Johnny et l'ours polaire

 

Il y a, encore une fois, une aberration en cours.

Des millions de personnes qui pleurent une icône.

Des millions de personnes qui ignorent tout du calvaire effroyable de cet ours, de cette agonie lointaine. Juste un ours anonyme qui n'a pas fait rêver les foules.

Le malheur de cet ours, c'est d'être mort, sans doute, le même jour que Johnny.

Oh, bien sûr, il va y avoir de la tristesse pour cet animal, on peut au moins l'espérer chez ceux et celles qui tomberont sur cette vidéo, mais qu'en sera-t-il lorsque les images disparaîtront dans le fatras de "l'actualité" du monde humain.

Entre les hommages aux artistes, chanteurs, écrivains ou autres, c'est à dire au final, à l'égard des hommes, combien seront les humains à pleurer pour cet ours ? Combien d'humains réaliseront que notre impact relève du génocide ? Combien d'humains décideront que nos actes individuels doivent prendre en considération l'intégralité de la vie et non seulement nos attachements passionnels à des figures humaines emblématiques ? Combien d'humains décideront qu'il n'est plus possible de vivre dans une bulle égocentrique ? Combien d'humains réaliseront que cette ferveur pour un artiste, aussi talentueux soit-il, relève pour beaucoup d'une certaine pathologie révélatrice d'un vide intérieur sidéral, d'une absence à soi, d'une incomplétude spirituelle au regard de sa propre existence, comme s'il n'était envisageable d'être heureux que dans l'attachement déraisonné à une star ?

Combien d'humains suffisamment lucides pour prendre conscience que nous sommes tous concernés par la mort de cet ours ?

J'ai vu des photos de fans brandissant, en pleurs, des banderoles portant en grosses lettres : "Johnny, c'est Dieu".

J'en suis même à me demander si ces gens portent le même amour pour leurs proches. 

Inutile de leur demander ce qu'ils pensent de cet ours polaire. 

Il ne s'agit pas d'aller poser une gerbe de fleurs ou d'allumer une bougie pour honorer la mort de cet animal, juste pour participer à un mouvement de masse puis de retourner ensuite à nos occupations. 

Le temps de l'insouciance et de l'hypocrisie est révolu. 

Il ne s'agit plus de pleurer, ni même de défiler avec des banderoles. Ou alors, il faudrait y écrire "La Nature, c'est Dieu". Spinoza ne dirait pas le contraire.

Le temps est venu de réaliser que nous sommes responsables, tous individuellement et tous réunis. 

Et de trouver ensuite, chacun à sa mesure, selon ses possibilités, les moyens quotidiens et les plus vastes possibles, de réduire notre impact, d'observer dans nos existences chacun de nos actes et d'en peser la portée, d'en mesurer les effets et de s'interroger sur leurs nécessités. Et pourtant les fêtes de fin d'année vont voir leur lot de folie consumériste et la continuité totalement démentielle de l'épuisement de la planète, de sa dévastation. Combien de centaines de cargos sur les océans, combien d'avions pour des voyages exotiques, combien de camions déversant leurs marchandises, combien d'animaux sacrifiés pour remplir des ventres insatiables ? Combien d'actes inconscients, conditionnés, stéréotypés ?​

Il y avait un seul Johnny. Il y a encore des milliers d'ours. Pour combien de temps ?   


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Le photographe Paul Nicklen et des membres du  groupe de conservation Sea Legacy ont témoigné le spectacle déchirant de la mort d’un ours polaire affamé.  Nicklen, un biologiste devenu photographe, a déjà beaucoup d’expérience avec les ours et en a vu plus de 3000 dans le Grand Nord Canadien depuis son enfance. Cependant, le 5 décembre il a vu une scène douloureuse qu’il n’avait jamais observé dans sa vie. “Nous étions là à pleurer en train de filmer avec des larmes qui roulaient sur nos joues“, a-t-il dit.

La vidéo montre l’ours polaire dans un état misérable au bout de sa vie.  Ses muscles sont si atrophiés qu’il arrive à peine à marcher. Ses poils blancs couvrent sa figure squelettique. À la recherche de nourriture, l’ours polaire fouille lentement dans une poubelle  utilisée de façon saisonnière par les pêcheurs inuits. Il n’y a aucun espoir pour cet ours, il ne trouve rien et s’effondre résigné sur le sol.

Nicklen a publié les images dramatiques sur les réseaux sociaux et beaucoup de personnes lui ont demandé pourquoi il n’est pas intervenu pour sauver l’ours. “Bien sûr, cela m’a traversé l’esprit“, a déclaré Nicklen. “Mais ce n’est pas comme si je me promenais avec un pistolet tranquillisant ou 150 kilos de viande de phoque.”

Tout ce que Nicklen pouvait faire c’est d’utiliser sa camera pour partager les images avec le monde entier. Nous entendons souvent que les ours polaires et plein d’autres espèces vont disparaître, mais nous avons rarement l’occasion de voir la réalité qui se cache derrière les titres des articles. Ce sont des animaux qui vivent uniquement dans les régions arctiques, et ils sont parmi les premiers à ressentir les effets du réchauffement des températures. Pendant les mois de l’été, ces énormes mammifères ne mangent presque rien et attendent que la glace de l’Arctique se solidifie pour qu’ils puissent partir à la chasse de phoques.

Quand les scientifiques disent que les ours vont disparaître, je veux que les gens réalisent à quoi cela ressemble: les ours vont mourir de faim“, a déclaré Nicklen. “Voilà à quoi ressemble un ours affamé.” Le photographe a filmé la mort lente et pénible de l’ours parce qu’il ne voulait pas qu’il meure en vain.

Nous ne pouvons pas sauver les animaux sauvages en nous concentrant sur une espèce en particulier, ce n’est pas comme ça que les écosystèmes fonctionnent. Si nous souhaitons sauver les animaux nous devons protéger l’environnement dans lequel ils habitent. Les ours polaires sont un exemple emblématique de la disparition des espèces à cause de l’activité humaine, mais ils sont loin d’être la seule espèce qui en souffre. Tous les écosystèmes de la planète sont affectés par la destruction, la pollution et le changement climatique. Si nous ne commençons pas à voir les problèmes écologiques comme notre plus haute priorité personnelle et collective, nous n’arriverons pas à créer le changement nécessaire.

J’espère que cet ours n’a pas souffert en vain, j’espère que nous allons nous réveiller. Nous avons beaucoup plus de pouvoir que ce que nous imaginons et nous avons la responsabilité de l’utiliser.

Source : nationalgeographic   businessinsider

 

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