Incroyables talents
- Par Thierry LEDRU
- Le 07/12/2013
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Quand vous demandez à des "anciens" :
1515?
Ils répondent très fiers Marignan!
Demandez : Quel roi ?
Déjà beaucoup moins vous diront : François 1er
Demandez : Contre quel pays et pourquoi?
Et là quasiment personne ne saura vous répondre.
Demandez 1515 à un jeune de 14 ans et il ne saura pas répondre du tout de but en blanc, mais après avoir tapoté sur son téléphone (pardon son smartphone), il saura en dire bien plus que n'importe quel adulte.
Conclusion : Il faut créer le désir d’aller utiliser la technologie pour apprendre.
Comment ? Il faut entièrement revoir les pratiques, réfléchir à l’essentiel, se donner des objectifs qui permettront d’utiliser la technologie tout en renforçant les connaissances.
Avantage : l’usage de la technologie apportera une image totalement nouvelle à l’école.
J’ai travaillé pendant deux jours au collège du secteur et j’étais effaré de voir que RIEN n’avait changé depuis que j’ai quitté le mien, il y a 35 ans. Les programmes ont changé mais pas vraiment les méthodes. On est toujours dans le frontal, le cours didactique, l’évaluation individuelle, la compétition, la comparaison, la notation, l’absence de passerelles entre les matières, un nombre trop important d’enseignants, un formatage de tous, l’indifférence envers les qualités « non conventionnelles » des enfants...
On retrouve bien évidemment un grand nombre de ses paramètres dans l’enseignement primaire. Et même de plus en plus à l’école maternelle…
Des objectifs ou des compétences ?
La belle affaire.
Les fondamentaux ?
Ils sont existentiels avant d’être techniques. C’est dans l’absence de considération de l’individu que tout est brisé.
Je travaille cette année en utilisant l’émission de télévision : « Incroyables talents ». Je n’ai pas de télévision mais j’ai découvert le concept sur les vidéos internet. L’idée est d’amener les enfants à travailler quelque chose qui leur plaît, dans le domaine artistique et à le présenter à la classe : gym au sol, danse, chanson, poésies, travail manuel (maquettes, découpages, volumes en cartons)…Les idées s’ajoutent les unes aux autres sans que je n’intervienne. Deux garçons ont décidé jeudi de devenir journalistes et d’interroger les artistes qui viennent de présenter leur talent. Ils ont établi la liste des questions, ils les ont formulées, écrites, ils prennent des notes chacun leur tour…Travail de français qu’ils ont mené à bien sans mon intervention. Il me reste à corriger les fautes de français et c’est là que je pense que la technologie peut jouer un rôle essentiel.
Ces corrections me prennent un temps considérable et il est impossible que je les mène toutes pendant la journée au risque de limiter les activités. Il serait bien plus utile que ce travail de correction soit fait par l’ordinateur.
Avantage : l’enfant n’est pas inquiet à l’idée d’écrire et de se tromper et surtout de sentir la menace d’une correction à mener. Chose qui n’a aucun intérêt en soi, sinon celui de progresser pour ne pas refaire les mêmes erreurs. Mais c’est la création qui motive les enfants. Pas le travail qui devra suivre. Beaucoup d’enfants limitent donc leurs créations pour s’éviter des tâches rébarbatives et des remontrances au regard des fautes relevées par l’enseignant.
L’ordinateur apportera donc une correction immédiate, libèrera les enfants les plus craintifs de toute inquiétude, motivera ceux qui ne veulent pas se retrouver avec cinquante fautes à corriger. Il n’en restera pas moins que les bases de la langue seront indispensables car aucun logiciel ne pourra corriger correctement le mot « nibobodame » à l’enfant qui fait un exposé sur les hippopotames. De plus, l’ordinateur pointe une erreur et propose parfois plusieurs solutions, ce qui implique un choix. Autre avantage : les enfants ont une vue directe de leur niveau par les mots soulignés et ils sont amenés à réfléchir, mais sans inquiétude puisque ça sera corrigé. Beaucoup plus de textes par conséquent, des créations plus nombreuses et plus conséquentes et une imprégnation grammaticale qui se fera d’elle-même. Je le vois avec mon garçon le plus grand, Master 1 en sciences, orthographe partiellement défectueuse mais sur des points très précis. Et bien, à force d’écrire des TP sur l’ordi, des pages et des pages d’analyses de données, son orthographe s’est améliorée et les fautes chroniques qu’il faisait disparaissent, non pas parce qu’il a appris par cœur une règle qu’il ne saurait pas appliquer mais par imprégnation, par intuition.
J’ai un bon niveau en orthographe parce que j’ai lu énormément, pas parce que j’ai appris des leçons par coeur.
De même, j’ai un bon niveau en histoire parce que j’ai lu énormément, pas parce que j’ai appris des leçons par cœur.
De même, j’ai un bon niveau en philosophie parce que j’ai lu énormément, pas parce que j’ai appris des notions par cœur.
Par contre, j’ai un niveau faible en mathématiques ( 5ème maximum, je pense…). Pour une raison très simple. Je n’en fais jamais.
J’ai un niveau désastreux en physique puisque je n’en ai jamais fait. Pareil en chimie.
Et mon Anglais est au niveau de la 4 ème…
J’ai pourtant appris mes leçons quand j’étais à l’école. Je détestais prendre une mauvaise note jusqu’à ce que j’arrive au collège. Mais, là, des professeurs m’ont affirmé que je ne comprendrais jamais rien aux mathématiques, à la physique, à la chimie, à l’Allemand, mêmes les sciences naturelles ont fini par me rebuter…
Et là, j’ai décroché. J’étais nul. Ils ne pouvaient pas tous se tromper ces professeurs. Il y avait sûrement du vrai dans ce qu’il disait. Je craignais qu’ils m’interrogent. J’avais peur de l’école. Et j’ai donc redoublé ma 5ème.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Et bien, rien n’a changé…
Rien dans l’éducation nationale mais énormément de choses ont évolué dans la technologie. Et nous devrions rester ancrés dans nos schémas, nos méthodes, nos fondamentaux… ???
Je suis devenu enseignant parce que je voulais que mes élèves aiment venir à l’école, qu’ils se sentent aimés, accompagnés, soutenus, que leurs faiblesses soient des tremplins et non des condamnations.
Et au bout de trente ans, un énième Ministre vient me dire que ma méthode n’est pas bonne, que je ne sais pas travailler mais que tout va aller mieux avec les nouveaux calendriers et les nouveaux programmes. Et après les prochaines élections, un autre costumé viendra me dire la même chose.
Est-ce que quelqu’un va enfin se décider à regarder le problème du bon côté ?
« Incroyables talents » a déclenché un phénomène dont je n’imaginais pas l’ampleur. Les enfants arrivent à l’école en m’annonçant tout ce qu’ils ont préparé pendant le week-end ou le mercredi, ils sont enthousiastes et pressés d’en finir avec la grammaire et tout le reste pour pouvoir montrer ce qu’ils savent faire. C’est un échange de bons procédés qui s’est installé. Je leur ai expliqué que je dois les amener à progresser dans des domaines précis et que j’attendais d’eux l’engagement le plus constant pour pouvoir également profiter de leurs talents. J’ai vu des enfants peu confiants en eux oser prendre la parole, danser devant la classe, jouer des sketchs qu’ils ont inventés et écrits, j’ai vu des enfants produire des constructions étonnantes en carton, avec des mesures précises, un vrai travail de géométrie, de pliage, de collage mais bien avant ça de conception. Des enfants peu sportifs s’engager dans des chorégraphies que je serais incapable de reproduire…
Je suis nul en danse et je me suis toujours senti ridicule. Et bien, je pense qu’il en est de même avec les enfants qui n’aiment pas les matières scolaires. Personne ne m’a aidé à dépasser ce blocage. J’aurais pourtant aimé savoir danser. Je trouve ça très beau.
Est-ce que je dois aider uniquement mes élèves à intégrer un cadre scolaire ou est-ce que je dois les aider à développer leurs propres talents, à dépasser leurs blocages, à renforcer l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes, est-ce que je dois les juger au regard de compétences gouvernementales ou est-ce que je dois leur permettre de découvrir leurs propres compétences ?
Il se pourrait bien que je me lance dans l’écriture d’un programme scolaire…
Il y a tellement à faire…
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