Requiem pour Âmes d'Ombre | Jean-Michel Archaimbault | 2011

 

Requiem pour Âmes d'Ombre | Jean-Michel Archaimbault | 2011

Requiem pour Âmes d'Ombre | Jean-Michel Archaimbault | 2011

 

 

Ces textes ne sont pas que des écrits. Ce sont également des œuvres musicales.

Il m'est arrivé au moment où je tournais une page de prendre conscience que je ne savais pas de quoi parlait ce que j'avais lu. Car au-delà du récit, j'étais subjugué par la beauté de la musique.

Je sais que Jean-Michel Archaimbault est féru de musique classique. Personnellement, je n'y connais rien, au point que je ne suis pas certain de citer dix œuvres et leurs compositeurs. Mais j'aime la musique, une autre musique. Et je sais que certaines m'emportent, littéralement, dans un autre espace, une absence de pensées, une réjouissance sensorielle.

Voilà ce qui m'est arrivé, à maintes reprises, en lisant les textes de ce recueil. Je ne lisais pas, j'écoutais. Je me délectais de la parfaite association de mots, de l'exquise mise en forme, de la richesse du vocabulaire, tout cela mixé dans un concerto permanent. Mais, dans cet état-là, je ne pense pas, je n'en perçois même aucune tentative, elles sont refoulées par la puissance émotionnelle. Je ne suis pas un cerveau qui lit mais un organisme récepteur constitué de fibres, de chair, de sang, de nerfs, de ligaments, de particules, d'atomes et jusqu'à l'infini petit de cet organisme, la musique m'envahit.

Voilà pourquoi, parfois, au moment où je tournais la page, je réalisais que je devais relire. En n'écoutant pas la musique.

Je ne saurais donner un palmarès entre cette magnifique musique et les histoires elles-mêmes parce qu'elles sont bien évidemment indissociables. L'une nourrit l'autre. Un autre auteur ne possédant pas la musique n'écrirait peut-être rien de bon avec ces histoires. Non pas qu'elles n'ont pas d'intérêt, loin de moi cette idée, mais elles n'existeraient pas de la même façon, avec la même pureté, avec cette âme.

Ces textes sont habités. De l'âme de l'auteur et de tous les êtres dont il a croisé la route ou de tous les êtres qu'il s'est efforcé de rencontrer en empruntant des routes inconnues. Des voies oniriques ou des rêves éveillés, des imaginations si fortes qu'elles arrachent leur possesseur à la réalité. Et il est très délicat de parvenir à saisir le seuil entre ces deux mondes. Les espaces sont fluctuants, des éclaireurs ont l'habitude de pousser des explorations déconcertantes dans le territoire voisin. Conscient et subconscient ne sont pas deux entités séparées, elles s'entremêlent, elles s'attirent et se repoussent, elles se fuient et se recherchent.

Je pourrais penser que Jean-Michel Archaimbault vit entre deux mondes.

Le monde contemporain et le monde du futur. Mais également le monde contemporain et le monde de l'enfance.

SEENTHA, un roman de l'auteur, reliait notre époque à des mondes lointains, non seulement dans la distance mais également dans le temps. A des millions d'années lumière et dans des millions d'années.

SEENTHA de Jean-Michel ARCHAIMBAULT

Ce REQUIEM POUR AMES D'OMBRES relie le monde adulte et le monde de l'enfance. Un monde empli d'émotions, le monde parallèle de l'imaginaire. Et je me suis vu dans ces récits, plus d'une fois. Le texte « les angles interdits ». Fabuleux récit où j'étais là, c'était moi. Je l'ai vécu cette émotion-là, cette peur du lieu étrange, de l'intuition du danger, de cette précognition merveilleuse que tout enfant va devoir abandonner devant les coups de boutoir de la rationalité.

Jean-Michel Archaimbault n'invente rien, c'est ça qui est fabuleux. Il ne peut pas inventer ça et le raconter aussi bien. Quand j'ai cette idée-là en tête, je sais que je suis en présence d'un très bon texte, pour moi.

Je sais ce dont j'ai besoin pour qu'une lecture m'emporte : qu'il s'agisse d'un film, que je sois transporté devant un écran et que je ne me sente plus lire parce que je suis totalement absorbé et nourri par la puissance des images. Il y a la musique, la mise en scène, le jeu des acteurs, le montage, la qualité de la lumière dans les scènes descriptives, la justesse des dialogues, le plaisir délicieux de la voix off, la beauté des paysages, la finesse de leur observation.

Voilà, je suis au cinéma et quand je ferme le livre, je le pose et j'attends, le temps qu'il faut, que la salle se vide et que je retrouve le silence pour écouter à nouveau la musique des mots et leur enchantement.

« L'inconnu sur la Terre » de Le Clézio ou « L'enfant et la rivière » de Bosco, voilà où j'étais dans les descriptions de la nature. Parfois magiques, parfois inquiétantes, les natures vivantes de l'auteur sont fines, précises, visuelles, immensément visuelles. On en sent tous les parfums.

« Les angles interdits »

extrait :

À quelques mètres, sous les deux très gros tilleuls qui ombrageaient la façade de l'extension récemment adjointe au pavillon, il y avait un puits. Je ne risquais pas de m'en approcher de trop près, ni de séjourner trop longtemps dans les parages. L'endroit avait été décrété dangereux, mortel, par les adultes de la famille. Dans le puits habitait la Vieille, une créature noire, redoutable et affamée dont j'étais convaincu qu'elle m'attraperait si je passais à portée de ses longs bras aux mains crochues. Tout le monde était donc rassuré, je ne tomberais pas dans ce trou d'eau froide. »

 

« Lady D'arbanville »

extrait :

J'avais erré sans but, à l'heure du crépuscule, sur les vastes terrasses au-dessus des jardins délaissés. Jadis, en pleine vigueur, leurs profusions de plantes et d'essences s'emmêlaient en un tapis chaotique et moribond, déroulé en pentes lasses jusqu'à la rivière en contrebas.

Fait exceptionnel, il ne pleuvait pas.

Loin d'ici , sur l'autre berge, par-delà l'îlot minuscule qui portait encore les ruines d'une très vieille tour, les lumières tremblantes de la cité coloraient de soufres oppressants les éternels nuages lourds qui ne se dissipaient plus, même lorsque des vents furieux tentaient de les entraîner dans leurs colères. Ce soir, le ciel grisâtre affichait par endroits des nuances diaprées, subtilement mouvantes. Le phénomène, aussi fascinant qu'inédit, était d'observation assez récente. »

Une particularité qui m'a frappé, c'est cette qualité de l'auteur à décrire la réalité et le monde imaginaire en les ajustant si adroitement qu'il est parfois difficile de savoir quand le récit vient de basculer dans l'un ou dans l'autre.

On ne sait plus où on est et c'est magique.

Le monde intérieur de Jean-Michel Archaimbault a des horizons magnifiques et des lieux secrets, des espaces lumineux et des zones d'ombres, des zones d'ombres emplies d'âmes.

 

 

 

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Requiem pour Âmes d'Ombre | Jean-Michel Archaimbault | 2011

 

 Un article ajouté/rédigé par  | 29/08/2022 | Lu 304 fois


 

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Requiem pour Âmes d'Ombre | Jean-Michel Archaimbault | 2011

Requiem pour Âmes d'Ombre | Jean-Michel Archaimbault | 2011

Je « L »’avais repéré, voici déjà quelque temps. La convention SF de 2022 à Bergerac ayant été l’occasion de revoir Jean-Michel Archaimbault, j’ai bondi sur ladite occasion pour m’emparer de ce recueil et le faire dédicacer puisqu’il promettait de me faire découvrir une autre facette – plus sombre ? plus étonnante ? – de l’auteur. Dans la foulée, je me jurais – croix de bois, croix de fer – d’en écrire la « critique » qui s’imposait à moi.

J’avais alors le mince espoir que les textes ne m’emporteraient pas autant que l’avais fait Seentha, SF-Opera baroque et flamboyant qui m’avait tellement envoûté que je m’étais retrouvé incapable d’en parler correctement.

Évidemment, l’espoir était ridicule… mais, car il y a un « mais » et il n’est pas des moindres donc : parce qu’il s’agit là de nouvelles, il est vite apparu qu’il serait plus facile d’en écrire les retours, et ce non pas à pas, mais presque.

J’attendais un changement de registre, de ton, de point de vue, devinant, et par le titre et par cette sombre couverture, que je ne devrais pas être déçu. Ce qui fut le cas.

Lire la suite de l’article de J.C. Gapdy pour le Galion des Etoiles :

Requiem pour Âmes d'Ombre | Jean-Michel Archaimbault | 2011 (legaliondesetoiles.com)

 

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