Réunion de parents

Réunion de parents d'élèves

Vendredi soir, j'ai vécu ma dernière réunion de classe avec les parents d'élèves. Ils étaient nombreux d'ailleurs à s'être déplacés.

C'est toujours émouvant d'avoir en face de moi, non pas les enfants mais leurs parents, bien souvent assis à la même place.

J'ai donc expliqué ma façon de travailler. J'avais écrit au tableau les deux parties de la soirée : une présentation des supports de travail, classeurs, porte-vue et cahiers, puis la deuxième partie dans laquelle je décrivais ma vision de l'enseignement et les différents points que je souhaitais aborder :

L'enfant et l'élève / Le contenant et le contenu / La connaissance de soi / La gestion émotionnelle / « L'ascension » vers la connaissance / Le chemin balisé par les « lampadaires et la fierté du chemin parcouru.»/

L'enfant et l'élève : J'accueille des enfants et non pas des élèves. Ils ne sont pas élèves, ils sont enfants en situation d'élèves. Ce qui m'importe prioritairement, ça n'est pas de leur apporter des connaissances extérieures, scolaires, culturelles mais que le travail nécessaire pour acquérir cette connaissance leur serve d'exploration intérieure afin qu'ils se connaissent, en tant qu'individu et non uniquement comme élève. Cette observation sera le moteur des apprentissages et ces mêmes apprentissages joueront le rôle de carburant.

Le contenant et le contenu : Il ne sert à rien de vouloir verser du contenu dans un contenant ou du carburant dans un moteur incomplet. Il n'est pas prêt à le recevoir.

On peut imaginer une outre percée. L'outre n'est pas responsable de cet état. On lui demande d'être une outre alors qu'elle n'est encore qu'une peau qui n'est pas reliée, pas constituée, pas cousue.

Les difficultés que rencontrent certains enfants ne relèvent pas de leurs responsabilités mais de celles des adultes qui n'ont pas su accompagner l'enfant dans la constitution de son « étanchéité » et qui ont voulu le charger d'un contenu dont il ne peut pas encore supporter la charge.

Et l'enfant se verra ensuite propulser dans un enchaînement de « thérapies » multiples et diverses, menées par des adultes chargées de corriger les déficiences du monde adulte...Sans que ce monde adulte n'observe lui-même les causes réelles de la difficulté de l'enfant. Oh, bien sûr qu'il y aura plein de raisons « dys » et d'explications d'ordre familial ou culturel etc etc etc...Mais, la question du seul développement de l'enfant hors de son statut d'élève : qui se pose cette question ?

La connaissance de soi : Le travail scolaire n'est pas une finalité. La finalité, c'est la connaissance de soi. Le travail scolaire est un moyen. Les difficultés, tout comme les réussites, sont des expériences enrichissantes, non pas prioritairement, dans les savoirs acquis mais dans l'acquisition de l'être. Il ne s'agit donc pas de tourner exclusivement les enfants vers le monde extérieur de la connaissance mais de les amener à inverser ce regard, simultanément, afin d'observer l'espace intérieur et d'analyser les tourments, les joies ou la sérénité.

La gestion émotionnelle :

Cette gestion émotionnelle a pour finalité de donner les moyens aux enfants d’installer le calme en eux. Ce calme nécessaire aux apprentissages. On peut imaginer sinon un moteur qui refuse de démarrer ( enfant apathique) ou un moteur qui s’emballe (hyperactivité). C’est donc là, dans cette observation, que le contrôle des émotions peut se construire. Il ne sert à rien d’avoir peur devant un travail. Rien de bon ne peut en sortir. C’est un parasitage et une limitation de l’exploitation du potentiel. C’est comme un morceau de sucre dilué dans le carburant… Il n’est pas sain, non plus, d’aborder le travail dans une confiance excessive. Les erreurs d’inattention surviendront inévitablement parce que l’euphorie entrave la lucidité.

L’ascension vers la connaissance

On peut comparer le chemin de la connaissance à une ascension himalayenne. On a le camp de base, (le savoir acquis) puis les camps d’altitude. Le premier camp est atteint et du matériel est déposé avant un retour au camp de base. L’acclimatation se fait par des allers-retours qui demandent beaucoup de temps et d'énergie.

Lorsque l’individu se sent prêt, physiquement et moralement, il remonte au camp 1, s’y repose quelques heures puis monte jusqu’à un endroit favorable à l’installation du camp 2...Du matériel y est de nouveau déposé afin de faciliter le prochain retour et la montée vers le camp 3...Parfois, du camp 2, les individus redescendent jusqu’au camp de base pour s’y reposer profondément.

Il en est ainsi des apprentissages scolaires. Tout se fait par paliers et non pas de façon linéaire et il est sain et parfaitement justifié que chaque individu éprouve le besoin de se reposer dans un territoire déjà connu et accueillant. Il n’y a pas d’échec à prendre son temps, ni même à ne pas pouvoir monter au camp 4 quand les autres y parviennent. Peut-être que le camp 4 suffit au bonheur de celui-là…

Il y a un risque sournois dans cette ascension, c’est que l’individu soit irrémédiablement poussé vers l’instant à venir, vers le pas à faire, vers le mètre à gagner et que cette pression constante finisse par lui gâcher le bonheur d’être là… Comme un empoisonnement des nourritures spirituelles.

Il est primordial de ne jamais perdre de vue la joie profonde de la vie, là, dans l’instant, sans aucune autre intention que le saisissement de l’énergie en soi.

Le chemin balisé par les lampadaires et la fierté du chemin parcouru.

Il est utile de montrer aux enfants un schéma symbolique de leur cheminement et je l’appelle « la voie des lampadaires ».

L’individu est éclairé par une lumière diffuse, un lampadaire au-dessus de lui. Au loin, devant lui, il distingue une autre lumière, un autre lampadaire. Pour l’atteindre, il doit accepter de traverser un champ d’obscurité, une zone incertaine.

Il pourrait décider de rester sous le lampadaire d’origine mais plus il attend et plus la lumière s’étiole. Elle ne s'éteindra pas mais sa lueur faiblit. Plus celle-là diminue, plus celle qui est devant lui, là-bas, rayonne. Il doit absorber la lumière disponible, là où il se trouve, s’en charger et engager la traversée. C’est un moment fortement émotionnel. Tout comme l'est la traversée. 

Lorsque l’individu parvient sous le deuxième lampadaire, il s’accorde un temps de repos puis il dirige ses regards vers l’horizon, là-bas, où brille un autre lampadaire.

Il existera toujours un lampadaire devant soi.

Il tiendra à chacun de décider d’y aller ou pas.


Deux heures à parler. Je m’étais donné ça comme limite. Mais, j’aurais pu y passer deux heures de plus.

Je pense que ça intéressait les parents. De toute façon, j’ai toujours pensé qu’on ne pouvait intéresser un interlocuteur qu’au regard de sa propre implication. Il n’y a que les hommes et femmes politiques qui sont suffisamment pervers pour parvenir à faire croire qu’ils sont impliqués, compétents et intègres.

 

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