Einstein et le végétarisme
- Par Thierry LEDRU
- Le 02/03/2019
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Pourquoi Einstein était relativement végétarien
POURQUOI EINSTEIN ÉTAIT RELATIVEMENT VÉGÉTARIEN
Avec ses cheveux indisciplinés et ses yeux pétillants, le physicien théoricien, l’auteur de l’équation la plus célèbre du monde – E=mc2 – est devenu l’archétype des savants fous mais géniaux et des professeurs excentriques du monde entier.
Si l’on considère le génie d’Einstein, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur l’origine du génie. Beaucoup de végétariens soulignent son régime alimentaire, en affirmant que le savant allemand était un des leurs. Après tout, si l’on est ce que l’on mange, et si Einstein était un génie, vous voudriez un peu de ce qu’il a eu, n’est-ce pas ? En fait, la relation d’Einstein avec la nourriture était assez compliquée, influencée à la fois par sa vie personnelle – il se déplaça entre divers pays avant de s’établir finalement aux États-Unis en 1933 – et par les forces politiques et sociales en jeu en Europe au cours des années 20-30.
Le végétarisme, la pratique de s’abstenir de manger toute forme de viande, remonte au moins aux Grecs antiques, et probablement jusqu’au VIIème siècle avant Jésus-Christ. Le grand mathématicien Pythagore est censé avoir été végétarien (peut-être même avoir été membre d’une école végétarienne), et la partie finale des Métamorphoses d’Ovide, une plaidoirie passionnée pour que l’humanité se transforme en une meilleure race, respectueuse de la vie des gens et des animaux, est donnée par le personnage de Pythagore.
C’est une thèse à laquelle on pourrait imaginer qu’Einstein, un pacifiste en paroles, adhèrerait. Dans une lettre datée du 27 décembre 1930, il a exposé sa propre vue de cette philosophie et de ce qui l’attirait : « Bien que des circonstances extérieures m’aient empêché d’observer strictement un régime végétarien, j’adhère depuis longtemps à cette cause par principe. Outre le fait que je suis d’accord avec les buts du végétarisme pour des raisons esthétiques et morales, j’estime que le mode de vie végétarien, par son effet purement physique sur le tempérament humain, aurait une influence des plus bénéfiques pour le sort de l’humanité ».
Cependant pendant les années 20 et 30, Einstein n’était pas en position de choisir soigneusement son régime. En 1917, on lui avait diagnostiqué une grave maladie de l’estomac – pas aidée par les pénuries alimentaires de cette période-là – qui se reproduisit à nouveau tout au cours de sa vie. Un docteur lui ordonna alors un régime de quatre semaines de riz, pâtes macaroni et pain zwieback, le pain croustillant sucré cuit deux fois que l’on mange dans toute l’Europe septentrionale et centrale. Einstein, qui était né à Ulm, en Allemagne, en 1879, vivait alors en Suisse. Son père avait déménagé toute la famille au milieu des années 1890, et c’est à Zurich qu’Einstein se stabilisa formellement dans ses études et commença à développer ses théories novatrices.
Bien que son cœur fût toujours enclin au végétarisme, il mangeait de la viande, et les saucisses avec la soupe de lentilles étaient un de ses plats favoris. Une histoire raconte qu’Einstein, retournant d’un café voisin à son laboratoire, décida d’acheter du foie de veau pour que la femme de son collègue n’ait pas besoin d’aller faire les courses. De retour au laboratoire, elle commença à faire cuire le foie sur un bec Bunsen.
« Qu’est-ce que tu fais ? » demanda Einstein. « Tu fais bouillir le foie dans de l’eau ? ». Quand elle reconnut que c’était ce qu’elle était en train de faire, Einstein déclara : « Le point d’ébullition de l’eau est trop bas. Tu dois utiliser une substance avec le point d’ébullition supérieur, comme le beurre ou la graisse ». À partir d’alors, ses amis indiquèrent le besoin de faire frire le foie plutôt que de le faire bouillir comme le voulait la « théorie d’Einstein ». Au cours des années 30, Einstein entama une amitié plutôt surprenante avec le roi Albert et la reine Élisabeth de Belgique pendant qu’il voyageait pour une conférence. Einstein et la reine partageaient l’amour de la musique – il jouait du Mozart pour elle sur son violon – et essayait de lui expliquer sa théorie de la relativité.
En octobre 1930, il était à Bruxelles pour un congrès et il passa chez le roi et la reine, dans leur palais de Laeken. Ils jouèrent de la musique et ensuite prirent ensemble le dîner.
« J’étais seul avec le roi et la reine pour le dîner » rapporta plus tard Einstein, « pas de serviteurs, de la nourriture végétarienne, des épinards avec des œufs au plat et des pommes de terre, c’est tout. J’ai aimé ce repas énormément ».
Les plats simples attiraient Einstein – un homme qui pouvait être si absorbé par son travail qu’il en oubliait de prendre le déjeuner. Sa femme Elsa lui rappelait de manger, en lui disant : « Les gens ont des siècles pour découvrir ces choses, mais ton estomac, non, il n’attendra pas pendant des siècles ».
Einstein et ses amis Maurice Solovine et Conrad Habicht, fondateurs en 1902 de l’Olympia Academy – un groupe qui se retrouvait dans l’appartement d’Einstein à Berne pour y discuter de philosophie et de physique - vivaient de saucisses, de Gruyère et de fruits. Mais pour marquer l’anniversaire d’Einstein, ses amis lui firent la surprise de mettre trois plats de caviar sur la table. Il était tellement absorbé dans la discussion du principe d’inertie de Galileo, dit-on, qu’il mangea une grosse bouchée après l’autre de ce plat raffiné jusqu’à ce que Solovine lui demande enfin : « Sais-tu ce que tu viens de manger ? ».
« Pour l’amour du Ciel », répliqua Einstein, « C’était donc le fameux caviar ! Eh bien, si vous offrez de la haute cuisine à des paysans comme moi, sachez qu’ils ne vont pas l’apprécier ».
Seulement alors que la fin de sa vie approchait, Einstein arriva enfin à adopter un régime végétarien plus strict. Il avait alors soixante-dix ans passés et vivait à Princeton USA depuis plus de vingt ans. Il était devenu un savant au niveau mondial, avait reçu le Prix Nobel pour la physique en 1921, ainsi que d’autres prix, récompenses et doctorats. Mais il avait encore des problèmes d’estomac et, en 1948, sa santé commença à décliner.
Une chirurgie exploratoire révéla un anévrisme dans l’aorte abdominale que l’on ne pouvait pas enlever.
« J’ai toujours mangé de la viande avec la conscience un peu coupable », écrivit-il dans une lettre à un ami. Pour mitiger la douleur et la gêne qu’il ressentait dans son estomac, il maintenait alors un régime végétarien simple et strict. Il ne buvait pas non plus d’alcool.
En mars 1955, presqu’un an exactement avant sa mort à Princeton à l’âge de 76 ans, Einstein écrivit une lettre qui montre l’importance du régime qu’il suivait à la fin. « Donc je vis sans matières grasses, sans viande, sans poisson, mais je me trouve très bien ainsi », écrivit-il. « Il me semble presque que l’homme n’est pas né pour être carnivore. »
Il s’agit de l’une des rares théories d’Einstein qui restent encore à prouver.
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