Apprendre sans professeurs.
- Par Thierry LEDRU
- Le 02/11/2012
- 2 commentaires
Apprendre à lire sans prof ? Les enfants éthiopiens y arrivent
A partir de 1h00mn05s, en anglais
C’est une expérience qui rappelle le scénario du film « Les dieux sont tombés sur la tête », dans lequel une bouteille de Coca, jetée d’un avion, atterrit dans un village bushmen et chamboule le quotidien de ses habitants.
Sauf qu’avec l’opération menée par One Laptop Per Child (OLPC) auprès d’enfants éthiopiens analphabètes, ce sont nos certitudes occidentales sur l’apprentissage qui pourraient bien être bousculées.
L’ONG livre depuis 2005 du matériel informatique simple et robuste dans les pays pauvres, et indique avoir déjà distribué 2,5 millions d’ordinateurs portables de type XO dans quarante pays. Son fondateur a exposé sa démarche lors de la conférence EmTech, organisée par le Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Cambridge fin octobre.
Nicholas Negroponte et son équipe sont partis d’un constat : parmi les 100 millions d’enfants qui n’ont accès à aucune éducation, beaucoup se trouvent dans des zones isolées, dans lesquelles aucun adulte autour d’eux ne sait lire et ne peut donc les aider. Mais peuvent-ils apprendre tout seul ?
Pour le savoir, l’organisation a livré des tablettes pré-équipées à une quarantaine d’enfants dans deux villages éthiopiens, Wonchi et Wolonchete, à une centaine de kilomètres d’Addis Abeda.
Alimentées grâce à un panneau solaire, elles contenaient une collection de plusieurs centaines d’applications, de jeux, de livres, de dessins animés et de films (en anglais), mais n’étaient accompagnées d’aucune instruction, ni d’aucun manuel. Des données sur leur utilisation étaient enregistrées dans une carte SIM, changée chaque semaine.
« Je pensais que les enfants commenceraient par jouer avec les cartons », raconte Negroponte. Mais les cobayes ont très vite apprivoisé leur nouvel outil :
« Après quelques minutes, ils avaient déballé et mis en route les tablettes. Après une semaine, chaque enfant utilisait en moyenne 47 applications par jour. Après deux semaines, ils utilisaient les jeux destinés à l’apprentissage des lettres pour se mesurer les uns aux autres, et le village chantait les chansons sur l’alphabet. »
« Ils ont débloqué l’accès à la caméra »
Quelques mois plus tard, les tablettes étaient toujours fréquemment utilisées, et certains enfants commençaient à écrire des mots. Ils avaient tous personnalisé leur tablette, et même fait leur débuts de pirate informatique :
« Un imbécile chez nous avait bloqué l’accès à la caméra, alors ils ont “hacké” Android [le système d’exploitation installé sur la tablette, ndlr] pour l’activer à nouveau. »
Ce qui a ravi Negroponte :
« C’est exactement ce genre de créativité, de curiosité et de goût pour l’enquête que nous considérons indispensables à l’apprentissage. »
Ces résultats impressionnants doivent être confirmés par d’autres expériences du même type, mais ils pourraient changer la façon dont One Laptop Per Child conçoit son action. L’organisation s’appuie jusqu’ici sur les écoles existantes, sans toucher les enfants totalement privés de scolarité :
« Ça pourra leur prendre six mois, dix-huit mois, deux ans, mais est-ce qu’ils vont réussir à apprendre à lire, vraiment ?
S’ils peuvent apprendre à lire tout seul, ensuite ils peuvent apprendre en lisant. Pourrait-on leur donner un outil pour ça, sans avoir à construire des écoles, embaucher des professeurs, fournir des manuels ? »
Quand l’école tue la curiosité
Mais pour Negroponte, les pays développés ont aussi des leçons à tirer de cette expérience :
« Des enfants parviennent à apprendre à lire sans aller à l’école en Ethiopie, tandis qu’à New York, d’autres n’arrivent pas à ce niveau alors qu’ils vont à l’école. Que faut-il en conclure ? »
La facilité avec laquelle les jeunes, quelle que soit leur culture d’origine, s’approprient les tablettes, encourage selon lui à repenser les méthodes d’enseignement traditionnelles :
« Les enfants peuvent beaucoup apprendre par eux-mêmes, davantage que ce que nous imaginons. Les enfants sont naturellement curieux, et cette curiosité reste intacte si on ne la décourage pas, ce qui est souvent le cas à l’école.
Avoir accès à des bibliothèques contenant des manuels ou des encyclopédies est une bonne chose. Mais c’est peut-être moins important que de concevoir un monde dans lequel les idées se forment, se révèlent et se réinventent, au sein d’un apprentissage fondé sur l’action et la découverte. »
Commentaires
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- 1. Thierry Le 30/08/2015
Chouette compte-rendu de ce qui est réalisable quand la "motivation" est préservée, encouragée, considérée comme le moteur essentiel...L'école n'est pas tournée vers la dynamique mais vers le conditionnement. Tous ensemble, et tous pareils....Tu peux prendre ce que tu veux ici Marie Noelle, ça n'est pas du pillage mais de la propagation ^^ -
- 2. Marie Noelle Le 30/08/2015
Super !
Je n'avais pas encore lu cet article ;-) Mais Saskia , qui n'est pas dans une situation comparable , à effectivement appris à lire seule en une semaine , durant les grandes vacances précédant sa rentrée au CP , car elle voulait jouer à " super mario sunshine" un jeu où toutes les consignes sont écrites , et personne n'était là pour lui traduire ... toutes les bases étaient présentes , mais en 8 jours chrono , elle lisait couramment .....le jeu l'autonomie la curiosité cette envie d'aller plus loin.. ils ont ça en eux les enfants et oui , je crois que l'école TUE une bonne partie de cette dynamique :-(
Thierry je prépare un article pour nevE , je vais un peu te piller .... Puis je? ;-)
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