Climat et apprentis sorciers.

Les apprentis sorciers du climat : le reportage choc d’Arte sur la géo-ingénierie

28 novembre 2015 / Catégories: ArticlesRédaction / Tags: ,Réclamations et signalements

Quand on entend parler de géo-ingénierie, c’est généralement autour de théories du complot qui postulent que des « méchants » répandraient anonymement du poison dans l’atmosphère à l’échelle mondiale… Il s’avère que si la géo-ingénierie est une discipline réelle et connue depuis la 2eme guerre mondiale, la réalité est plus pragmatique quant à son utilisation. Un reportage Arte fait le point sur ces pratiques qui risquent pourtant de s’imposer parmi les « solutions » contre le changement climatique.

La géo-ingénierie est la manipulation technologique et délibérée du climat terrestre, notamment pour contrecarrer les effets du réchauffement climatique. Testée depuis plus de 70 ans pour générer des pluies locales (agriculture) ou éclaircir le ciel lors d’opérations militaires, cette technologie revient en force, soutenue par d’étranges lobbies privés. Leur objectif, pulvériser des particules de soufre dans la haute atmosphère terrestre, s’inspirant de ce que font les volcans, afin de réfléchir les rayons du soleil et limiter le réchauffement climatique.

Depuis toujours, les décideurs se refusent officiellement à céder à cette option de facilité qui ferait le bonheur des multinationales de l’énergie. Il est même implicitement mal vu d’évoquer cette solution lors des grandes conférences pour le climat. Cependant, vont-ils résister bien longtemps face aux pressions des acteurs économiques surpuissants ? Quels sont les risques si la géo-ingénierie est adoptée à l’échelle globale ?

Dans le reportage « Les apprentis sorciers du climat » diffusé ce 24 novembre, Arte fait le point sur l’état de ces technologies capables de modifier le climat à l’échelle locale et désormais planétaire. Loin des clichés conspirationnistes, on y aborde les véritables enjeux de civilisation et cette scission très marquée entre ceux qui veulent perpétuer leur « business as usual » (industries, conservateurs, capitaux,..) et ceux qui aspirent à une nouvelle ère de raison (modes de vie, durabilité,..). Alors que la COP21 débute, la géo-ingénierie sera-t-elle sur la table des débats ? Que doit-on craindre ?

geoengineering-cartoonImage : Université de Stanford

La facilité pour perpétuer un système

Dans son enquête, Arte met le doigt sur un élément particulièrement intéressant. Aux États-Unis, ce sont les mouvements conservateurs, ceux qui nient la réalité du réchauffement climatique et se rangent aux côtés des multinationales du pétrole, qui soutiennent également le plus la géo-ingénierie. Comment peuvent-ils soutenir une solution à un problème qui n’existe pas, selon eux ? C’est un élément troublant qu’il convient de comprendre.

En pratique, deux grandes solutions face au changement climatique s’affrontent. Le plan A réside dans la décision collective, politique et citoyenne de changer de mode de production et de consommation (transition durable). C’est ce que tentent de faire sans succès les décideurs des grandes conférences internationales pour le climat. Le second plan, refusé jusqu’ici par les décideurs, mais encouragé par de puissants lobbies économiques, est la géo-ingénierie. Et pour cause, cette solution de facilité marquerait le triomphe des solutions industrielles, laissant par la même occasion la possibilité à l’ère pétrolière de perdurer de nombreux siècles. Par ailleurs, la géo-ingénierie, présentée comme miraculeuse, détruirait toute volonté de changer les modes de vie et de développer des alternatives durables, perpétuant la société de consommation comme nous la connaissons.

Mais la solution est-elle si « miraculeuse » ? Selon plusieurs experts, de nombreux risques existent : la météo locale serait notamment perturbée partout à travers le monde. On enregistrait des augmentations de pluies par certains endroits face à des désertifications ailleurs. Dans l’éventualité où chaque pays déciderait seul d’utiliser cette technologie pour protéger sa population du réchauffement, les conséquences climatiques sur les autres pays seraient désastreuses. La technique utilisée de manière incontrôlée peut, en effet, déstabiliser l’agriculture, donc l’accès à l’alimentation, et forcément engendrer des conflits.

CST2NkAWsAAFcL3Source : Iees Paris

La géo-ingénierie : l’huile sur le feu

Si nos gouvernements cèdent aux pressions des intérêts économiques, l’application de la géo-ingénierie à l’échelle planétaire amorcera un mécanisme sans fin de régulation du climat. En effet, pulvériser des particules dans l’atmosphère, créant un bouclier de réflexion, ne résout pas le problème du réchauffement, il le contourne. Une manière de s’attaquer à la conséquence pour perpétuer les causes. Deux phénomènes vont alors s’additionner : le réchauffement d’un côté, et la tentative chimique de refroidissement. Ceci engendrera des effets pervers inévitables dont nous pourrions un jour perdre le contrôle, risquant de précipiter la fin de la civilisation.

En effet, si le choix de la géo-ingénierie est adopté pour sauver l’ère carbone et la croissance fulgurante de l’économie mondiale, l’Homme s’engagera probablement à bruler jusqu’à la dernière goutte de pétrole, perpétuant de nombreuses conséquences environnementales, bercé par l’illusion que le changement climatique n’est plus un problème. Dans le même temps, durant des siècles et des siècles, l’humanité devra pulvériser de plus en plus de particules dans l’atmosphère pour contrer les effets du réchauffement toujours plus important. Un soucis majeur se pose : si, pour une raison quelconque (crise, guerre, politique, idiocratie,…), l’humanité cesse soudainement de pulvériser ces particules, le réchauffement sera brutal et immédiat, ne laissant plus aucune chance aux espèces de s’adapter.

À n’en pas douter, les yeux du monde seront rivés sur la COP21. La géo-ingénierie va-t-elle être présentée comme solution miracle ? Ou, au contraire, va-t-on lui faire résistance ? Veut-on sauver le climat ? Ou la croissance ?

 

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