Viande et réchauffement

La surconsommation de viande alimente le réchauffement climatique

Par : Sarantis Michalopoulos | EURACTIV.com | translated by Manon Flausch

 28 janv. 2016

Notre surconsommation de viande pèse sur notre santé et sur l'environnement. [David Blackwell / Flickr]

Langues : English

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Cet article fait partie de l'édition spéciale La nouvelle PAC se penche sur le changement climatique.

Édition spéciale. Notre consommation excessive de viande aura inévitablement un impact dangereux sur le climat, avertit une nouvelle étude, qui encourage les gouvernements, plutôt réticents, à agir.

Les agriculteurs font face à un défi de taille : comment nourrir cette population mondiale qui croît à un rythme effréné ? Un rapport publié en novembre 2015 par Chatham House et le Glasgow University Media Group analyse l’interconnexion entre la consommation de viande et de produits laitiers et le changement climatique.

Près d’un tiers des terres cultivées dans le monde est utilisé pour l’alimentation animale. Rien que dans l’UE, 45 % de la production de blé est utilisée pour nourrir les animaux. 30 % de la consommation totale est en outre importée. Au niveau planétaire, les problèmes associés à l’augmentation de la consommation de viande ne devraient faire que s’intensifier.

« La consommation mondiale de viande devrait augmenter de 76 % d’ici 2050. Une ‘transition protéinique’ est en marche dans les pays en développement : avec l’augmentation des revenus, la consommation de viande augmente également », souligne le rapport de Chatham House. Si la demande de viande dans les pays développés stagne, elle s’est stabilisée à un niveau « excessif », poursuivent les auteurs du rapport.

Surconsommation

Cette surconsommation rend plus difficile la réalisation de l’objectif de limite du réchauffement climatique à 2°C prévu par l’accord de la COP 21.

« Ce n’est pas tenable. La population mondiale, qui augmente, ne peut pas se diriger vers le niveau de consommation de viande des pays développés sans que cela entraine des conséquences sociales et environnementales énormes […] C’est un des moteurs principaux de la déforestation, de la destruction des habitats et de l’extinction d’espèces », selon le rapport.

>> Lire : La viande aussi dangereuse pour la santé que pour le climat

Les États-Unis, champions du monde la consommation de viande

C’est aux États-Unis que l’on consomme le plus de viande. Chaque Américain consomme en moyenne environ 250 g de viande par jour, alors qu’un Indien n’en consomme que 10.

En Europe, l’Allemagne est en tête, suivie du Danemark, de l’Espagne et du Portugal. Un sondage du ministère fédéral allemand de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Protection du consommateur, indique que 83 % des Allemands mangent de la viande plusieurs fois par semaine.

>> Lire : La surconsommation de viande des Allemands aggrave le changement climatique

« La production de viande en masse a un impact sur la vie des citoyens, l’environnement, la biodiversité et le climat partout dans le monde », regrette Adrian Bebb, spécialiste de l’alimentation chez les Amis de la Terre Europe. Des alternatives plus durables existent et doivent être encouragées par les institutions publiques. Ce qui se trouve dans nos assiettes n’est plus une question privée. »

Agriculture et changement climatique

Au sein de l’UE, l’agriculture représente 10 % des émissions de gaz à effet de serre, principalement à cause de deux gaz : le méthane, libéré lors de la digestion animale et par le fumier, et l’oxyde nitreux (ou protoxyde d’azote), issus des engrais azotés minéraux ou biologiques.

« L’agriculture est une source importante de gaz à effet de serre. Le secteur pourrait pourtant contribuer de manière importante à la lutte contre le changement climatique en jouant un rôle de siphon et en stockant du carbone dans la matière organique du sol et la biomasse », explique à EURACTIV un porte-parole de la Commission.

Selon l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), la consommation de viande et de produits laitiers représente près d’un quart de l’impact environnemental de la consommation totale de biens et services dans l’UE à 27. La production d’un kilo de bœuf nécessite par exemple 617 litres d’eau.

>> Lire : La production de viande bovine coûte cher à l’environnement

En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, la production de bétail et de fourrage génère plus de six milliards de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone.

Selon les données Eurostat, en 2014, l’Allemagne, l’Espagne, la France et le Royaume-Uni sont les pays européens accueillant le plus de têtes de bétail dans l’UE. Les cochons sont surtout présents en Allemagne et en Espagne (respectivement 28,3 et 26,6 millions d’individus), les vaches en France (19,3 millions) et les moutons au Royaume-Uni (23 millions).

Appel à une action gouvernementale

À ce jour, les gouvernements craignent une réaction négative des consommateurs et de l’opinion publique et rechignent à agir.

>> Lire : La réduction des émissions agricoles s’annonce complexe en UE

Le rapport de Chatham House encourage donc une intervention gouvernementale centrée sur des campagnes de conscientisation nationales. Celles-ci pourraient mettre en évidence le lien entre la surconsommation de viande et l’environnement et d’autres objectifs politiques, comme le budget santé.

« Le message devrait se concentrer sur les bénéfices associés à une réduction de la consommation », insiste le rapport : une meilleure santé et la protection de l’environnement. L’implication des médias et de « spécialistes non-partisans, comme des scientifiques » est également un élément important.

Le rapport souligne également qu’un changement d’alimentation nécessitera « des stratégies complètes » combinant la promotion des alternatives à la viande dans les supermarchés et des initiatives qui augmenteraient le prix de la viande. Il pourrait s’agir de « la suppression des subsides directs ou indirects à l’élevage », d’incitations à la production d’aliments alternatifs à la viande ou d’une taxe sur le CO2, par exemple, qui pénaliserait la viande et les autres produits polluants.

« La capacité des gouvernements à influencer les habitudes alimentaires est de plus en plus importante et le public l’accepte de mieux en mieux », conclut, encourageant, le rapport. Dans certaines régions européennes, comme la Flandres, les cantines scolaires proposent à présent un menu végétarien au moins une fois par semaine. Un engagement pour l’environnement qui se révèle également pratique pour les élèves musulmans ou juifs, par exemple, qui ne mange que de la viande halal ou casher.

>> Lire : De la viande, mais à quel prix ?

PLUS D'INFORMATION

Groupes de réflexion

  • Chatham House et Glasgow Media Group: Meat Atlas (en anglais)

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