Dans dix mille ans.
- Par Thierry LEDRU
- Le 28/03/2012
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"Le plus grand bonheur de l'homme qui réfléchit, c'est, après avoir cherché à comprendre ce qui peut être compris, d'adorer ce qui est incompréhensible. "
Goethe
"L'homme ne doit jamais cesser de croire que l'incompréhensible peut se comprendre, sans cela il renoncerait aux recherches. "
Goethe
Au regard des drames incessants générés par l'espèce humaine, il m'est impossible d'adorer l'incompréhension qui en résulte.
Pour avoir lu quelque peu Goethe, je sais qu'il s'agissait chez lui de l'intuition créatrice. Je ne suis pas celui qui crée mais celui qui perçoit "ce qui crée en moi". Le domaine de l'ineffable contenu dans l'âme ou l'esprit ou toute autre entité inexplorée par la raison.
Une distinction dès lors entre l'incompréhension perçue par le mental et celle qui concerne la dimension spirituelle de l'individu.
Il est donc question de chercher à comprendre les fonctionnements de l'humain et par conséquent ses dysfonctionnements, sans pour autant exclure ou ignorer dans cette quête rationnelle, l'inexpliqué, l'irrationnel, l'incompréhensible. Non, parce que cet espace restera inaccessible mais parce qu'il s'agit d'user d'une autre méthode.
"La grandeur de l'homme, c'est qu'il est un pont et non une fin. "
Nietzsche
Le piège du rationnel déploie ses entraves lorsque l'homme finit par être persuadé que la dimension rationnelle, scientifique, sociale, cognitive, expérimentale suffit à dresser un état des lieux.
Nous sommes d'un lieu dont nous n'avons pas la carte. Et de tirer quelques traits sur l’ineffable ne dessine pas l'Univers.
Il restera inévitablement pour moi une question essentielle :
La présence de l'espèce humaine répond-elle à une finalité?
Y-a-t-il dans cette Création une intention insaisissable ?
Si c'est non, alors il ne reste qu'à tenter de gérer au mieux ou au moins pire, les aléas du hasard, nourri par les egos tourmentés.
Développer les connaissances, expliquer les comment, cartographier le visible, panser les plaies des pensées déplaisantes, rectifier les choix après en avoir subi les conséquences. Les occasions ne manquent pas. Chaque lever de soleil dévoile les effets nocifs des egos intoxiqués.
Si c'est oui, alors il reste à accepter l'idée que nous sommes un pont. Non pas une multitude de ponts identifiés à des egos individualisés mais "UN" pont vers une dimension inconnue.
Le concept déifié est suranné. Il a depuis longtemps montré les déviances qu'il génère. L'humain ne peut pas être un pont bâti avec du béton armé. Les citadelles ont des portes closes. S'il ne s'agit que d'un pont levis cloisonnant les enceintes, rien n'est possible. Et les Dieux anciens ne sont que des seigneurs armés.
L'intention ne se lit pas dans les Textes sacrés dès lors que leurs interprétations sont des sacrements honorant les egos, les scissions, les barrières, les contrôles identitaires à l'entrée des ponts levis.
Où se cache l'intention ?
"L'Univers est une vaste pensée. En chaque particule, chaque atome, chaque molécule, chaque cellule de matière, vit et œuvre, à l'insu de tous, une omniprésence. "
Jean Guitton.
La Nature se pense et nous en sommes ses excroissances. Nulle entité à l'image de l'homme, nul Dieu dispensant des paroles, nul prophète annonçant des paradis. Tout est ici. « Le labeur des brins d'herbe n'a pas moins d'importance que le tournoiement des étoiles » écrivait Walt Whitman, le chant de la mésange a des intonations liturgiques, le frissonnement des arbres dans la brise est une messe à entendre. Quand on ferme les portes des églises, on ne voit plus le ciel, ni les montagnes, ni les nuages, et quand on chante des louanges, on n'entend plus les mésanges.
Les temples sont des autels à sacrifices. Des arrachements d'âmes et des congélations de cœur.
Tout est déjà là. Il n'y avait rien à bâtir, rien à écrire, rien à inventer. Nous n'avions qu'à jouir du présent et nous nous sommes acharnés à l'envelopper de papiers décoratifs jusqu'à en oublier le trésor. Et chaque parcelle de l'humanité se bat pour imposer ses propres enluminures.
Je n'attends rien de la science. Ni de la physique quantique ni du reste. A moins que les explorateurs s’abstiennent enfin de planter un drapeau au sommet de leurs connaissances.
Comme un étendard à la pointe de leur donjon.
Toujours des citadelles et des seigneurs armés entretenant des contingents d’adorateurs.
La poésie a un avantage incontournable. Elle ne cherche pas à expliquer, elle sait déjà et se plaît à aimer, simplement.
C’est sans doute ce que Goethe voulait exprimer dans cette idée de « l’incompréhensible. »
Cet amour-là existera-t-il dans dix mille ans ? Cet amour de la Terre et de l’espace intérieur dont elle est le reflet.
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