Coronavirus : Le système bancaire

Il est clair que les banques mondiales sont entrées dans une tourmente de grande ampleur et qu'il va être compliqué d'anticiper la suite pour le citoyen lambda. Nous ne serons pas informés a priori des difficultés qu'elles vont connaître. Les banques centrales affirment qu'elles soutiendront les banques car elles savent que la faillite de l'une d'entre elles aurait un effet systémique redoutable.
Affaire à suivre de près, autant que possible...En sachant que nous serons les derniers informés...

 

Krach : "Les banques françaises sont sous la menace de la faillite d'une grande banque européenne"

 

Propos recueillis par Etienne Campion

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Au lendemain de la chute des marchés financiers de ce lundi 9 mars, l'économiste David Cayla analyse ses retombées, notamment pour les banques françaises. Il décrit un enchevêtrement d'intérêts financiers réciproques dans un monde bancaire en proie à un risque systémique.

David Cayla est enseignant-chercheur à l’université d’Angers et membre du collectif des Économistes atterrés. Il est l’auteur de plusieurs livres, dont L’économie du réel, paru en juin dernier (De Boeck Supérieur, 2018), et de 10 +1 questions sur l'Union européenne (Michalon, 2020).

Marianne : Après le "Black Monday" de ce lundi à la Bourse, dans quel état sont les marchés financiers, et y a-t-il un risque plus spécifique pour les banques françaises ?

David Cayla : Plusieurs évènements n'avaient pas été anticipés par la Bourse, dont l'effondrement des cours pétroliers et l'aggravation importante du coronavirus aux Etats-Unis. Tout cela est arrivé pendant le week-end, quand les marchés étaient fermés. Dès lors, ce lundi, nous avons assisté à une forte chute sur tous les marchés boursiers du monde.

Les banques sont en général durement frappées par ce genre d'événement, pour plusieurs raisons. La crise du coronavirus touche beaucoup de secteurs économiques, comme l'industrie, les voyages, le tourisme… Et les banques se situent en bout de chaîne : avec la baisse du chiffre d'affaire des entreprises, celles-ci peuvent subir des pertes. Certaines peuvent donc faire faillite, ce qui engendrera de nouvelles pertes chez les banques, à cause des crédits non remboursés. Il est donc naturel pour les banques d'être touchées a posteriori dans le bilan bancaire. Par ailleurs, les banques européennes sont déjà dans des situations difficiles à causes des taux d'intérêts faibles et du quantitative easing qui a été mis en œuvre à la suite de la crise de 2008. Leurs marges sont donc faibles, davantage qu'aux Etats-Unis, notamment. Enfin, les banques sont aussi des acteurs financiers et subissent de ce fait des pertes comme tous les investisseurs sur les marchés financiers. Elles sont donc triplement fragilisées.

Depuis quelques années, la Deutsche Bank a encaissé beaucoup de pertes, c'est la grande banque malade de l'Europe

Avons-nous affaire à un risque systémique ?

Le risque systémique est, par définition, toujours là. Si une grande banque fait faillite, il peut y avoir une faillite en chaîne de tout le secteur bancaire. Se pose alors le problème lié au fait que lorsque le secteur bancaire est en danger, les banques cessent de prêter (le "credit crunch"), ce qui bloque l'ensemble de l'économie.

Cette situation est envisageable car les banques européennes sont très fragiles : depuis quelques années, la Deutsche Bank a encaissé beaucoup de pertes, c'est la grande banque de l'Europe. Elle allait un peu mieux ces derniers mois, mais à partir du moment où elle a fait quasiment 5 milliards de pertes en 2019 – ce qui est énorme –, et si elle devait subir à nouveau de fortes pertes, elle serait susceptible d’entraîner une crise systémique. Ce n’est qu’un exemple. Il existe de nombreuses autres banques systémiques en Europe, en particulier en Italie, qui est très touchée par la crise du coronavirus.

Les banques françaises sont sous la menace de la faillite d'une grande banque européenne. L'Italie et l'Allemagne sont vulnérables. La première en raison de l’épidémie et à cause de sa faible croissance structurelle, la seconde car son industrie est très vulnérable à la conjoncture mondiale, parce que le secteur automobile est actuellement très fragile. En effet, le coronavirus crée des problèmes dans la chaine d'approvisionnement, dans l'industrie, qui touche davantage les économies très ouvertes et exportatrices, comme l'Allemagne. Cette crise intervient donc à un mauvais moment pour l’économie européenne.

A quelle échéance ?

La crise peut toucher le secteur bancaire à moyen et long terme. Pour l'instant il est difficile de juger, les banques seront soutenues par la Banque centrale européenne. Mais il faut bien avoir à l'esprit que dans ce genre de situation, les pertes se révèlent a posteriori. Il a fallu presque un an et demi entre la crise des subprimes et le moment où Lehmann Brothers a fait faillite en septembre 2008. Le risque de pertes bancaires n’apparaîtra sans doute pas dans l’immédiat et il faudra surveiller la santé des établissements, comme le fait la BCE qui supervise directement les grandes banques européennes.

Comment analysez-vous le fait que la BPI ait récemment annoncé vouloir acheter des actions des entreprises du CAC 40 ?

La BPI a été conçue par François Hollande pour financer l'économie réelle et faire ce que les autres banques ne font pas. Il est très surprenant de la part de son directeur Nicolas Dufourcq de vouloir monter un fonds financier pour acheter des actions du CAC 40. S'il y a des entreprises qui n'ont pas besoin de trouver des sources de financement, ce sont bien les entreprises du CAC 40. D'autant que deux milliards de ce fonds (sur les 10 milliards qui sont envisagés) proviendraient directement de la BPI, et seraient donc de l'argent public (voir l’enquête de Mediapart à ce sujet). On ne peut demander à une banque publique de participer à la spéculation boursière en se donnant pour mission de relever les cours boursiers. Il existe d'autres moyens pour empêcher le rachat d'entreprises stratégiques : le décret Montebourg, ou plus simplement la nationalisation. Utiliser la BPI pour valoriser la valeur actionnariale des entreprises du CAC 40 est un dévoiement complet de son action !"

 

 

La Banque publique d’investissement va éponger les pertes du CAC 40

4 Mars 2020, 18:47pm

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Publié par La Cgt70

La Banque publique d’investissement fait naufrage. Créée pour soutenir les projets d’investissement de long terme, elle va mobiliser de l’argent public pour voler au secours des groupes du CAC 40 dont les cours boursiers ont baissé.

C'est un bien étrange capitalisme que celui défendu par Emmanuel Macron. Un capitalisme où à tous les coups l’on gagne, en tout cas si l’on est dans le camp des milliardaires ou des actionnaires. Si la Bourse s’envole, c’est le jackpot ! Car les groupes du CAC 40 servent à leurs actionnaires des dividendes qui, année après année, ne cessent de s’envoler et qui, avec la « flat tax » inventée par le chef de l’État, sont désormais très peu imposés. Et si la Bourse baisse, c’est encore le jackpot. Pour une raison qui est toute nouvelle et renversante : la Banque publique d’investissement (BPI France) a décidé de voler à partir de la fin du mois d’avril au secours de ces mêmes groupes du CAC quand leurs cours boursiers baisseront.

Pour comprendre ce que cette idée a de choquant, il faut se souvenir de l’ambition qui a présidé à la naissance de BPI France. C’était l’une des idées défendues par François Hollande avant l’élection présidentielle de 2012 qui avait du sens, et qui ne cédait pas à la doxa néolibérale. Elle partait du constat que la finance avait dérivé au fil de ces dernières décennies vers les activités spéculatives et qu’il était urgent, à défaut de renationaliser le crédit, de créer au moins une banque publique qui finance les projets de long terme, ayant une utilité stratégique pour le pays ou pour préparer l’avenir.

En créant la BPI, l’État pouvait donc reprendre la main et afficher des ambitions industrielles de long terme, en des temps où l’industrie est si malmenée par les marchés.

Las ! Quand Nicolas Dufourcq prend la tête de BPI France en 2013, la banque, contrôlée à 50 % par l’État et à 50 % par la CDC, va progressivement se transmuter en un établissement bancaire quasi banal et progressivement délaisser ce qui semblait devoir être ses missions d’intérêt public. Question de tempérament : le patron de la banque publique a dans le passé accompagné la première filiale internet de France Télécom, dénommée Wanadoo, vers la Bourse, en réalisant donc la privatisation d’un actif public. Il est de ce point de vue très semblable à Emmanuel Macron : avec lui, c’est le privé qui fait la loi.

Les deux hommes sont d’ailleurs très proches. 

Cette proximité entre Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires, et Nicolas Dufourq, qui a piloté la privatisation de la filiale stratégique de France Télécom, est importante à connaître, car si elle n’avait jamais existé, jamais le patron de la banque prétendument publique n’aurait osé cette transgression consistant à voler au secours du CAC 40. Car il y a quelque chose de très macronien dans cette transgression.

Ainsi, le patron de BPI France court depuis quelques jours micros et caméras pour annoncer la bonne nouvelle aux patrons du CAC 40 : la banque publique se met à leur service si d’aventure leur cours de Bourse chute, et mobilisera à cet effet beaucoup d’argent, dont de l’argent public.

Nicolas Dufourcq a ainsi expliqué que BPI France allait créer un fonds dénommé Lac d’argent qui serait doté de 4 milliards d’euros pour démarrer fin avril et qui mobiliserait ultérieurement jusqu’à 10 milliards d’euros, le tout devant servir à prémunir les groupes du CAC 40 contre la volatilité des marchés. Le patron de la banque n’a pas voulu donner les noms des premiers bénéficiaires de ces largesses.

Le même Nicolas Dufourcq a indiqué que sur les 10 milliards d’euros, 8 milliards seraient apportés par des investisseurs privés, dont 1 milliard apporté par le fonds souverain d’Abu Dhabi, tandis que les 2 milliards complémentaires seront apportés par la BPI. Autrement dit, il s’agira d’argent public. « Pour réunir 10 milliards, on n’a pas le choix, a expliqué le directeur de la BPI. Il faut aller chercher des fonds à l’étranger, auprès des fonds asiatiques, du Golfe, des fonds de pension canadiens et américains, car en France nous n’avons pas de fonds de pension, et les assureurs sont limités par les règles européennes Solvabilité II. » 

Pour autant, le but d’une banque publique d’investissement ne peut pas être de soutenir des cours boursiers mais des projets d’investissement. Que les cours des groupes du CAC 40 décrochent lors d’une correction boursière, cela fait partie du risque, de la nature même du capitalisme. »

La BPI met à disposition sa structure publique, et de l’argent public, pour protéger les milliardaires du CAC 40 d’une possible instabilité boursière.

Un argument est même utilisé, qui laisse pantois : selon les promoteurs du projet, son but pourrait être aussi de protéger ces groupes du CAC 40 d’OPA toujours possibles, quand les cours chutent.

Mais la mauvaise foi saute aux yeux, car, si c’était vrai, il faudrait sur-le-champ suspendre la valse des privatisations, qui a précisément conduit à ce que des joyaux de l’industrie française soient croqués sur un coup de bourse, à la manière de Péchiney.

Non ! La vérité est plus sombre que cela : la BPI s’est transmutée en une sorte de banque d’affaires et ne défend plus l’intérêt général mais les appétits privés.

Pour faire bref, elle est devenue l’assureur du CAC 40, dans une sorte de Monopoly scandaleux où les citoyens sont les éternels payeurs et les groupes du CAC 40 les grands gagnants.

 

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