Les dérives de l'argent.

 

Il n'y a pas que BP qui soient coupables. C'est tout le sytème.

 

Des erreurs sur les noms d'experts en vie marine, des espèces menacées qui ne sont pas présentes dans la région, une sous-estimation des risques... Les plans anti-marée noire de BP pour le golfe du Mexique, validés par les autorités américaines l'an dernier, sont truffés d'omissions et d'erreurs flagrantes, montre une analyse de l'Associated Press.

Le plan régional de 582 pages et un autre de 52 pages qui porte spécifiquement sur la plate-forme Deepwater Horizon, dont l'explosion le 20 avril est à l'origine de la marée noire, minimisent fortement les dangers d'une fuite incontrôlée de pétrole tout en exagérant la capacité de la compagnie pétrolière britannique à gérer une telle situation.

Dans les scénarios de marée noire échafaudés par BP, les poissons, mammifères marins et oiseaux ne sont pas sérieusement touchés, les plages restent immaculées et la qualité de l'eau n'est qu'un problème temporaire. Et ce, pour une fuite environ dix fois plus importante que celle de Deepwater Horizon...

Loin de ces projections optimistes, Billy Nungesser, président du district de Plaquemines, en Louisiane, souligne les dégâts déjà causés par la marée noire dans sa région: "la vie telle que nous la connaissons a disparu de 1.200 hectares de marais et nous continuons à perdre de précieuses zones humides tous les jours".

Les plans de BP comportent des postulats foncièrement erronés. La méthode retenue pour calculer le volume de la marée noire est ainsi peu crédible. Elle diffère de la méthode "classique" acceptée internationalement, qui aurait donné des estimations 100 fois supérieures...

Il y a aussi des oublis fâcheux. Le courant marin qui devrait envoyer à terme une partie du pétrole vers la Floride et le long de la côte atlantique n'est par exemple mentionné nulle part.

Les plages souillées étaient censées être à l'abri de toute pollution selon les plans, BP promettant de réunir assez de bateaux pour ramasser le pétrole avant qu'il n'atteigne les côtes. Un engagement qui semble rétrospectivement absurde.

Le groupe affirmait que les moyens mobilisés permettrait de récupérer 75 millions de litres de pétrole par jour dans l'eau, soit en gros la quantité qui s'est déversée dans le golfe depuis six semaines. Pourtant, la nappe s'étend aujourd'hui sur quelque 8.500km carrés, selon Hans Graber, de l'université de Miami, et seule une fraction du pétrole a pu être récupérée. En outre, une partie de la nappe -on ignore précisément quelle quantité- a sombré au fond de la mer ou se trouve quelque part entre deux eaux.

Le plan régional de BP estime, sur la base de modèles informatiques, à 21% le risque que du pétrole atteigne les côtes de Louisiane moins d'un mois après une marée noire. Dans les faits, une traînée de pétrole a rejoint le delta du Mississippi seulement neuf jours après l'explosion de Deepwater Horizon, bientôt suivies par des boulettes de brut. D'autres zones souillées par le pétrole étaient présentées par BP comme ne courant aucun risque.

Pour les oiseaux, les tortues et mammifères marins en voie de disparition, BP s'est montré beaucoup trop optimiste, affirmant qu'il n'y aurait "aucun impact négatif" en cas de fuite de Deepwater Horizon.

Pourtant, on note déjà les effets dévastateurs de la marée noire sur la faune locale. Plus de 400 oiseaux mazoutés ont été traités et des dizaines d'autres retrouvés morts, couverts de pétrole. Plus de 200 tortues et plusieurs dauphins victimes de la pollution se sont échoués sur le rivage, ainsi que d'innombrables poissons.

Selon BP, l'éloignement de la plate-forme, située à 80km des côtes de Louisiane, devait éviter les problèmes de pollution du littoral. Encore un jugement erroné.

Une des erreurs les plus frappantes de BP est d'avoir cité le professeur Peter Lutz dans le plan régional comme étant l'un des experts à contacter en cas de marée noire. Il est présenté comme un spécialiste de la faune de l'université de Miami. Problème: cet expert en tortues marines a quitté Miami il y a près de 20 ans pour une autre ville de Floride, Boca Raton, mais surtout, il est décédé quatre ans avant la publication du plan. Dans la même veine, les noms et numéros de téléphone de plusieurs experts de l'université A&M du Texas sont erronés.

Autre énormité: un chapitre consacré aux "ressources biologiques sensibles" dresse une liste des mammifères marins comme les morses, les lions de mer, les loutres de mer et les phoques. Pourtant aucun de ces animaux ne vit dans la région du golfe du Mexique.

Les plans de BP n'ont pas anticipé les problèmes les plus évidents et en ont réfuté certains qui se sont pourtant avérés prépondérants depuis le début de la catastrophe. En réponse à une série de questions de l'AP, des responsables de BP et du ministère de l'Intérieur, qui supervise l'autorité de régulation des forages pétroliers (Minerals Management Service, MMS), ont reconnu que les plans du groupe pétrolier posaient problème.

"Nombre des questions que vous soulevez sont exactement celles qui seront examinées par la commission présidentielle et d'autres enquêtes sur la marée noire", a assuré Kendra Barkoff, porte-parole du ministre de l'Intérieur Ken Salazar. AP

Ajouter un commentaire