Conscience suprême
- Par Thierry LEDRU
- Le 04/09/2020
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Voilà, jeté en vrac, ce à quoi je m'attelle depuis quelques temps : la conscience suprême. Je viens décrire ça d'un trait et je le publie sans le retoucher. C'est volontaire même si c'est désordonné. C'est un moyen pour voir comment tout cela va évoluer et de pouvoir revenir au point initial dans quelques temps.
L'acte ne contient en lui-même ni la réussite ni son échec.
L'acte n'existe qu'en fonction de celui ou celle qui l'accomplit mais l'individu qui l'accomplit, bien qu'il soit « existant » n'est pas pour autant « présent ».
C'est la qualité de présence qui déterminera la réussite ou l'échec mais cette qualité de présence n'existe pas non plus en tant que telle.
La qualité de présence dépend de l'extension de la conscience.
L'acte est une extension de la conscience dans l'instant présent.
Je pourrais masser Nathalie sans la masser en fait. Sans la conscience de l'acte, il s'agirait de gestes techniques mais ils ne porteraient rien. Au fil des années, (8 ans maintenant) au rythme d'un ou deux massages d'une heure par semaine, nous avons développé une conscience profonde de l'acte.
Il ne s'agit pas simplement d'une « concentration » car la concentration implique un effort.
Il ne s'agit pas davantage de « l'attention » car l'attention se porte sur l'environnement.
L'attention concerne ce qui nous environne : « Fais attention avant de traverser la rue. » L'individu n'est pas en lui-même mais en lien avec l'extérieur.
La concentration exclut l'environnement pour plonger l'individu au cœur du problème qui le concerne à l'instant T.
Néanmoins, on se concentre sur un réseau de pensées destinées à résoudre ce problème. « Concentre-toi si tu veux trouver la solution. »
Ce réseau de pensées ou cette arborescence est incompatible avec l'état de pleine conscience car il induit une tension, une pression, une intention, un objectif et par conséquent la peur de ne pas y parvenir.
La présence est un état de plénitude et cet état annihile toute tension. C'est en tout cas ce qu'il faut chercher à atteindre pour s'élever au-dessus de la concentration.
Quel est l'élément ou le paramètre indispensable pour atteindre cet état de plénitude et cette pleine conscience ? Comment s'extraire de l'enchevêtrement des pensées et des tensions qu'elles génèrent ?
Nous ne possédons pas d'interrupteur permettant de couper le flux des pensées.
Il s'agit donc de suivre une procédure, un protocole, un cheminement.
Une seule balise sera utile : l'amour.
L'amour pour l'être aimé mais également l'amour pour l'acte.
Il s'agit d'aimer, intégralement. Cet amour n'a pas besoin d'être porté par un objectif, une intention. Il contient en lui-même tout ce qu'il y a de plus beau. Il est au-delà de l'objectif car l'objectif est une notion temporelle qui concerne l'avenir et par conséquent le retour des pensées et de la peur alors que l'amour est intemporel.
L’objectif est une donnée du mental et le mental n’est pas une entité capable d’être « présent ». Il est systématiquement accroché au passé ou projeté dans le futur. Il n’existe qu’en dehors de l’instant.
L’amour, pour sa part, est là, maintenant. Il n'a pas besoin du temps pour exister. Et l’amour réel n’a pas d’objectif puisqu’il n’émane pas du mental. Tout objectif qui viendrait s’ajouter à l’amour priverait l’individu de cet amour. Si je massais Nathalie avec l’objectif constant de lui faire du bien, je ne serais plus dans l’instant et par conséquent, mes gestes ne seraient plus que des gestes techniques emplis de la peur de ne pas être efficaces.
Il en est de même dans la sexualité.
Il en est de même dans la marche en montagne.
De même en vélo. Dans le bricolage, dans le jardinage, dans la création artistique.
Tout cela semble impossible étant donné que l’acte prend forme avec un objectif. Quand je jardine, c’est pour que les plantes croissent. Quand je bricole, c’est pour parvenir à réparer ou à améliorer, je sais ce que je vise.
Oui, bien entendu.
Mais une fois que cet objectif est identifié, ce qui importe, ce qui est primordial, c’est de revenir à l’instant et d’aimer cet instant et ce qu’il propose.
On sait dans le cadre de la sexualité combien les pensées temporelles, du passé à l’avenir, contiennent de barrières à l’extension du plaisir. Il n’y a que l’instant présent qui puisse nourrir ce plaisir. Tout le reste relève du parasitage. C’est là que la pleine conscience relève de l’absolue nécessité. Tout ce que nous accomplissons ne peut être intégralement réalisé que dans la réalité de l'instant. Dès lors que le mental prend le contrôle, nous ne sommes plus dans l'instant et nous ne sommes donc plus dans l'amour.
« J’aime ma région. J’aime ma maison. J’aime mon chien. J’aime ma femme. »
Il est assez navrant de voir que notre langue n’a pas su différencier les états amoureux.
L’amour peut-il être sans « objet » ? Sans personne identifiée ? Peut-on simplement aimer ?
Mais aimer quoi ? Dirait-on.
Rien, justement.
Ou alors, il s’agirait d’aimer la vie en soi, c’est à dire que pour une fois, cet amour ne serait pas projeté en dehors mais s’étendrait en soi. Il ne s’agit pas de s’aimer soi mais d’aimer ce qui est en soi : la vie.
C’est là encore qu’intervient la pleine conscience. Comment « matérialiser » la vie en soi ? On pourrait se concentrer sur les battements cardiaques mais le cœur, aussi indispensable soit-il, ne suffit pas à la vie en soi. Rien de ce qui est en nous ne fonctionne sans le reste.
Rien de ce qui vit ne fonctionne sans l’énergie qui l’anime.
Mais nous ne possédons pas d’image précise de cette énergie.
Il n’y a rien de vraiment identifiable dans cet amour.
C’est un amour sans image.
C’est celui que j’aime.
De nombreuses fois, en tentant d’explorer cette dimension sans image connue, des flots d’images me sont venues. Et toujours l’infinie diversité de la création m’emportait dans une dimension inconnue.
C’est peut-être ça qu’on appelle « les états de conscience modifiée ».
Mais on pourrait penser également que dans notre état « normal », nous sommes dans un état de conscience modifiée, un état primaire que nous aurions dû quitter depuis bien longtemps. Est-ce « normal » d’être dans cet état « normal » quand on sait qu’il existe une dimension supérieure, extatique, suprême. Pourquoi nous sommes-nous habitués à la platitude quand nous pourrions vivre dans un état de plénitude ?
Que cherchent les gens qui pratiquent des sports extrêmes ? Que cherchent les gens qui se droguent ? Que cherchent les artistes au cœur de leurs créations ?
N’y a-t-il pas le goût perdu de cette conscience suprême qui coule en eux ?
Je me suis longtemps interrogé sur mes périodes mélancoliques. D’où venait cet état qui ne me ressemblait pas ?
Je suis convaincu que nous portons tous une nostalgie de la conscience suprême. Que cette conscience suprême est le lien qui unit toute la création.
L'humanité, dans son écrasante majorité, a perdu ce lien.
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