3- Se servir d’un outil essentiel : les médias.
Les médias sont un outil essentiel pour les gouvernements pour obtenir l’adhésion des populations. Le mot d’ordre : l’équité bien sûr !!!
"Les réductions des dépenses de fonctionnement, toujours plus modérées, ne provoquent pas non plus de réactions, à une exception près, en Équateur, où les fonctionnaires ont fait grève et occupé les locaux. Le gouvernement peut même obtenir le soutien de l’opinion s’il procède avec habileté, comme au Maroc, où les dépenses pour les véhicules administratifs ayant été bloquées, le gouvernement et la presse ont présenté cette décision comme une mesure d’équité : au moment où l’on demande des sacrifices à toute la population, les fonctionnaires doivent aussi en accepter. Le gouvernement a les moyens de faire appel au pragmatisme des fonctionnaires : Il peut communiquer sur le thème : c’est imposé par une instance supérieure et l’on tranche dans l’intérêt de tous. Certes, le gouvernement peut toujours rétablir le calme en annulant les mesures qui ont déclenché la grève mais, ce faisant, il renonce à réduire le déficit budgétaire. Le gouvernement a toutefois les moyens de faire appel au pragmatisme des fonctionnaires. Il peut, par exemple, expliquer que, le FMI imposant une baisse de 20 pour cent de la masse salariale, le seul choix possible est de licencier ou de réduire les salaires et qu’il préfère la seconde solution dans l’intérêt de tous." (cahier n°13, p29)
La bataille de l’opinion est primordiale. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui, les ministres du gouvernement défilent inlassablement à la télévision et à la radio.
"Enfin, pour éviter les troubles, il est souhaitable que le gouvernement fasse un effort exceptionnel d’information (...). Ces interventions peuvent paraître plus spectaculaires qu’efficaces, mais en l’occurrence, seule importe l’image que donne le gouvernement et non la portée réelle de ses interventions." (cahier n°13, p28)
4- Ne pas attendre les conflits sociaux pour casser les moyens de défense des salariés qui le peuvent encore : les syndicats corporatistes.
Le danger : le corporatisme. Le très grand danger : qu’il soit bien organisé !
"L’autre obstacle tient au corporatisme. Plus il existe des groupes d’intérêt puissants et bien organisés, plus la marge de manœuvre du gouvernement est réduite. Celui-ci sera incapable d’appliquer des mesures indispensables, même s’il dispose d’une majorité parlementaire dans un régime démocratique et veut ajuster avant la crise financière. L’histoire récente de pays développés comme la France et l’Italie montre d’ailleurs que les PED n’ont pas le monopole des corporatismes. Ce problème se pose surtout dans les entreprises parapubliques, auxquelles, souvent, le gouvernement veut supprimer les subventions afin de réduire le déficit budgétaire. Cette coupure entraîne inévitablement des baisses de salaire et parfois des licenciements. Si ces entreprises appartiennent à des secteurs clés (énergie, transports ou mines, lorsque les exportations minières sont la première source de devises) et si les salariés de ces entreprises sont bien organisés, ils peuvent s’opposer efficacement à la décision du gouvernement." (cahier n°13, p23)
La solution : l’affaiblir par tous les moyens, par exemple en créant un service minimum, ou en divisant une entreprise en plusieurs entreprises concurrentes. Ah ! les bénéfices de la concurrence selon l’OCDE !
"Ainsi, toute politique qui affaiblirait ces corporatismes serait souhaitable : d’un point de vue économique, cela éliminerait des entraves à la croissance et, politiquement, le gouvernement gagnerait une liberté d’action qui peut lui être précieuse en période d’ajustement. On objectera que cette politique soulèvera des résistances, mais il vaut mieux que le gouvernement livre ce combat dans une conjoncture économique satisfaisante, qu’en cas de crise, lorsqu’il est affaibli. Cette politique peut prendre diverses formes : garantie d’un service minimum, formation d’un personnel qualifié complémentaire, privatisation ou division en plusieurs entreprises concurrentes, lorsque cela est possible. (...) (cahier n°13, p23) Par rapport aux pays développés, les gouvernements des pays en développement ont plus de facilités pour intervenir. Par exemple, il leur est plus facile de faire dissoudre des piquets de grève ou de remplacer les grévistes par d’autres salariés. Il leur est aussi plus facile de réduire le poids de ces entreprises, par exemple en diminuant le financement des investissements ou en introduisant des concurrents privés lorsque l’activité le permet." (cahier n°13, p33)
François Guillement, juin 2003
Ajouter un commentaire