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Dersou Ouzala. |
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Le dernier lieu de repos de Dersu Uzala. |
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« Quand je demande à ceux que je rencontre de me parler d'eux- mêmes, je suis souvent attristée par la pauvreté de ma moisson.
On me répond: je suis médecin, je suis comptable...
j'ajoute doucement: vous me comprenez mal.
Je ne veux pas savoir quel rôle vous est confié cette saison au théâtre, mais qui vous êtes, ce qui vous habite, vous réjouit, vous saisit ?
Beaucoup persistent à ne pas me comprendre, habitués qu'ils sont à ne pas attribuer d'importance à la vie qui bouge doucement en eux.
On me dit: je suis médecin ou comptable mais rarement:
ce matin, quand j'allais pour écarter le rideau, je n'ai plus reconnu ma main...
ou encore: je suis redescendu tout à l'heure reprendre dans la poubelle les vieilles pantoufles que j'y avais jetées la veille; je crois que je les aime encore...ou je ne sais quoi de saugrenu, d'insensé, de vrai, de chaud comme un pain chaud que les enfants rapportent en courant du boulanger.
Qui sait encore que la vie est une petite musique presque imperceptible qui va casser, se lasser, cesser si on ne se penche pas vers elle ?
Les choses que nos contemporains semblent juger importantes déterminent l'exact périmètre de l'insignifiance: les actualités, les prix, les cours de la Bourse, les modes, le bruit de la fureur, les vanités individuelles.
Je ne veux savoir des êtres que je rencontre ni l'âge, ni le métier, ni la situation familiale; j'ose prétendre que tout cela m'est clair à la seule manière dont ils ont ôté leur manteau.
Ce que je veux savoir, c'est de quelle façon ils ont survécu au désespoir d'être séparé de l'Un par leur naissance, de quelle façon ils comblent le vide entre les grands rendez- vous de l'enfance, de la vieillesse et de la mort, et comment ils supportent de n'être pas tout sur cette terre.
Je ne veux pas les entendre parler de cette part convenue de la réalité, toujours la même, le petit monde interlope et maffieux: ce qu'une époque fait miroiter du ciel dans la flaque graisseuse de ses conventions !
Je veux savoir ce qu'ils perçoivent de l'immensité qui bruit autour d'eux.
Et j'ai souvent peur du refus féroce qui règne aujourd'hui, à sortir du périmètre assigné, à honorer l'immensité du monde créé..
Mais ce dont j'ai plus peur encore, c'est de ne pas assez aimer, de ne pas assez contaminer de ma passion de vivre ceux que je rencontre.»
Christiane Singer, "Les sept nuits de la Reine"
C'est un texte qui m'a longtemps interpellé et qui continue à le faire car se pose le problème de ce que je considère comme juste, par delà le droit.
Il n'est qu'à voir le conflit actuel entre le hammas et le gvt israélien. Chaque camp est persuadé d'agir de façon juste.
Il manque donc un élément crucial dans le texte de Thoreau.
Ce qui est juste pour moi ne doit pas porter atteinte à autrui.
Mais alors aussitôt se pose la question de la résistance quand elle est nécessaire et justifiée. Devons nous par exemple laisser faire les gouvernants et les financiers dévaster la planète où devons nous entrer en résistance quitte à enfreindre les lois?
Ceux et celles qui lisent ce blog depuis un certain temps savent que j'ai été consiodéré comme "rebelle" lorsque j'ai refusé d'obéir à la réforme du ministre Peillon. Et lorsque j'ai envoyé un dossier de 400 pages au ministre de l'époque, Mme Belkacem, sans respecter la voie hiérarchique, j'ai été convoqué devant l'inspecteur d'académie et sommé de suivre une thérapie chez une psychiatre, mis à demi-salaire, perdu mon poste dont j'étais titulaire, mon blog a été "surveillé" par les RG pendant plusieurs mois et en trois ans de "désobéissance civique", j'ai été convoqué huit fois en hôpital psychiatrique. Parce que ce que je pensais comme juste allait à l'encontre de "l'ordre". Au final, cette réforme a été annulée par le ministre Blanquer et j'ai donc fait mes deux dernières années de classe pour partir le premier jour où ma retraite m'était accordée. Je suis parti dans un sale état, psychologique et physique, mais si je n'avais pas été jusqu'au bout de mes convictions, ça aurait été bien pire...
https://reporterre.net/En-rebellion-pour-la-biodiversite-des-scientifiques-finissent-au-tribunal
Huit scientifiques et activistes ont été jugés le 30 novembre à Paris pour avoir occupé le Muséum national d’histoire naturelle en 2022. L’affaire a été mise en délibéré et le jugement sera rendu le 15 janvier.
Porte de Clichy, XVIIe arrondissement (Paris), reportage
C’était un hasard du calendrier. Le jeudi 30 novembre, jour de l’ouverture de la COP28 sur le climat à Dubaï, huit scientifiques et activistes étaient jugés au tribunal judiciaire de Paris. Leur tort : avoir alerté sur la crise écologique lors d’une conférence organisée sans autorisation en occupant le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) en avril 2022. L’issue de ce procès sera connue le 15 janvier, l’affaire ayant été mise en délibéré, tandis que le procureur a requis la relaxe.
« La coïncidence entre ces deux événements met en lumière le caractère révoltant de la situation actuelle, estime Kévin Jean, membre du collectif Scientifiques en rébellion. Alors que la COP est présidée par le dirigeant de l’une des principales compagnies pétrolières au monde et que l’État français a été condamné pour inaction climatique, ce sont les lanceurs et lanceuses d’alerte qui sont poursuivis. »
« Il n’y a pas eu d’effraction », observe la présidente
Les scientifiques étaient convoqués à 9 heures. Ils sont arrivés peu avant sur le parvis, accompagnés d’une vingtaine de soutiens. Le MNHN, qui avait déposé plainte, était lui absent : l’établissement de recherche et de diffusion de la culture scientifique naturaliste ne s’est pas constitué partie civile. D’après nos informations, l’affaire avait provoqué un malaise en son sein, plusieurs personnes travaillant sous sa tutelle ayant participé à l’action ou la soutenant.
Une trentaine de personnes avaient participé à l’action du 9 avril 2022. © Nnoman Cadoret / Reporterre
Les faits poursuivis, exposés par la présidente, se sont déroulés le soir du 9 avril 2022. En pleine campagne pour l’élection présidentielle, une trentaine de scientifiques et d’activistes membres d’Extinction rébellion étaient entrés dans la galerie de paléontologie et d’anatomie comparée du MNHN. « Il n’y a pas eu d’effraction, vous avez payé l’entrée, observe posément la magistrate. Vous êtes ensuite restés après la fermeture, a priori dans le calme, puisque nous n’avons pas établi de lien entre votre présence et d’éventuelles dégradations. »
Dans le musée, les occupants se sont installés au pied d’un squelette de mammouth, allégorie des risques existentiels qui pèsent sur l’espèce humaine et sur le vivant. Ils ont réalisé une douzaine de présentations sur la crise écologique. Il s’agissait de la première action organisée en France par le collectif Scientifiques en rébellion, issu de l’appel de 1 000 scientifiques à la désobéissance civile publié dans le journal Le Monde en février 2020.
« Ce soir-là, est-ce que vous aviez bien compris qu’on vous demandait de sortir ? » a demandé la présidente. « Non, personne ne nous a formellement demandé de sortir. Ni les vigiles, ni les policiers, ni le personnel du musée », a répondu David Nacass, un activiste, tandis que ses camarades choisissaient de garder le silence. Les occupants étaient ensuite partis de leur plein gré vers 20 h 30. Ils avaient néanmoins reçu, pour dix-huit d’entre eux, une amende de 300 euros.
Christophe Bonneuil, historien des sciences, s’est présenté en qualité de témoin. © Nnoman Cadoret / Reporterre
Ce procès était l’occasion, pour les huit « rebelles » qui contestaient cette amende, de défendre la légitimité de leur action au regard de l’urgence climatique et de la perspective de la sixième extinction de masse.
Elles et ils ont invoqué l’état de nécessité [1] dans une déclaration commune, lue à trois voix : « Il est temps que la justice française reconnaisse que des dangers actuels et imminents, démontrés par les travaux des scientifiques, pèsent sur l’habitabilité de notre planète. [...] Nous, scientifiques, avons pris notre part en faisant cette action », a notamment déclaré Isabelle Krebs, activiste à Extinction Rebellion. « Face aux dangers imminents posés par l’extinction des espèces et le réchauffement du climat, cette action était tout à fait nécessaire et proportionnée pour toucher un public différent », a appuyé l’avocat de ces derniers, Thomas Brédillard.
« Quand on est scientifique, c’est notre devoir d’envoyer des signaux d’alerte pour arrêter cette folie »
Quelques instants plus tôt, trois personnalités scientifiques s’étaient présentées en qualité de témoins. Christophe Bonneuil, historien des sciences, Fabrice Flipo, philosophe, mais aussi le biologiste Pierre-Henri Gouyon, professeur émérite au MNHN. Ce dernier a fait remarquer qu’il « témoignait contre [sa] propre institution ». « Actuellement, le monde vivant s’effondre à une vitesse faramineuse », a-t-il déploré, en pointant la responsabilité de l’agrochimie « qui empoisonne la Terre entière ». « Quand on est scientifique, a-t-il poursuivi, c’est notre devoir d’envoyer des signaux d’alerte pour arrêter cette folie. Les personnes que vous jugez aujourd’hui rendent un grand service à notre société. »
Une militante tient une pancarte indiquant « Des scientifiques en procès pour dire la vérité ». © Nnoman Cadoret / Reporterre
Mais la présidente et le procureur ne semblaient pas convaincus par le mode d’action employé. « Pourquoi utiliser des moyens à la limite de la légalité ? » a plusieurs fois demandé la présidente. Mais aussi : « Pourquoi ne pas faire autre chose, comme envahir le siège de médias ? » La question a été accueillie par des rires gênés et des regards inquiets dans les rangs de la presse. « Pourquoi ne pas sensibiliser les parlementaires ? » a embrayé le parquet. « Nous avons déjà tout essayé et nous continuons de tout essayer », a répondu le chercheur Tanguy Fardet. Également invité à se positionner, le philosophe Fabrice Flipo a estimé que « la réponse actuelle n’est pas à la hauteur, alors il faut aussi des actions qui créent l’évènement, qui fassent électrochoc ».
Malgré ces échanges, dans ses réquisitions, le procureur n’a pas retenu la notion d’état de nécessité. « Peu importe l’intention », a-t-il tranché. Il a toutefois requis la relaxe des prévenus, car il estime que l’infraction n’est « pas constituée » : « Je ne peux pas vous apporter la preuve que ces personnes avaient connaissance des horaires de fermeture de ce musée au public, a-t-il dit. À aucun moment elles n’auraient vu un panneau à l’entrée leur signalant les horaires et personne n’est venu leur signaler, alors le doute doit leur profiter. »
Un dénouement surprenant, accueilli par des murmures d’étonnement. L’affaire a été mise en délibéré au 15 janvier. Après l’audience, vers 11h15, les chercheurs ont déployé des banderoles sur lesquelles était inscrit : « Scientists on trial to say the truth » (scientifiques en procès pour dire la vérité) et « Réponse de l’État à l’urgence climatique : mettre les scientifiques en procès ! ».
"Une vibration moléculaire se produit lorsque les atomes d'une molécule sont dans un mouvement périodique pendant que la molécule dans son ensemble subit un mouvement de translation et de rotation. La fréquence du mouvement périodique est appelée fréquence de vibration. Une molécule non linéaire constituée de n atomes possède 3n-6 modes normaux de vibration, alors qu'une molécule linéaire n'en possède que 3n-5, puisque la rotation autour de son axe moléculaire ne peut être observée. Une molécule diatomique ne possède ainsi qu'un mode normal de vibration. Les modes normaux des molécules polyatomiques sont indépendants les uns des autres, chacun d'entre eux impliquant des vibrations simultanées des différentes parties de la molécule; Une vibration moléculaire est produite lorsque la molécule absorbe un quantum d'énergie, E, qui correspond à une vibration de fréquence, ν, selon la relation E=hν, où h est la constante de Planck. Une vibration fondamentale est excitée lorsqu'un tel quantum d'énergie est absorbé par la molécule dans son état fondamental. Lorsque deux quanta sont absorbés la première harmonique est excitée, et ainsi de suite pour les harmoniques suivantes."......
Non, je n'y comprends pas grand-chose mais ça me fascine et en même temps, ça me désole quelque peu parce que ces connaissances fabuleuses sont des ouvertures vers ce qui n'est pas visible, vers un mystère immense, celui de ce qui est, le réel, alors que moi, petit esprit limité, je ne perçois que ma réalité. Alors, parfois, je lis des documents que je ne comprends pas, juste pour revenir à cette conscience que ce que je perçois n'est qu'une infime partie de ce qui est. Je n'y ai pas accès par la réflexion, par manque de connaissances, mais il me semble que, parfois, je parviens à en percevoir quelques parfums, quelques touches de lumière, quelques effleurements, des moments fugaces mais intenses. Et c'est toujours lorsque je suis dans la nature. Dehors, dans le silence.
Peut-être aussi lorsque j'écris. Cet étrange état dans lequel la création littéraire semble ne pas m'appartenir mais venir d'un espace qui s'est ouvert. Est-ce moi qui suis parvenu à m'y insérer ou est-ce cet espace qui m'a englobé ? La question paraît absurde mais lorsque je lis le texte précédent, je me dis que la perception de la réalité n'est qu'une infime partie et que tout ce qui peut me paraître absurde n'est peut-être que la mise en lumière de mon ignorance.
J'avais 3 ans.
Et certains se rendaient déjà compte que ça tournait mal.
Et on sait où on en est maintenant.
Et on peut deviner où on va.
""Les bêtes sont merveilleuses parce qu’elles sont en contact direct avec la nature. Ce qui aurait, peut-être, pu sauver l’humanité, je crois, c’est peut-être la femme, parce qu’elle est encore en contact avec la nature. Elle échappe aux lois, aux imbécillité si émises par les anormaux. Mais elle n’a pas voix au chapitre.
Les animaux vont disparaître. Il n’en restera plus bientôt. J’avais une trentaine de nids d’hirondelles. L’année passée, j’ai eu deux nids d’hirondelles et pour la première fois j’ai ramassé une hirondelle qui était tombée de son nid, qui était si pauvrement alimentée ... Grâce aux progrès de la science, la science chimique qui assassine la Terre, qui assassine l’insecte, qui assassine l’oiseau, qui tue toute vie, qui assassine l’homme, on s’en apercevra peut-être trop tard.""
Michel SIMON - interview 1965
Léo le benjamin de la fratrie est dans cette situation.
Il a un doctorat en écologie.
Une situation totalement méconnue en France et qui relève de la "maltraitance" quand on pense au parcours scolaire, à l'engagement que ça demande pour au final se retrouver "intermittent".
https://www.cairn.info/revue-multitudes-2004-3-page-69.htm?
L'intermittent de la recherche, un chercheur d'emploi qui n'existe pas
Dans Multitudes 2004/3 (no 17), pages 69 à 74
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1En ces temps moroses pour le monde de la recherche, nous pouvons remarquer que les médias parlent peu des chercheurs en sciences humaines. Ils parlent encore moins d’une catégorie à part, car en quasiment inexistante aux yeux de tous : celle des chercheurs indépendants, ou bien encore des " hors statut " de l’économie de la connaissance. On les appelle parfois les post-doc, ou, quand ils n’ont pas passé leur thèse, des ingénieurs de recherches, des chargés de mission, et au bout du compte si l’on veut être rapide : des intellectuels précaires.
2Je vais partir d’une anecdote pour tenter une esquisse de généralisation. L’affaire commence simplement dans un bureau de l’Agence nationale pour l’emploi. Le chercheur au chômage qui témoigne ici a reçu une lettre l’informant que ses indemnités Assedic s’arrêteront dans deux mois, soit sept mois plus tôt que la date prévue. Monsieur X se retrouve, lors de cet entretien rituel, en présence d’une Madame B, qui d’emblée lui demande de présenter un CV. Pensant n’avoir plus grand-chose à attendre des services Assedic et ANPE, dont il se sent en quelque sorte exclu, Monsieur X n’a nullement pensé à apporter ce précieux document. L’entretien démarre donc mal, et s’amorce immédiatement sur une question cruciale. Madame B consulte sa base de donnée et dit : " Vous avez 32 ans et je vois que vous avez trois ans d’expérience ". Monsieur X rectifie. Il a derrière lui, en effet, un peu plus de trois ans de salariat, mais plus de dix ans d’expérience comme pigiste et chercheur en particulier. Madame B le reprend et lui explique qu’il ne peut pas avoir dix ans d’expérience puisqu’il est écrit sur son écran que Monsieur X a trois ans de salariat. S’engage dès ce moment un interminable dialogue de sourds. Monsieur X, pour expliquer la différence entre le " salariat " et la notion " d’expérience ", est forcé d’entrer dans le détail de ses activités, de leur nature, et des conditions de vie un peu singulières du travailleur intellectuel contemporain. Il raconte alors, par exemple, qu’en tant que travailleur du monde de la recherche, il a passé cette année de chômage, à chercher du travail en travaillant. C’est paradoxal, mais c’est ainsi. Il a écrit des articles, organisé des séminaires, donné des conférences un peu partout, coordonné des projets d’ouvrages collectifs, préparé la mise en place de projets institutionnels, passé beaucoup de temps à échanger et faire passer des idées dans des débats, des rencontres, bref à maintenir en vie ses réseaux. Tout cela est non seulement un travail habituel de participation aux diverses activités du monde de la recherche, mais encore et surtout un investissement nécessaire pour espérer décrocher de nouveaux contrats de recherche auprès d’un laboratoire, ou dans le cadre d’un appel d’offres ministériel. Monsieur X explique qu’il ne fut pas payé pour toutes ces choses, donc pas salarié, mais que tout ceci constitue néanmoins pour lui, pour ses pairs, de l’expérience.
Madame B fronce les sourcils et reformule à sa manière l’exposé qu’elle vient d’entendre. Monsieur X déclare donc avoir travaillé bénévolement, ce qui signifie qu’il n’a pas cherché de travail durant sa durée d’indemnisation, et ce qui est problématique au vu de son engagement contractuel vis-à-vis de l’ANPE et des Assedic. Et elle ajoute : " Mais je sais bien comment vous faites monsieur, vous travaillez la main à la main... ". Madame B va alors jusqu’à évoquer la possibilité d’un contrôle, et pour finir lui conseille doctement de chercher une autre voie professionnelle, et de faire au plus vite " un bilan de compétence ". Monsieur X aura beau rappeler qu’il travaille avec des chercheurs, des administrations publiques, et que dans ce monde, du moins à cette échelle, il n’existe pas de dessous de table et de travail au noir : quand l’entretien se termine le voilà en quelque sorte dans le collimateur de l’agent de l’ANPE. Le Monsieur X qui rentre chez lui est donc un profiteur, paresseux, malhonnête et suspect, un travailleur non qualifié à recycler au plus vite.
Cette histoire est tout à la fois ordinaire et extraordinaire. Qui peuvent bien être ces personnes connaissant sur le long terme des périodes de carence entre des contrats de recherche décrochés le plus souvent au prix d’efforts sans nom ? Elles n’existent pas ! Un chercheur en sciences sociales est soit un étudiant bénéficiant d’une allocation de recherche, soit un enseignant-chercheur titulaire, soit un docteur à la recherche d’un CDI dans un organisme de recherche comme le CNRS. Il ne peut exister de professionnel de la recherche ou de la connaissance qui ne soit pas titularisé ou titularisable et qui, pire encore, ne cherche pas ce genre de statut.
3Pourtant, le point de vue que nous aimerions esquisser ici, c’est que, dans les circonstances actuelles, la fonction d’intermittent de la recherche (IR) est peut-être plus primordiale et symptomatique qu’on ne le croit. Car les IR, de par le recul statutaire qui est le leur, ne sont rien de moins que des individus ayant pour rôle d’opérer dans les interstices des disciplines, des métiers et des domaines de recherche. L’IR est - par choix ou par obligation - un électron libre, un hybride, souvent engagé dans son activité. Il va traverser à ses risques et périls les disciplines des sciences humaines dont les cloisons demeurent en général soigneusement défendues. Il peut lui arriver non seulement de glisser du monde des " sciences dures " à celui des " sciences molles ", mais encore de connaître tous les statuts professionnels ayant peu ou prou un rapport avec la recherche, ou la production des connaissances. Pour le dire autrement, l’IR dès lors qu’il ne se sent pas prisonnier d’une chapelle, d’une discipline, d’une administration, d’un employeur, peut avoir pour fonction, au final, de défricher des horizons nouveaux, rabattant ainsi des objets, des enjeux, des connaissances, favorisant au passage les croisements nécessaires, permettant à des domaines de recherche entiers de se régénérer par de petites actions synergiques, échafaudant des passerelles entre le monde de la recherche académique et celui du secteur privé. Lorsqu’ils se sont aventurés assez loin dans leurs domaines de spécialisation, les IR commencent à intéresser les quelques rares têtes chercheuses regardant vers l’extérieur. Ils sont alors sollicités, et travaillent beaucoup - avec des crédits potentiels, probables, ou parfois payés, mais avec un temps requis vertigineux pour récupérer les salaires dus. Pour baigner presque complètement dans le monde non quantifiable des " externalités positives de la recherche ", les IR payent, comme tout indépendant, le prix de leur liberté. Ils le payent en ne possédant pas de statut officiel ou officialisable au vu des codes métiers disponibles, car en général un IR est aussi un intermittent du consulting et du journalisme, parfois du spectacle, et de pas mal d’autres métiers caractéristiques du tiers secteur ou de l’économie de la connaissance. Or une chose est sûre : les IR ne sont pas assez commerciaux pour être consultants, ni assez verticaux pour être enseignants-chercheurs dans une discipline donnée.
Sous cet aspect inadapté, l’IR pose donc au moins deux questions, celle des conditions d’existence d’un statut de chercheur indépendant, et celle du nécessaire dépassement du corporatisme et des verticalités de la connaissance. Quel statut social pour l’IR faut-il imaginer, dès lors que ce dernier va osciller sans cesse entre des contrats salariés dans le cadre de missions de recherches, des honoraires s’il est consultant, ou des droits d’auteurs, et qu’aucun de ces statuts ne lui permet vraiment de négocier dignement les périodes de carence entre les activités payées ? Car ces statuts sont parfois paradoxaux : les régimes sociaux imposent de faire des choix, et ne facilitent guère les agencements et les combinaisons imaginatives. Comment valoriser ces fameuses " zones floues " de l’activité de recherche, les préliminaires obligés à tout travail rémunéré dans le domaine de la recherche ? Car l’intermittent de la recherche, du consulting ou du journalisme ne peut abandonner du jour au lendemain les groupes de travail et les réseaux dans lesquels il se meut. Si bien qu’en faisant sa déclaration mensuelle, lorsqu’il est au chômage par exemple, il ne peut que se gratter la tête face à la question rituelle : " Avez-vous travaillé ce mois-ci ? ". Il doit répondre non, pour ne pas se voir couper ses indemnités, mais cette réponse n’a aucun sens pour lui car, évidemment, il ne cesse de travailler. La notion de chômage pour le travailleur de la connaissance est au fond absurde, car s’il y a bien un chômage du point de vue de la rentabilité et de la rémunération, il n’y a pas et ne peut y avoir de chômage de la pensée, de la recherche ou de la connaissance. Ces moments de carence perçus par les organismes sociaux comme des moments de " non activité ", et qui constituent tout au contraire des moments de contribution gratuite (ou rétribuées symboliquement) aux externalités positives de la recherche, indiquent que le travailleur de la connaissance n’est pas un intermittent comme on le croit. Il est à la rigueur un intermittent de la rémunération et du salariat, ce qui n’est pas nécessairement de sa faute, mais nullement un intermittent de l’expérience et des connaissances qu’il contribue à élaborer ou à découvrir. Car la connaissance - aujourd’hui surtout, face à l’effacement progressif des frontières entre les cultures, les disciplines, les champs, les métiers, les expertises - est bel et bien en mouvement perpétuel.
Si l’on se mettait pourtant à réfléchir à l’envers quelques instants, et que l’on se demandait quel statut trouver à des chercheurs dont le but serait d’innover vraiment, alors ne serait-on pas amené à retrouver les caractéristiques de ce fameux inadapté qu’est l’IR : l’indépendance, la transversalité nécessaire entre les disciplines et les objets, les compétences trans-sectorielles, la notion de prise de risque dans la démarche de tout processus d’innovation ? Pour clore l’anecdote : Monsieur X s’est vu proposer, quelques jours après son entretien, un stage de trois mois " pour apprendre à chercher du travail ". Au point que l’on peut en arriver à se demander si le système dans lequel il se meut ne préfère pas les " chercheurs d’emploi à temps complet ", à d’éventuels " employés de la recherche intermittents ".
Comment dès lors ne pas remarquer l’injustice de cette situation - pour l’IR évidemment, et pour le monde de la recherche tout entier ? Car tout ce qui vient d’être évoqué ici, ce sont les caractéristiques d’un travail d’intérêt général, que des centaines de milliers de personnes accomplissent chaque jour dans tous les domaines de l’activité de connaissance, et souvent hors statut officiel. Une fonction qui sera sans aucun doute nécessaire dans le monde de demain, du capitalisme cognitif et de son tiers secteur, mais qui à ce jour se lit comme une imposture, un manque de qualification, un bug dans le système, à éliminer au plus vite. Au-delà de ces statuts minoritaires qu’aucun syndicat suffisamment zélé et pourvu en moyens ne pourrait défendre à ce jour, les IR et les travailleurs hors statut de la connaissance, ne sont-ils pas au politique ce que les artistes et intermittents du spectacle sont au monde du travail tout entier ? À savoir ces fonctions " externes ", nécessaires à la régénération de l’écosystème de la connaissance en marche ? Des fonctions apportant par leurs postures horizontales, à tous les niveaux, des regards neutres vis-à-vis des dogmes et des chapelles. Dans ce sens, il serait bien utopique d’imaginer qu’une reconnaissance a posteriori soit accordée à leur apport à la recherche et à la société. En attendant, une chose est certaine : un chercheur qui a décidé de chercher vraiment, qu’il soit intermittent ou non, titulaire ou hors statut, ne peut le faire seulement pour lui seul. Il est par nécessité un ouvrier, malgré lui, de l’intérêt général en mouvement - d’un intérêt général qui doit se redécouvrir sans cesse dans une société en pleine mutation. Si ce chercheur horizontal, au regard des critères, des " codes métiers " et des régimes sociaux, n’a en effet pas de valeur, il faudra pourtant faire l’effort, un jour, de lui en trouver une dans un monde du travail qui, à l’heure des réseaux, de la globalisation et de l’expansion de l’économie de la connaissance, sera de plus en plus gagné par une intermittence de la rémunération associée à cette permanence inéluctable du travail de recherche. Ce refus de voir en face cette hybridation entre la discontinuité du salaire et la permanence du travail dans le domaine de la connaissance, mais aussi de la culture (et de biens d’autres secteurs sans doute), constitue un danger de plus en plus grand désormais pour le développement des capacités d’une société à se renouveler et tout simplement à survivre. La mesure de la valeur de ces externalités productives discrètes, étrangères aux périodes de rémunération, il faudra la travailler, la trouver, la prendre en compte, et la mettre au cœur de la définition de conventions collectives des travailleurs de la connaissance, des travailleurs intellectuels et des chercheurs. Il en va de la survie de ces quelques milliers de chercheurs précaires bien entendu - et de la survie de la recherche elle-même.
4Un chercheur-chercheur d’emploi, au fond, cela n’existe pas.
Magnifique photo de Instants Photos - Ténière Loïc
"Il y a pour moi cet aspect bouleversant de l'animal qui ne possède rien, sauf sa vie, que si souvent nous lui prenons. Il y a cette immense liberté de l'animal, vivant sans plus, sa réalité d'être, sans tout le faux que nous ajoutons à la sensation d'exister. C'est pourquoi la souffrance des animaux me touche à ce point."
"Marguerite Yourcenar"
Comment expliquer le fait que je m'assois devant l'ordinateur, que j'ouvre le dossier du roman en cours, que je n'ai aucune idée de ce que je vais écrire et qu'il suffise que je relise les dix dernières lignes écrites la veille pour que tout "s'allume"... ?
Comme si c'était déjà là, prêt à jaillir, que l'histoire a juste besoin que je vienne l'écrire.
C'est à se demander s'il s'agit bien de "création littéraire" tellement cette impression est forte que c'est l'histoire qui vient en moi et non moi qui vais la chercher...
Un film culte pour moi. Je l'ai vu lorsque j'étais adolescent et que je passais une bonne partie de mon temps à courir la nature, forêts et bords de mer, rochers, plages, marais, seul la plupart du temps ou avec mon chien. Je cherchais encore à l'époque ce que j'allais faire de mon existence. Guide de haute montagne faisait partie de la liste, instituteur également. J'ai pensé à un moment que de partir dans les forêts du Canada pour y vivre comme Dersou Ouzala me conviendrait mais j'étais incapable de tuer un animal, à part quelques poissons que je pêchais à cette époque. En outre, l'alpinisme et les montagnes restaient les plus fortes. Il fallait absolument que j'aille grimper sur les sommets des Alpes, je ne pouvais pas faire autrement.
C'est après avoir vu le film que j'ai cherché le livre et comme il n'était pas à la bibliothèque du village, je l'ai acheté. Je l'ai toujours. Un livre écrit par Vladimir Arséniev.
EAN : 9782857043461
313 pages
PYGMALION-GÉRARD WATELET (04/07/1997)
★★★★★
★★★★★
4.22/5 158 NOTES
Résumé :
En 1902, un officier du tsar, Vladimir Arséniev, explore aux confins de la Sibérie et de la Chine des régions restées encore impénétrables aux Européens. Une nuit, au coeur de la taïga sibérienne, il rencontre un vieux chasseur gold, Dersou Ouzala, qui devient son guide et son ami.
De connivence avec l'herbe et les étoiles, Dersou déchiffre avec une sagacité et une intuition prodigieuses tous les secrets de la nature. Il comprend, connaît et aime toutes les formes et manifestations de la vie. Il parle aux tigres et à la forêt, aux nuages et au soleil, au feu et à la nuit.
Au fil de passionnantes aventures et face à de multiples périls, au milieu d'une nature tour à tour splendide et terrifiante, se forge entre Dersou et l'officier, jusqu'à la mort, la plus bouleversante, la plus virile, la plus exaltante des amitiés.
https://brianmatthews60.blogspot.com/2013/11/dersu-uzala.html
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