Causalité formative.
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/02/2012
- 2 commentaires
"Lors d'une série d'expériences débutées à Harvard en 1920, le psychologue William McDougall a étudié à quelle vitesse des rats pouvaient apprendre à s'échapper d'un labyrinthe rempli d'eau. A sa grande surprsie, il a découvert que les générations successives apprenaient plus rapidement. Il ne s'agissait pas d'un exemple d'évolution Lamarckienne dans lequel les parents transmettent leurs talents à leur descendance. Il s'agissait de générations dissociées.
D'autres chercheurs ont découvert que lorsqu'ils ont recommencé l'expérience, leur première génération de rats, provenant d'une lignée tout à fait distincte a débuté au même niveau d'expertise que la dernière génération de McDougall. Certains ont même "appris" le système sans faire la moindre erreur. D'une certaine façon, ils "savaient" déjà. De plus, alors que l'expérience progressait, des générations successives du groupe de rats ayant participé à l'expérience, qui n'avaient jamais été à proximité du labyrinthe aquatique, se sont également améliorés, en même temps que le groupe expérimental. L'aptitude était en quelque sorte apprise par les autres rats, autant dans le laboratoire que dans le reste du monde.
Rupert Sheldrake, biologiste britannique, considère ceci comme un exemple de ce qu'il appelle "la causalité formative". Dans son livre, "Une nouvelle science de la vie", il observe que les systèmes ne sont pas seulement régis par les lois connues de la physique mais aussi par des champs d'organisation invisibles. Il les appelle "champs morphogénétiques".
Il estime que les régularités de la nature sont davantage des habitudes que des réflexions de lois éternelles de la physique. Sa théorie postule que si un membre d'une espèce biologique apprend un nouveau comportement, le champ morphogénétique de l'espèce change, même très légèrement. Si ce comportement est répété suffisamment longtemps, sa "résonnance morphique" se développe et commence à affecter l'espèce entière. Ainsi, dans ce cas des rats, plus il y avait de rats qui apprenaient le système, plus le champ morphogénétique se renforçait et plus les autres rats avaient de facilités à apprendre."
Peter Russel
On peut envisager au regard de cette théorie que le dysfonctionnement actuel d'une bonne partie de l'Humanité vis à vis du phénomène vital, de la Conscience de la Vie, de l'illusion de la dualité, est généré par le champ morphogénétique résultant de siècles d'errances.Le moi encapsulé, multiplié par des milliards d'individus, propage le système aux générations suivantes, bien au-delà de la simple éducation et de l'environnement sociétal.
En appliquant cette théorie, on peut envisager à l'inverse que plus il y aura d'individus à élever leur propre niveau de conscience, plus le champ morphogénétique d'états de conscience supérieur deviendra puissant. L'Humanité entière pourrait s'engager dans un processus d'Eveil nourri par un Champ de Consciences unifiées. Rupture du paradigme du moi encapsulé...
Quels sont les moyens de parvenir à ce nouveau Champ morphogénétique ?
Internet peut jouer un rôle essentiel. La Toile ne sera que ce que les hommes parviendront à en faire. Elle n'a pas d'existence propre.
J'avais écrit cette "lettre" il y a quelques temps sur le site de Frenchwriters
http://www.frenchwritersworldwide.com/authors-open-letter/culture-et-internet
Il est 19 heures et je regarde passer à la télévision les bandes annonces des prochains films du soir… Interdit au moins de 12 ans ! Mais toutes les images les plus violentes, les plus sordides, les plus ensanglantées défilent dans cette bande annonce…Et à cette heure-là, les enfants de moins de 12 ans sont devant la télé… Le choix intentionnel des images est tout aussi violent que le film en entier, peut-être plus encore étant donné qu’il n’y a aucune explication, aucune logique, aucun déroulement linéaire, tout ça n’est qu’un patchwork volontairement agressif et incompréhensible. L’image qui en ressort est celle d’un monde dangereux, un monde adulte qui se présente aux enfants avec tout ce qu’il a de plus dégradé.
Je vois bien dans ma classe ce que cela donne.
Une espèce de banalisation de la violence mais qui cache plus profondément une perpétuelle inquiétude, un trouble angoissant, des peurs primales.
Si on ajoute à ces films, même parcellaires, les journaux télévisés du 20 h, on se retrouve avec une vision totalement pétrifiante du monde extérieur…
Je n'aime pas la manière dont les médias font "commerce" de la violence en général.
Une semaine devant les informations, les émissions du soir et on a une vue sordide de l'humanité. Agressions en ville, un jeune qui se fait tabasser par une bande alcoolisée, un viol, une séquestration, un attentat, une guerre, on augmente sans cesse dans le sensationnel le plus horrible. De la rue en bas de chez nous, du trottoir en ville, à la dimension d'un pays.
Toujours ce regard malsain sur la partie sombre de l'homme.
Une jeune collégienne tuée à la sortie du collège. Et on parle bien entendu de défaut éducatif, de défaut de surveillance, on dit qu’il faut doubler les effectifs de surveillants, de policiers, de juges, de tribunaux, de cellules, il faut renforcer les sanctions, mettre les multi récidivistes en prison, même à dix ans comme au Royaume-Uni… Il faut « ré-agir », en quelque sorte…
Et agir avant que tout ça n’arrive ?
Est-ce qu’il serait envisageable de travailler en amont ?...
J'ai entendu un jour les Guignols de l'info se moquer de Jean-Pierre Pernaud et de son Journal Télévisé de midi sur TF1. "Bienvenue chez les Bisounours" qu'ils disaient. Alors je suis allé voir.
Et bien, je ne suis pas du tout d'accord avec Canal. Ce Journal Télévisé de Mr Pernaud refuse de mettre en avant ce monde violent comme s'il était nécessaire pour l'information des masses que la noirceur soit mise sous les projecteurs.
Au contraire, on voit des reportages sur des artisans au fin fond des Cévennes, des actions solidaires pour sauver une exploitation agricole, des artistes, des jeunes qui montent des projets humanitaires, du commerce équitable, la rénovation d'une chapelle, le nettoyage d'une rivière par l'association des pêcheurs...
Insignifiant ? Non, absolument pas pour moi. C'est une vie réelle, une vie apaisée, réfléchie, une vie de rencontres, d'amitiés, de liens sociaux. Cela existe aussi, il y a des millions et des millions de cas identiques sur la planète, à chaque instant, en France, dans notre ville, dans notre quartier. Pourquoi est-ce que ça n'est pas mis sous les projecteurs ? Ca n'est pas assez sensationnel, ça n'est pas "rentable", ça ne fait pas monter l'audimat ?
Je pense pourtant que ces gens mériteraient bien davantage d'être connus. Et non, les casseurs, les violeurs, les banksters et leurs complices politiciens, les gangsters, les curés pédophiles, les serials killers.
Que quelqu’un qui aurait beaucoup de résistance en lui essaie de calculer le temps consacré à la violence à la télévision en huit jours, sur les chaînes principales et s’il y survit, qu’il vienne nous en parler…
Que quelqu’un qui aurait beaucoup d’amour en lui essaie de calculer le temps consacré à la beauté du monde à la télévision en huit jours, sur les chaînes principales et s’il n’est pas parti rejoindre ces lieux et ces gens, qu’il vienne nous en parler…
Il ne s'agirait pas de se voiler la face mais de montrer que ce monde n'est pas qu'un ramassis d'ordures.
Est-ce que ça ferait de nos enfants des "bisounours" ?
Ou des individus auxquels les adultes auraient su présenter deux voies bien distinctes. La possibilité d'un choix. Et non l'obligation de lutter dans un monde violent. Comme s'il n'y avait que cette possibilité.
On ne lutte pas contre le mal en exploitant les images qu'il génère.
On lui oppose le bien.
Le mal, on sait tous qu'il existe. Impossible de l'oublier. Mais quand une société, un peuple, une humanité finit par oublier que le bien existe en l'homme, on ne peut pas demander à nos enfants d'entrer dans la vie adulte avec confiance et sérénité...
Quelle force peut-on utiliser pour tenter de s’opposer à ce marasme médiatique, à ce formatage à la violence ?
La littérature ?...
C’est en tout cas une de mes motivations. Les images ne sont pas imposées à travers les mots, elles correspondent à l’imaginaire de chacun. Ce qui est insupportable ne jaillira pas comme dans le petit écran… Le lecteur a la liberté du choix. Il ne s’agit donc pas nécessairement de relater la vie des « bisounours » mais bien d’analyser en profondeur tous les fonctionnements, toutes les situations, tous les troubles ou le bien-être mais sans jamais succomber aux raccourcis mensongers. Personne ne peut accuser un tiers de l’avoir traumatisé en le forçant à lire une œuvre. Si c’est insupportable, il suffit de fermer l’ouvrage. On pourrait dire qu’il en est de même avec la télévision, il suffit de changer de chaîne… Non, en fait, parce que l’ensemble des médias fonctionne de la même façon et on court le risque de retomber sur quelque chose de tout aussi glauque. Le choix se rétrécit considérablement. Entre la violence et le sexe, il reste peu de place pour le reste. Même les publicités répondent à ces critères…
Pour la littérature jeunesse, il me semble que les auteurs ont une responsabilité certaine quant au regard qu’ils portent sur l’humanité. S’il s’agit pour eux de relater et de participer à cette vision parcellaire, sans l’analyser et prendre de la hauteur, tout cela m’apparaît comme un détournement malsain de ce que la littérature contient.
Sans pour autant viser la perfection du « Petit prince », il est nécessaire pour ma part d’œuvrer à l’élargissement des consciences et non à l’entretien des formatages. Les mouvements de masse ne sont pas nécessairement des élévations des esprits… La littérature dispose d’un moyen d’expression bien plus large que l’ensemble des médias. Faut-il encore que tous les acteurs de la filière acceptent de tenir ce rôle…Le problème des éditeurs engagés dans cette voie d’ouverture, c’est de subir eux aussi la mainmise des médias et la course à l’audimat. Les émissions « culturelles » se font le relais des succès qu’elles ont elles-mêmes générés.
Il est éminemment difficile pour un éditeur lambda d’y trouver une place.
C’est là qu’Internet peut constituer une alternative très puissante. Cette ouverture vers un lectorat sélectif est d’autant plus pertinente qu’elle réclame une recherche de la part des lecteurs. Le lecteur ne subit pas un matraquage médiatique. Il crée un réseau qui correspond réellement à ses attentes, à ses préférences, à ses objectifs. Internet peut par conséquent devenir un « contre pouvoir culturel ».
C’est pour cela que j’y participe.
La littérature a ce rôle à jouer mais elle est malheureusement cadenassée par les faiseurs d'argent...
Internet dispose encore, pour l'instant, d'une liberté et d'une ouverture d'esprit dont il faut user.
Finalement, ce blog porte en lui un projet. Partager ce travail de conscience et qu'il soit diffusé librement, autant que possible. Je n'y gagne rien, les éditeurs non plus, les hébergeurs des blogs en profitent un peu (enfin, je le leur souhaite).
Il y a depuis quelques temps un nombre assez stupéfiant de pages lues tous les mois. Si ces lectures ont un impact durable et qu'elles sont partagées, je me réjouis de penser que ce travail personnel dont les éditeurs ne veulent pas aura au moins trouvé un canal de diffusion bien plus puissant que les réseaux officiels de la littérature.
Internet comme vecteur d'un nouveau champ morphogénétique ?...
Je n'aime pas l'espoir. C'est le ferment des douleurs.
Il faut juste travailler et laisser les choses se faire. Quand on jette une pierre dans l'eau d'un lac, on ne peut pas présager de l'extension des ondes circulaires.
Commentaires
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- 1. Thierry Le 26/11/2012
Bonjour!
Merci pour votre commentaire:) Oui, je pense effectivement qu'on peut voir dans cette capacité "innée" des enfants une certaine causalité formative. On peut se demander dès lors s'il ne conviendrait pas de passer à un enseignement informatisé...Il est temps de laisser mourir la "vieille école"...Je vais voir de ce pas votre site. Au plaisir de vous lire. Thierry -
- 2. Denise Marie Le 26/11/2012
Quel site intéressant ! Personnellement j'ai entendu parler de Ruppert Sheldrake au seins de groupes spirituels appelés le plus souvent "sectes" par nos institutions. Autour de moi, les "scientifiques" les plus chevronnés ne le connaissent pas, comme la plupart des physiciens quantiques. La miviludes s'y entend pour leur régler leur compte, sans savoir le plus souvent de quoi elle parle. Aussi j'ai plaisir à vous communiquer mon blog : http://www.hautetfort.com/login.php
J'ai tout de même une question : la causalité formative ne serait-elle pas à l'oeuvre chez ces enfants qui manient l'informatique beaucoup plus facilement que les générations précédentes ?
Bien cordialement
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