Comme une forêt noire.
- Par Thierry LEDRU
- Le 19/09/2012
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L'éducation a pour tâche essentielle la formation de la personnalité et cette formation porte sur les attitudes fondamentales de l'homme en face du monde et de lui-même. Il ne s'agit pas de connaissances intellectuelles ou de mémoire mais de choix de valeurs morales au coeur de la spiritualité. Non pas une morale citoyenne au service d'une nation mais des valeurs humanitaires, universelles. Cette spiritualité n'a rien à voir avec la religion. La religion sert de ciment social, elle est totalement dévoyée à une intention cachée, la soumission des esprits dans le même conditionnement que celui du matérialisme. La spiritualité est le ferment de l'homme libre et sert la vie.
Il ne s'agit donc pas d'accumuler des connaissances dans le cadre restreint d'une éducation formatée mais d'accéder à l'observation de soi dans les apprentissages de ces connaissances. Lorsque j'apprends les divisions à mes élèves, je les renvoie constamment à l'observation des phénomènes internes, la peur, l'inquiétude, un trop plein de confiance ou de mésestime, l'attention, la calme, la gestion des émotions, l'observation des pensées parasites. L'acquisition d'une technique cognitive ne peut être envisagée qu'avec ce travail spirituel. C'est ce que certains spiritualistes appellent la pleine conscience.
La connaissance est donc un moyen de parvenir à la compréhension de soi. Et c'est lorsqu'on présente l'enseignement de cette façon aux enfants, qu'on leur montre que l'objectif prioritaire, c'est eux, leur propre maîtrise, cette exploration constante et approfondie du monde intérieur, c'est là que tout devient possible et que les blocages se libèrent.
"Qui est responsable de la détresse en nous ? Qui est responsable de la joie ? Ce ne sont pas les évènements mais l’interprétation que nous en faisons. Mais quand je dis que nous sommes responsables, il ne s’agit pas de se culpabiliser. C’est inutile, malsain et c’est même le meilleur moyen, encore une fois, de ne pas apprendre à comprendre.
-Apprendre à comprendre ?
-C’est la différence entre la connaissance et la compréhension. Prenez une forêt noire, le gâteau. Si vous croquez uniquement les paillettes de chocolat qui le recouvrent, vous optez pour la connaissance. La compréhension, c’est tout ce qui est caché par la connaissance. Il s’agit d’observer ce qui se passe en soi lorsqu’on accède à la connaissance. C’est là qu’on apprend l’indulgence, la patience, la lucidité, la vigilance, le calme, la gestion des émotions et un jour, lorsque le gâteau a été mangé, la sérénité survient. Le gâteau de toute une vie.
-Et la cerise, c’est quoi ? lança-t-il joyeusement.
-La mort bien sûr.
-Pas une mort prématurée mais celle qui vient lorsque le gâteau est fini. Que voudriez-vous faire de plus ?
-En profiter !
-C’est le chemin qui importe, c’est là qu’il s’agit de profiter, d’être impliqué à en saisir l’essentiel, sans être obnubilé par l’objectif. Quand vous mangez un gâteau, vous ne vous dépêchez pas de le finir, vous le savourez, ça n’est pas votre assiette vide qui vous réjouit. Faites-en autant sur le chemin. La mort, en fin de vie, est un cadeau puisque tout au long de votre existence, elle a inséré en vous le désir de vous repaître de la vie. »
Un rire bref, le visage réjoui. Ce bonheur de l’écouter.
« Et que va m’apporter cette mort alors ?
-Je n’en sais rien et je ne croirai jamais celui qui dirait le savoir. C’est un inconnu total. Et tant mieux. Puisque cela nous renvoie encore une fois à cette vie que nous pouvons apprendre à connaître. La seule chose que la mort m’apporte, c’est de savoir qu’elle surviendra et que je dois donc manger le gâteau avant qu’on m’enlève l’assiette ! »
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