"Donoma", le jour se lève
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/11/2011
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OUEST FRANCE.
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Pour montrer le film, le réalisateur et les acteurs ont embarqué à bord d'un bus. Ils parcourent la France de salle indépendante en salle indépendante : c'est le Donoma guérilla tour.
Joël Riflet
Donoma, c'est le film événement à 150 €.
Le Quimpérois Pierre-Emmanuel Le Goff a participé à cette aventure hors-norme.
En ces temps de crise, voilà de quoi regonfler les voiles. Un vent frais venu de nulle part. Ce remontant lumineux, c'est l'aventure du film Donoma réalisé avec... 150 € ! L'événement fait le buzz. Les critiques de la presse sont dithyrambiques. Et pour cause, c'est une sacrée claque flanquée à l'industrie du cinéma et au monde de l'argent roi.
Donoma a été réalisé par un jeune réalisateur autodidacte fauché, Djinn Carrénard, né en Haïti. Pour trouver des comédiens, il a fait appel à ses amis. Ils ont joué gratuitement, répété dans un squat à Paris. « Chacun se pointait avec son casse-croûte, se déplaçait en transports en commun », raconte Djinn. Le matériel a été prêté. Une seule caméra, des micros-cravates... et roule ! « Les seuls effets spéciaux sont dans les dialogues », rigole le jeune homme.
« Film à deux balles »
Le Quimpérois Pierre-Emmanuel Le Goff a participé au projet. Avec sa société Commune image média, il est un des co-distributeurs. « Il y a deux ans, j'ai produit un court-métrage, Alice au pays s'émerveille. » Un film « à deux balles », déjà, avec... Emir Kusturica ! Pour trouver des financements, Pierre-Emmanuel et son acolyte, Cyril Cadars, se sont mis nus dans une vidéo, puis ont lancé cet appel sur Internet : « Habillez-nous ! » Résultat ? 42 659 € de souscriptions. « Djinn a vu ça. Et s'est senti conforté pour mener son projet. »
Attaché autant à une éthique économique qu'à proposer une esthétique nouvelle, le jeune réalisateur a eu un coup de génie : faire de Donoma un film participatif. « Le montage a évolué en fonction des retours des spectateurs lors des projections. Les dernières touches ont été apportées juste avant la sortie le 23 novembre. »
Luc Besson voulait le distribuer
Restait à montrer cet ovni cinématographique. Là encore, c'est le système D... comme Donoma. Il est projeté dans des salles indépendantes, des universités, voyage dans des festivals, en France, Grèce, Canada, Corée... Vu son succès, des mastodontes, dont Luc Besson, ont proposé de le distribuer, « mais ils voulaient imposer un autre montage ». Djinn a refusé. « Il s'inscrit dans la ligne du cinéma guérilla (avec les réalisateurs indépendants Spike Lee, Jim Jarmusch, Melvin Van Peebles...), lâche Pierre-Emmanuel Le Goff. Un cinéma de l'énergie, qui refuse les processus classiques de financement, avec le risque de voir son projet récupéré et la nécessité de faire partie d'un sérail. » Donoma délivre un message nouveau : « Avec de la solidarité, de l'énergie, on arrive à soulever des montagnes. »
Pour se faire connaître sans prendre les chemins habituels, l'équipe fait de la « promotion virale », ou comment prendre le système à son propre piège. Ils utilisent tous les recours du Web. Une communauté de 5 000 fans relaie le film sur Facebook. Un site Internet permet de faire des dons.
David contre Goliath
L'équipe a aussi embarqué les acteurs dans un bus et lancé le Donoma guérilla tour. Ils prennent les villes d'assaut, à la façon des Blues Brothers, avec mégaphone et distribution de flyers. Ils enchaînent les interviews (leurs messageries sont saturées). Ils investissent les salles en organisant concerts et ventes de Tee-shirt avant et après les projections. « Les exploitants n'ont jamais vu ça. On fait le grand écart entre les nouvelles technologies et les origines du cinéma, quand c'était un spectacle sous chapiteau qui débarquait dans les villes. »
Ça ne suffit pas. Alors que Donoma est classé dans les cinq premiers films par la presse et les spectateurs, peu de salles acceptent encore de le distribuer. Deux seulement à Paris ! « C'est David contre Goliath. » Parions qu'ils vont gagner. Ah oui, au fait, Donoma, en sioux, veut dire « le jour se lève ». Il y a des aubes éclairantes, qui redonnent confiance en l'avenir.
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