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                TERRE SANS HOMMES (6)- Par Thierry LEDRU
- Le 29/10/2025
 Je relis et travaille et je repensais à l'article que j'ai posté sur la concordance entre l'état d'esprit d'un personnage et la nature qui l'environne. TERRE SANS HOMMES chapitre 7 Francis aimait tenir la barre, une roue comme dans les navires de corsaire. Le compas devant les yeux, à l’abri du cockpit, il avait bien compris le système, juste garder le cap, le réglage des voiles, la surveillance, ne pas les laisser faseyer, jouer avec les winchs, les écoutes, les drisses, il avait appris des dizaines de termes de marin, les haubans, les barres de flèches, la trinquette, le génois, le foc, le tangon, le spi, le safran, ça lui plaisait, une expérience qu’il n’aurait jamais engagée de lui-même. Mais qu’aurait-il pu imaginer de tout ce qu’il avait vécu depuis le jour où il avait volé l’argent de Laure ? Rien, impossible. Il était parti pour vivre tranquille sous les tropiques, avec le poker, les filles, le soleil, une vie de rentier. Une vie de rentier. Putain, comme il se serait fait chier. Il en éclata de rire, intérieurement. Et maintenant, il naviguait dans le Pacifique, il allait passer le Cap Horn, rentrer en France, avec un gars complètement imprévisible, capable de tout plaquer pour un projet démentiel qui aujourd’hui le ravissait. L’aventure. Il était devenu flic parce qu’il voulait de l’aventure et de l’adrénaline, des rencontres qui secouent, des gens hors cadre. De quoi aurait-il pu se plaindre ? Il balaya l’horizon et contempla la masse liquide, cette immensité qui est au-delà du connu. Les risées du soleil sur la houle, le bleu du ciel coulant dans celui de l’océan, des nuages blancs comme des flocons géants, le scintillement de la lumière sur les crêtes des vagues, ce parfum iodé qui collait à sa peau et le souffle léger du vent comme une comptine murmurée, la simplicité des gestes répétés, cette sérénité des choses simples. Un sourire de bienheureux sur son visage. Depuis combien de temps n’avaient-ils pas vu de terres et combien de temps encore avant que ça arrive. La planète bleue. Oui, il comprenait l’expression. Et lui, le terrien n’avait jamais pris conscience de cette présence, de ce monde si beau, si étrange, si absorbant. Le terme lui plût. Il se sentait absorbé, comme dilué, effacé, comme s’il n’était plus qu’un point vivant, insignifiant, dérisoire, il aurait pu disparaître que rien autour de lui n’en aurait été affecté et simultanément à cette conscience, il éprouvait une sorte de puissance, une énergie étrange, quelque chose dont il ignorait l’existence. De n’être rien que ce point vivant et de survivre pourtant et de rester maître de chaque instant, c’était fascinant et il en arriva à se dire que l’humanité, dans ses premiers temps, chaque individu, chaque point vivant, avait dû ressentir cette puissance de vie au cœur de l’immensité, dans la matrice. Nous étions emplis encore de cette effervescence de l’homme préhistorique qui se réjouissait, parfois, d’être encore en vie et parvenait à se projeter sur le jour à venir, sur les espaces à explorer, sur la nourriture à trouver et sur les combats remportés et le courage à trouver pour ceux à venir. De la petitesse de chacun dans un monde illimité naissait le goût de la lutte. Il guidait maintenant un voilier de quinze mètres à travers l’océan Pacifique sans rien savoir de ce qu’il advenait du reste de l’humanité. Lui, infime point vivant, au milieu de nulle part, tenait la barre et des frissons de bonheur l’électrisèrent. C’était donc ça l’aventure, l’exploration des grands marins qui étaient partis sur des navires fragiles, peu manœuvrables, sans aucune carte, avec les étoiles pour se guider, sans aucune certitude de retour, partir pour conquérir des terres nouvelles. Il ne connaissait pas grand-chose à ces époques de découvertes mais il savait bien que les soifs de richesse en avaient été le moteur essentiel. Et que les massacres et les pillages et l’esclavage et les dévastations de peuples entiers traçaient une ligne sanglante à travers l’histoire. Lui ne cherchait aucune terre à piller et découvrait en lui un espace délaissé. L’immensité liquide révélait l’immensité du territoire intérieur. Des idées inconnues qui jaillissaient, des pensées dont il se serait moqué dans sa vie passée, des réflexions qui le plongeaient dans un état méditatif, une bulle qu’il aimait désormais, ni joie, ni mélancolie, ni bonheur, ni détresse, ni euphorie, ni désœuvrement, rien d’exagéré, rien de déstabilisant, rien qui ne l’emportait au-delà de lui-même mais bien au contraire l’entraînait dans une exploration délicieuse. Oui, le mot lui plaisait. Délicieuse, ni trop puissant, ni trop fade. Un état de conscience qui favorisait le saisissement de tout, loin de l’excitation, loin de l’apathie. Il repensait à son travail, à l’adrénaline et à cette fièvre qu’il adorait puis à ces moments de naufrage quand après une mission de long cours et les risques assumés, il s’offrait des nuits d’alcools forts et de filles, suivies de journées nauséeuses parsemées de cafés forts avant de remonter au front. Cette alternance qui ne connaissait jamais cet état de plénitude qu’il ressentait maintenant en balayant des yeux l’immensité du ciel couché sur la mer. Et surgit alors l’évidence ignorée, l’incommensurable profondeur sous ses pieds et l’immensité de surface lui parut dérisoire. Les noirceurs des abysses où la lumière du soleil n’arrivait pas, combien de kilomètres sous lui, combien d’animaux qu’il ne verrait jamais, cette masse gigantesque de vie, il lui était impossible de la quantifier, que connaissait-il de la vie dans les océans en dehors du nom des poissons qu’il lui arrivait de manger et que connaissait-il d’ailleurs de la vie toute entière sur la planète, hormis celle de sa propre existence et le vertige l’obligea à serrer la barre, cette vie qu’il avait toujours limitée à son environnement immédiat, n’était-ce pas le symbole de nos limites humaines, de notre égocentrisme, de l’insignifiance de notre conscience, n’était-ce pas la raison première de notre indifférence pour la dévastation que nous menions, les éléments vitaux que nous arrachions à la terre, nous ne les jugions pas démesurés parce que nous limitions ce fait à notre existence. Le poisson que je mange n’est qu’un poisson et il ne me vient pas à l’idée d’imaginer que des millions d’êtres humains en font tout autant, au même instant. Un dialogue en sourdine qui ne voulait plus se taire. Nous étions des individus limités par une conscience personnelle, juste un regard tourné vers nous-mêmes, un point d’ancrage qui nous privait des horizons, c’était ça la cause du désastre. Il s’obligea à bouger la tête, à regarder la direction indiquée par le compas, à observer le gonflement du gennaker. Puis le vertige apaisé, l’observation intérieure reprit son cheminement, la plongée dans l’abîme, le soulèvement de l’inconscience, le déchirement de l’indifférence, et lui vint l’idée que la mort du poisson qu’il allait manger était ressenti par la totalité du vivant, qu’il existait un lien, un contact jamais identifié, que la terre et l’ensemble du vivant étaient, elles deux réunies, une entité indissociable, insécable, que nous n’avions rien compris, que nous étions enfermés dans une vision terriblement limitée, cette chaleur dans son ventre, là, maintenant, au milieu de ce rien empli de vie, de ce néant humain où il se sentait plus vivant que jamais, est-ce que la planète le ressentait, est-ce que la vie sentait en elle l’amour qu’il éprouvait pour elle à cet instant, l’émerveillement devant son gigantisme, la richesse cachée dans cette démesure liquide ? La vie toute entière avait-elle conscience de son éveil ? S’en réjouissait-elle ? Il faillit crier son bonheur, cette joie inconnue qui le transperçait, courait en lui comme un flux électrique, clamer à la planète sa reconnaissance, était-ce le symptôme d’une folie passagère ou le silence dans lequel nous nous tenions au regard de cet amour représentait-il le pire des outrages ? Il essuya des larmes qui le ravirent. 
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                Humanité et nature- Par Thierry LEDRU
- Le 29/10/2025
 Je sais pourquoi je ne supporte pas les villes, pourquoi je m'y sens si mal. C'est comme être dissous par des acides dans le ventre d'une bête. "Les développements de l'humanité se lient de la manière la plus intime avec la nature environnante. Une harmonie secrète s'établit entre la terre et les peuples qu'elle nourrit, et quand les sociétés se permettent de porter la main sur ce qui fait la beauté de leur domaine elles finissent toujours par s'en repentir. Là où le sol s'est enlaidi, là où toute poésie a disparu du paysage, les imaginations s'éteignent, les esprits s'appauvrissent, la routine et la servilité s'emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la nuit " Elisée Reclus géographe, pédagogue et écrivain français 1830-1905 
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                La nature, reflet de l'âme- Par Thierry LEDRU
- Le 28/10/2025
 C'est fou comme je me retrouve dans cette façon de concevoir l'écriture au regard des personnages. Je pourrais mettre ici des dizaines d'extraits répondant à cette méthode. Je ne veux pas dire par là que c'est réussi mais c'est ce que je cherche à produire :) La nature comme reflet de l’âme des personnageshttps://www.uneautrevoix.com/points-de-vue/la-nature-comme-reflet-de-lame-des-personnages/ Quand la nature dévoile ce que les mots cachent : l'art oublié de faire ressentir sans dire. Une technique narrative subversive à l'ère de l'émotion étiquetée. @Litt.et.ratures 10 juin 2025 L’écrivain moderne se trouve souvent piégé dans une description plate des émotions de ses personnages. « Elle était triste », « il se sentait anxieux »… Ces formulations directes, si elles ont le mérite de la clarté, privent le lecteur d’une expérience plus riche, plus subtile, plus immersive. Et si le véritable art résidait dans la capacité à faire ressentir sans nommer, à montrer sans dire ? C’est là qu’intervient la puissance évocatrice du paysage littéraire, cette toile de fond qui, loin d’être un simple décor, devient le miroir de l’âme des protagonistes. Cette technique, utilisée par les plus grands auteurs, n’est pas le fruit du hasard mais d’une compréhension profonde des mécanismes d’identification et de projection du lecteur. Alors que notre société contemporaine semble vouloir tout étiqueter, tout catégoriser, tout expliquer de façon didactique, ouvrons les yeux sur cette magie subtile qui opère quand le ciel s’assombrit au même rythme que l’humeur du personnage, quand la forêt s’éclaire pour refléter une renaissance intérieure. Les paysages émotionnels : une grammaire secrète de l’écritureLe paysage littéraire fonctionne comme un langage parallèle qui vient enrichir, contredire ou amplifier le récit principal. Cette grammaire secrète repose sur plusieurs techniques éprouvées que tout écrivain devrait maîtriser : Le parallélisme direct : La tempête qui fait rage pendant une dispute, le soleil qui perce les nuages lors d’une réconciliation. Ce procédé, s’il peut sembler évident, reste d’une efficacité redoutable lorsqu’il est manié avec subtilité. Il crée une résonance immédiate entre l’état d’âme du personnage et l’environnement du lecteur.   Le contraste ironique : À l’inverse, placer un personnage désespéré dans un décor idyllique crée une tension narrative puissante. Ce décalage souligne la solitude émotionnelle du protagoniste, incapable de s’accorder au monde qui l’entoure. La transformation progressive : Plus subtil encore, le paysage qui se métamorphose graduellement pour accompagner l’évolution psychologique d’un personnage. Un procédé qui permet au lecteur de ressentir le changement avant même qu’il ne soit formulé.   L’ancrage sensoriel : Odeurs, textures, sons du paysage qui deviennent indissociables d’un état émotionnel précis, créant ainsi des repères sensoriels que l’auteur peut réactiver plus tard pour évoquer instantanément une émotion. Ces techniques, loin d’être de simples ornements stylistiques, constituent de véritables outils narratifs. Elles permettent de contourner la censure contemporaine qui tend à standardiser l’expression des émotions en catégories facilement identifiables et donc contrôlables. Mère Gothel : quand la nature révèle la dualitéExaminons maintenant un cas particulièrement frappant de cette symbiose entre personnage et environnement : celui de Mère Gothel, cette figure d’autorité ambivalente tirée d’un conte populaire moderne. Ce personnage fascinant illustre parfaitement notre propos par la dualité de sa relation à l’environnement. Dans la tour isolée où elle maintient captive sa « fille » (Raiponce), Gothel resplendit de jeunesse, entourée de plantes luxuriantes et de fleurs éclatantes qui symbolisent sa vitalité usurpée. Cette tour, nichée dans une vallée verdoyante et inaccessible, représente le cocon de mensonges qu’elle a tissé, un écosystème artificiel où elle règne en maître absolu. Mais dès qu’elle s’aventure à l’extérieur, dans le monde réel, sa transformation est saisissante : son corps se flétrit, les rides apparaissent, sa silhouette se voûte. Ce vieillissement n’est pas simplement physique ; il est la manifestation visible de sa corruption intérieure, de cette soif de jeunesse qui l’a transformée en prédatrice. Ce que l’auteur réussit admirablement ici, c’est d’établir une correspondance parfaite entre trois éléments : le paysage (tour fleurie/monde extérieur hostile), l’apparence physique (jeunesse/vieillesse) et l’état émotionnel (contrôle/vulnérabilité). Cette triangulation crée une cohérence narrative qui ancre profondément le personnage dans notre imaginaire. Plus subtilement encore, la capuche noire dont se drape Gothel pour ses sorties devient l’extension de ses ombres intérieures, tandis que ses mouvements, vifs et gracieux dans la tour, deviennent furtifs et craintifs à l’extérieur. Le paysage ne fait pas que refléter ses émotions ; il les révèle, les amplifie, les rend tangibles pour le lecteur ou le spectateur.  Manipulation narrative ou enrichissement émotionnel ?Face à ces techniques, une question mérite d’être posée : s’agit-il d’une manipulation du lecteur ou d’un véritable enrichissement de l’expérience littéraire ? La réponse est nuancée. Toute narration est, par essence, une forme de manipulation. L’auteur guide notre regard, oriente nos émotions, modèle notre perception du récit. Mais contrairement à certains discours contemporains qui imposent une lecture unique et standardisée des émotions humaines, la technique du paysage émotionnel ouvre un espace d’interprétation. Elle invite le lecteur à ressentir plutôt qu’à simplement comprendre, à s’approprier l’émotion plutôt qu’à l’enregistrer passivement. Dans notre ère de communication directe et sans filtre, où les émotions sont cataloguées, étiquetées, et parfois censurées, cette approche indirecte constitue paradoxalement un acte de liberté. Elle permet d’exprimer des nuances émotionnelles que le vocabulaire conventionnel peine à capturer, de décrire des états d’âme complexes sans les réduire à des catégories simplistes. C’est précisément cette liberté d’interprétation qui rend la technique si précieuse. Différents lecteurs pourront percevoir différentes nuances dans un même paysage littéraire, en fonction de leur propre sensibilité, de leur histoire personnelle, de leur bagage culturel. Cette polysémie constitue une richesse inestimable à l’heure où les récits dominants tendent à imposer une lecture univoque du monde. Libérer sa plume : vers une écriture authentiquement émotionnelleLa maîtrise du paysage émotionnel ne s’improvise pas. Elle exige une perception aiguisée du monde naturel et une compréhension profonde de la psychologie humaine. À une époque où l’on nous incite à exprimer nos émotions de façon codifiée, presque algorithmique, il devient révolutionnaire de revenir à cette forme d’expression plus organique, plus instinctive. L’écrivain contemporain se trouve souvent contraint par les attentes éditoriales, les tendances du marché, voire par une certaine police de la pensée qui dicte comment et quand certaines émotions peuvent être exprimées. Face à ces pressions, le recours au paysage comme vecteur émotionnel offre un espace de liberté inestimable. Il permet de contourner les censures explicites et implicites pour toucher le lecteur à un niveau plus viscéral, plus authentique.  Pour développer cette technique et l’intégrer harmonieusement à votre écriture, voici quatre principes fondamentaux qui vous guideront vers une expression libérée des carcans contemporains : Observer sans filtre : avant de pouvoir écrire la nature comme miroir des émotions, il faut savoir l’observer dans toute sa complexité. Pratiquer l’observation directe, sans le filtre des clichés littéraires ou des images toutes faites. Notez les contradictions, les détails inattendus, les mouvements subtils qui échappent au regard distrait. C’est dans cette richesse d’observation que vous puiserez pour créer des paysages authentiquement évocateurs. Créer des correspondances personnelles : plutôt que de s’appuyer sur des associations conventionnelles (orage = colère), développer des liens propres à l’univers de son récit et à la psychologie spécifique de ses personnages. Un même paysage désertique pourra évoquer la liberté pour un personnage et l’angoisse pour un autre. Cette personnalisation des correspondances enrichit considérablement la texture émotionnelle de votre récit. Doser la subtilité : éviter tant la surexplication que l’hermétisme. Le lecteur doit pouvoir saisir intuitivement la correspondance entre paysage et émotion, sans qu’elle lui soit imposée. Trop explicite, le procédé perd de sa magie ; trop obscur, il devient inaccessible. L’art réside dans cette tension maîtrisée entre suggestion et clarté. Ancrer dans la cohérence : établir dès le début du récit un système de correspondances entre éléments naturels et états émotionnels, puis s’y tenir pour créer un réseau de sens qui se renforce au fil de la lecture. Cette cohérence interne crée une grammaire émotionnelle propre à votre œuvre, que le lecteur apprend progressivement à déchiffrer. Ces principes ne sont pas de simples astuces techniques ; ils constituent une véritable philosophie de l’écriture qui place l’authenticité émotionnelle au cœur du processus créatif. Ils permettent d’éviter l’écueil d’une écriture standardisée, formatée selon les canons contemporains qui privilégient souvent l’explicite au détriment de la suggestion, la catégorisation au détriment de la nuance. En définitive, ils vous aident à retrouver cette voix singulière que notre époque s’acharne parfois à étouffer. À l’heure où certains voudraient nous faire croire que les émotions humaines peuvent être réduites à quelques étiquettes consensuelles, facilement partageables sur les réseaux sociaux, le recours au paysage comme vecteur émotionnel constitue un acte de résistance créative. Il s’agit de briser le déni d’une certaine complexité émotionnelle, de refuser l’appauvrissement de notre palette expressive. En utilisant la nature comme reflet de l’âme des personnages, l’écrivain renoue avec une tradition littéraire millénaire tout en la réinventant. Il crée un espace de liberté où les émotions peuvent s’exprimer dans toute leur richesse, loin des injonctions contemporaines à la transparence et à la simplification. La symbiose entre paysage et émotion n’est donc pas qu’une technique littéraire parmi d’autres ; elle est une voie vers une écriture plus authentique, plus profonde, plus respectueuse de la complexité humaine. Une autre voix, en somme, qui s’élève contre l’uniformisation de notre rapport au monde et à nous-mêmes.  @Litt.et.raturesUne étudiante passionnée par les lettres et la philosophie, pour qui la remise en question et la bienveillance sont des valeurs fondamentales. Comme tout un chacun, elle est confrontée à différentes opinions, collectées auprès des proches, dans les livres, dans les médias, au quotidien. @Litt.et.ratures, c’est également un compte dédié aux écrits ainsi qu’à un partage d’idées, de pensées, parfois divergentes, mais qui suscitent au moins une réflexion. 
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                Expériences de mort imminente sur France culture- Par Thierry LEDRU
- Le 26/10/2025
 A mes yeux, il ne s'agit pas d'y croire ou de ne pas y croire mais simplement de s'y intéresser. Expérience de mort imminente (EMI), Expérience de fin de vie (EFV), Vécu subjectif de contact avec un défunt (VSCD… certains phénomènes humains semblent contredire l’affirmation quasi unanime de la communauté scientifique selon laquelle la conscience ne serait qu’une simple production de notre cerveau. 
 Nourri des traditions spirituelles (bouddhistes, hindouiste), dont le discours sur la nature de la conscience fait écho aux enseignements de la physique quantique, Christophe Fauré est l’un de ces médecins qui s’interrogent. En unité de soins palliatifs, il a constaté le réconfort et l’apaisement que ces expériences avaient apporté aux nombreuses personnes les ayant vécues. Il a alors entrepris d’étudier tous les travaux scientifiques sur la question.
 Cet ouvrage, fruit de ses investigations, enquête aussi troublante que passionnante, apporte des réponses à des interrogations universelles : Qu’y a-t-il après un décès ? Notre conscience perdure-t-elle après la mort physique ? Quelle est la nature de notre conscience ?428 112 vues 13 nov. 2024 #mort #conscience #emi Que se passe-t-il après la mort ? Des milliers de témoignages à travers le monde décrivent des expériences bouleversantes : sorties de corps, visions de proches disparus, ou encore le ressenti apaisant d’une présence défunte. Christophe Fauré, psychiatre et psychothérapeute, explore ces phénomènes qui transcendent les cultures et les croyances, et nous invite à repenser la nature de notre conscience. 
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                Guérisons inexpliquées- Par Thierry LEDRU
- Le 24/10/2025
 Ceux et celles qui me lisent depuis un certain temps savent déjà que je suis considéré comme "une énigme médicale". Je n'y reviendrai pas mais c'est évidemment un sujet qui me touche. Les guérisons inexpliquées sont des phénomènes connues mais rejetées du cadre scientifique. Il n'existe aucune étude de long terme. Fabienne Raoul était ingénieure dans le domaine de l'énergie nucléaire. Elle a vécu une EMI qui l'a transformée. Elle cherche à relier la culture scientifique au domaine de la spiritualité. 
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                "Le réseau des tempêtes"- Par Thierry LEDRU
- Le 20/10/2025
 TOUS, SAUF ELLE "Elle refusait de croire que le désastre n'offrait aucune issue. L'idée tournait en boucle. Elle avait longuement cherché le paramètre indispensable pour maintenir vivante l'éventualité d'un possible renouveau et la solution lui était venue, comme une évidence, après avoir rejeté toutes les autres idées qui se succédaient et ne menaient à rien. Les yeux dans le vague. « Il faudra beaucoup d'amour. » Elle répéta intérieurement la supplique, comme un mantra salvateur, avec en arrière-plan les images chaotiques de la fin d'un monde. « Il faudra beaucoup d'amour... Il faudra beaucoup d'amour... Il faudra beaucoup d'amour... » « C’est la tendresse qui va sauver le monde »https://lareleveetlapeste.fr/cest-la-tendresse-qui-va-sauver-le-monde/ La solitude est à l’origine de 871 000 décès par an dans le monde. Pour Pablo, notre avenir exige de « retrouver la notion de village, de communauté. En France, on n’a pas envie de se rencontrer. Il faut changer ça. » Texte: Isabelle Vauconsant Photographie: FG Trade / iStock 20 octobre 2025 Aujourd’hui, Pablo Servigne est surtout connu pour être l’auteur de Comment tout peut s’effondrer, écrit avec Raphaël Stevens et paru en 2015. Dix ans plus tard, il fait paraître le Réseau des tempêtes, un manifeste pour une entraide populaire. Son parcours, à la croisée de la science, de l’éducation populaire et de l’activisme, en fait une figure atypique, un passeur entre les mondes de la raison et de l’émotion. La loi de la jungle : un mythe à abattrePablo Servigne se présente avec une simplicité désarmante : « J’habite dans la Drôme. Je suis un papa de deux enfants, blanc, cisgenre. Je suis là. » Ces mots, prononcés d’une voix calme, trahissent une présence à la fois ancrée et légère, celle d’un homme qui a choisi de vivre en accord avec ses convictions. Agronome tropical de formation, éthologue de métier, docteur en sciences biologiques, il a passé des années à étudier « les fourmis et les liens sociaux chez les animaux ». Une observation minutieuse du vivant qui explique une grande part de sa réflexion et de ses intuitions. « La compétition existe dans la nature. Mais la loi de la jungle comme loi unique, cela n’existe pas », attaque Pablo Servigne pour La Relève et La Peste. Le chercheur déjoue l’un des mythes fondateurs de notre société : celui d’un monde régi par la seule compétition, où ne survivraient que les plus forts. « Déjà, une loi unique dans la nature, cela n’existe pas. J’ai même du mal à utiliser le mot loi. Je préfère parler de principes. » La réalité est bien plus complexe et faite d’interactions multiples autant que subtiles. Son engagement, il le décrit comme une lutte contre deux « monstres mythologiques » : « La loi du plus fort, et la hiérarchie pyramidale. Ces deux-là se nourrissent l’un l’autre. » Ce sont deux forces à la source des violences qui déchirent le monde : « La compétition généralisée et les structures hiérarchiques créent du chaos. » Face à cette vision apocalyptique, il oppose une « contre-mythologie » : « L’entraide, la coopération, l’altruisme. Et aussi la régénération de tout ce qui est bottom-up, qui vient du bas. C’est urgent. » C’est urgent parce que l’effondrement de la biodiversité, la consommation des ressources bien au-delà de leurs capacités de renouvellement et notre aveuglement nous emmène vers des catastrophes auxquelles nous devons faire face dès aujourd’hui et bien moins que demain.  Le Réseau des tempêtes : une utopie concrète« Le Réseau des tempêtes, c’est d’abord une idée. Puis une association loi 1901. Et peut-être un mouvement, si on peut se permettre de rêver. » L’expression, Pablo Servigne l’emprunte à Joanna Macy, psychologue américaine et figure du « Travail qui relie ». « Elle disait que quand les tempêtes arriveraient, il faudrait éviter que les gens se tapent dessus. Moi, je crois que je suis là pour ça », confie Pablo Servigne à La Relève et La Peste. Le Réseau des tempêtes promeut l’idée que face aux crises, ce sont les liens d’entraide qui sauvent. « Quand tu as passé quatre à six jours dans ces ateliers, tu te sens en lien avec des gens qui t’étaient inconnus quatre jours avant, et qui deviennent tes frères et sœurs. » Cette densité de liens est telle que « si les tempêtes arrivent, on s’entraiderait. » La question est simple et très concrète : « Qui vas-tu aider au prix de ta vie et qui va t’aider, même au prix de la sienne ? Mon rêve est de déployer cette densité de liens dans la population. » Parce que c’est une question de survie. En France, cependant, « on a une culture dans laquelle l’État a pris le monopole du lien social et a tout dézingué en-dessous. » Résultat : « Le seul lien social effervescent entre l’État et l’individu, c’est la famille. Et encore, elle est en train de se désagréger. » L’individualisme qui s’accompagne de la peur de l’autre empêche le tissage de se faire. Or, pour résister à la verticalité de la violence du système, une solution efficace consiste à tisser des réseaux horizontaux d’entraide. Ces réseaux sont constitués de liens faibles et de liens forts pour un ensemble résistant.  Des liens indissolubles dans la difficulté« Aujourd’hui, le grand enjeu, c’est de faire du lien. Il faut cartographier le type de liens parce que c’est devenu un mot-valise. Ma boussole, c’est faire du lien qui reste même quand l’électricité disparaît, même quand l’État disparaît ou quand l’espoir disparaît. » Pour Pablo, il existe deux types de liens complémentaires. Les liens forts sont familiaux, amicaux, ils sont définis par l’inconditionnalité et la réciprocité. Les liens faibles sont les relations affinitaires, de voisinage, ceux qui sont assortis d’une condition. Bien entendu les liens peuvent se transformer de faible en fort. La solidité du tissage relationnel est la condition de la résistance aux chocs et de la résilience face à la catastrophe, donc de la survie. Face à l’épidémie de solitude, l’OMS tire la sonnette d’alarme. La solitude est à l’origine de 871 000 décès par an dans le monde. Pour Pablo, notre avenir exige de « retrouver la notion de village, de communauté. En France, on n’a pas envie de se rencontrer. Il faut changer ça. » Et de constater à quel point « on a besoin de tendresse, de câlins, d’ocytocine, de regard. On a besoin de se voir, de se toucher. » Il faut se retrouver, se rapprocher, partager tristesse et joie autour « des naissances, des deuils. Les émotions partagées, c’est ce qui soude les communautés humaines depuis la nuit des temps. » Mais force est de constater qu’on « est analphabète émotionnellement. On est tous décontenancés dès qu’il y a une émotion un peu intense. Il faut s’entraîner à faire face à la peur, à la colère, à la tristesse. » Comme le souligne aussi Éric La Blanche dans son livre « Osons la colère, éloge d’une émotion interdite par temps de crise planétaire », il est aussi fondamental de ne pas confondre émotion et ressenti, le second empêchant une conduite de la colère vers l’action. « La boussole est simple : si tu perds des amis, des liens, ta famille, tu es dans la mauvaise direction. »  La collapsologie : du survivalisme à l’entraideEn 2015, Pablo Servigne publie Comment tout peut s’effondrer, un livre qui marque les esprits et bouleverse une génération. Pour certains, ce livre a été vecteur de mouvement, d’autres ont choisi le repli, le survivalisme face à la peur. « Le survivalisme est une pathologie de la peur. C’est une idéologie du bunker, du repli sur soi. » Le survivalisme est la fin des liens. « Souvent, les survivalistes font un burn-out au bout d’un an. Ils se rendent compte que l’autonomie tout seul, ce n’est pas possible. » Pour Pablo, la vraie résilience passe par le collectif. « Un survivaliste est tapi en chacun de nous. C’est normal de vouloir sauver sa peau, sa famille. Mais il ne faut pas en faire une idéologie. » Et, il ne faut pas non plus en faire un mode de vie. « La peur met en mouvement, mais si elle provoque le repli, cela devient toxique. » Face à la catastrophe annoncée, « la clé est de faire du lien social. Les catastrophes font émerger l’entraide. La qualité du lien social avant les crises est fondamentale pour les traverser. » D’où pour Pablo, la nécessité de « jouer aux catastrophes », de s’entraîner, de créer des jeux de rôle, des serious games, pour « apprivoiser la peur » et « agrandir sa fenêtre de liberté ». La tendresse plutôt que la compétition« Aujourd’hui, le monde meurt à cause de la compétition généralisée et des structures hiérarchiques. » Pablo n’y va pas par quatre chemins : « C’est un crime contre l’humanité d’apprendre à des milliers de jeunes qui entrent en écoles de commerce, la loi du plus fort, la peur de l’autre, et que leur avenir, c’est la compétition. » « La compétition, c’est de la violence horizontale. La hiérarchie, c’est de la violence verticale. Les deux se conjuguent dans ce qu’on appelle la montée des fascismes. » Face à cela, « il faut changer la culture. Arrêter avec la compétitivité, tous ces trucs qui nous font chier. Ce qui est dangereux, ce n’est pas la nature humaine, c’est la culture occidentale. On a construit une société fondée sur les liens économiques, ces liens qui sidèrent et nient les liens qui libèrent. On est nul en tendresse, en bisous, en soin. Or, c’est la tendresse qui va sauver le monde. » Pablo propose un cocktail de joie, de tendresse pour apprivoiser la peur. Et les scientifiques valident l’idée après avoir étudié les grandes catastrophes comme les tsunamis, tremblements de terre, inondations, éruptions volcaniques… « Quand la catastrophe arrive, les gens cherchent du lien. Ils ne pillent pas, ne tuent pas. Ils s’aident. » Contrairement à ce que nous racontent souvent les films hollywoodiens, les humains ne s’entretuent pas lorsque la mort est là. Ils cherchent l’autre et coopèrent. Et c’est alors que la recherche de performance disparaît dans l’urgence et que surgit l’efficacité, la vraie, souple et intelligente. « On a 4 milliards d’années d’évolution pour nous le rappeler : la compétition non cadrée tue tout. La résilience repose sur l’adaptation et la diversité. » L’entraide comme acte politique« L’entraide est un mot général qui désigne toutes les manières qu’ont les êtres vivants de s’associer. » Mais pour Pablo, « c’est aussi un pilier de l’anarchisme. Une force horizontale, convergente, qui réunit les gens pour traverser l’adversité. L’entraide est politique parce que c’est une force qui s’oppose à la verticalité des systèmes de domination. La charité est verticale. L’entraide est horizontale. Quand Macron aide, c’est du haut de son mépris. L’entraide se fait entre pairs. » « Les super-riches s’entraident pour se trouver des bunkers, pour se co-financer. » Comme le dit Monique Pinçon-Charlot, sociologue, « Si nous étions capables du même niveau d’entraide que les plus riches, nous serions inarrêtables. » Car l’entraide est à la fois un facteur de survie et un facteur d’évolution. « Je lance un appel. Je ne suis pas sûr de moi. C’est une intuition. J’ai envie qu’on co-construise tous ensemble. » Pablo ne veux plus être l’homme blanc scientifique qui dit aux gens ce qu’il faut faire. « J’ai une intuition que j’ai envie de transmettre, mais aucune envie de la porter seul. Merci à celles et ceux qui répondront à cet appel. » « On est en train de vivre une catastrophe. Mais ceux qui survivront, ce sont ceux qui se seront entraînés à avoir peur, à l’entraide et auront constitué leur réseau des tempêtes. Les individualistes, les méfiants, ceux qui s’isolent mourront les premiers. C’est contre-intuitif, mais cela marche.» « Alors, on se bouge ? » Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté. 
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                Vidéo : les expériences mystiques- Par Thierry LEDRU
- Le 19/10/2025
 Une vidéo que je trouve intéressante quant aux différents phénomènes inhérents à l'expérience mystique. L'expérience mystique scinde notre histoire personnelle entre un avant et un après. On y trouve des caractéristiques reconnues par toutes les personnes confrontées à cette expérience. 1) l'ambivalence des sentiments, l'alternance entre la peur et la joie devant l'inconnu. 2) la mort de l'égo, le sentiment du Moi s'efface. 3) l'union "cosmique", la communion avec un grand Tout qui nous submerge, nous envahit, nous transforme. 4) la dilatation temporelle, on perd la notion du temps. 5) l'ineffabilité de l'expérience. Les mots sont impuissants pour décrire l'expérience mystique. 6) l'éphémérité de l'expérience. La conscience d'un vécu extraordinaire et de sa probable finitude emplit l'individu de sentiments opposés, la joie mais aussi la nostalgie, le bonheur et simultanément la crainte de sa chute. 7) un bien-être qui se diffuse dans notre quotidien malgré la perte de cette expérience par son aspect épisodique. L'individu a conscience d'avoir traversé une dimension dont il ignorait tout et qui laisse comme un sillage ineffaçable et qui ne sera jamais sectionné. Ce Tout est là et on peut le retrouver. 
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                Un sol vivant- Par Thierry LEDRU
- Le 19/10/2025
 « C’est la plante qui façonne le sol, et pas l’inverse »https://lareleveetlapeste.fr/cest-la-plante-qui-faconne-le-sol-et-pas-linverse/ Véronique Chable plaide pour « une science holistique, qui étudie les écosystèmes dans leur globalité plutôt que de les réduire à des équations chimiques ». Les résultats sont là : les aliments issus de l’agroécologie sont plus riches en nutriments, et les sols regagnent en fertilité. Texte: Isabelle Vauconsant Photographie: Oleh Malshakov / iStock 15 octobre 2025 Véronique Chable, ingénieure de recherche et agronome, consacre sa carrière à la génétique végétale et à l’amélioration des plantes. Dans cet entretien, Véronique Chable révèle comment les plantes façonnent les sols, comment les semences paysannes redonnent vie aux écosystèmes, et pourquoi l’agroécologie est bien plus qu’une méthode de culture : c’est une philosophie de vie. Le sol n’est pas un support inerteDepuis 2005, Véronique Chable s’investit dans la recherche participative et l’agriculture biologique, en réponse à un besoin politique et écologique croissant. Son parcours accompagne la transition de l’agriculture industrielle, fondée sur l’homogénéisation et la chimie, vers une agriculture respectueuse des écosystèmes, où la plante et le sol entretiennent une relation symbiotique essentielle. Le sol n’est pas un simple support inerte. Il est le fruit d’une coévolution entre la roche mère et les plantes. Véronique Chable explique que « les plantes pionnières, en colonisant la roche, la dégradent progressivement grâce à leurs racines et aux micro-organismes associés. Ces micro-organismes transforment la matière minérale en nutriments assimilables, créant ainsi un sol fertile.» C’est un écosystème vivant. Chaque plante, en mourant, enrichit le sol en matière organique, favorisant la prolifération de bactéries et de champignons. Ces derniers, à leur tour, nourrissent les plantes suivantes. « C’est un cercle vertueux, où chaque acteur joue un rôle précis ». La rupture de l’agriculture chimiqueL’agriculture industrielle a brisé ce cycle. « En sélectionnant des plantes homogènes et en les cultivant dans des conditions artificielles (serres, cultures in vitro), on a créé des variétés incapables de dialoguer avec les micro-organismes du sol ». Résultat : ces plantes, déconnectées de leur environnement, dépendent des engrais chimiques et des pesticides pour survivre. Cette agriculture a une vision réductionniste qui considère le sol comme un simple réservoir de nutriments (azote, phosphore, potassium – NPK). Pourtant, comme le souligne Véronique Chable, « cette approche ignore la complexité du vivant. Les plantes ne se nourrissent pas seulement de NPK : elles ont besoin d’un écosystème microbien riche et diversifié. »  Véronique Chable – Crédit : Rennes Ville et Métropole Les Semences PaysannesFace à la standardisation des semences, Véronique Chable et ses collègues ont développé une recherche participative. En collaboration avec des paysans bio, ils ont réintroduit des variétés anciennes, adaptées aux terroirs locaux. « Ces semences, conservées dans des banques génétiques, sont souvent oubliées mais recèlent un potentiel énorme ». Réadapter ces semences prend du temps. Il faut les multiplier, les observer, et comprendre leur comportement dans des conditions réelles. Mais les résultats sont probants : « en quelques années, les sols se régénèrent, et la biodiversité microbienne explose ». Contrairement aux monocultures, les semences paysannes favorisent la diversité. Et, cette diversité est la clé de la résilience : « un sol riche en espèces végétales et microbiennes résiste mieux aux maladies, aux sécheresses et aux variations climatiques ». Les agriculteurs bio qui cultivent des céréales associées à des légumineuses (comme le maïs, les haricots et les courges dans la milpa sud-américaine) observent une amélioration rapide de la qualité de leurs sols. Les adventices, autrefois considérées comme des « mauvaises herbes », sont aujourd’hui reconnues comme des indicatrices de la santé du sol. Le microbiote végétalLes plantes ne sont pas des entités isolées. Leurs racines abritent des millions de micro-organismes qui jouent un rôle crucial : Digestion : Les bactéries et champignons décomposent la matière organique, libérant des nutriments. Protection : Certains micro-organismes protègent les plantes contre les pathogènes. Communication : Les plantes communiquent avec les micro-organismes via des signaux chimiques, créant un réseau d’échanges complexe. « Comme le microbiote présent dans nos intestins ou sur notre peau, le microbiote du sol est indispensable à la santé des plantes. Sans lui, les plantes sont vulnérables et dépendantes des intrants chimiques. »  Lire aussi : « Il faut défendre les semences paysannes face aux nouveaux OGM » L’impact de l’agriculture chimiqueL’utilisation massive d’engrais et de pesticides a appauvri les sols. Les micro-organismes bénéfiques ont disparu, laissant place à des pathogènes résistants. Véronique Chable souligne que « cette dégradation n’est pas une fatalité » : en réintroduisant des semences paysannes et en arrêtant les intrants chimiques, les sols se régénèrent naturellement. C’est un changement de paradigme Passer à l’agroécologie nécessite une transformation profonde : Observer plutôt que prescrire : Les agriculteurs doivent apprendre à comprendre leur écosystème plutôt que d’appliquer des recettes standardisées. Repenser les circuits alimentaires : Les consommateurs doivent accepter des produits moins uniformes et plus diversifiés, adaptés aux terroirs locaux. Soutenir les paysans : La transition vers le bio est coûteuse et prend du temps. Les pouvoirs publics doivent accompagner les agriculteurs, notamment en subventionnant les pratiques agroécologiques plutôt que l’agriculture conventionnelle. Véronique Chable s’agace : « Pensez-vous qu’il soit normal que ce soit aux bio de payer leur label quand on subventionne la chimie ? » Un choix de civilisationVéronique Chable insiste : « le choix entre agriculture industrielle et agroécologie est un choix de civilisation. Il s’agit de décider si nous voulons être des consommateurs passifs ou des acteurs conscients de notre environnement. C’est aussi un choix d’avenir, voulons-nous manger jusqu’à en être malade ou bien faire de notre alimentation notre meilleur médicament. » Elle appelle à l’action : Chaque achat alimentaire est un vote. « En soutenant les producteurs locaux et bio, les consommateurs contribuent à la régénération des sols et à la préservation de la biodiversité. » Malgré le peu de chercheurs travaillant sur les semences paysannes (moins de cinq en France, une trentaine en Europe), le mouvement est mondial. Des associations comme Réseau Semences Paysannes et sa coordination internationale “Libérons la Diversité” fédèrent des paysans, des chercheurs et des citoyens autour d’un objectif commun : retrouver une agriculture respectueuse du vivant. Véronique Chable plaide pour « une science holistique, qui étudie les écosystèmes dans leur globalité plutôt que de les réduire à des équations chimiques ». Les résultats sont là : les aliments issus de l’agroécologie sont plus riches en nutriments, et les sols regagnent en fertilité. Pour les acteurs du réseau, les semences paysannes ne sont pas une nostalgie du passé. Elles sont une solution d’avenir fondée sur un corpus scientifique très sérieux. Elles permettent de concilier production alimentaire et respect de l’environnement, tout en redonnant aux paysans leur autonomie. Comme le dit Véronique Chable, « il ne s’agit pas seulement de produire, mais de faire société ». En choisissant l’agroécologie, nous choisissons un monde où l’humain et la nature coexistent en harmonie. Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté. 
 
         
                                     
                                     
                                     
                                     
                                     
                                     
                                     
                                    