La croissance sans la croissance

"Le rapport Meadow sur les limites de la croissance date de 1972. J'avais dix ans...Mais non, rien, le monde a continué son petit train vers l'enfer. 

-L'enfer, l'enfer, oh attends, faut pas exagérer non plus !

-Va donc lire les études sur le réchauffement climatique et on en reparle."

 

 

 

LE 15/01/2021

La croissance sans la croissance

 

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LA TRANSITION par Hervé Gardette

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Le dernier rapport de l'Agence européenne de l'environnement appelle à repenser le périmètre de la croissance économique. Un vent de changement souffle-t-il sur l'UE ?

ça va mon p'tit bonhomme ?

ça va mon p'tit bonhomme ?• Crédits : pinstock - Getty

Il y a 30 ans, l’abominable groupe de hard-rock Scorpions obtenait un de ses plus grands succès avec ‘’Wind of change’’, le ‘Vent du changement’, chanson célébrant la chute du mur de Berlin et la fin du bloc de l’Est. Le cerveau est ainsi fait que c’est à ce tube que j’ai pensé en lisant le dernier rapport de l’Agence Européenne de l’Environnement. Et depuis, son pénible refrain m’obsède.

Il se trouve que cette Agence a été créée par l’Union européenne en 1990, la même année que la chanson de Scorpions. Opérationnelle 4 ans plus tard, sa mission ‘’consiste à fournir (aux Etats membres) des informations fiables et indépendantes sur l’environnement. L’AEE entend soutenir le développement durable’’.

Elle le fait régulièrement en publiant des rapports, disponibles en ligne (malheureusement pas toujours traduits en français). Le tout dernier s’intitule : ‘’Growth without economic growth’’ : la croissance sans la croissance économique. Un pavé dans la mare tant cette approche remet en cause bien des certitudes encore très présentes chez les décideurs politiques.

Je vous en lis un extrait : ‘’la croissance économique est étroitement liée à l’augmentation de la production, de la consommation et de l’utilisation des ressources, ce qui a des effets négatifs sur la nature, le climat et la santé humaine. De plus, les recherches actuelles suggèrent qu’il est peu probable que la croissance économique puisse être complètement détachée de ses impacts environnementaux’’.

Ce dernier point est important en ceci qu’il remet en cause une des notions attachées au concept de développement durable, ou à celui plus fumeux de croissance verte : la notion de découplage. Wikipédia en donne une définition très claire : il s’agit de séparer la prospérité économique de la consommation de ressources et d’énergie. Le découplage repose ainsi sur la conviction qu’il est possible de continuer à croitre tout en réduisant les prélèvements sur la planète.

Et bien ce que dit le rapport de l’Agence européenne de l’environnement, c’est qu’un tel découplage n’est pas possible, du moins pas entièrement. Qu’il faut donc repenser le concept même de croissance, ne plus l’envisager d’un point de vue seulement quantitatif (produire toujours plus de biens matériels) mais d’un point de vue qualitatif (une croissance qui vise à davantage de solidarité, de standards sociaux élevés et de protection des écosystèmes).

Evidemment, ce n’est pas la première fois que des experts remettent en cause l’objectif de croissance économique. On ne peut pas ne pas rappeler ici le fameux rapport Meadows de 1972 sur les limites planétaires de la croissance, à une époque où l’augmentation de la population mondiale était perçue comme une menace vitale pour l’humanité. A défaut d’avoir été suffisamment entendus, leur alerte marque un point de rupture historique.

On pourrait aussi citer des publications moins connues, mais qui renouvellent l’approche de ces questions, comme par exemple ‘’La théorie du donut’’ de l’économiste Kate Raworth, livre publié en France en 2018. Cette ancienne d’Oxfam utilise le visuel du beignet pour replacer l’économie à sa juste place, à savoir au service du social, lequel est lui-même tributaire des questions environnementales.

Ce qui est notable avec le rapport ‘’Growth without economic growth’’, c’est qu’il émane d’une Agence officielle de l’Union européenne, et non pas d’un groupuscule d’écolos décroissants. Cela donne un poids supplémentaire à ces réflexions, mais aussi un indice quant au changement de mentalité qui est peut-être en train de s’opérer au sein des institutions de l’UE. La croissance, bien que ‘’culturellement, politiquement et institutionnellement enracinée’’ n’y est plus considérée comme un mantra absolu.

Vous le sentez, le Vent du changement ? 

 

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