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  • L'Architecture

    NOIRCEUR DES CIMES

    Extrait.

     

     

    "Il s’agissait d’un message. Il n’a pas d’autres explications. Quelqu’un l’a prévenu des risques à rester dans ce trou de neige. Quelqu’un lui a parlé de la vie qu’il faut sauver. Ce n’était pas qu’un rêve.

    Mais il ne comprend pas.

    Son propre esprit a-t-il la capacité à créer de telles images ? Dans l’état où il se trouve, une part secrète de son cerveau peut-elle se révéler ? Il ne parvient pas à y croire.

    Dieu s’impose une nouvelle fois. Qui d’autre ?

    Il reconnaît succomber trop facilement à la tentation de cette solution. Mais elle est si étrange et simultanément si apaisante. Puis lui revient à l’esprit qu’il avait lui-même provoqué la fin de son dernier voyage hors de son corps en évoquant une possible rencontre avec Dieu, une question murmurée.

    Il se souvient de la douleur.   

    Il s’agissait d’une erreur, d’une mauvaise interprétation et le contact avait été rompu.

    Le nom de Dieu avait déplu.

    Il admet d’ailleurs qu’il ne voit pas cette présence comme l’apparition d’un Etre divin mais plutôt comme une compréhension sublime. Personne ne s’est présenté à lui, c’est lui qui a enfin reconnu son appartenance. Tout était déjà là mais sans qu’il ne l’aie jamais éprouvé. Pas de Grand Architecte mais une fabuleuse Architecture à laquelle il participe. Il regrette sa méconnaissance des religions et son enfermement dans les préceptes de son enfance. Il sait désormais que la religion catholique ne répond pas à ses interrogations. Ni aucune religion monothéiste. Musulmans, Juifs, Chrétiens, il n’appartient à aucun groupe. Il ne peut plus accepter l’idée d’un Dieu créateur, observateur critique et impitoyable de son œuvre. Il ne conçoit même pas que ce qui lui arrive puisse avoir un rapport avec une quelconque religion. Il cherche un autre mot, un autre qualificatif permettant de cerner la démarche puis il abandonne.

    « Ca ne sert à rien », dit-il à voix haute.

    Il sent que ça ne serait qu’une nouvelle tentative de domination, une intellectualisation outrancière. Et que ça ne correspondrait pas au bonheur qu’il a connu, que ça le salirait. Les religions monothéistes ont perdu la saveur du message dans des rituels adorés, des cultes néfastes, des cérémonies trompeuses et bavardes. Il ne veut pas commettre la même erreur. L’intellectualisation du mystère est un poison pervers. Il laisse croire aux récitants d’ouvrages que la porte est ouverte alors qu’ils ne font que geindre aux pieds des murailles qu’ils ont eux-mêmes constituées.

    Il ne veut pas enfermer son bonheur, lui donner une structure transmissible, une forme reconnaissable. Il est impossible de communiquer sur un tel contact. Les religions se sont efforcées de le faire, perdant aussitôt dans des dérives narcissiques toute la beauté du message en croyant follement que le lien avait besoin d’être enluminé. Comme si l’écrin avait plus de valeur que la pierre précieuse.

    Il sait qu’il gardera tout cela en lui, qu’il ne cherchera jamais à l’expliquer à qui que ce soit, qu’il n’y a rien à en dire. Qu’il faut juste le vivre.

     

    Il regarde la neige qui tourbillonne. Sans pouvoir situer clairement la source, il devine une clarté naissante dans le maelström des nuages, une lumière diffuse, encore étouffée par la masse compacte de la dépression.

    Ni Dieu, ni religion. Tout cela n’est jamais qu’un résidu des embrigadements de son enfance. Il se souvient des sermons du curé au catéchisme. « Par la volonté de Dieu, l’Homme est placé au sommet de la Création, juste sous les Anges. »     

    Il admet que ce qu’il perçoit est un véritable mystère et non les élucubrations de théologiens prétentieux. Il veut s’extirper de toutes ces dérives insignifiantes, ne pas étouffer la beauté de la rencontre sous des pensées imposées. Rien de tous les Evangiles n’est à lui, rien de la Bible, rien des religions, rien des prêtres, des curés et des religieuses de son enfance. Tous ceux là n’ont fait que vomir en lui un fiel millénaire. Il ne veut plus de ces vieilles choses mortes."

     

    Pas d'Architecte mais une fabuleuse Architecture. C'est la petitesse de l'esprit humain qui réclamait cette "personnification" divine, ce Père absolu. Parce que nous n'avions pas la capacité à enlacer l'ensemble de l'Architecture comme la Création sublime qu'elle est. Il nous fallait quelque chose d'humain, quelque chose à notre image, le fils de ce Dieu comme messager, un être commun empli de paroles lumineuses, il nous fallait cet étendard flamboyant parce que la contemplation des montagnes ou de l'Océan nous absorbait trop pleinement, nous nous y perdions parce que cette Nature était trop vaste et faramineuse pour notre incomplétude. Et nous nous sommes égarés alors que le coeur battait devant nos yeux éteints. Le coeur de la Vie, l'Architecture, le flux vital. Dieu n'était rien d'autre que cette Création et nous tuons Dieu à chaque instant. Tous assassins de Dieu. Et certains se croient innocents parce qu'ils chantent des cantiques ou se font exploser au milieu de leurs ennemis au nom de Dieu...Mais nom de Dieu, nous sommes tous des assassins.

     

    Il ne reste qu'à sauver les enfants. Pour qu'ils ne tuent pas Dieu à leur tour. Qu'ils regardent ce papillon voleter et qu'ils l'aiment, qu'ils apprennent à entendre l'herbe qui pousse et le silence des pierres, qu'ils courent dans les champs et rient aux éclats.

    Aujourd'hui, j'ai écrit au tableau de la classe.

    "Tu as écrasé cette chenille. Bien, c'était facile, maintenant, refais la." Lanza del Vasto.

    Que dire de plus ?

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  • Conscience universelle (spiritualité/conscience)

    Entre la conscience morale (phénomène liée à l’éducation et par conséquent au groupe humain), la conscience individuelle (j’ai conscience que j’écris) et la Conscience universelle, nous ne sommes éminemment pas dans des dimensions similaires.

     

    Dans la conscience collective, j’ai appris à reconnaître ce qui est bien et mal, deux concepts associés à des modes de vie, un ciment social indispensable que je ne critique pas tant qu’il reste dans le respect de l’intégrité de l’individu. Il suffit de penser à la conscience morale prônée par les dictatures (délation, collaboration, racisme etc…) pour mettre en avant les limites de cette conscience instaurée.

     

    La conscience individuelle reflète le fait que je suis conscient de ma pensée. Le problème surgit dès lors que cette pensée s’identifie à l’objet de cette pensée. La douleur à laquelle je pense n’est pas ce que je suis. J’ai conscience de cette douleur mais j’ai surtout conscience que j’en ai conscience. Il n’y a pas dès lors de rupture dans ma conscience, pas de disparition de ce que je suis parce que je reste dans un état de lucidité autorisant la distanciation entre ma conscience et l’objet de ma conscience, entre la pensée et le penseur. Je suis l’observateur sans être l’objet observé. Je ne suis pas l’Amour que j’observe, je ne disparais pas en lui parce que je reste conscient de cette conscience.

    Malgré tout, cette conscience est un « travail » nourri par la pensée. J’ai conscience de cela parce que je le pense et c’est parce que j’ai conscience de cette pensée que je suis. Je ne suis pas ce que je suis parce que je pense, ça ne suffit pas, il manque la conscience inhérente à cette pensée. C’est parce que j’ai conscience de penser que je suis. On pense évidemment à Descartes. Je ne suis pas parce que je pense mais parce que je le pense. C’est un double regard en quelque sorte. Dès lors que nos pensées prennent le pas sur cette conscience et ne deviennent qu’un flot ininterrompu et chaotique, il n’y a plus de conscience et par conséquent plus d’individu. La pensée est une nécessité et simultanément un danger.

     

    Alors, est-il possible de parvenir à une conscience sans pensée ?

     

    « La Conscience est l'océan et la pensée est la vague issue de l'océan ». Une métaphore bouddhiste.


    Concrètement, il existerait une conscience sans pensée.
    Cette conscience n'est pas conscience de soi ni du monde mais simple conscience d'être, et dans les moments d'unité avec elle, il n'y a ni discours ni réflexion sur ce qu'elle est. Ce serait un état de plénitude sans aucune irruption mentalisée. Je n’ai pas besoin d’avoir conscience de cela en usant de la pensée. Il s’agirait de rester dans un état de silence intérieur, comme un détachement de tout au cœur du rien.
    Si la pensée revient, elle lui collera une étiquette, un nom (conscience, esprit...), et reprendra la maîtrise en identifiant cette conscience ou en la mystifiant. (Dieu notamment…)

     

    Mais on peut s’interroger sur le centre de réception de cet état de conscience. Si le mental en est exclu, si la raison ou la conscience auto réflexive n’a rien à faire là, de quoi s’agit-il ? Si cette Conscience est un Océan et la pensée une vague, elles sont bien constituées d’une substance identique, il ne s’agit dans la pensée que d’une parcellisation de cette Unité. Pourquoi cette pensée créé-t-elle une distanciation d’avec la Conscience dont elle est issue ? Peut-être parce que le mental cherche à reprendre le dessus dans cette dimension en lui apportant une notion de dualité. Il y a « moi » qui pense au « Tout » alors qu’il ne faudrait que disparaître dans le Tout. Mais survient aussitôt la peur, cette angoisse de ne plus être, cet effroi de se perdre alors que depuis la plus petite enfance, nous vivons dans la constitution de cet individu. Ce cheminement va à l’encontre de tout ce que nous avons appris. Nous devrions disparaître ? Mais c’est terrifiant !! Je ne peux pas m’y résoudre, ce « je » n’étant qu’un « moi » qui se protège. Le « je » étant l’Océan et le « moi » une vague. Ce que nous aimons, c’est l’identification à la vague, à cette forme unique, si belle, si reconnaissable alors que l’Océan est une immensité gloutonne, une dispersion insupportable.

    Que se passe-t-il alors lorsque cette conscience, parfois, s’efface et devient Conscience, lorsque cette peur de n’être plus se remplace par le bonheur ineffable d’être Tout et par conséquent rien de connu ? D’où vient ce lâcher prise absolu ? Est-il possible de le maîtriser sans faire appel à la pensée au risque de n’être qu’un moi qui se glorifie d’une fausse trouvaille ?

     

    Je ne connais rien d’autre que la Nature. Le silence des montagnes et l’épuisement des pensées dans le creuset bouillonnant d’un corps qui s’exalte.  L’orgasme peut-être une voie mais il ne peut s’alourdir de fantasmes, il se doit d’aller voir plus haut, dans une osmose spirituelle. La voie tantrique peut-être.

     

    Rien de tout cela ne sera offert dans l’urgence et c’est là le drame de ce monde. Il n’a pas le temps. Et nous courons avec lui en nourrissant sa folie de nos exigences immédiates.  

  • L'Amour et le juste milieu.

    Une distinction entre le juste milieu et l'expression "le cul entre deux chaises."

    A mon sens "le cul entre deux sièges" est l'état d'une personne n'ayant pas réussi à faire un choix. Elle reste donc torturée par son indécision, hésitant constamment à prendre une direction définie et souffrant de son incapacité à le faire. A peine partie dans un sens elle regrette déjà son élan et s'arrête, souffrant aussitôt d'être revenue au point de départ, là où pour elle il n'y a que le chaudron bouillant dans lequel elle cuit sans comprendre que les flammes sont attisées par sa propre errance.

     

    Le juste milieu représente à mon sens, non pas la capacité à rester au centre du carrefour sans prendre de décision mais la capacité à ne pas s'identifier à la décision qui a été prise. Le juste milieu est l'endroit duquel l'individu peut observer ses actes sans être lui-même les actes. C'est un état d'observation qui fait que l'on peut entretenir la lucidité nécessaire à l'analyse de ce qui est entrepris. Je ne suis pas ce que je fais. Je ne suis pas ce que j'ai décidé de faire. Je le gère mais sans être emporté dans le flot d'émotions, de ressentis, que cela génère.

     

    Pour ne pas couler au milieu de l'océan, il ne sert à rien de nager, il faut faire la planche et observer, saisir chaque instant en se libérant de l'activité. Le nageur aura systématiquement le cul entre deux chaises en décidant de prendre une direction puisqu'il ne sait pas vers où il va. Il va dépenser une énergie considérable à nager et dès lors il ne peut pas s'observer. Le "planchiste" se laisse porter en mesurant ses efforts et en restant réceptif à tout ce qui l'entoure. Les courants l'entraînent mais ça n'a aucune importance étant donné qu'il ne sait pas vers où il faut aller. Il est donc inutile d'y penser. Agir dans le non-agir revient donc à être inscrit dans le juste milieu.

     

     

    Il ne s'agit nullement de rester inerte au carrefour d'une décision à prendre. Le juste milieu consiste à ne pas devenir la décision...Chaque fois qu'une préoccupation trop vive nous saisit et que celle-ci implique une décision à prendre nous restons bien nous-mêmes évidemment mais nous ne sommes plus avec nous-mêmes. Nous nous perdons de vue dans les évènements extérieurs. Comme si les actes nous engloutissaient. Ça peut devenir de la colère, des regrets, de la rancoeur, de la jalousie ou du bonheur mais quels que soient les effets, si nous nous perdons de vue, il n'y a plus d'observateur, nous sommes devenus ce que nous faisons. Le juste milieu consiste à ne pas nous identifier à cette décision. Il s'agit donc de continuer à analyser les évènements, avec lucidité et si une autre direction s'impose, il n'y a aucun regret à avoir, il serait inutile de continuer à se fourvoyer, par prétention ou entêtement. Le juste milieu est à la source de la lucidité. Il ne s'agit pas de rester indécis et de refuser l'engagement. Il faut s'engager. Mais celui qui s'engage dans une voie ne devient pas la voie. Il reste une entité homogène. Le juste milieu est une observation de ce que nous faisons. Comme si nous prenions de la hauteur en fait, que nous installions une vision macroscopique de nos actes au lieu de nous étourdir de ces actes eux-mêmes.

     

    Une interrogation pourtant. Qu'en est-il de l'Amour ?

    Evidemment que je peux chercher par cette pratique à me détacher d'un phénomène néfaste mais pour l'Amour, est-ce que le même travail est justifié ? 

    La personne que j'aime m'appartient-elle ? Non, bien entendu.

    Cet amour que j'éprouve m'appartient-il ? Est-il ancré en moi ? Non. Je ne suis pas cet Amour, c'est l'Amour qui est en moi.  

    Il tient à moi qu'il reste là mais c'est par l'attention que je lui porte qu'il peut trouver en moi un abîme accueillant. Si je salis sa présence par une prétention égotique, je risque de le décevoir, de l'entacher, de le polluer par des idées mentalisées. La jalousie, la peur, l'irrespect, la domination sont des atteintes à cet Amour et le meilleur moyen pour qu'il s'efface parce que l'abîme deviendrait une fange sans fond.  

    Cette attention n'est pas une volonté car la volonté a une intention et l'Amour n'en a pas. L'Amour est un don. Il est là, dans l'instant et n'a pas d'objectif. C'est à l'individu de le saisir et d'apprendre à rester présent.

    L'attitude qui consiste à rester dans le juste milieu a donc tout lieu d'être. Je ne suis pas la douleur en moi, je ne suis pas la tristesse en moi, je ne suis pas l'Amour en moi. Mais si j'aime et que je respecte cet Amour, sans le tourmenter par des pensées disparates, il est possible qu'il se sente bien en moi et y reste.  

    A travers cette vision unifiée, il ne s'agit pas d'uniformiser mais de créer un lien spirituel.


     

    "- Il est très important de comprendre que notre conscience n’est pas notre conscience individuelle. Identifier cette conscience comme étant la mienne et la vôtre, est une erreur totale, car notre conscience est la conscience de l’humanité. C’est une réalité psychologique patente, mais la plupart d’entre nous répugnent à la voir, tant nous nous identifions à notre conscience spécifique, à notre chagrin spécifique, à notre félicité spécifique."

    Krishnamurti.


     

     

    Etablir la voie du "juste milieu", c'est donner une portée universelle à cette conscience.

  • Le hasard.

    "Ce que nous appelons hasard, c'est peut-être la logique de Dieu". Georges Bernanos.

    "Le hasard, c'est peut-être le pseudonyme de Dieu quand il ne veut pas signer." Théophile Gautier.

    "Laissons le choix au hasard, cet homme de paille de Dieu." Marguerite Yourcenar.

    "Ce qui est hasard à l'égard des hommes est dessein à l'égard de Dieu." Bossuet.

    "Le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito." Albert Einstein.

     

    Dieu. Hasard. Evidemment deux problèmes insolubles par la raison elle-même puisque cela voudrait dire que la raison peut apporter des preuves. Absurde. Nous ne pouvons être que dans la foi ou ne pas y être.

    L'autre problème vient de ce "satané" nom de Dieu qui apporte immédiatement une connotation religieuse alors qu'il devrait en être épargné étant donné qu'on ne peut pas concevoir que Dieu ait besoin des hommes pour être expliqué..."Dieu" est une perception, pas une réflexion. Quand l'homme réfléchit à propos de Dieu, il n'est déjà plus en osmose avec Dieu. Il vaut bien mieux écouter l'herbe qui pousse ou admirer la sérénité des pierres.

    Dès lors, je préfère le flux vital. L'énergie, l'Un, la Conscience.  

    Bon, alors , ce hasard serait donc intrinsèquement l'apparition furtive et inopinée de cette Conscience. Cette "logique" ne nous est pas accessible. Pourquoi ? Est-ce que notre rationalité éducative nous prive d'une perception qui serait une forme d'osmose avec la Création ? Est-ce que nous avons perdu une "innocence" merveilleuse, une simplicité fondée sur l'acceptation de ce qui est. Les "synchronicités" de Jung ne seraient pas des dérives mystiques mais le rétablissement d'une logique universelle et éternelle. Ce que nous n'expliquons pas, parce que la causalité scientifique est bafouée, ne serait pas une erreur d'interprétation mais une interprétation inaccessible.   

    Que faire alors ? Lorsque j'ai vu Nathalie pour la première fois, j'ai senti cette "chance" incommensurable me saisir à la gorge. J'ai pensé à un hasard merveilleux, un miracle...Il dure toujours, avec la même puissance.

    Mais était-ce inscrit ? Aurions-nous pu continuer à nous manquer encore et encore, à passer l'un à côté de l'autre sans que nos routes ne se croisent ? Je n'arrive pas à l'imaginer. Et la Conscience ne le voulait sans doute pas. Il me plaît d'imaginer que c'était un destin, une nécessité, une naissance à vivre. Bien sûr qu'on peut me répondre qu'il ne s'agit que d'une enluminure enfantine, un jeu de l'esprit. Mais personne n'en sait rien en fait parce que ça ne nous est pas accessible.

    Ca ne me gêne pas. Rien ne m'empêche de contempler ce cadeau infinie de la femme que j'aime. Que ce soit un hasard divin ou un hasard humain, la réalité est plus importante que les tourments de l'ego. Si un jour, mon âme m'apporte une réponse, je la saisirai au vol. Pour l'instant, il ne me reste qu'à être dans l'acceptation de ce qui est. Là, il ne s'agit pas de hasard mais d'une lucidité qui m'appartient. Peut-être même que l'idée du hasard elle-même est une fausse route, un questionnement inutile, un paravent à la réalité. Le hasard est une incertitude constante avec éventuellement une issue favorable selon notre jugement. L'Amour est une constante certaine. Et ne souffre d'aucun jugement.

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  • Instinct et passion. (spiritualité)

    Une réflexion qui me vient d'un message de Nadia, une amie.

     

    "La passion, c'est l'instinct qui s'éveille."

     

    Instinct :

    "L'instinct est la totalité ou partie héréditaire et innée des comportements, tendances comportementales et mécanismes physiologiques sous-jacents des animaux. Chez l'homme, il constitue la nature qui s'oppose traditionnellement au concept de culture.

    Dans le langage populaire, le mot instinct est utilisé de façon abusive pour remplacer le mot intuition. On dira, par exemple, que l'on prend une décision en suivant son instinct, ou que l'on agit instinctivement, pour parler d'une situation où l'on a suivi une impulsion ou une intuition."

     

     

    Passion :

    "Selon Hegel, la passion est la tendance puissante qui pousse un individu ou un peuple à unifier toutes ses énergies spirituelles et physiques pour créer une œuvre artistique, technique ou politique unique, originale et déterminante dans le cours de l'histoire : «Nous disons donc que rien ne s'est fait sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui y ont collaboré. Cet intérêt, nous l'appelons passion lorsque, refoulant tous les autres intérêts ou buts, l'individualité tout entière se projette sur un objectif avec toutes les fibres intérieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins.» La Raison dans l'histoire.

    Pour certains stoïciens, les passions sont des perversions de la raison, au sens étymologique, des égarements de notre jugement qui nous écartent de nos devoirs naturels. Ainsi d'après Cicéron, Zénon de Cittium, fondateur du stoïcisme, affirmait que «la passion est un ébranlement de l'âme opposé à la droite raison et contre nature» (Tusculanes)."

     

     Descartes, Spinoza, Hume, Kant et bien d'autres ne se sont pas privés pour massacrer la passion et en faire une perversion de l'esprit, de l'âme et de tout le bonhomme...Bon, là, c'est la philosophie classique. Je me souviens d'ailleurs d'un exposé de 71 pages que j'avais rendu à ma prof de philosophie en Terminale sur la passion. J'étais déjà bien engagé dans l'alpinisme et je ne supportais pas cette vision négative de la passion.

    "C'était passionnant" avait-elle écrit en marge :) Et elle avait parfaitement admis que "je pouvais avoir raison d'être passionné".

    "Raison et passion" dans la même phrase, j'avais gagné :) (séquence nostalgie...)

     

    Mais alors, pour en revenir à cette idée que " la passion, c'est l'instinct qui s'éveille," comment peut-on concevoir la possibilité que la passion ferait partie de l'instinct, qu'elle serait insérée en nous, tout comme nous savons manger, marcher, avoir peur, aimer... Si j'élimine la notion d'égarement de la philosophie classique et que je garde à l'esprit l'idée de Hegel, cela voudrait dire que la passion est en nous avant que nous en prenions conscience, comme un cheminement pré établi...

    Je me suis souvent demandé ce qui m'avait poussé vers les montagnes pendant mon adolescence. Je vivais à quelques minutes de l'Océan, je faisais de la voile, j'aimais la mer, j'aimais le large, il m'est arrivé de partir en planche à voile, droit vers l'horizon et de ne rentrer qu'à la nuit. 

    Et puis, un jour, je suis tombé à la bibliothèque du village sur le livre de Walter Bonatti "A mes montagnes". Je l'ai dévoré, et je suis retourné à la bilbiothèque et j'ai pris "Les conquérants de l'inutile" de Lionel Terray et "Meije" de Goerges Sonnier et j'ai demandé au responsable de trouver tous les livres d'alpinisme qu'il pouvait... 

    Nous sommes allés en vacances dans les Pyrénées, première fois que je voyais les montagnes, mes parents et moi, et dans le cirque de Gavarnie, alors que je cavalais tout seul, mes parents loin derrière, j'ai vu deux grimpeurs dans une voie, j'ai remonté le névé et je les ai suivis...Totale inconscience mais un bonheur si fort...Descartes aurait dit que j'étais "possédé"...Les deux grimpeurs ont fini par me voir et m'ont passé une engue... de première catégorie. j'avais quatorze ans. On était à trois cent mètres du sol...Ils m'ont encordé et redescendu. 

     Je savais que je vivrais pour les montagnes, dans les montagnes, mais plus jamais sans elles.

     D'où ça venait cette énergie fabuleuse ? D'où venait cet amour ? Ces gestes de grimpeur ? Je n'avais rien appris d'autre que ce que les livres racontaient. Ca ne fait pas un grimpeur. Un instinct réveillé par la passion ? Comme si enfin, je trouvais ma place, comme si tout était déjà là et qu'il fallait juste que je l'éprouve...

    Est-ce qu'on peut mettre ça sur l'éducation, un désir de ma part de me différencier de mes parents, de quitter le cocon familial, de prendre mon envol en me servant d'un prétexte ? Un défi pour exister par moi-même ?

     

    Est-ce qu'il y a en nous une force innée plus puissante que l'éducation, plus puissante que les attachements, quelqu'ils soient ? Et d'où viendrait-elle ? La montagne faisait-elle partie de mon cheminement de vie, devait-elle être le pilier contre lequel je pouvais prendre vie ? Pourquoi ? Pourquoi était-ce en moi ? Se peut-il que ça soit une décision d'âme, quelque chose qui n'est pas du domaine de la raison mais d'une évolution programmée ? Cela rejoindrait l'idée d'un instinct mais sous une autre forme, pas un instinct archaïque, pas une transmission d'espèce mais un instinct d'âme...

    La passion serait-elle l'opportunité offerte par la Vie en nous d'aller voir "Là-Haut", au delà des limites éducatives, au-delà des astreintes quotidiennes, dans des altitudes lumineuses. ?

    Je cherche les réponses...

  • La colère.

    C'est déjà si important d'identifier cette colère sourde qui jaillit parfois comme un vomi, c'est si important de comprendre qu'il ne s'agit que d'une pensée, juste une soumission de l'ego à des valeurs insignifiantes, des appartenances, des influences qui se camouflent sous les certitudes personnelles, des intrusions forcenées qu'on finit par aimer parce qu'elles nous donnent forme, "je suis celui qui pense ça", toujours ce désir d'exister extérieurement, à travers les rencontres et souvent les confrontations. Cette haine qui n'est pas nous et qui nous submerge, il faut la cerner, l'encercler de notre lucidité, lui dire clairement ce qu'on pense d'elle:

    "Tu n'es qu'une pensée et je peux t'effacer. Je ne suis pas toi. Tu n'es qu'un flot d'interférences issues de ce monde dans lequel je vis. Je peux te laisser un peu de place, occasionnellement mais ne crois pas que tu vas t'ancrer. La prochaine marée de silence t'emportera. "
     

    Et le Soi reprendra sa place.

    Swami Prajnanpad écrivait: "La plaque photographique prend, le miroir accueille mais ne prend pas."
    Les évènements produisent des émotions et des interprétations (par le mental). C'est plus ou moins intense selon notre état d'esprit du moment mais également en fonction de tout ce que l'on transporte.
    Avec le lâcher-prise, l'évènement se présente mais la réaction mécanique ne se produit plus. Les émotions font place à une acceptation. Ca n'est pas une attitude béate et niaise mais un travail, une gestion de l'être. Si malgré tout l'émotion l'emporte, il s'agit de comprendre ce qui la génère. Il ne s'agit pas de l'ignorer mais de la décortiquer. C'est un travail sur soi, une introspection parfois redoutable. Les aspects émotionnels, mentaux, psychologiques sont interconnectés mais cet effort de lâcher-prise va s'opposer à l'habitude de colère, à cet embrasement irraisonné face aux évènements. Attention, ça ne veut pas dire que je ne vais pas intervenir dans la rue si je vois une femme se faire agresser. Là, je rentre dans le tas et je laisse échapper ma colère parce que c'est ce qui est le plus adapté à mon sens sur l'instant. Après les coups, on parlera si c'est possible. La personne agressée a juste besoin que tout s'arrête, là, maintenant. 


    Pour ce qui nous concerne uniquement et qui n'implique pas une action urgente, il s'agit de de savoir comment nous nous situons par rapport à ces émotions physiques, émotionnelles et mentales. Ca n'a l'air de rien comme ça mais ça réclame en fait une lucidité constante dont nous n'avons pas réellement l'habitude. Comme si nous étions face à un miroir, un miroir de l'âme.
    Mon désespoir, ma colère, ma déprime face aux conditions de vie ne va en rien changer ces évènements, quelqu'ils soient. C'est mon abandon à une interprétation qui m'entraîne dans un problème supplémentaire. Plus il va y avoir une perte de contrôle à travers un flot d'émotions et moins ma réponse au problème sera appropriée. Mais l'ego y puise son identification. Finalement il peut se regarder et prendre forme dans l'émotion et c'est ce qu'il cherche. Le lâcher-prise est au contraire une distanciation avec l'ego. Les choses sont ce qu'elles sont et mes émotions n'ont rien à y faire.

    J'ai pu à diverses reprises constater de l'intérêt de la chose dans des situations où je risquais ma peau. La pierre qui me tombe dessus, c'est ma lucidité qui me permettra de l'éviter et pas ma peur. Si je m'imagine mort, si je vois le vide dans mon dos, le gouffre où la pierre va m'entraîner, si j'imagine mon corps qui éclate sur les rochers etc...je me perds. Et j'y perds la vie. Le lâcher-prise consiste alors à ne pas juger de cet avenir, des conséquences ou de me laisser submerger par ce flot d'émotions mais à trouver dans l'instant LA solution.
     

    Swami Prajnanpad disait: "Dans la vie nous nous trouvons dans la situation de quelqu'un qui descend un torrent en kayak. Pour celui qui est crispé et angoissé, cette descente va être un véritable enfer, une épreuve redoutable. En revanche, celui qui va avec le courant de manière détendue accomplit la même descente avec sérénité et aborde les difficultés avec souplesse. Il reste maître de son potentiel."

    Nous ne pouvons pas toujours être les plus forts, nos actions produisent ou ne produisent pas les effets souhaités, les interactions de causes et d'effets sont indépendantes de nous et interfèrent avec ce que nous avons tenté pour renforcer le succès de nos actions. Cette séparation du moi avec le courant de la réalité se révèle comme le plus gros obstacle à la "présence". Si je ne lâche pas prise, je suis emporté par les évènements. Si je lâche prise, j'adhère à ces évènements, dans une unité de corps et d'esprit. Cette acceptation est à la source de la "présence à soi-même". Le vide intérieur est en fait une absence d'émotions quand elles ne sont qu'un maelstrom agité. Une fois ce vide émotionnel préservé, les paroles seront justes. Quant aux paroles colériques, elles ne sont que les graines des regrets...

    Mais il y a pourtant tellement de raisons d'être en colère.

    http://www.youtube.com/watch?v=Main_nTUr3c

    Lui, il est en colère. Mais il sait le dire de la meilleure des façons.

  • L'école.

    A lire.

    http://www.plumedepresse.net/?p=274

     

    La réalité du terrain et pas celle des politiciens.

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  • Les Maîtres. (2)

    Je suis revenu ce matin sur cet ancien texte

    http://la-haut.e-monsite.com/blog,les-maitres,197257.html

    après avoir lu un article de Karl Renz... Presque de la colère devant ce flot d'affirmations.

    "Tu es la liberté que tu recherches. Tu ne peux pas être en détention, tu ne peux pas être trouvé, tu ne peux pas être perdu, ni naître, ni mourir, tu ne peux pas être en prison et tu ne peux pas ne pas être en prison. Tu es inconditionnellement conditionnel et inconditionnellement inconditionnel. Tu ne peux jamais atteindre la liberté. Si la liberté était atteignable, ce serait une liberté conditionnelle. Si ce qu'est la liberté dépendait des circonstances, la liberté serait elle-même une circonstance. Conditonnelle et contrôlable. On pourrait se battre pour la liberté, et bel et bien obtenir un résultat, on pourrait gagner ou perdre quelque chose. Ce serait l'horreur."

    Et bien tout ça ne me sert à rien. Et j'aimerais que ces "Maîtres" aient davantage d'humilité. (Je ne suis pas très humble en disant cela mais je suis fâché alors je me lance.)

    Comme si cet état de plénitude, il suffisait d'en lire la recette pour nager dedans, comme si des phrases aussi péremptoires et absconses suffisaient à me délivrer, comme si toutes ces évidences étaient si simples à capter qu'il est vraiment ridicule que je surnage encore dans la fange excrémentielle de mon mental.

    Je suis vraiment un pauvre hère spirituel et borné, tout est si simple, comment puis-je passer à côté d'un tel bonheur, il faut vraiment adorer ses prisons pour refuser d'en sortir alors que la porte est ouverte, ah, non, c'est encore mieux que ça, il n'y a pas de prison ! Je n'avais rien compris...

    Enfin, si, il y a une prison mais en fait il n'y en a pas...

    Et je ne peux pas être perdu si je me libère étant donné que je ne peux pas me trouver, de toute façon il n'y a rien puisque je ne suis pas né et que je ne peux pas mourir, d'ailleurs je me demande bien pourquoi je continue à chercher dans ce néant la raison de ce néant étant donné que de ce néant ne peut naître que la conscience du néant...

    Une remarque qui me vient soudainement : Que fait Mr Renz de l'argent qu'il gagne en vendant des ouvrages de ce type à des gens qui baignent dans le néant du rien totalement vide de plein ?

    Je vais aller faire du vélo, tiens.