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  • Sur la route de Jarwal

     

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    Aujourd'hui, 12 mars 2024, j'ai signé le contrat avec les éditions du 38 pour le tome 1 de JARWAL LE LUTIN.

    Le huitième roman publié.

    Mais quand on n'est pas auteur, a-t-on réellement conscience du parcours d'un roman ?

    Première étape : l'idée. D'où vient-elle ? A-t-elle un point de départ précis, un évènement, une situation particulière où nait-elle après une longue gestation dans le mystère fécond d'une matrice cérébrale ? 

    Deuxième étape : il faut nourrir l'idée, l'alimenter, en prendre soin, la câjoler, l'encourager, la motiver, lui donner confiance. Il arrivera inévitablement des moments de doute, des impressions pénibles, l'idée entêtante d'une impasse. C'est là qu'il faudra garder à l'esprit que si cette idée est là, c'est qu'elle a pensé que vous étiez la bonne personne pour elle, que c'est avec vous qu'elle peut tracer sa route.

    Troisième étape : écrire, penser, écrire, penser, écrire, penser, écrire, penser, écouter ce qui se tient caché, au plus profond et qui ne demande qu'à émerger, écrire, râturer, recommencer, corriger, modifier, écrire, penser, rêver.

    Quatrième étape : lorsque les rêves deviennent récurrents, c'est que l'histoire ne vous quittera plus, elle est en vous, elle se nourrit de vous, elle vous appartient, à moins que ça soit l'inverse.

    Cinquième étape : ne pas oublier que l'histoire a besoin de phases de repos, ne pas oublier que la précipitation n'est pas de mise, qu'il est nécessaire d'accorder des périodes de paix aux personnages, qu'il n'est pas bon qu'ils soient toujours sur le grill. Ne pas oublier pour autant qu'il serait irrespectueux de les délaisser au-delà du raisonnable. Ils pourraient vous en vouloir. Leur existence est encore incertaine, ils ne sont pas pleinement constitués, ils guettent la fin de l'histoire comme une délivrance. Eux aussi, ils connaissent l'impatience.

    Sixième étape : poser le point final et s'éloigner. Plusieurs jours, semaines, mois, peu importe. Il faut prendre soin de soi aussi. Plus rien ne disparaîtra désormais. Tout est là. Les personnages sont emplis de la matière que vous leur avez insufflée. Ils ne peuvent plus être dilués dans le néant d'où ils sont sortis.

    Septième étape : relire, relire l'histoire, une première fois, juste l'histoire, d'une traite, comme si vous étiez dans une salle de cinéma. Il faut que ce livre soit un film et que pas un instant, vous ne vouliez le quitter. Relire une deuxième fois en vous appliquant à corriger la langue, c'est une traque que vous devez mener, le fusil effaceur à la main, et vous montrer sans pitié. Si votre lecture est ralentie par une tournure, c'est qu'elle n'est pas bonne et qu'elle doit disparaître. Tout doit être fluide, ou heurtée si tel était l'objectif, léger ou pesant, poétique ou grossier, romantique ou assassin, si le sang doit couler il doit se voir, si l'amour doit jaillir, il doit vous enflammer, si la peur est nécessaire, tourner la page doit se faire le souffle haché, si la beauté du monde est appelée, c'est un hymne qui doit retentir.

    Chaque phrase a un sens, un but, une visée, un horizon, une présence. Ou alors, il faut la reprendre.

    Oui, ce travail sera long, peut-être même aussi long que l'écriture du livre. Peut-être même davantage.

    Au total, l'écriture de ce livre vous aura pris un an, deux, trois, ou peut-être six mois et peut-être moins. Il n'y a pas de règles, pas de cadre, pas de frontières, c'est une terra incognita et vous êtes l'explorateur.

    Huitème étape : l'envoi à l'éditeur est un moment particulier. Celui où vous allez partager cette histoire avec la personne qui sera susceptible d'en faire un livre. Vous avez écrit une histoire mais elle pourrait rester en l'état. La suite ne vous appartient déjà plus. Vous entrez dans l'attente. Longue et incertaine. Si vous avez bâti cette histoire avec en tête l'idée qu'elle deviendra un livre, vous avez construit vous-même l'ampleur d'une éventuelle désillusion et pendant l'écriture, vous avez inséré dans l'histoire elle-même une menace. Il faut écrire pour écrire et rien d'autre. La suite ne vous appartient pas, la suite ne vous appartient pas, la suite ne vous appartient pas. C'est une idée qui ne doit pas vous quitter. La réponse négative, vous l'avez déjà. Des milliers de réponses négatives sont envoyées par les éditeurs. Parfois, c'est un oui.

    Il ne s'agit même pas d'espérer quoi que ce soit. L'espoir n'est que le ferment de la désillusion.

    Neuvième étape : un jour, vous revevez un mail de l'éditeur. Le comité de lecture a retenu votre roman. Là, vous pouvez être heureux et fier du travail accompli. L'histoire entre dans le domaine de la littérature, dans cet espace gigantesque qui remonte à l'aube de l'humanité. Les peintures de Lascaux racontaient des histoires.

    Dixième étape : l'éditeur vous propose une couverture, vous lui donnez votre avis, le projet prend forme, les idées se rejoignent, le graphisme s'affine puis la dernière mouture est retenue, l'éditeur vous demande d'écrire une quatrième de couverture, de son côté il s'applique à corriger les dernières erreurs orthographiques, celles que vous n'avez pas vues parce que vous connaissez votre texte par coeur, que vous n'arriviez plus à le lire mais seulement à le réciter et que vous ne pouviez pas voir le s qui manque, l'accord d'un participe passé, une virgule oubliée...

    Onzième étape : un jour vous recevez un colis, vous l'ouvrez, vous sortez un exemplaire. Il est là. Votre livre. L'émotion est immense. Mais il faut comprendre alors que ça ne doit pas rester votre livre mais devenir le livre des lecteurs et lectrices, le livre de tous les gens qui seront attirés par la couverture et le résumé. Ces gens devront payer ce livre et c'est un geste fort parce qu'un livre n'est pas un élément vital. C'est un luxe. Des millions de personnes à travers le monde ne lisent pas de romans. Et ils survivent pourtant. Et il n'est pas de mon ressort de dire s'ils ont tort ou raison. Peut-être que leurs conditions de vie sont trop rudes pour se payer ce luxe de lire, peut-être que leurs intérêts sont ailleurs, peut-être qu'ils ont été trop souvent déçus, peut-être que l'école les a dégoûtés de la lecture. Ils sont nombreux dans ce cas-là, d'ailleurs.

    Douzième étape : par reconnaissance envers votre éditeur, vous vous appliquez à faire connaître ce livre, vous le présentez, vous l'accompagnez au mieux sur la route.

    Treizième étape :  la suite ne vous appartient plus.

    Et puis vient ce jour étrange où une nouvelle idée émerge...

     

  • "Le chemin des neuf mondes"

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    Comme l'écrivent les lecteurs et lectrices, ce livre est essentiel.

    Les Kogis devraient être référencés parmi les lanceurs d'alerte. Mais quand on sait que la plupart des scientifiques les plus compétents et objectifs ne sont pas écoutés, ni par les dirigeants, ni par la majeure partie de la population mondiale, comment espérer que des "sauvages" le soient...

    Pour ma part, je pense que je connais ce livre par coeur, pour une raison simple, il se lit avec le coeur avant l'intellect.

     

     

    Le chemin des neuf mondes

     

     

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    Le chemin des neuf mondes par Julien
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    EAN : 9782226128072
    289 pages

    Albin Michel (02/11/2001)

    4.05/5   19 notes

    Résumé :

    Géographe et alpiniste,Éric Julien a découvert la Colombie en 1985. Il rencontre les Kogis dans des circonstances exceptionnelles. Victime d'un oedème pulmonaire, le jeune homme est soigné par cette peuplade avec des plantes et des savoirs d'un autre temps. De retour à Paris, il apprendra que ces Indiens sont les derniers héritiers des grandes cultures pré-colombiennes du continent sud-américain.
    Dix ans plus tard, après de multiples difficultés, Eric Julien rejoint, confinée dans de secrètes montagnes, une société qui a su préserver ses rapports avec la nature. En 1997, il crée l'association Tchendukua, qui depuis la France, rachète et restitue leurs terres aux Kogis. En échange, il reçoit leur philosophie, qui révèle une connaissance intime des écosystèmes. Un message dont le monde moderne a besoin.

     

     

     

    Alexbeauregard

     

    Alexbeauregard

    03 novembre 2022

    Un véritable coup de coeur! Ce livre m'a touché jusqu'au plus profond de mon âme.

    Les Kogis vivent en harmonie avec la nature, avec notre terre mère. Ils ont mit des mots sur ce que l'humain a fait et nous accusent avec raison de tout détruire. Une belle claque en plein visage et une certaine honte aussi, de vivre dans cette société irrespectueuse de la nature. Nous avons oublié que nous sommes la nature et avons cru être supérieur.

    J'ai été choqué par certains propos plein de vérité. J'ai été touché par cette ouverture d'esprit et cette vision des choses magnifiques. J'ai aimé suivre l'aventure de Éric Julien qui ne savait absolument pas ce qu'il allait trouver dans ces montagnes.

    Ce livre restera cher à mon coeur.


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    Laissepastrainertonlivre

    Laissepastrai...

    27 juin 2018

    Mon avis :

    Ce livre a été écrit en 2001 et ce qui m'a vraiment frappée c'est le message d'urgence écologique qui en découlait déjà à l'époque.

    On découvre dans ce livre une civilisation très méconnue : Les kogis.
    Ceux-ci sont issus des Tayronas qui furent exterminés au 16éme siècle par les conquistadors européens à peine sortis du moyen-âge.
    Ils vont donc se réfugier suite au massacre dans la montagne de la Sierra Nevada afin de se couper totalement du monde.
    Cette montagne est située en Colombie du nord à 6000 mètres d'altitude et se trouve être la plus haute du monde en bordure de mer.

    Les kogis un peuple d'une grande sagesse
    Le livre est touchant de par l'humilité de son auteur.
    On y apprend comment vivent les kogis avec une morale élevée, une organisation sociale et politique au sein de leur tribu et surtout une connaissance élevée du milieu naturel.
    Ils ritualisent beaucoup , font des offrandes pour protéger les forêts, lacs, montagnes ..
    Pour eux la terre est un grand corps humain qu'il faut soigner et préserver.

    Les kogis font partie des derniers gardiens de la terre dits également peuple racine.
    Il en reste environ 15 000 au nord de la Colombie.
    Leurs sages , appelés « mamus » disent que nous sommes en danger et que les faits sont déjà avérés ( de plus en plus de maladie apparaissent , phénomènes climatiques, extinctions de certaines espèces etc ).

    La formation de leurs « mamus » s'effectue exclusivement dans l'obscurité et dure entre 9 à 18 ans. Ils accèdent alors à un niveau de conscience hautement élevé.

    Eric Julien les as rencontré par hasard car il fut victime d'un oedème pulmonaire lors d'une expédition.
    Il sera sauvé in extremis par les kogis et ne les oubliera jamais.

    Un jour il finit par tout plaquer et part de nouveau à leur rencontre. Une relation de confiance s'instaurera au fil des années. Les kogis sont vulnérables et nous évitent nous « les petits frères » le plus possible.
    On devine au fil des pages tout le chemin initiatique de l'auteur.

    Au travers de conférences, de rencontres organisées Eric Julien révèlent au grand public l'existence de ces descendants de civilations anciennes de plus de 4000 ans, il va récolter des dons et rendre aux kogis plus de 2000 hectares de terre.

    La tâche ne fut pas aisée car de nos jours les kogis sont tolérés en Colombie mais pas pour autant acceptés.
    Peu de notaires acceptent d'établir des documents pour cette tribu.

    Un livre écrit il y a 17 ans mais toujours d'actualité
    Ce livre est d'une écriture simple , humble et bien réelle. Une véritable prise de conscience sur l'absurdité du monde moderne.
    Avant de le lire je n'avais aucune idée que des indiens vivaient encore de manière ancestrale en Colombie.
    Le livre permet de revenir à l'essentiel également , se rappeler d' être plus responsable quant à nos modes de vie .

    Il est triste également de savoir qu'un peuple aussi sage soit aussi peu considéré de nos jours.

    Je recommande vivement le chemin des neufs mondes d'Eric Julien car il nous apprend des bribes d'histoire d'hier et d'aujourd'hui et surtout rend un magnifique hommage aux indiens kogis !
    Lien : https://laissepastrainertonl..


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    Acidus

    Acidus

    18 juin 2022

    « Le chemin des neuf mondes » est la rencontre entre le français Éric Julien et le peuple des Kogis situé dans une Sierra colombienne.


    Dans ce livre, l'auteur nous raconte ses contacts avec cette tribu sud-américaine et son double combat pour le rachat de terres au bénéfices des indiens et la transmission de leur spiritualité, portée sur le respect de la nature, auprès des occidentaux. Éric Julien réserve d'ailleurs de nombreuses pages à nous expliquer leur vision du monde et de la vie afin que l'Homme s'en inspire et arrête de détruire la planète sur laquelle il vit.


    Lecture instructive qui m'a permis de faire connaissance avec ce peuple indigène. L'approche étant plus celle d'un témoignage et d'un récit que d'un essai sur la spiritualité de ce peuple, j'admets n'en avoir retirer aucun enseignement, ni profonde réflexion en ce domaine.


    Un bon livre toutefois qui a le mérite de placer sous les projecteurs un de ces rares peuples peu touchés par la modernité et conservant ses traditions ancestrales ainsi que d'alerter (s'il est encore nécessaire) sur les dangers de la domestication de la nature par l'Homme.


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    Meryammout

    Meryammout

    09 février 2018

    Ce livre est une véritable prise de conscience. Il nous permet de voyager dans la Sierra Nevada où nous rencontrons les Kogis, qui nous apprennent une autre façon de voir le monde dans lequel nous vivons. Par leurs enseignements, j'ai ressenti comme une gêne en lisant les conséquences de notre civilisation dite ''moderne''. Préparez-vous à apprendre une leçon d'humilité, de respect envers la nature, et préparez-vous à vouloir guérir la Terre des souffrances que nous lui infligeons.

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    lehibook

    lehibook

    03 janvier 2022

    Ce livre est d'abord un récit de voyage et un témoignage , celui de l'auteur qui , gravement malade , lors d'une expédition en Colombie est soigné au sein d'une tribu indienne , les Kogis, dont la culture est l'héritage des grandes civilisations pré-colombienne . Dans un deuxième temps Eric Julien , développe ce qu'il a appris auprès d'eux , particulièrement en ce qui concerne les liens de l'homme et de la nature . Il met en évidence l'actualité de ce point de vue . Intéressant.

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    Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation

    terrevive

    terrevive

    10 mai 2010

    L'interrelation, l'interdépendance lient les connaissances conceptuelles et expérimentales, coeur, conscience et esprit, hommes, nature et objets. Tout est équilibre entre un ensemble de composantes vivantes qui ont chacune un rôle et une fonction. L'ensemble ne fonctionne que parce que chacune des parties est reliée aux autres et remplit au mieux son rôle. D'après les Kogis, c'est parce que nous avons oublié cette règle élémentaire que nous provoquons de nombreuses ruptures qui menacent l' équilibre de la planète. "Ce qui compte dans la vie, et c'est si évident que l'on s'étonne que cela ne soit pas plus souvent dit, ce sont les relations entre les objets, et non les objets eux-mêmes."

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    Danieljean

    Danieljean

    03 janvier 2019

    On a longtemps dit que les sociétés amérindiennes étaient des sociétés sans écriture, signe de leur faible niveau de développement. Mais pour nombre d'entre elles, écrire, c'est risquer de perdre la mémoire, de s'éloigner de l'expérience qui fait sens. Ils ont préféré investir dans la tradition orale et le symbole, cette autre écriture qui, au delà des mots, touche le physique, l'inconscient et le mental. Cette écriture qui relie à l'essence du monde.

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    Meryammout

    Meryammout

    09 février 2018

    Pour eux, la nature n'est pas belle, harmonieuse en soi, c'est un univers d'épreuves où l'homme doit apprendre à cheminer entre le jour et la nuit, entre la droite et la gauche, entre le bien et le mal.

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    Ludivine

    Ludivine

    26 janvier 2014

    Il est temps de penser à des choses essentielles. Il faut commencer par penser que la terre c'est la vie. Si nous ne construisons qu'un monde artificiel, la terre va mourir. Si elle meurt, alors nous allons tous mourir, car la terre c'est la mère, c'est la vie.

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    lehibook

    lehibook

    03 janvier 2022

    Or qui sont les plus grands "écosophes" si ce n'est ces peuples dont le fonctionnement économique et politique semble directement s'inspirer d'un lien, d'une relation jamais interrompue avec le monde du vivant? Bien sûr ilne s'agit pas de devenir indien , mais sans doute de réinventer , réincarner ces principes de vie au sein de nos sociétés contemporaines.

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    Videos de Eric Julien (8) Voir plusAjouter une vidéo

    Vidéo de Eric Julien

    Le CERA a invité Eric Julien pour parler des indiens Kogis : Les gardiens de la planète.
    Eric Julien, géographe (DEA) et diplômé en Sciences Politiques, a complété son parcours par une Maîtrise des Sciences et Techniques de la Communication (MSTC) et un DESS Informatique et Systèmes Multimédias.
    En 1997, il a créé le réseau « Nouveaux territoires », associations de consultants spécialisés dans l’ingénierie du changement et la création de nouveaux paradigmes.
    Eric Julien, également accompagnateur de montagne, fut sauvé d’un oedème pulmonaire par les Indiens Kogis à plus de 5000 mètres d’altitude alors qu’il découvrait leur territoire au cœur de la Colombie.
    Il y reviendra des années plus tard et oeuvre désormais à plein temps pour faire connaître la cause des Kogis en fondant une ONG, Tchendukua – Ici et Ailleurs, spécialisée dans l’accompagnement des peuples « racines » et la préservation / reconstitution de la Biodiversité, plus particulièrement en Amérique du Sud Soutenue, entre autre, par Pierre Richard et Edgar Morin, l’association a racheté et rendu aux Kogis près de 2000 hectares de Terre.

  • THÈME : Les Kogis (17)

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    Peuple de la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie, les Kogis ou Kagba sont les descendants des Tayronas, une des plus grandes sociétés précolombiennes du continent sud-américain et surtout une des plus anciennes : leur histoire pourrait remonter à plus de 12000 ans.

    Ces 25 000 hommes et femmes mènent aujourd’hui une existence simple et spirituelle, respectueuse de la Terre qui leur a donné naissance. Accueillant très peu d’étrangers, ils se sont pourtant donné la mission de transmettre leurs savoirs ancestraux aux hommes «civilisés» afin qu’ils puissent renouer avec l’harmonie du monde.

    Pour les kogis, le territoire est considéré comme un «corps» territorial, reflet du fonctionnement des constellations autant que celui du corps humain. Où vivent-ils ? Quelle est leur «vision» du territoire ? Que nous apprennent les sagesses et cultures amérindiennes ?

     

    Le 17 ème regroupement d'articles.

    Les Kogis (1)

    Les Kogis (2)

    Les Kogis. (3)

    Les Kogis (4)

    Les Kogis (5)

    Les Kogis (6)

    Les Kogis (7)

    les Kogis : Le message des derniers Hommes

    Les Kogis de Colombie

    Les Kogis et la Nature

    "Ce que les Kogis ont à nous dire"

    Eric Julien et les Kogis

    L'enseignement des Kogis

    Spiritualité des Kogis

    Un livre pour les Kogis

    Le savoir des Kogis

    Thomas Pesquet chez les Kogis

    "Le chemin des neuf mondes"

     

    Les Indiens Kogis ont une place importante dans certains de mes romans et notamment dans les histoires de Jarwal le lutin.

    Jarwal et les Kogis

    Jarwal et les Kogis : Kalén

    Jarwal et les Kogis : la réalité et le Réel

    Jarwal et les Kogis : les Conquistadors

    Jarwal et les Maruamaquas

    Jarwal le lutin :"L'arbre de vie"

     

    On retrouve les Indiens Kogis dans la quadrilogie en cours d'écriture.

    Dans le tome 1 "LES HEROS SONT TOUS MORTS"

     

    LES HEROS SONT TOUS MORTS : Figueras, un personnage majeur

     

    Puis dans les trois tomes suivants...

     

     

     

  • "Le gang de la clé à molette"

    Le gang de la clef à molette (Ne meurs pas, ô mon désert) par Abbey
    Ajouter à mes livres

     

    Lire un extrait

    Le gang de la clef à molette tome 1 sur 2

    EAN : 9782351785690
    491 pages

    Gallmeister (03/10/2016)

    3.96/5   879 notes

    Résumé :

    Révoltés de voir la somptueuse nature de l'Ouest américain défigurée par les industriels, quatre insoumis décident d'entrer en lutte contre la « Machine ». Un vétéran du Vietnam accro à la bière et aux armes à feu, un chirurgien incendiaire entre deux âges, sa superbe maîtresse et un mormon nostalgique et polygame se mettent à détruire ponts, routes et voies ferrées qui balafrent le paysage. Armés de simples clefs à molette - et de quelques bâtons de dynamite - ils affrontent les représentants de l'ordre et de la morale dans une folle course-poursuite à travers le désert.
    Traduit de l'américain par Jacques Mailhos
    Un chef-d’œuvre où rage se marie au rire.
    LES INROCKUPTIBLES

     

    Les mêmes métodes appliquées aujourd'hui.

    « Les écoterroristes les plus stupides du monde » : c’est ainsi que le business man états-unien Elon Musk a réagi à l’acte de sabotage qui a visé la gigafactory de Tesla en Allemagne mercredi 6 mars.

    C'est  le terme "d'écoterrorisme" qui me fait bondir. S'attaquer à une industrie terriblement néfaste pour la planète est désormais un acte terroriste. Si des gens pensent encore que les véhicules électriques permettront de stopper ou de ralentir le réchauffement climatique, que c'est une industrie verte et vertueuse, c'est par manque de connaissances. Je n'ai même pas envie de développer. En cherchant cinq minutes, tout est expliqué sur le net.

    Le terrorisme industriel, lui, est une réalité. Et là aussi, les exemples regorgent.

    Cette dialectique d'écoterrorisme n'est pas innocente. Elle frappe les esprits, volontairement parce que le terme de terrorisme est connu de tous.

     

    La voiture électrique cause une énorme pollution minière

     

    https://reporterre.net/La-voiture-electrique-cause-une-enorme-pollution-miniere

    La voiture électrique cause une énorme pollution minière

    [VOLET 2/3] — Grosse émettrice de gaz à effet de serre, la construction des voitures électriques consomme aussi une très grande quantité de métaux. Lithium, aluminium, cuivre, cobalt… le boom annoncé de la production de « véhicules propres » réjouit le secteur minier, l’un des plus pollueurs au monde, et promet un enfer aux populations des régions riches de ces matières premières.

    Cet article est le deuxième d’une enquête en trois volets que nous consacrons à la voiture électrique. Le premier volet, sur les émissions de gaz à effet de serre : « Non, la voiture électrique n’est pas écologique ».

    « Comment justifier de détruire des territoires comme le bassin des Salinas Grandes et la lagune de Guayatayoc, occupés par quelque 7.000 habitants, 33 communautés autochtones et ethniques, et tout un mode de vie fondé sur la coresponsabilité et la démocratie directe, comment donc justifier cette destruction au nom de la lutte contre la pollution de l’air dans des villes, une contamination à laquelle ces communautés n’ont pris aucune part ? » Interrogé sur l’exploitation du lithium, telle est la question que nous renvoie Roger Moreau, ancien militant du Larzac, installé depuis quelques décennies dans la province de Jujuy, dans le nord de l’Argentine, à l’épicentre de la ruée sur le lithium provoquée par le déploiement programmé des véhicules électriques.

    Ici, les communautés qollas vivent sobrement de l’élevage de lamas et de brebis, d’extraction artisanale de sel, d’artisanat et du tourisme. Sur ces hauts-plateaux des Andes, à plus de 3.000 mètres d’altitude, l’entreprise canadienne LCS s’apprête à exploiter près de 180.000 hectares de lagunes et de salars, ces lacs de sels asséchés dont on extrait le lithium contenu dans les batteries d’ordinateur, de téléphone et de voitures électriques. Une batterie de Renault Zoe peut contenir 8 kg de lithium, une Tesla 15 kg (contre 300 g pour un vélo électrique).

    « Tous les moyens sont bons pour maintenir le mode de vie des États-Unis et de l’Europe, qui, s’ils étaient généralisés, nécessiteraient trois à cinq planètes » 

    Bien qu’elles n’aient pas toutes de titre formel de propriété, les communautés locales sont en théories souveraines sur ces terres ancestrales collectives, et se prévalent des droits des peuples autochtones reconnus par l’Organisation internationale du travail (OIT) et par les Nations unies imposant le « consentement libre » des habitants avant tout projet. En 2019, après une série de pétitions, quelque trois cents personnes ont procédé à l’expulsion d’une équipe de forage venue commencer les travaux d’exploration. Les blocages routiers se sont succédé pour informer la population. « Au lieu de remettre en question un mode de développement responsable de nombreuses crises contemporaines et de désastres annoncés qui augmentent à vue d’œil », déclare l’Assemblée des communautés autochtones du peuple qolla de Salinas dans son prospectus sur le lithium, « tous les moyens sont bons pour maintenir le mode de vie des États-Unis et de l’Europe, qui, s’ils étaient généralisés, nécessiteraient trois à cinq planètes. L’extraction de lithium dans les salars est une catastrophe écologique, et non un simple désagrément qu’on pourrait compenser par des dons aux communautés ».

    Chemetall Foote Lithium Operation, dans la Clayton Valley, à l’est de Silver Peak (Nevada), est l’unique mine de lithium des États-Unis d’Amérique.

    Dans ces régions parmi les plus arides au monde, les mines de lithium évaporent à grande allure les rares ressources en eau. Sur le site d’Atacama, au Chili, les miniers prélèvent près de 200 millions de litres par jour. Le pompage de la saumure du sous-sol riche en lithium crée un vide qui fait migrer vers les profondeurs l’eau douce disponible. « Cette double perte d’eau abaisse le niveau de la nappe phréatique, assèche le sol et la végétation au détriment des animaux, des cultures et des gens », expliquent les Qollas. À quoi s’ajoutent les traitements au chlore et la dispersion dans les eaux des déchets de pompage mêlés à des solvants, qui détruisent des micro-organismes dont on ne sait pas grand-chose, sinon qu’ils sont les organismes vivants les plus anciens de la planète [1]. Or toutes les mines actuellement en production annoncent un doublement ou un triplement de leurs activités pour se positionner sur le marché du lithium, dont la demande pourrait croître de 18 % par an d’ici à 2025 [2].

    Transférer aux métaux la demande de puissance qui reposait, depuis le début de l’industrialisation, sur les énergies fossiles

    Le cas du lithium est emblématique du principe de la transition écologique, telle que le décrit la Banque mondiale dans un rapport de 2017 [3]. Pour nous assurer un avenir « bas carbone », il n’est manifestement pas question de revoir à la baisse le mode de vie des pays riches : tout l’enjeu va consister à transférer aux métaux la demande de puissance qui reposait, depuis le début de l’industrialisation, sur les énergies fossiles (charbon et pétrole). Compte tenu des technologies déployées — photovoltaïque, éoliennes, numérique et réseaux, véhicules électriques —, certains métaux sont particulièrement cruciaux : cuivre, argent, aluminium, nickel, terres rares… Et tout le paradoxe de la voiture électrique, deux fois plus polluante à produire que la voiture thermique, est contenu dans cette synthèse : « Les technologies qui pourraient permettre le passage à une énergie propre s’avèrent en réalité PLUS intensives en matériaux dans leur composition que les systèmes actuels fondés sur les énergies fossiles. (…) Pour le dire simplement, un avenir fondé sur les technologies vertes exige beaucoup de matières premières qui, si elles ne sont pas correctement gérées, pourraient empêcher les pays producteurs d’atteindre leurs objectifs en matière de climat et de développement durable. » En d’autres termes, les technologies vertes ne sont pas vertes, en grande partie parce qu’elles reposent sur l’industrie minière, réputée la plus polluante au monde [4].

    Par exemple, pour compenser le poids des batteries des véhicules électriques, qui, s’il n’était pas contrebalancé, les rendrait trop énergivores, les constructeurs ont augmenté la part d’aluminium dans les carrosseries, jantes, boîtes de vitesse. Mais alors qu’une voiture particulière, dans l’Union européenne, contient déjà aujourd’hui en moyenne 179 kg d’aluminium, l’Audi e-tron, un SUV électrique, en enferme 804 kg ! Or la production d’aluminium consomme trois fois plus d’énergie que celle de l’acier, et que cette production est très émettrice de gaz à effet de serre (CO2 et perfluorocarbonés) [5]

    Et pas seulement. Aurore Stéphant, ingénieur géologue minier pour l’association Systext, qui vient de lancer un programme de recherche sur les conséquences environnementales des « métaux de la transition », explique : « Pour obtenir de l’aluminium, la première étape est de mettre la bauxite en solution avec de la soude. On chauffe ensuite le précipité à 1.200 °C. Ce traitement est à l’origine de gigantesques digues de résidus : ces barrages, qui retiennent les déchets miniers liquides au creux des vallées, stockent donc l’équivalent des bidons de soude qu’on utilise pour déboucher les toilettes, mais à des concentrations encore supérieures. C’est ce qu’on appelle les “boues rouges”. Comme les autres digues de résidus miniers, elles cèdent régulièrement, avec des conséquences inimaginables. » En octobre 2010, sur le site de production d’aluminium d’Ajka, près de Kolontar, un barrage a rompu, provoquant la plus grave catastrophe de l’histoire de la Hongrie : un raz-de-marée de plus d’un million de mètres cubes de résidus a déferlé sur sept villages, un millier d’hectares de sols et 10 millions de m³ d’eau ont été contaminés, dix personnes sont mortes et près de 300 ont été grièvement brûlées à la soude. Au cours des dix dernières années, dans le monde, pas moins de quatre accidents de ce type se sont produits dans des mines de bauxite [6].

    Image satellite du trajet de la coulée de boue du 4 octobre 2010 après la rupture de la digue de l’usine d’aluminium d’Ajka, en Hongrie.

    200.000 creuseurs, dont des enfants privés de scolarité « payés un à deux dollars par jour » 

    Pour électrifier les véhicules, il faut aussi du cuivre. Il y en a quatre fois plus dans une voiture électrique (environ 90 kg) que dans une voiture à essence, sans compter l’infrastructure de recharge — une prise pouvant alimenter 120 véhicules en contient près de 100 kg [7]. Le problème du cuivre, c’est qu’on le trouve naturellement associé à de nombreux métaux, dont une bonne partie sont très toxiques, comme l’arsenic, le plomb ou le cadmium. Exploiter du cuivre implique donc de disperser ces autres métaux dans la nature sous forme de vapeurs, d’émissions de particules ou par le ruissellement des résidus. À ce problème s’ajoute le fait que les teneurs en cuivre, c’est-à-dire la quantité présente dans la roche, ont énormément baissé du fait de la surexploitation des gisements : rien qu’entre 1990 et 2008, elles ont été divisées par deux. Il faut donc extraire et traiter chimiquement des volumes toujours plus importants de roche pour l’extraire. Ainsi, les mines de cuivre accumulent des volumes toujours plus gigantesques de déchets, ce qui augmente d’autant les pollutions et le risque de rupture de digues chargées de boues toxiques, etc. Pour avoir une idée de l’ampleur de la production existante et des problèmes qu’elle pose déjà, il faut penser qu’on produit aujourd’hui, avant le boom des véhicules électriques, trois cents fois plus de cuivre que dans les années 1960 [8].

    Outre le lithium, les batteries contiennent des cathodes de cobalt, dont plus de la moitié provient du Congo-Kinshasa, où il est exploité conjointement avec le cuivre. Depuis plusieurs années, le fameux « métal bleu » a été placé sous le feu des projecteurs par les ONG : une partie du minerai est extrait par quelque 200.000 creuseurs, dont des enfants privés de scolarité « payés un à deux dollars par jour », et revendu à des firmes chinoises qui assurent la majorité de l’affinage [9]. Fin 2019, à la suite de la mort de quatorze enfants, l’International Rights Advocates, à Washington, déposait une plainte visant plusieurs entreprises dont Apple, Alphabet (Google) et Tesla. Face à cette situation connue depuis plus d’une dizaine d’années, mais aussi à la suite du relèvement de la taxe sur l’extraction par le gouvernement congolais (passée de 3,5 à 10 %), les constructeurs tentent de diminuer la quantité de cobalt dans les batteries.

    Pour en utiliser moins, Renault a ainsi choisi une technologie NMC (lithium-nickel-manganèse-cobalt) contenant moins de cobalt, mais très dépendante du lithium, du nickel et du manganèse. Mais, là encore, le problème est moins résolu que déplacé. Les approvisionnements sont sécurisés par le fait que le nickel provient de Nouvelle-Calédonie, colonie française et le manganèse du Gabon, ancienne colonie française, où il est exploité par Eramet depuis les années 1960. En revanche, l’extraction du manganèse a provoqué dans la région du Haut-Ogooué, dans l’est du Gabon, une situation sanitaire catastrophique. Dans un mémoire en gestion durable des mines réalisé pour l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement, Grâce Mélina Mengue Edoh Afiyo nous la décrit : « Depuis le début de l’exploitation à Moanda en 1962, tous les déchets miniers de l’exploitation du manganèse ont été rejetés dans la rivière Moulili par le fait du ruissellement des eaux de pluie. Ces déchets représentent une quantité absolument colossale, des millions de tonnes accumulées année après année dans cette rivière. (…) L’envasement de la Moulili a engendré la disparition totale de toute vie aquatique dans ce milieu. En effet, les poissons qui selon les populations y étaient abondants ont laissé place à une vaste étendue d’eau boueuse et nauséabonde [10]. » Les eaux de surface seraient polluées à l’acide sulfurique, au cyanure, au mercure et à l’arsenic, mais une partie de la population n’a d’autre choix que de continuer à les utiliser pour le trempage du manioc. Si Eramet a commencé à contenir ses résidus miniers dans des digues à partir de 2006, les boues toxiques continuent à ruisseler lors des fortes pluies et s’infiltrent dans les sols, faute de membranes au fond de certains bassins. Du fait de la déforestation, « il faut aujourd’hui faire plus de dix kilomètres pour aller chasser », constate l’auteure, et les quantités d’eau pompées « arrivent même à assécher des puits et des sources ». Qu’en sera-t-il après le boom des véhicules électriques ?

    « Pour l’instant, le recyclage en boucle fermée des batteries lithium-ion en Europe n’existe pas » 

    Faut-il s’inquiéter des effets de cette demande croissante en métaux, qui, selon la Banque mondiale pourrait augmenter de 1.000 % pour les batteries électriques [11] ? Aucunement, assure le ministère de la Transition écologique sur un petit schéma destiné à inciter le grand public à acheter une voiture électrique, car « 80 % des batteries sont recyclables ». Les mots sont importants, et cette formulation ne doit rien au hasard : recyclables ne signifie pas recyclées. La directive européenne de 2006, en cours de révision, impose le recyclage de 50 % de la masse de la batterie. « Nous allons jusqu’à 70 % », assure Alain Le Gougenc, porte-parole du groupe PSA. Mais, sur une batterie de 300 à 600 kg contenant une bonne quantité d’acier et de plastique, les métaux les plus polluants sont-ils recyclés ? En tout cas, pas le lithium, trop peu cher à l’achat : « Les compagnies minières ont une politique de surproduction qui fait baisser le coût des matières premières, explique Alma Dufour, des Amis de la Terre. L’État pourrait imposer le recyclage du lithium, pourquoi ne le fait-il pas ? » « Pour l’instant, le recyclage en boucle fermée des batteries lithium-ion en Europe n’existe pas, constate Olga Kergaravat, ingénieure spécialiste des batteries à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). D’autant plus que, du fait du contexte concurrentiel très tendu entre fabricants, elles sont toutes différentes. Ce serait déjà plus imaginable si elles étaient standardisées… »

    Faute de modèle économique pour le recyclage des métaux, qui nécessite en outre des techniques intensives et polluantes comme l’hydrométallurgie et la pyrométallurgie, la Société nouvelle d’affinage des métaux (Snam), en Aveyron, s’oriente vers le réemploi des batteries pour stocker de l’énergie, par exemple pour lisser les apports intermittents des énergies renouvelables. À ce jour, le projet n’est que timidement engagé, et pourtant, depuis des années, les analyses quantifiant les effets globaux des véhicules électriques sont d’autant plus optimistes qu’elles comptabilisent ces économies d’énergie dans leurs bilans. « Les VE (véhicules électriques) et leurs bornes de recharge peuvent par exemple être un maillon dans l’introduction des énergies renouvelables, le stockage stationnaire de l’énergie ou permettre des expérimentations avec des bâtiments à énergie positive, voire à l’échelle de quartiers », anticipe l’Ademe [12]. La perspective de ce « cercle vertueux » entre smart grids, compteurs communiquants et électromobilité a grandement contribué à la réputation de viabilité écologique des voitures électriques, de même que la promesse d’une « mobilité du futur » dans laquelle elles entreraient en synergie avec les plateformes d’autopartage en ligne et les véhicules autonomes. Le véhicule électrique et ses promesses sont en réalité fondées sur un programme plus général de numérisation des réseaux et des transports, qui seraient optimisés, comme par une « main invisible », par l’intelligence artificielle et le big data. C’est un projet de société qui se dessine. Et il est polluant.

    Retrouvez le troisième et dernier volet de notre enquête

    « Derrière la voiture électrique, l’empire des Gafam ».

     

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    Après cet article

    Enquête — Énergie

    Non, la voiture électrique n’est pas écologique

    Notes

    [1] Impacto socio-ambiental de la extraccion de litio en las cuencas de las salares altoandinos del Cono Sur, Observatorio de Conflictos Mineros de América Latina, Ocmal, , août 2018, p. 28 et 45.

    [2] « En France, on n’a pas que des idées, on a aussi du lithium », L’Usine nouvelle 20/02/2019.

    [3« The Growing Role of Metals and Minerals in a Low-Carbon Future », Banque mondiale et Extractives Global Programmatic Support, 2017, p. 58. Les majuscules sont dans le texte original.

    [4] Revue Z no 12, « Trésors et Conquêtes », 2018.

    [5] L. Castaignède, Airvore ou la face obscure des transports, p. 194 ; Rapport de l’AEE, p. 16.

    [6] « Chronology of major dam failures », Wise Uranium Project.

    [7] OFI Asset Management, février 2018.

    [8] La production de cuivre en 2015 était trois cents fois plus élevée que la production moyenne sur la période 1956-1965 (Bureau des ressources gépologiques et minières, BRGM).

    [9« La face honteuse du “métal bleu” », Akram Belkaïd, Le Monde diplomatique, juillet 2020.

    [10] « Impacts de l’exploitation minière sur l’environnement et les collectivités locales dans la province du Haut-Ogooué : cas de la Comilog à Moanda (Gabon). » Mémoire de fin d’études pour l’obtention du master spécialisé, option : gestion durable des mines, 2010-2011.

    [11] Ibid., p. 58.

    [12] « Les potentiels du véhicule électrique », Les avis de l’Ademe, avril 2016, p. 10.

    Précisions

    Source : Celia Izoard pour Reporterre

    Photos :
    . chapô : Des creuseurs viennent séparer le cobalt de la roche et du sable dans un lac entre les villes congolaises de Lubumbashi et Kolwezi, en mai 2015 (© Federico Scoppa/AFP).
    . lithium :
    Wikipedia (Doc Searls/CC BY 2.0)
    . aluminium :
    Wikipedia (Jesse Allen — NASA Earth Observatory/CC0)

     

     

     

  • Sans issue

     

     

    Nous sommes les participants enthousiastes ou réfractaires d'un business planétaire et nous ne pouvons pas en sortir. Et c'est justement parce que nous n'avons plus la possibilité d'en sortir que ce business planétaire court à sa perte. Par épuisement des ressources, par une dévastation effrénée.

    Ça prendra un certain temps mais c'est inéluctable.

    Il ne nous reste qu'à nous y préparer et en fait pas grand monde, actuellement, n'a idée de ce que ça signifie. 

    L'explication est très simple.

    Le business. Nous sommes les proies du business et en même temps son moteur. Et c'est en cela que c'est effroyable. Car pour nous sauver, il faudrait que nous nous amputions de nous-mêmes tellement ce business est devenu une partie de nous.

    Il n'y a pas de solution. Nous allons donc poursuivre sur cette voie jusqu'à ce que la Nature vienne entraver le convoi.

    Le problème, c'est que ce convoi ne supporte aucunement l'entravement. Il ne sait pas ralentir, il sait encore moins s'arrêter. Il a donc décidé d'aller jusqu'au déraillement. Coûte que coûte. Persuadé que le progrès contient en lui-même la résolution aux problèmes qu'il génère.

    L'humanité vit hors sol et s'imagine que le convoi taille sa route dans une Nature qu'il domine. Ce fameux "environnement". Comme s'il y avait nous, les humains et puis le reste. Pure folie. Il n'y a qu'une réalité. C'est le Tout. Nous nous en sommes extraits, nourris par la puissance du business, nourris par le progrès.

    La Nature n'a pas besoin de nous. Elle est un Tout et elle peut se passer d'une partie. 

    Il nous reste à nous alléger, à réduire la vitesse de ce chaos en marche, à nous retirer autant que possible, non seulement pour les générations à venir mais pour nous épargner aussi, ceux tout du moins qui ont une part de conscience, de crever de honte un jour prochain car nous serons tous responsables aux yeux de nos descendants.

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    LE DESERT DES BARBARES

    CHAPITRE 46

    Figueras s'était levé au premier chant d'oiseau. Il s'était assis sur une roche moussue et il avait observé la montée de l'astre. De l'autre côté des cimes, à l'est, derrière les crêtes dentelées. L'air était frais, descendu des montagnes comme un voyageur curieux, mais il allait remonter avec la venue du maître des lieux.

    La lumière n'était encore qu'une esquisse, un placenta en croissance. Le ciel épuré avait bu tous les nuages de la veille et le bleu métallique de la nuit accueillait l'astre naissant. La lumière condensée tel un ventre rond annonçait la mise au monde. Puis vinrent les traits lumineux, des routes à suivre, des rayons écarlates lancés dans l'azur comme autant d'éclaireurs. Ils tracèrent leur chemin dans les échancrures, les cols et les versants et Figueras imagina les animaux engourdis s'étirer délicieusement.

    Des chapelets de gouttes de rosée, suspendus sur les fils des toiles d'araignée, s'illuminèrent comme autant de perles, des rêves de nuit dans l'attente du réveil. Les dentelles tendues sur les herbes drues dessinaient des étoiles.

    Plus bas, dans la vallée, au-dessus des forêts épaisses, traînaient nonchalamment des nappes de brouillard, larges marées immobiles, couvertures humides étirées comme des voiles protecteurs. Ces brumes éphémères s'évanouiraient dès les premières chaleurs et les frondaisons se gorgeraient de lumière.

    Tout était juste.

    Et Figueras s'en réjouit.

    Il avait rêvé de la Terre.

    Coulaient en elle des soifs d'apaisement. Il en avait senti le désir.

    L'hégémonie passée des hommes, leur déliquescence, l'effondrement de leur frénésie, la découverte des biens essentiels, les actes solidaires, quelques-uns, au fil des jours, au fil des drames, de plus en plus, des survivants qui organisaient les jours à venir, les uns après les autres, sans autre intention que la préservation de chacun et que chacun préserve les autres.

    Le silence des cieux, les avions cloués au sol, toutes ces flèches dorées qui cisaillaient l’atmosphère et l'empoisonnaient, toutes ces machines volantes immobilisées, tous ces moteurs éteints, toutes ces usines mortes, toutes ces exploitations figées, ces filets assassins qui raclaient les fonds marins, ces millions d'êtres vivants égorgés, éviscérés, emballés, vendus en barquettes, plus rien, plus aucune concentration de bêtes, elles étaient mortes ou enfuies, l'air des villes ne piquaient plus les gorges, plus de poubelles à trier, il n'y avait plus rien à manger, plus d'emballages, les magasins dévalisés, les routes désertes, les camions abandonnés, les pétroliers à quai, leurs citernes vides, les torchères éteintes des raffineries, les villes sombres dès la fuite du soleil, des feux de camp pour se réconforter, des étincelles fugaces de réconfort partagé.

    Le monde humain posé sur une balance à plateaux, d'un côté la fureur et de l'autre la paix. Les forces sombres ont pris le pouvoir, elles ont tout écrasé. Mais elles s'éliminent entre elles et le plateau se vide.

    La Terre montre la voie.

    Depuis longtemps, la lumière des montagnes n'a été aussi épurée.

    Tous ces actes meurtriers prendront fin, une sélection naturelle, par épuisement du contingent.

    Tous ces humains disparus, comme autant de virus éradiqués, les uns après les autres.

    Et la fièvre délirante de la Terre qui diminue.

    Une évidence.

    Le nombre était la plaie, l'extermination une guérison.

     

  • TOUS, SAUF ELLE

     

    Les heros sont tous morts

    La suite de "LES HEROS SONT TOUS MORTS"

    Publication prévue pour la fin de l'année.

    L'idée de départ est simple : les puissants, les maîtres de tous les peuples, ne laisseront pas l'humanité continuer à porter atteinte à la vie de la planète puisqu'eux aussi, les maîtres, seraient impactés. Il n'est pas d'autre solution que d'éliminer une part conséquente de cette masse humaine.

     

    TOUS, SAUF ELLE

    CHAPITRE 3

    L'hélicoptère survolait des forêts immenses. Au loin se dressaient les sommets partiellement enneigés du parc national d'Arthur's Pass.

    Début mai. L'hiver posait les premiers manteaux.

    L'appareil effectua une rotation au-dessus de vastes forêts puis se dirigea vers un immense assemblage de bâtiments rectilignes. Des routes goudronnées reliaient les différents éléments du complexe militaire disséminés sur plusieurs centaines d'hectares. Les bâtiments où vivaient les militaires, une serre de cent mètres carrés, des champs cultivés, un verger avec des dizaines d'arbres, un parc arboré de plusieurs hectares, un terrain d'entraînement pour les soldats, un gymnase, une salle pour le tir et un stade extérieur. Deux rangées de grillages ceinturaient l'ensemble sur quatre mètres de haut.

    L'appareil se posa sur l'hélisurface.

    Protégé par quatre hommes en arme, un couple descendit de l'hélicoptère et monta dans une Cadillac blanche.

    Le véhicule emprunta une voie rectiligne menant à une vaste demeure, à travers d'immenses étendues de pelouses soignées, ornées de bassins aux fontaines majestueuses.

    Domaine de Walter Zorn, Nouvelle-Zélande.

    Une architecture moderne, un bâtiment colossal, à la blancheur éclatante, une immense façade agrémentée d'étranges fenêtres, des hublots opaques comme des judas scrutateurs. L'ensemble figurant une citadelle redoutable mais dégageant pourtant une beauté stupéfiante.

    Une construction récente dont la magnificence contrastait si fortement avec l'ensemble militaire qu'un diamant au milieu de galets aurait eu le même effet.

    Une Maison-Blanche, bunkérisée, solidement implantée dans l'hémisphère sud, au milieu de nulle part.

    Arrivé à destination, le couple descendit du véhicule, accompagné jusqu'au perron par deux militaires en armes.

    Ils empruntèrent une allée couverte, un entablement soutenu par des colonnades de pierre blanche.

    Un majordome accueillit le couple et les salua.

    « Bienvenue, Monsieur Zorn. Bienvenue, Madame. 

    – Bonjour Zack. »

    L'homme prit les manteaux du couple qui emprunta immédiatement le hall en marbre blanc.

    Treize hommes et une femme réunis dans une salle ovale, une coquille d’œuf éclairée par des hublots dépolis, une bulle insonorisée, isolée du monde extérieur.

    Aucune décoration. Des murs nus, lisses, couleur crème, un sol marbré, une immense table en verre translucide, des sièges noirs à accoudoirs.

    « Combien avez-vous dit, cher Helmut ?

    –Douze milliards.

    –Quelle échéance ?

    –David, ce sont de simples prévisions avec leur contingent d’erreurs mais avant la fin de ce siècle, cette population mondiale semble tout à fait probable. Nous en avons déjà parlé et rien aujourd’hui ne vient contredire nos prédictions.

    – J'ai toujours du mal à enregistrer ce nombre tellement il semble fou.

    –Vous connaissez tous les problèmes planétaires que nous rencontrerons », intervint Walter Zorn, fondateur de l’Ordre des Immortels. 

    Carrure de rugbyman, quarante-deux ans, adepte du régime végétarien, cheveux courts taillés à la tondeuse, un visage imperturbable ciselé au cordeau, une large mâchoire, des yeux si marron qu’ils en paraissaient noirs, une profondeur de gouffre et simultanément une puissance de pénétration redoutable. Personne ne soutenait son regard.

    Les quelques femmes de la haute société qui avaient entendu parler de lui en rêvaient secrètement. Les rumeurs les plus exaltées se diffusaient inévitablement sur cet homme insaisissable. Les rares individus qui se permettaient d’évoquer son existence usaient de la déférence accordée habituellement à un saint : le saint le plus fortuné de toute la planète.

    « Je me permets de vous en brosser un petit descriptif afin que tout soit clair pour les trois jours à venir, continua-t-il. Je vous rappelle également que nous accueillons aujourd’hui la première femme de notre communauté. C’est un honneur, un privilège, une très grande satisfaction que notre projet corresponde à une personnalité aussi charismatique que Fabiola Mesretti et je me réjouis de sa venue. Vous connaissez tous le parcours exceptionnel de Fabiola et ses extraordinaires compétences. Elle tient à ce que ses talents nous servent et je l’en remercie, au nom de l’Ordre des Immortels.»

    Tous les visages se tournèrent vers la beauté fatale, assise aux côtés du maître des lieux. La trentaine, tailleur clair vantant des formes parfaites, une longue chevelure brune couvrant les épaules, un visage fin, la femme hispanique dans toute sa grâce et son mystère. Présidente de la principale banque espagnole, un réseau de plus de cent vingt agences sur la péninsule et trente-deux succursales en Amérique du Sud. Une femme d’affaires de haut vol. Tous les hommes qui avaient tenté de s’opposer à ses projets avaient fini par abandonner. La détermination psychologique de Fabiola était à l’égal de sa flamboyance.

    Walter inclina la tête, un geste empreint d’un profond respect et un plaisir évident.

    Elle lui répondit en posant délicatement une main sur son avant-bras.

    L’assemblée observa silencieusement la scène. Walter et Fabiola. Dix ans d’écart, le couple dont rêve la presse people. La classe, la fortune, la beauté, la réussite. Tout le monde savait que la venue de la banquière ne pouvait souffrir de la moindre contestation. Et d’ailleurs, contempler une aussi belle femme ne déplaisait à aucun des hommes présents.

    « Avec cette densité planétaire, reprit Walter, l’approvisionnement alimentaire sera un problème majeur. L’accès à l’eau potable tout autant. Aux environs de 2050, selon nos modélisations, les deux tiers de la population mondiale, c'est-à-dire de nos fameux douze milliards, seront affectés par une pénurie d’eau. Entre quatre et cinq milliards de personnes déjà vers 2030. Dans un avenir très proche, quelques années, il faudra compter sur un milliard de réfugiés climatiques avec toutes les tensions que cela va générer et qui ne pourront que s'étendre. Nous entrerons par conséquent dans une période très troublée. Un peuple qui meurt de faim et de soif se révolte parfois avant d’être trop faible et il est toujours possible de le ramener au silence. Nous en avons une longue expérience. Mais si dix peuples se révoltent, cela s'apparente à une contagion beaucoup plus difficile à enrayer. Nous pourrions évidemment trouver quelques moyens pour circonscrire ces mouvements de masse durant quelque temps. Nous pouvons toujours fomenter des guerres pour obtenir des traités qui nous servent, profiter des marchés issus de la reconstruction des pays ravagés par la vente de nos armes, bénéficier de la faiblesse des États pour nous accaparer leurs matières premières. Nous pouvons propager des virus pour réduire les populations et nous saisir de leurs territoires, nous pouvons soumettre des peuples par la force et instaurer une illusoire démocratie. Nous pouvons produire une alimentation suffisante pour les pays développés en pillant les pays pauvres. Mais il est un élément contre lequel nous sommes impuissants et dont nous aurons, nous aussi, à souffrir, un élément qui nous contraint à changer radicalement de modes d'intervention : le ré-chauf-fe-ment cli-ma-ti-que. »

    Chaque mot minutieusement articulé, un découpage syllabique qui intensifiait la portée.

    « Vous le savez, désormais, nous ne pouvons plus nous contenter d’inventer des procédés technologiques ou des lois qui nous avantagent sans nous préoccuper des dégâts que l’humanité entière a provoqués et amplifie encore, jour après jour, en utilisant ce que nous leur vendons. »

    Walter adressa un regard aimant à Fabiola qui versait de l'eau dans sa flûte de cristal puis il reprit son allocution.

    « D'un milliard d’individus en 1830, nous sommes passés à deux milliards en 1930. Désormais, nous approchons des huit milliards et la population mondiale augmente de quatre-vingt-dix millions d'individus par an. La consommation d’énergie a été multipliée par dix sur un siècle et elle ne cesse d'augmenter. La quasi-totalité de la planète court après le mode de vie occidental. On peut dire aujourd'hui que le matérialisme fait partie de l'ADN des humains. Vous savez également qu’aucune des restrictions énergétiques ou des technologies d’énergies renouvelables ne parviendront à stopper le processus du réchauffement climatique renforcé par les paramètres précédents. Tout au plus sera-t-il ralenti mais les phénomènes naturels ont pris déjà une ampleur considérable : inondations, cyclones, tornades, sécheresse, canicules et incendies gigantesques, atteinte générale à la biodiversité, épuisement des sols par surexploitation et empoisonnement, augmentation constante des températures, jusque dans les zones polaires, fonte des banquises et de l'inlandsis, réchauffement et élévation du niveau des océans auxquels il faut ajouter une pollution exponentielle par des millions de tonnes de plastique, épuisement des ressources halieutiques, affaiblissement considérable du corail à l'échelle mondiale, épuisement des nappes phréatiques et de l'eau potable, pollution de l'air dans toutes les mégalopoles, disparition des insectes et hyménoptères pollinisateurs et d’autres constats encore sur toute la biodiversité. Vous avez tous entendu parler de la sixième extinction de masse. Il serait absurde de croire que tout cela ne peut pas porter préjudice à l'Ordre des Immortels. »

    Walter balaya l'assemblée attentive et pensa soudainement à ce bref échange avec le jardinier en chef du domaine, au printemps dernier. L'homme, attristé, avait évoqué la disparition des abeilles dans le parc. « Des fleurs qui ne sont plus aimées, c'est à pleurer, » avait-il dit. Walter avait répondu qu'il allait très prochainement s'occuper du problème et qu'entre-temps, il invitait le jardinier à installer des ruches dans l'enceinte du domaine et à récolter le miel produit.

    Il considéra enfin, avec un certain amusement, que le projet Némésis contribuerait au retour des abeilles et que l'enjeu valait bien la disparition partielle de l'humanité.

    « Ces phénomènes, une fois enclenchés, poursuivit-il, deviennent exponentiels. Il serait ridicule de compter sur un retour à des données acceptables mais il faut surtout comprendre que l’inertie de ces courbes dépasse l’entendement. Très peu d’humains ont conscience de l’avenir parce qu’ils n’ont pas la volonté intellectuelle de s’y confronter. Nous ne sommes donc pas dans des délires apocalyptiques. Vous connaissez tous désormais la réalité indéniable de ce désastre. Pour résumer en une phrase, nous allons droit au bûcher. L’humanité se condamne mais condamne avec elle l’Ordre des Immortels et cela, nous ne pouvons l'accepter. »

    Walter laissa le silence inscrire dans les esprits les images que ses paroles provoquaient. Que chacun, encore une fois, prenne l’exacte mesure de la situation.

    « Nous savons également, Walter, qu’il n’est plus temps d’attendre et c’est bien pour cela que nous sommes tous réunis ici, intervint Fernando.

    –Et que nous devons tous nous entendre pour agir communément et définitivement, reprit Walter, sans qu’aucun intérêt personnel ne vienne entraver notre mission. Six ans que nous travaillons à élaborer ce projet. Le temps est venu de l’appliquer sur le terrain et cette dernière rencontre marquera le début d’un nouveau monde. Nous avons tous hérité de la sueur et de la détermination de nos pairs et ceux ou celles qui nous rejoignent sans être issus de cette lignée, adhèrent intégralement à nos idées. Nous devons donc nous montrer dignes de nos prédécesseurs et implacables pour le bien de nos descendants. Le plan que nous allons finir d’élaborer ici devra entrer en vigueur le plus efficacement possible. Nous possédons toutes les connaissances pour cela. Némésis entre dans sa phase finale, messieurs et chère madame, et nous ne pouvions l’appeler autrement.

    Walter accentua l’hommage en plongeant ses yeux dans ceux de Fabiola puis il invita l’assemblée à se lever. Chacun croisa les mains sur la poitrine. Comme des récitants respectueux, des prêtres antiques invoquant leurs dieux.

    La voix de Walter s’imposa :

    « Némésis est notre salut, Némésis nous libérera de l’humanité. »

    Tous les hommes et Fabiola répétèrent la sentence d’une même voix puis le silence retomba. Quelques secondes de réflexions ciblées, le scénario à venir.

    Les treize hommes se dispersèrent par petits groupes. Fabiola se joignit à l’un d’eux. Quatre salles furent investies puis les portes fermées.

    Trois jours pour finaliser le plan « Némésis. »

    Trois jours pour modifier à tout jamais la face du monde.

  • TERRE SANS HOMMES (2)

     

    Puisque le titre du tome 3 de la quadrilogie en cours, "LE DESERT DES BARBARES" vient du titre d'un roman existant, roman de Dino Buzzati, "Le désert des Tartares", j'ai décidé d'user du même procédé pour le titre du tome 4.

    J'abandonne "RESET" pour "TERRE SANS HOMMES".

    "Terre des hommes" de Saint-Exupéry m'avait marqué, considérablement. Pour la beauté de l'écriture et la force de vie des personnages. J'aurais pu titrer ce tome 4 par un "No man's land", expression que tout le monde connaît mais la référence à Saint-Exupéry me plaît. Il fait partie des auteurs qui m'ont invité à écrire.

    Et au vu de ce que je raconte, il s'agit bien d'une planète vidée de sa population dans les grandes dimensions...

     

     

     

    CHAPITRE 6

    Francis aurait aimé descendre en ville, longer la côte, voir ce qui restait du monde. L’isolement commençait à lui peser fortement et il s’imaginait mal continuer à vivre reclus avec Tim. Fendre du bois, travailler au potager, penser à filtrer l’eau des citernes pour leur consommation quotidienne, changer le poteau d’une barrière, désherber les allées entre les rangs de pommes de terre et les oignons, écraser les doryphores et les chenilles qui dévoraient les feuilles des légumes. L’été était sec et chaud, trop sec et trop chaud d’après Tim. On atteignait même la zone critique et les incendies de forêts risquaient de faire des ravages. Les anciens, disaient Tim, n’avaient jamais connu de méga feux et n’auraient jamais cru ça possible. Pas en Nouvelle-Zélande.

    « En Australie, tu n’imagines pas l’étendue des incendies. C’est une catastrophe, des centaines de milliers d’animaux brûlés vifs, des millions d’arbres. Tous les scientifiques qui bossent sur le dérèglement climatique avaient prévenu les gouvernements et pas un seul n’a été foutu de revoir la copie. Croissance, croissance, on continue et on verra bien le moment venu. Tous des connards. Le moment venu, c’est trop tard. Le changement climatique, c’est pas un truc à la petite semaine mais tous ces politiciens n’ont qu’un seul repère temporel, celui de leur mandat. L’humanité est en vrac et aujourd'hui les sources de pollution sont anéanties mais il faudra cent ans avant qu’on ne voit une amélioration sur le climat de la planète. Et quand je dis cent ans, c’est un grand minimum. Les phénomènes extrêmes ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain. Six limites planétaires sur huit sont dépassées.

    - Explique.

    - Putain, tu vivais vraiment dans une bulle, toi !

    - Oui, je sais. Une bulle de merde.

    - T’es pas tout seul, tu faisais même partie du groupe humain le plus vaste, des milliards de connards.

    - Bon, tu m’expliques ? Pour le reste, t’inquiète, j’ai plus besoin de toi pour savoir que j’étais un de ces connards. Et même un fou. »

    Une voix cassante.

    Tim sentit la honte, un regard fuyant, la douleur d’être soi était la pire.

    « Pardon, Francis, je ne voulais pas te faire de mal.

    - Pas grave, Tim. C’est juste que c’est long à admettre. Ce que j’étais et ce que j’ai fait. Vas-y, raconte.

    - Ouais, alors, les limites planétaires.Ce sont des seuils à ne pas dépasser pour que les écosystèmes restent viables. On a le climat, la biodiversité, le cycle de l’azote, le cycle du phosphore, l’eau douce souterraine, l’eau douce de surface, la préservation des sols, la pollution atmosphérique. Et bien évidemment, chaque entité est considérablement impactée par l’exploitation humaine.

    - Donc, ça va aller mieux maintenant.

    - Oui, mais ça prendra du temps. En fait, il faudrait que je connaisse le nombre d’humains encore en vie et l’état des pays industrialisés puisque ce sont eux les principaux responsables. C’est à partir de ça que je pourrai calculer approximativement le rétablissement des équilibres. Mais pour ça, il me faudrait aussi mon ordinateur et une connexion internet. Et des mois de travail. Donc, on oublie. »

  • Claire NOUVIAN

     

     

    EntretienCulture

    Claire Nouvian : « Il faut prendre le pouvoir pour le réinventer »

     

    https://reporterre.net/Claire-Nouvian-Il-faut-prendre-le-pouvoir-pour-le-reinventer

     

    Claire Nouvian : «<small class="fine d-inline"> </small>Il faut prendre le pouvoir pour le réinventer<small class="fine d-inline"> </small>»

    Comment réinventer notre rapport au politique ? Comment articuler les différentes formes d’engagement ? Pourquoi entrer dans le jeu démocratique de l’élection ? Claire Nouvian, dans cet entretien, explique pourquoi elle a quitté la posture de l’observatrice pour faire face aux périls fasciste et écologique.

    Reporterre poursuit une série d’entretiens de fond avec celles et ceux qui renouvellent la pensée écologique aujourd’hui. Parcours, analyse, action : comment voient-elles et voient-ils le monde d’aujourd’hui ? Aujourd’hui, Claire Nouvian, présidente de l’ONG Bloom pour la conservation des écosystèmes marins, et cofondatrice du mouvement politique Place publique.

    Reporterre – D’où vient votre appétence pour l’écologie ?

    Claire Nouvian — J’ai grandi en Algérie, où on passait nos week-ends à la plage, à pêcher, à jouer avec les animaux marins. L’hiver, on partait dans le désert chercher des fossiles et guetter les scorpions. Au contact de la nature, j’ai développé une curiosité intellectuelle pour le vivant. Aujourd’hui, les enfants qui vivent en ville sont effrayés par des mouches… c’est dingue !

    Dans les années 1990, je suis partie avec mon mari en Argentine, où j’ai découvert la « grande nature » : les toucans, les condors, les baleines. Quelle émotion ! C’est ce qui a forgé mon envie de faire du documentaire scientifique et animalier.



    Quelles sont les sources de votre engagement ?

    J’ai constitué une conscience écologique et scientifique au contact des chercheurs rencontrés pour mes documentaires. Ma prise de conscience est montée comme le niveau de l’eau actuellement : petit à petit, mais très sûrement. Pas seulement sur le changement climatique et la pollution, mais surtout sur la destruction des habitats. Quand on travaille en Afrique, c’est vraiment tangible.

    Ma rencontre avec Pilai Poonswad a été un vrai moment de bascule. Cette femme, ornithologue et biologiste thaïlandaise, a reçu une récompense Rolex pour son travail de préservation des calaos. Ces magnifiques oiseaux sont en train de disparaître très rapidement, parce qu’ils sont très braconnés. Des collectionneurs sordides veulent leur casque comme trophée. C’est grâce, entre autres, au travail inlassable de cette femme que ces oiseaux existent toujours.



    En 2004, vous avez laissé tomber la caméra pour créer Bloom. La posture d’observatrice ne vous suffisait-elle plus ?

    J’étais dans mon métier de communication, et ça m’allait très bien… jusqu’à ce que je découvre les grandes profondeurs de l’océan, et l’ampleur de leur destruction, lors d’un documentaire pour France 2. Quand j’ai pris connaissance des menaces qui pesaient sur ces fonds marins, personne ne s’en occupait. Des gens s’occupaient de la préservation de la forêt en Thaïlande, des gibbons en Malaisie, de la savane en Afrique, mais sur les océans profonds, il n’y avait rien. C’est ce qui m’a décidé à me lancer.



    Comment vivez-vous le délitement de cette biodiversité que vous aimez tant ?

    Quand on a une vision de l’ensemble des effondrements de la biodiversité, du climat, de notre projet de société… c’est désespérant. Les scientifiques sont en première ligne : ils enregistrent le déclin de la biodiversité, sonnent l’alarme. Tous ceux que je connais sont angoissés. Ils vivent une sorte de syndrome prétraumatique, lié à leur connaissance de la situation. À l’inverse du stress post-traumatique, propre aux personnes ayant déjà vécu un événement grave, un choc, eux vivent dans l’angoisse de ce qui va advenir.

    Quand j’ai découvert, dans un article scientifique, ce stress prétraumatique, ça m’a fait le même effet que quand j’ai lu Kant pour la première fois. Cette sensation de rencontrer quelque chose qui décrit exactement ton état. À 17 ans, quand j’ai lu les Fondements de la métaphysique des mœurs, je me suis rendue compte que toute ma colonne vertébrale morale avait été théorisée par Kant.

    « Macron a poussé l’exercice du mensonge sémantique tellement loin qu’on ne peut plus le supporter, ça en devient épidermique » - Claire Nouvian pour Reporterre en 2019. © Mathieu Génon/Reporterre

    Qu’est-ce qu’être kantienne ?

    Je vis avec un impératif catégorique sur la vérité. Thomas Porcher dit de moi que je suis rugueuse. Par rapport à des gens de culture latine, avec un rapport plus élastique à la vérité, je suis germaniste, au sens caricatural : je ne rigole pas du tout avec le mensonge.

    Avec l’avènement de la société industrielle et du marketing, on est entré dans l’ère du mensonge permanent et institutionnalisé. Les élites, économiques comme politiques, mentent. Et ceci n’est plus toléré. Les gens recherchent de la sincérité.

    Une société qui est fondée sur le mensonge voit son langage détruit. On ne sait plus ce que les mots veulent dire, puisqu’ils veulent dire l’inverse de ce qu’ils sont supposés signifier. Macron utilise des mots comme « bienveillance » ou « société civile ». Il a poussé l’exercice du mensonge sémantique tellement loin qu’on ne peut plus le supporter, ça en devient épidermique.



    Qu’entendez-vous par « effondrement de notre projet de société » ?

    À la sortie de la guerre, on avait une visée progressiste, mais la croissance des inégalités montre que nous avons eu tout faux. En très peu de temps, on a réussi à faire complètement fausse route.

    Dans Notre mal vient de plus loin, un petit livre sorti juste après les attentats du 13 novembre 2015, Alain Badiou écrit que le rêve d’une narration alternative au libéralisme capitaliste s’est effondré avec la chute du mur de Berlin. Dès lors, une seule possibilité se présentait à nous : un repli sur l’individualisme. L’individualisme est apparu comme la seule valeur sûre : un individu ne va jamais trahir sa propre entité physique. On pourrait donc lui faire confiance pour trouver un équilibre bon pour lui et donc pour tous.

    La destruction de nos idéaux collectifs s’est ainsi accélérée. L’échec du communisme nous a retiré la possibilité d’avoir un rêve alternatif. Il s’agit donc, désormais, de réinventer un autre discours, une autre narration, fondé sur la mutualisation, sur la conscience, sur la valorisation des liens plutôt que des biens, sur la liberté aussi.



    Comment construire cet autre discours ?

    Notre génération peut s’y atteler, parce que nous sommes détachés de l’héritage du communisme. Nos parents étaient socialisés dans ces appareils, le Parti communiste structurait la vie sociale et familiale des ouvriers. Ils ont donc eu une résistance psychologique à faire le bilan du communisme, avec ses côtés sombres. Nous, nous avons fait le bilan, et donc nous pouvons passer à autre chose. Tout réinventer.

    Il n’empêche que, si notre rêve n’est pas communiste, il doit être communautaire au sens large. On doit faire communauté. Parce qu’aujourd’hui, on voit combien l’individualisme est l’un des pires aspects du libéralisme économique hyperfinanciarisé et dérégulé. On voit à quel point le libéralisme est une menace pour la société et pour la planète.



    Ce rêve alternatif, quels en sont les germes aujourd’hui ?

    Il est éparpillé. On a d’un côté la Macronie et tout ce qu’il y a à sa droite. Ce sont des valeurs claires : le libéralisme économique et une croyance en l’entreprise comme vecteur d’emploi et de solutions. On a également le souverainisme populiste, qui prône un repli sur les frontières.

    Entre le libéralisme économique dérégulé et le populisme souverainiste nationaliste, il existe un espace occupé par toute une famille de valeurs… mais qui est éparpillée dans des chapelles qui se font la guerre : les hamonistes avec le PS, le PS qui nous a trahis et qui est en scission profonde…

    Les électeurs ne s’y retrouvent pas, alors que nos valeurs [celles de Place publique] sont claires : on est humanistes, européens, profondément démocrates. On trouve que la démocratie ne va pas assez loin, qu’il faut passer à la VIe République. On sait faire la critique de l’Europe actuelle, une Europe marchande, libérale, opaque, cynique, trustée par des lobbys. Mais on tient à l’Europe, parce que la bonne échelle pour combattre les fléaux du XXIe siècle sera européenne. Et, évidemment, on est écologiste.

    « Les marchands de peur et de haine montent les gens les uns contre les autres, avec toujours plus de succès. Et nos cerveaux répondent très bien à la peur. C’est un réflexe de survie. »

    Que risquons-nous si cette famille de valeurs reste éparpillée ?

    Il ne faut pas sous-estimer la possibilité d’un péril fasciste : l’extrême droite représente 40 % des intentions de vote aux élections européennes. D’après certains sondages, l’extrême droite au « sens strict » serait à 20 %. Mais le Parti populaire européen (PPE, droite) est crédité de 25 %. On pensait que seuls nos grands-parents connaîtraient la guerre… Mais le pire devient possible. Les marchands de peur et de haine montent les gens les uns contre les autres, avec toujours plus de succès. Et nos cerveaux répondent très bien à la peur. C’est un réflexe de survie. Peur de l’autre, peur de l’étranger… ça marche !

    La trahison violente des élites, avec une réalité de l’évasion fiscale qui est à vomir sur un fond de croissance des inégalités constitue le terreau de cette évolution. Il suffisait ensuite à l’extrême droite de laisser monter le rejet des élites, le « dégagisme » des élus, et de mettre là-dessus un discours qui joue pile sur ce qui marche dans le cerveau archaïque de l’homme… et le résultat est là. Se battre contre cela n’est pas simple.



    L’écologie fédère, mais de quelle écologie parlez-vous ? Défendez-vous une écologie anti-capitaliste, anti-productiviste ?

    Au sein de Place publique, nous ne sommes pas contre le capitalisme, au sens familial ou entrepreneurial. L’innovation est une des merveilles de l’esprit humain, si elle est faite avec une contrainte impérieuse d’économie de moyens. Renouveler des gammes d’iPhone en allant chercher des terres rares au fonds des océans, ce n’est pas une innovation compatible avec les limites de la planète. L’écologie doit être une condition sine qua non de toute décision, mesure publique, texte de loi ou initiative. C’est l’impératif catégorique du XXIe siècle.



    Avec l’essayiste Raphaël Glucksmann et l’économiste Thomas Porcher, vous avez fondé en 2018 Place publique. Pourquoi avoir créé une structure politique en plus ?

    On ne se reconnaissait dans aucune des chapelles existantes. On a tous été abordés pour être sur des listes européennes, et on a tous refusé. La politique est un sacerdoce, un sacrifice. Si on se met aujourd’hui en position d’assumer un mandat, c’est vraiment parce que l’heure est grave, qu’il faut qu’on prenne notre part. Il y a péril. La menace fasciste est réelle, la menace écologique est totale. Il faut faire la guerre au libéralisme dérégulé et, en même temps, ne pas laisser cet espace-là à une confrontation entre nationalistes, populistes et libéraux.

    Ce n’est donc pas de gaieté de cœur qu’on se lance dans l’aventure. On a tous des vies très remplies, des projets familiaux. Dans un monde qui irait bien, aucun d’entre nous ne ferait de la politique. Si les politiques remplissaient vraiment leurs missions, en respectant une certaine éthique, on ne ferait pas de politique. Mais ce n’est pas le cas : quand on s’approche des appareils politiques, nous, les citoyens normaux à peu près normalement constitués, on part en courant.

    « C’est tout notre rapport au politique, à l’autre et à nous-même qu’il faut repenser pour devenir des citoyens sympathiques. »

    Pourquoi ?

    C’est la guerre ! Les appareils politiques sont des espaces fratricides. Le philosophe Patrick Viveret considère les partis comme les seuls endroits où l’on est sûr de perdre ses amis. C’est exactement la raison pour laquelle je n’ai jamais voulu rejoindre aucun parti, même s’ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. On ne peut pas mettre Europe Écologie - Les Verts (EELV) et ses élus combatifs et ultracohérents, au même niveau que le Parti socialiste (PS), qui a trahi tout le monde. Il n’empêche qu’EELV a aussi ses guerres fratricides. Je suis tellement proche de la politique, depuis tellement longtemps, que je sais pourquoi je n’irai jamais dans ces partis-là.

    Avec Place publique, on a comme ambition de se faire des amis et de les conserver dans le temps. Si on arrive à transformer cette initiative en aventure humaine, on aura une chance de réussir l’aventure politique. Mais on n’est pas à l’abri, nous non plus, d’un échec total. On y va modestement… Si tout le monde s’est planté, pourquoi ne pas essayer ?



    Comment faire de la politique différemment ?

    Les appareils actuels sont condamnés. Il faut inventer des formes politiques complètement nouvelles. Jusqu’à présent, on a été d’une grande immaturité dans notre rapport consumériste à la démocratie. Dès l’instant où l’on a voté, on se dit que c’est à l’élu de représenter nos intérêts, en pensant qu’on peut tourner le dos, s’occuper de notre bien-être plutôt que du collectif. C’est tout notre rapport au politique, à l’autre et à nous-mêmes qu’il faut repenser pour devenir des citoyens sympathiques.

    Au sein de Place publique, on a lancé des consultations citoyennes à partir de lundi 14 janvier, « place aux idées », portant sur du contenu mais aussi sur des modalités. On essaie d’inventer un mouvement qui réinvente les codes de la politique. Cela commence par l’organisation interne : il va falloir apprendre à se parler, à s’écouter, à poser nos désaccords et identifier nos accords. Apprendre à vivre ensemble nous transformera profondément. C’est ça être démocrate.



    N’était-ce pas l’idée de départ de la France insoumise ou de la République en marche ?

    Les partis les moins démocratiques sont la République en marche (LREM) et la France insoumise (FI). LREM a prôné la consultation citoyenne, l’établissement d’un programme à partir des citoyens, mais la méthode Macron a été de créer un écran de fumée épais et efficace entre des discours bien ficelés et une réalité très différente. Depuis, l’écran de fumée s’est dissipé et le réel visage de ce mouvement et de son chef est apparu.

    « Voilà toute l’ambiguïté de la démocratie : pour aller nous battre pour l’intérêt général, nous devons nous faire élire, donc développer un rapport de séduction et une certaine forme de clientélisme. »

    Aujourd’hui, le mouvement écologiste s’incarne davantage dans des associations ou des collectifs que dans des partis. Ne faut-il pas chercher d’autres modes d’action que la politique institutionnelle ?

    Il n’existe pas de modalité d’action plus efficace qu’une autre pour réinventer le monde. C’est la complémentarité de ces outils qui contribue au basculement de nos représentations mentales et donc de la réalité de notre société. Le succès des campagnes de Bloom vient de cette association entre action médiatique, plaidoyer, sensibilisation, recherche scientifique.

    Chaque jour, des centaines d’amendements passent devant des parlements, européen ou nationaux, plus ou moins toxiques pour le collectif, pour la sauvegarde des écosystèmes. Les parlementaires ont un pouvoir énorme. Or, les deux logiques politiques qui ont pris le dessus sont le libéralisme dérégulé et le conservatisme. On ne peut pas laisser faire ça : les deux sont destructeurs des hommes et de la planète. Négliger le pouvoir des politiques publiques et leur laisser ce pouvoir est ultra dangereux.



    Faut-il se battre de l’intérieur ?

    Il faut prendre le pouvoir. Certes, c’est un peu de la schizophrénie. Je ne suis pas une femme de pouvoir, il ne m’intéresse pas. Mais comme il y a un péril majeur, il nous faut prendre ce pouvoir pour le réinventer. Voilà toute l’ambiguïté de la démocratie : pour aller nous battre pour l’intérêt général, nous devons nous faire élire, donc développer un rapport de séduction et une certaine forme de clientélisme. Les modalités de la démocratie induisent une dérive des égos, accentuée notamment dans les médias. On va devoir réinventer tout ça et ce n’est pas gagné.



    Comment conjuguer écologie et justice sociale ?

    Sans justice sociale, aucune politique ne marchera. La Macronie tente, en vain, de faire passer des mesures présentées comme sociales après avoir fait sauter l’impôt sur la fortune, fait passer la Flat Tax et baissé la contribution des entreprises de 33 à 25 %. En commençant le quinquennat ainsi, tous les discours qui viennent ensuite sur la lutte contre la pauvreté sont morts d’avance, inaudibles.

    Grâce au travail de Thomas Piketty, on sait qu’aujourd’hui les fortunes proviennent aux trois quarts du capital qui est transmis, alors que c’était 40 % il y a 50 ans. Le fait de connaître ces chiffres de l’inégalité change notre compréhension du monde. De même que le travail réalisé par le consortium international de journalistes d’investigation sur l’évasion fiscale nous a permis de connaître l’ampleur de la restriction du partage des richesses.

    La justice est la colonne vertébrale de toute communauté. Elle permet de faire société, d’avoir une vision commune. La justice sociale, écologique, climatique, fiscale, économique est un impératif. Pourquoi certains territoires seraient-ils privés de services publics ? Pourquoi investir plusieurs milliards d’euros pour accélérer un TGV sur une ligne déjà ultrarapide et démanteler quotidiennement des lignes secondaires ? Macron s’est présenté comme le rempart contre le Front national. Il a été élu comme tel, mais il a pensé qu’on lui avait donné un mandat ultralibéral pour faire du Margaret Thatcher avec trente ans de retard. Il a tout faux.

    « Le corps social bourgeois me déçoit parce qu’il se regarde le nombril et ne voit pas plus loin que les écoles de commerce de ses enfants, leurs stages dans des banques à New York. »

    Au quotidien, comment mettez-vous en cohérence vos convictions avec vos actes ?

    Il faut à la fois combiner l’exigence et le pardon vis-à-vis de soi-même. Mon exigence est de ne pas être dans un consumérisme débile. C’est une lutte quotidienne avec les enfants, qui reviennent de l’école en ayant envie d’acheter des tas de cochonneries Made in China. Et même si on a les moyens de prendre l’avion à chaque vacances, on ne le fait que rarement. Un beau voyage, une fois de temps en temps. L’exigence climatique se retrouve aussi dans notre hygiène quotidienne, avec une consommation ultramodérée de viande rouge.



    Vous avez notamment grandi à Hong Kong, dans un milieu aisé. Faut-il encore attendre des riches qu’ils cessent de détruire la planète ?

    Il y a un vrai problème avec nos riches, mis en lumière par le scandale de l’évasion fiscale. Mais il faut leur donner de l’espace pour se racheter. Mon appel aux riches, c’est d’être plus généreux, d’être fier de contribuer à un projet social par l’impôt, sans faire des combines infernales avec des niches fiscales.

    Quand on est riche, on a un niveau d’éducation supérieur à la moyenne. Ceci oblige à plus de responsabilité morale, de générosité, de largesse d’esprit. Le corps social bourgeois me déçoit parce qu’il se regarde le nombril et ne voit pas plus loin que les écoles de commerce de ses enfants et leurs stages dans des banques à New York. Avoir le ventre bien rempli ne doit pas empêcher de réfléchir ! C’est impardonnable.



    Vous avez évoqué les enfants, et vous avez vous-même une fille. Comment vivez-vous cette parentalité, à l’heure où l’on parle d’effondrement ?

    Je flippe. Quel monde leur laisse-t-on ? Avoir des enfants oblige à l’action. C’est la plus grande des responsabilités car elle implique de s’assurer qu’on leur laisse un monde vivable. C’est pour être disponible pour ma fille que je ne veux pas de mandat. Si on aime et on structure nos enfants, le monde peut devenir empathique et juste.



    Vous vous donnez énormément. Vos nuits et vos week-ends doivent être très courts. Qu’est-ce qui vous fait tenir ?

    Notre cerveau a le pouvoir de nous transformer. Autrement dit, nous pouvons changer notre vision du monde, notre rapport aux autres, au fur et à mesure des lectures, des rencontres… Et si on peut tout transformer, on peut tout surmonter. C’est fou ! Mais il faut se battre. La clé, c’est la persévérance.

    Propos recueillis par Alexandre-Reza Kokabi et Lorène Lavocat

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