L'enfant et la mort
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/04/2010
- 2 commentaires
Dans ma classe de CM2, nous avons souvent des discussions qui pourraient passer pour "étranges" à un visiteur...
La conscience, l'âme, l'esprit, le mental, l'amour, la vie, la mort, l'égo, l'identification, la personnalité, l'attachement, le temps, l'espoir, la réalité...
Entre le début de l'année et aujourd'hui, le cheminement est immense. L'écoute et la participation, le sérieux et l'engagement, le désir de partager, les pudeurs oubliées, cette envie d'avancer, il est parfois difficile de passer à autre chose tant ils ont de choses à exprimer... Je réalise à quel point ils vivent dans des carcans de non-dits parce qu'ils ne sont pas assez écoutés et à quel point la classe peut leur offrir l'opportunité de se dévoiler, de se révéler, à eux-mêmes, aux autres, ce bonheur dans leurs yeux, nos rires parfois, cette évolution dans la maîtrise da la langue, dans l'expression fine de leurs pensées...
De grands et beaux moments...
Aujourd'hui, Mina nous a lu un texte qu'elle avait écrit dans le cadre d'un travail d'expression écrite.
Sujet libre mais avec cinq "phrases obligées" qu'il faut insérer dans l'histoire.
Mina nous a raconté que pour elle la Mort est malheureuse de la tâche qui lui incombe. Elle ne l'a pas choisie. C'est la Vie qui l'a créée et elle est à son service. C'est la Vie qui décide de l'existence ou de la fin de l'existence. la Mort n'est que l'ouvrier de cette fin que la Vie a décidée. Ce n'est donc pas la Mort qui surgit mais la Vie qui décide de se retirer. Et cette mission est si douloureuse pour la Mort que toutes les larmes qu'elle a versées depuis l'apparition de la vie et le début de sa mission ont fini par former les océans et la montée des eaux sur la planète n'est que la conséquence des larmes que la Mort verse infiniment...
Cet autre regard, cette imagination fertile, de quel droit les adultes se permettent-ils de les contenir, de les formater, de les rediriger ?
Les grandes découvertes scientifiques ont d'ailleurs parfois été générées par des esprits imaginatifs. Alfred Wegener et la tectonique des plaques en est un exemple parfait.
Mina a peut-être raison. Et d'ailleurs, si je parviens à me libérer moi-même de cette "raison" cartésienne qui nous isole de notre imaginaire, quelle est l'importance de savoir si elle a raison ou pas ? Ca n'en a aucune. Dans son esprit, la Mort est soumis à la Vie et elle aimerait bien un peu moins de travail. On peut imaginer à notre tour cette Mort devant emporter un enfant malade. Un ordre insupportable pour elle. Pourquoi la Vie le délaisse-t-il ? On pourrait imaginer que la Mort dans une rencontre avec la Vie essayerait de la convaincre d'être moins dure... Après tout.
Pourquoi notre vision de cette Mort impitoyable ne serait-elle pas une erreur ? Parce que historiquement, les hommes ont toujours vu la Faucheuse comme un ennemi impitoyable. Inconscient collectif auquel un esprit d'enfant n'appartient pas encore. Une liberté en sursis.
Ca n'est pas à moi d'aller resserrer les anneaux de la chaîne. Même si je suis un fonctionnaire enseignant.
J'aimerais tant que Mina reste libre. Et tous les autres.
Commentaires
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- 1. Thierry Le 02/05/2010
Oui Alain, et elle a raison. Et une fois débarassé de cette "mortelle habitude" nous parviendrons enfin à vivre. Et non plus "croire vivre". -
- 2. alain Le 02/05/2010
Mère celle qui a poursuit la recheche de Sri Aurobindo
nous demande de perdre cette mortel habitude de mourir
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