Vie privée et réseaux sociaux.

Dans une discussion sur un groupe philo, il y avait un texte qui mettait en avant la contradiction entre les contestations de la population au regard de l'atteinte à la vie privée sous diverses mesures de surveillance et les pratiques de masse qui consistent à étaler sa vie sur les réseaux sociaux alors que ceux-ci représentent une mine d'informations pour les instances gouvernementales. On sait combien facebook est devenue une bibliothèque ouverte sur les gens, des archives exploitables. Il n'est qu'à voir les publicités ciblées qui y sont affichées. Une des raisons pour lesquelles je n'y vais quasiment plus. 

 

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"La société de masse détruit non seulement le domaine public mais aussi le privé : elle prive les hommes non seulement de leur place dans le monde mais encore de leur foyer où ils se sentaient jadis protégés du monde. (…) Une vie passée entièrement en public, en présence d’autrui, devient superficielle. Tout en restant visible, elle perd la qualité de le devenir à partir d’un fond sombre qui doit demeurer caché à moins de perdre sa profondeur en un sens non subjectif et très réel. La seule manière efficace de garantir contre le grand jour de la publicité l’ombre des choses qui ont besoin du secret, c’est la propriété privée, un lieu que l’on possède pour s’y cacher."
Hannah Arrendt

Le "paradoxe de la vie privée" :
"Les gens se plaignent d'être surveillés, mais ils s'exposent de plus en plus".
Emmanuel Kessous, sociologue

"Nous savons bien que nos échanges ne sont qu'un jeu de rôle dont nous créons les personnages."
Denis Humbert, romancier

 

Au-delà de ce constat, il conviendrait de chercher les raisons profondes de ce besoin de s'ouvrir à l'autre, la plupart du temps à un inconnu, puisque le virtuel ne saurait remplacer la présence réelle ? Facebook, Twitter, Instagram, ne sont pas des lieux de rencontres. Ce sont des écrans. Au sens plein du terme. L'écran entre l'autre et moi et entre moi et moi-même. Comme une perdition de soi ou en tout cas, une forme d'éparpillement. Combien d'échanges importants sur les réseaux sociaux, combien de réflexions suivies par de réels échanges, combien de temps passé pour un effet délétère ?

 

Je suis toujours effaré quand il m'arrive de me retrouver dans une salle d'attente de voir le nombre de gens les yeux rivés sur leurs téléphones...Personne ne se parle, personne ne croise même un regard...Personne ne lit un livre...Ou très peu. Ce monde connecté est rempli de solitude et de négation de l'autre. Tout le monde sait ce qui se passe en Australie, au Brésil, au Chli ou à Remblai-le-gravier mais personne ne sait ce que vit son voisin de chaise...

Et si quelqu'un en venait à le demander, il passerait pour un malotru. Puisqu'il empêche l'adepte du smartphone de raconter sa vie sur l'écran...

Il convient donc de se demander quelle est la part de vérité dans cet éclairage de la vitrine connectée ? Qu'y a-t-il de réel au fond du magasin et qui n'apparaît pas dans la lumière des projecteurs ?

Ne s'agit-il pas d'une forme de solitude qui aurait besoin d'être atténuée quitte à considérer que les réseaux sociaux puissent combler ce vide intérieur ?

Il est clair pour moi que ce monde moderne souffre d'une dichotomie profonde entre cette passion des réseaux sociaux et la raison réelle de ces pratiques. Aujourd'hui, quelqu'un qui vit seul et n'est pas connecté au monde virtuel passe pour un marginal. Quelqu'un qui vit en couple ou en famille et qui est connecté 20 heures par jour passe pour quelqu'un de "normal"... La dernière fois que j'ai pris le TGV, je me souviens avoir vu un couple avec deux jeunes enfants, assis face à face. Aucun d'entre eux ne se parlait. Les parents avaient chacun leur smartphone et les enfants chacun une tablette... Effrayant...

C'est ce que j'appelle l'état de solitude connectée.

Il m'est arrivé de penser que le SDF avec son chien a un comportement plus aimant et plus humain. Et pourtant, il est exclu du groupe. Evidemment, puisqu'il n'a aucun pouvoir d'achat... Il ne peut pas faire partie du même monde que tous ceux qui sont appareillés et connectés. 

C'est là que se pose la problématique de la solitude et de l'isolement.

Notre solitude sociale, à Nathalie et moi, est un choix. Réfléchi et volontaire. Déterminé.

Cette solitude n'a rien à voir avec l'isolement.

 

La solitude et l'isolement.

 

Les philosophes ont beaucoup écrit et parlé des bienfaits de la solitude. Mais cette solitude n'est pas acceptable pour une société marchande. Elle ne rapporte rien. Ou alors, il convient d'aller faire une retraite dans un monastère new age et débourser un mois de salaire pour apprendre par la méditation à se détacher des biens matériels...D'ailleurs tous les centres de "retraite méditative" ou autres appellations sont connectés au réseau... (En fait, je n'en sais rien, je n'y ai jamais mis les pieds). Je me moque.

 

Ce monde connecté offre donc aux gens la possibilité de ne pas être seuls et, pourtant, en se connectant frénétiquement, ils s'isolent. Et j'utilise sciemment le terme "d'isolement" et non de "solitude"car il s'agit bien d'une forme de pression sociétale.

Il "faut" être connecté, en tous lieux, le plus vite possible, sinon on est isolé, on est marginalisé.

On est un SCF (sans connexion fixe), un cauchemar. Mais où ce cauchemar prend-il son énergie, dans quel antre émotionnel trouve-t-il cette force constante ?

J'ai déjà pas mal écrit là-dessus. Et dans mes romans notamment :

La solitude en soi

Se sentir seul.

Seul au monde

Solitude volontaire

JUSQU'AU BOUT : Seul

 

La nature... Là, il est encore possible d'être seul. C'est d'ailleurs bien pour ça qu'elle intéresse si peu de monde.

Je ne parle pas de la nature urbaine des parcs de jeux ou des pelouses à pesticides, des forêts bien "entretenues "et des chemins balisés, du lac avec son grand parking et la baraque à frites, des stations de ski avec leurs HLM de luxe, des plages bondées où on n'entend même plus la mer...

Je parle de la nature où il n'y a personne. Celle où on peut se perdre, celle où il n'y a aucun bruit, celle où les traces animales sont plus nombreuses que les traces humaines. Cette nature-là n'est pas protégée parce que dans l'inconscient collectif, elle reste un espace dangereux. Non domestiquée.

Proposer à un "urbain" de partir à pied en montagne, pendant une semaine, avec très peu de nourriture, juste une bâche et un duvet pour dormir, l'eau des torrents, le caca derrière un rocher ou au fond de la forêt, là où il y des loups féroces ou des assassins pervers... Aucune chance.

Et c'est ce même "urbain" qui mourra en ville, poignardé, écrasé, intoxiqué, cramé, empoisonné, violée (j'ai mis un e...).

Lire les statistiques d'accidents mortels est une lecture très enrichissante. 

Non, la nature n'est vraiment pas dangereuse.

Personnellement, je vais en ville avec un poignard dans ma veste. 

Je le prends aussi en montagne, pour couper du bois et faire un feu si jamais on venait à devoir passer une nuit dehors. On n'en mourra pas. 

 

 

 

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