"En-saignants" du Primaire.
- Par Thierry LEDRU
- Le 18/11/2012
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Enseignants du primaire : qui sont les Dindons de l'éducation ? Interview
Qui est à l'origine de la création du collectif des Dindons de l'éducation et dans quel but ce collectif a-t-il été constitué ?
A l'origine, nous sommes quelques enseignants du primaire, un peu partout en France, discutant par le biais de forums. Chacun dans notre coin, nous nous demandions à quelle sauce nous allions être mangés, en voyant les ministres et les réformes se succéder. Le gouvernement Hollande a annoncé une véritable refondation, et nous avons voulu montrer que nous étions attentifs à ces changements, souhaitant que M. Peillon ne passe pas à côté de cette refondation. Le but de notre collectif est avant tout de donner la parole aux enseignants du primaire qui se sentent les grands oubliés de cette réforme. Et de trouver des espaces de discussions à ce sujet, éventuellement avec les autres acteurs concernés.
C'est pourquoi nous avons créé ce rassemblement d'enseignants par le biais d'une page Facebook et d'un blog qu'une dizaine de rédacteurs alimentent de réflexion sur les changements, sur les dysfonctionnements de notre métier et sur les manques. Aujourd'hui, la page Facebook réunit 2 300 fans. La pétition que nous avons lancée en début de semaine compte quant à elle plus de 4 500 signatures.
Nous tenons à préciser que nous sommes non syndiqués, non politisés. Nous ne souhaitons ni prendre la place des syndicats, qui discutent pour nous des mesures à prendre avec le gouvernement, ni leur faire de l'ombre.
Pourquoi avoir choisi ce nom de Dindons ?
"Etre le dindon de la farce", une expression française qui nous colle à la peau tel un maillot de corps du début du siècle dernier, nous, enseignants du primaire, mis soigneusement à l'écart de ces soi-disant concertations, de ces pseudo-débats médiatiques, et qui, une fois n'est pas coutume, allons encore laisser des réformettes ruiner l'école de nos élèves...
Alors, non ! Cette fois-ci, le dindon ouvre son bec, redresse fièrement sa queue, secoue effrontément sa caroncule et sort de sa basse-cour pour glouglouter haut et fort qu'il ne laissera pas l'école de ses enfants partir en miettes !
Quelle est votre position sur le retour de la semaine de 4,5 jours dès 2013, défendu par Peillon ?
Pour nous la question n'est pas aussi simple! Un changement de rythmes scolaires, quel qu'il soit, nous semble précipité pour la rentrée 2013.
L'Association des maires de France l'a elle-même annoncé : ils ne seront pas en mesure d'organiser correctement ce changement de rythme à la rentrée prochaine. Il y a une réflexion en profondeur à mener en ce qui concerne les rythmes scolaires qui sont censés aboutir à une amélioration du niveau des élèves, et ce avec tous les acteurs concernés (élèves, enseignants, collectivités territoriales, associations sportives et culturelles, parents...). Or il nous semble que les premières mesures annoncées ne répondent pas à cet objectif et risquent d'être des mesurettes adoptées à la va-vite sans réelle mesure des conséquences pour chacun des acteurs.
Le ministre a affirmé que les enseignants, dans l'intérêt général, « accepteront, sans doute, de travailler une demi-journée supplémentaire sans être payés davantage ». Etes-vous d'accord avec ses propos ?
Quel employé accepterait de travailler plus pour gagner moins (car il faut quand même pointer qu'un jour de travail de plus non payé aura un coût en charge pour nous, et les collectivités territoriales) ?
Le fait d'être fonctionnaire implique-t-il d'être corvéable à merci? A chaque réforme, notre métier se modifie, et nous l'acceptons sans broncher, nous nous mettons à niveau sur notre temps libre, nous comblons les manque du système par notre bonne volonté...
La phrase de M. Peillon suggère que, pour les beaux yeux de nos élèves et surtout leur bien-être, nous ne pourrons qu'accepter ce travail en plus (et ces frais en plus!) au nom du service public dû aux petits Français. Si nous refusons, c'est nous qui ne sommes pas compréhensifs des difficultés économiques du pays, et qui ne voulons pas faire d'efforts pour l'ensemble de la population. Nous ne voulons pas nous laisser faire à ce niveau. Soit la demi-journée mise en place s'équilibre avec un vrai allègement des 4 autres journées pour les élèves, mais également pour nous, soit une contrepartie salariale doit avoir lieu.
Quels sont les autres thèmes de revendication des Dindons ?
Nous pensons que les priorités de la refondation ne sont pas abordées dans le bon ordre.
Nous demandons l'abandon immédiat de la remise en question des rythmes scolaires, absolument pas prioritaire à nos yeux, tant que d'autres points fondamentaux n'ont pas été revus.
Les priorités de cette refondation doivent être l'allègement des programmes scolaires du primaire, la baisse des effectifs par classe, la remise en place des RASED (qui ont été détruits ces dernières années) et la prise en charge des élèves porteurs de handicap.
Nous demandons aussi la revalorisation du statut de Professeur des écoles, des journées de décharge pour tous les directeurs et la pérennisation des postes d'aide à la direction (EVS).
Mais nous ne voulons pas forcément à tout prix faire des éclats de notre action. Nous sommes en train de réfléchir actuellement à des initiatives, originales si possibles, qui nous feraient connaitre davantage.
Propos recueillis par Elsa Doladille
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Vos réactions :
Open-closeMarie,
Comment peut-on encore comparer notre métier actuel à celui de 1981 ?? Les choses ont changé. A l'époque, les programmes n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui, les élèves non plus d'ailleurs. Et un instit en 1981 gagnait bien sa vie, ce qui n'est plus du tout le cas aujourd'hui...
Bravo Elsa pour toutes ces réponses. Je m'y retrouve complètement !
Fanny
Si nous restons à 26 heures d'enseignement hebdomadaire comprenant les 2 heures d'aide individualisée aux élèves en difficulté, ne comptez pas sur moi pour manifester contre la semaine de 4 jours et demi. L’intérêt des élèves d'abord.
Je suis d'accord: il faut revoir le nombre d'enfants par classe et les programmes. Les rythmes pourront être revus correctement quand le gouvernement pourra y accorder les moyens financiers nécessaires car en faisant les choses à moitié on voit ce que ça donne (cf le passage à 4 jours en 2008 qui a été fait sans concertation et qu'on remet déjà en cause!)
Oui les dindons c'est bien nous !!
Dans mon école on assure l'aide personnalisée déjà le mercredi matin... pour le bien être des enfants !! C'est mieux de travailler le matin, reposé !
Mais halte ! Arrêtez Mr le ministre de nous prendre pour des dindons, de dire sur les ondes que l'on ne faisait pas ce travail pour l'argent !!! Les prix sont les mêmes pour tous ! Notre pouvoir d'achat ne cesse de baisser, on est les O.S de l'Europe !
Faire les devoirs à 25 ? Est-ce bien sérieux ?
Encore de grandes messes pour accoucher de pauvres souris ! 32 ans d'ancienneté et toujours les mêmes postulats...
Vivement la retraite !
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Je ne comprends pas votre revendication concernant la rémunération des enseignants si l'obligation des heures de cours repasse à 26 ou 27 heures : je suis enseignante dans le premier degré depuis 1981 et donc j'ai enseigné 27 heures ( le samedi matin à l'époque...) pendant de nombreuses années. Je ne crois pas que ce genre de considération soit à mettre en lien avec le sens de notre métier : faire réussir nos élèves au mieux. Et puis, bien sûr beaucoup de choses sont à revoir (programme, rased...) mais les rythmes scolaires aussi et enfin un ministre s'y met... Il était temps non ? Je ne crois pas que nous puissions refuser de les modifier pour mieux les adapter au rythme des enfants d'abord...
Comment avons-nous pu ne pas refuser et nous mobiliser pour que les enfants les plus en difficulté aient des journées plus longues avec le soutien scolaire ( souvent inutile...) ; eux qui déjà n'aiment pas l'école, sans parler du fait qu'ils avaient encore les devoirs à faire en rentrant le soir... Alors, mobilisons-nous, oui mais en pensant d'abord aux enfants.
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