"La rentrée scolaire s'est bien passée"
- Par Thierry LEDRU
- Le 14/09/2022
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Si, si, c'est ce que le ministre a dit.
"Il y a bien quelques petits flottements mais c'est de la dentelle qui se règlera en académie".
De la dentelle...Le terme est délicieux...
Alors, état des lieux après quelques jours.
Quand l'éducation nationale se voit contrainte d'augmenter sans cesse le nombre de contractuels, le problème n'est pas que financier.
Le mal est bien plus profond. Je l'ai dit et je le redis et je recommencerai : ce métier est mort. Pas encore enterré parce que ça ne pue pas trop mais ça viendra.
Rentrée scolaire 2022 : Y a-t-il vraiment un prof devant chaque classe en ce mois de septembre ?
EDUCATION Une semaine après la rentrée, les difficultés se font déjà ressentir sur le terrain
Publié le 10/09/22 à 09h15
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La rentrée au lycée professionnel "Les Coteaux" à Cannes. — SYSPEO/SIPA
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Rentrée scolaire 2022 : Y a-t-il vraiment un prof devant chaque classe en ce mois de septembre ?
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Le ministre de l’Education, Pap Ndiaye, l’avait répété fin août : « Il y aura un enseignant dans chaque classe ». Une promesse faite alors qu’une crise des recrutements fait rage dans l’Education nationale.
Même si aucun chiffre officiel n’a été dévoilé concernant le nombre de profs manquants, les syndicats enseignants et la FCPE constatent des trous dans les emplois du temps en cette rentrée.
Certaines académies ont fait appel en urgence aux profs remplaçants, mais les syndicats s’inquiètent du fait qu’il ne reste plus beaucoup de personnels pour assurer les remplacements dans les mois à venir.
La promesse a-t-elle été tenue ? « Il y aura un enseignant dans chaque classe à la rentrée », avait martelé le ministre de l’Education, Pap Ndiaye, fin août. Quelques jours après la rentrée, si les chiffres officiels concernant les profs manquants n’ont pas été dévoilés, le gouvernement affiche tout de même son optimisme. « Malgré un contexte de tension évidente sur les postes d’enseignants, la rentrée s’est passée dans de bonnes conditions. Dans certaines académies, la situation est même meilleure que les années passées », a ainsi déclaré mercredi Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres.
Mais sur le terrain, les équipes pédagogiques ne font pas le même constat. Même si des recrutements express de contractuels ont été faits cet été, le compte d’enseignants n’y est pas. Selon une enquête du Snes, au 3 septembre, il manquait au moins un professeur sur un poste fixe dans 62 % des établissements. Un problème qui a touché plus durement certaines académies, selon le syndicat du second degré. Sur celle de Créteil, 83 % des collèges et des lycées manquaient d’au moins un professeur, sur celle de Nantes 67 %, et sur celle de Normandie 51 %. L’académie de Guyane semble très touchée : dans 12 établissements sur 45, le Snes comptait déjà 80 postes non pourvus début septembre.
Le second degré touché en premier, le primaire pas épargné
Sur Twitter, des équipes enseignantes témoignent aussi des difficultés constatées dans leur établissement sous le hashtag #NotreVraieRentrée. Même son de cloche chez les parents d’élèves : « La promesse d’un enseignant devant chaque classe, ce n’est pas ce qui a été constaté sur le terrain. Et ce dès le 1er septembre », a déclaré vendredi Carla Dugault, coprésidente de la FCPE, lors de la conférence de presse de la première fédération de parents d’élèves. « Nous avons déjà des retours sur des enseignants qui manquent à l’appel. Surtout dans le second degré et particulièrement dans certaines matières comme les maths, la physique, les langues et même le français », complète Nageate Belahcen, coprésidente de la FCPE. « Certains contractuels n’ont reçu leur affectation qu’après la rentrée », explique aussi Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT. Les conséquences pour les élèves sont déjà perceptibles, via des trous dans les emplois du temps.
Le primaire n’est pas épargné non plus : « Si, le jour de la rentrée, un adulte était présent presque partout devant chaque classe, les difficultés commencent à se faire sentir dans certaines écoles », indique le SNUipp-FSU dans un communiqué. Certains départements, comme la Seine Saint-Denis ou le Val-d’Oise, seraient particulièrement touchés. Par ailleurs, certains professeurs des écoles n’exerçant pas à temps complet, il est parfois difficile de trouver un enseignant assurant le reste de leurs heures, comme le constate Catherine Nave-Bekhti : « Dans beaucoup d’écoles, des compléments de service sur des temps partiel ou des décharges* ne sont pas encore là ».
Les remplaçants appelés à la rescousse
Pour assurer les heures de classe des écoliers, certaines académies n’ont pas eu d’autre choix que de puiser dans le vivier des remplaçants, des profs titulaires dont la mission est de suppléer leurs collègues en cas d’arrêt maladie ou de congé maternité, par exemple. D’après les remontées du SNUipp-FSU, des profs remplaçants ont ainsi été envoyés dans plus de 1.000 classes pour assurer la rentrée. « En Meurthe et Moselle, 243 remplaçants sont déjà mobilisés dans des classes à l’année. Dans la Creuse, ce sont 50 % des remplaçants déjà occupés », relève le syndicat.
Le recours à ce vivier si tôt dans l’année inquiète les syndicats : « Lorsqu’on aura besoin de remplaçants au cours de l’année, il risque d’être déjà tari », s’alarme Catherine Nave-Bekhti. Le SNUipp-FSU est encore plus alarmiste : « Il y a fort à parier que dans quelques jours ou semaines, selon les départements, il ne sera plus possible de remplacer les enseignantes et enseignants en congé maladie ». Dans ce cas, les écoles n’auront plus d’autre solution que de dispatcher les élèves sans enseignant dans d’autres classes. Ce qui pénalisera leurs conditions d’apprentissage.
Pour le second degré, si plus aucun remplaçant ni contractuel n’est disponible dans une académie, il est à craindre que les élèves soient privés de certaines matières pour un temps. L’an dernier, la FCPE avait comptabilisé sur le site Ouyapacours les heures de classes « perdues ». « Il y en a eu 80.690 », indique Nageate Belahcen. En espérant que cette plateforme ne battra pas un nouveau record cette année…
Education : Pourquoi la crise du recrutement des enseignants s’aggrave
* Quand un prof accomplit d’autres missions que d’enseigner, le ministère de l’Éducation nationale doit le décharger d’une fraction de ses heures devant élèves. C’est par exemple le cas des directeurs d’école.
"Des contractuels sont mis devant des élèves dans l'urgence, alors qu'un TZR est disponible "
Publié le 14/09/2022 à 16h22
Écrit par Dolores Mazzola
Le malaise des enseignants TZR, dans le secondaire : ils ont le sentiment d'être ballottés, dévalorisés et ignorés. • © ALEXANDRE MARCHI, /NCY / MAXPPP
Qui sont les TZR? A la fois enseignants titulaires et remplaçants. "Non, la rentrée ne s'est pas bien passée ! " Ces enseignants remplaçants sont souvent sans poste et ne veulent plus être des jokers alors que des contractuels sont recrutés au motif que des classes sont sans prof. Le paradoxe les ronge.
Ils sont une "ancienne" réserve de l'Education Nationale mais la vérité c'est qu'ils se sentent plus que jamais inutiles et privés de rentrée alors qu'il y a des besoins. "Je veux enseigner, j'aime mon métier, je n'ai pas envie de me sentir inutile !" C'est le cri du cœur de Jessy G., professeure de Français depuis près de 8 ans.
Pour la jeune femme, enseignante TZR, Titulaire d'une Zone de Remplacement, la situation de cette rentrée est intolérable. Professeure de français installée à Tournon/Rhône, elle a décroché son Capes en 2018. Elle se retrouve aujourd'hui dans une situation ubuesque : c'est sa 3e rentrée en Ardèche et elle n'a pas d'élèves. Chaque jour, elle se rend pourtant dans son établissement de rattachement. Pas de rentrée pour Jessy alors qu'elle avait fait sa pré-rentrée normalement. Le poste qu'elle aurait dû occuper, selon elle, a été attribué à un enseignant remplaçant, un contractuel. Pour la professeure de lettres, c'est l'incompréhension. "On paie un enseignant contractuel et moi, on me paye à ne rien faire. J'ai fait ma pré-rentrée mais le poste était déjà pourvu par un énième contractuel alors que je suis disponible depuis juin," s'indique l'enseignante.
Les parents pensent qu'il n'y a pas de profs et qu'on est payé à ne rien faire. Mais vous n'imaginez pas le nombre de coups de fils et de mails passés pour réclamer un poste car j'aime enseigner.
Jessy G.
Professeure de Lettres, TZR
Que recouvre le statut de TZR ? Un professeur TZR est un enseignant titulaire de l'enseignement secondaire français, affecté sur une zone de remplacement (ZR) à l'intérieur d'une académie. Une situation que connaissent les jeunes lauréats de concours à l'issue de leur titularisation.
Contacté, le service ressources humaines de l'académie de Grenoble, explique que les TZR ne sont pas sans poste. Ce sont des titulaires présents sur des zones de remplacement avec une mission précise : " un TZR est affecté sur zone pour réaliser des remplacements, c'est sa mission première, pallier les absences sur les points critiques ". Cette situation professionnelle relève aussi d'" un choix professionnel ". " Un TZR peut toujours demander une mobilité sur un poste fixe ", explique-t-on. Mais la mobilité fait partie intégrante du statut, rappelle-t-on.
Des contractuels chouchoutés ?
Ce que Jessy déplore : que le Rectorat fasse appel à des contractuels et non à des TZR. Son cas est loin d'être isolé. Les enseignants TZR sont l'un des rouages essentiels du secondaire, des professeurs remplaçants, titulaires du Capes, formés et souvent très expérimentés. Depuis quelques temps, l'Education Nationale ferait de plus en plus appel à des "contractuels" pour remplacer les professeurs absents ou combler des postes dans les collèges et les lycées.
Marion, professeure dans l'académie de Grenoble, qui se présente comme "certainement la plus ancienne TZR d'Italien" a le même sentiment : "depuis 2 ou 3 ans, les TZR sont de moins en moins affectés sur des poste à l'année. On a des affectations partielles". Avec le sentiment pour ces titulaires remplaçants d'arriver "comme un cheveu sur la soupe devant les élèves, en septembre", prévenus à la dernière minute.
Pourquoi embaucher des contractuels, quand on a des enseignants TZR à disposition ?
Jessy G.
Professeure de Lettres, TZR
En termes de ressources humaines, les TZR ont le sentiment d'être devenus la variable d'ajustement, contrairement aux contractuels. "On nous garde pour faire des remplacements au pied levé, alors que ce devrait être l'inverse", explique Marion, dépitée." J'aimerai savoir comment ça marche, mais nous n'avons pas de réponse".
"Pas de concurrence", "pas de comparaison"
Dans l'académie de Grenoble qui regroupe aussi les départements de Drôme et d'Ardèche, les inquiétudes semblent bien vives. Les TZR s'interrogent sur la gestion des remplacements. Certains n'hésitent pas à parler d'une différence de traitement.
"Il n'y a pas de concurrence entre un TZR et un contractuel", assure-t-on à l'Académie de Grenoble. Les TZR vont être affectés sur des zones et des disciplines où on va être en difficulté", précise-t-on. Le service Ressources Humaines convient que des contractuels sont "CDIsés". On rappelle toutefois que les deux statuts ne sont "pas comparables". "Pour un contractuel, quand le contrat de remplacement est terminé, c'est fini. Un TZR bénéficie, par exemple, de modalités d'avancement".
Côté enseignant, certains titulaires se sentent aujourd'hui ballotés par les décisions d'affectations de remplacements. Certaines pèsent parfois lourdement sur leur vie privée comme l'explique V., une enseignante TZR valentinoise qui a préféré conserver l'anonymat.
"Un contractuel peut refuser un poste dans un établissement, pas un fonctionnaire. Aux contractuels, on donne un poste dans un établissement, à l'année, souvent en lycée. Nous, on peut nous envoyer n'importe où. On n'a pas le choix", déplore-t-elle.
Côté académie, la décision de faire appel aux contractuels est assumée, pour la bonne cause : "certains TZR sont gardés en réserve, sont préservés pour l'année". Ces TZR sont plus expérimentés, plus efficaces et armés pour effectuer des remplacements. Il s'agit de "préserver un vivier de TZR pour couvrir les absences". "Notre vivier c'est notre centre d'intérêt. On a à cœur d'augmenter les ressources et pas de mettre en difficulté les chefs d'établissement", assure-t-on.
"Nous sommes des profs, pas des pions ou des AED"
Lorsque l'enseignant titulaire se retrouve sans classe et sans cours à dispenser, il ne végète pas pour autant à la maison. Il doit se rendre chaque jour dans son établissement de rattachement. "Même si certains le pensent, on ne reste pas chez nous à regarder Netflix!" s'exclame Marion.
En effet, l'Académie confirme : les TZR bénéficient d'une affectation, ils sont liés à leur établissement de rattachement où ils sont en activité, "des missions leur sont données par les chefs d'établissement pour être activité. Ils sont par exemple en doublon, en accompagnement, en ateliers ou en modules. Ils restent en interaction," explique-t-on.
Si certains TZR multiplient les tâches, ils se sentent pourtant dévalorisés. "Nous sommes des profs, pas des pions ou des AED", lâche Jessy. Ces titulaires évoquent frustration et découragement, soulignent la difficulté d'intégrer une équipe pédagogique, de proposer des projets à une classe qu'ils ne vont parfois prendre en charge que quelques semaines ou quelques jours.
"La seule chose qui fait tenir, c'est la reconnaissance des élèves", explique Marion, qui sort d'une dépression. Mais pour ceux qui se retrouvent dans l'établissement de référence, la situation est parfois cruelle : "les enfants dans la cour, moi en salle des profs, on se regarde en chien de faïence ! On se dit qu'on ne sert à rien ! Mais je ne vais pas faire des cours clandestins !" raconte la prof d'Italien.
"A quoi me sert mon concours ?"
La formation des contractuels est aussi au cœur des tensions. "Quand ces contractuels arrivent, on les met devant des gamins, dans l'urgence. Alors qu'un TZR est disponible. On ne dit pas quelle est leur formation, ni comment sont recrutés ces contractuels", martèle l'enseignante d'Histoire-Géographie. "Mais à quoi me sert mon concours ?", s'interroge-t-elle.
On est des enseignants qui voulons bien faire notre travail. On est des personnes, on a un concours, un métier ...
V., professeure d'Histoire-Géographie
Enseignante TZR en Drôme
La question d'une prochaine titularisation express de ces remplaçants pour faire face à la pénurie d'enseignants fait grincer des dents. Aujourd'hui, les enseignants TZR posent la question : que va-t-on devenir, nous qui avons passé un concours, décroché un Capes ou une agrégation et qui avons plusieurs années d'expérience dans l'enseignement ? De son côté, l'Académie parle aussi d'accompagnement des contractuels vers les concours.
Jokers, pions ...
V. jeune agrégée, enseignante depuis 13 ans. En septembre, bénéficiant d'une affectation à l'année dans un collège de La Voulte, elle a fait sa rentrée normalement. Tout était programmé : un temps plein auprès de 5 classes de collégiens. Mais, une semaine après la rentrée, c'est la catastrophe. Cette professeur d'Histoire-Géographie reçoit une nouvelle demande pour effectuer un remplacement de 7 semaines dans un autre établissement, à Valence. Pour la jeune femme, mère de famille, c'est aussi toute une organisation de vie de famille qui vole en éclats.
"On voit les élèves pendant une semaine, on prépare tout et au bout de quelques jours on vous envoie un arrêté pour un autre établissement pour 7 semaines car il n'y a personne pour faire un remplacement de 7 semaines", la prof d'Histoire-Géographie ne décolère pas. "On se fiche des élèves, on se fiche de votre travail et de ce que vous avez commencé", tempête l'agrégée qui vit très mal cette situation.
Ces enseignants volants de l'académie de Grenoble, et d'ailleurs, dénoncent aujourd'hui "un flou artistique" concernant l'attribution des postes mais surtout un manque de communication. Ces titulaires ont le sentiment d'être devenus des "jokers" ou des "pions". Certains ont surtout le sentiment de faire les frais d'une volonté politique affichée : "mettre un prof devant chaque élève". Mais la crainte de ces TZR au bout du rouleau va plus loin. Ils redoutent une fuite des cerveaux avec démissions en masse et une dégradation de la situation au détriment des élèves. Côté syndicat, la situation pourrait encore se dégrader, faut d'un recrutement suffisant d'enseignants, et parce que "le métier est de moins en moins attractif".
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