La vie au soleil : Interview
- Par Thierry LEDRU
- Le 20/08/2020
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Interview de Thierry Ledru pour La Vie au Soleil
Franck dit Bart
LVS : Bonjour Thierry, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Thierry Ledru : J'ai 57 ans, je suis né en Bretagne (Quimper). A 25 ans, après quelques années comme instituteur en Bretagne, j'ai obtenu mon changement de département. Haute Savoie. Le rêve prenait forme. Je partais vivre Là-haut. Un mois après mon installation dans une petite école de montagne je rencontrais Nathalie. Une certitude. Elle était la femme de ma vie. Nous avons eu trois enfants. Ils sont adultes aujourd'hui et tous les trois amoureux des montagnes. Les deux garçons sont adeptes de ski-alpinisme, des pentes à 50 degrés, virages sautés. Concentration totale. Le droit à l'erreur n'est pas de mise. Nous vivons actuellement en Savoie. Nous sommes tous les deux à la retraite après toute notre carrière dans l'éducation nationale, institutrice puis psychologue scolaire pour Nathalie, instituteur pour ma part. De 19 à 57 ans.
LVS : Comment as-tu découvert le naturisme dans ton enfance et adolescence ?
Thierry Ledru : Il faudrait que j'analyse l'évolution sur mes 40 ans de vie, depuis la découverte avec mes parents jusqu'à aujourd'hui. Lorsque j'étais enfant, je n'avais aucune conscience de ce privilège. J'étais juste tout nu, comme mes parents, uniquement sur des plages naturistes. Nous n'allions pas dans des centres ou camping naturistes. A l'adolescence, c'était une forme de rébellion, une marginalisation envers les jeunes de mon âge. Ils parlaient de « boum » et de coucheries mais se dénuder sur une plage, il n'en était pas question...Ils m'appelaient « maverick » (jeune veau qui quitte sa mère et le troupeau quand il est sevré). Je faisais de la planche à voile à l'époque. Je partais au large, nu, et je rentrais à la nuit. J'avais découvert des tas de falaises dans des coins perdus, des blocs, des murs, des parois et je grimpais, nu parfois, des journées entières. Le naturisme n'était pas une quête hédoniste, même si ça en faisait partie, la libido et la sexualité, à cet âge, sont des moteurs surpuissants. Le naturisme, c'était un besoin vital d'éprouver mon corps, de me sentir vivant, d'absorber le plus fortement possible tout ce que la vie avait de plus réjouissant. Ré-jouir.
LVS : En tant qu’adulte, qu’est-ce que représente le naturisme pour toi ?
Thierry Ledru : Aujourd'hui, cette pratique du naturisme est totalement délivrée de toutes les épreuves passées et de leurs charges. Il s'agit de simplicité volontaire, un dépouillement corporel mais bien plus encore philosophique. Il s'agit d'éprouver l'osmose avec la nature la plus grande possible, la plus libre, la plus sereine. Il s'agit d'être nu comme le sont les arbres, les fleurs, les animaux, un état originel complet, hors de toutes présences humaines, hors de toutes contraintes, de toutes règles morales, de toutes atteintes à cette liberté d'être. Marcher nu sur une arête, une crête, un plateau, au bord d'un torrent de montagne, s'y baigner, s'allonger sur des roches chaudes, dans l'herbe grasse, sous un arbre séculaire, dans le silence, loin de toutes traces humaines, c'est cela que j'aime vivre. J'ai bien conscience que ma vision du naturisme est particulière. La solitude, l'isolement social, l'éloignement, une certaine recherche de retraite, tout cela ne relève pas de la philosophie de vie commune prônée par le naturisme. Je ne sais quel terme conviendrait à mon expérience. Nudisme ou naturisme ou épicurisme ou spiritualisme dénudé. Je ne m'en soucie pas d'ailleurs. Je me contente de le vivre au mieux.
LVS : Tu es un auteur confirmé qui a déjà publié plusieurs ouvrages chez la même éditrice. Quel a été ton déclic qui a déclenché ton envie d’écrire et d’être lu ?
Thierry Ledru : Cela provient d’une longue histoire avec mon frère, cliniquement mort, après un accident de voiture, et que j'ai veillé, nuits et jours, pendant deux mois et demi dans sa chambre d'hôpital. J'aurais eu besoin d'une psychothérapie lorsque nous sommes sortis, tous les deux... L'écriture s'en chargerait. J'avais lutté pour mon frère pendant des semaines, avec la présence de la mort jusqu'à ressentir sa présence en moi. Il fallait que je trouve à lui opposer toutes les forces de vie disponibles en moi. Jouir de la vie. Être nu, dehors, au soleil ou sous la pluie, dans le vent, dans la mer, sur le sable, dans les falaises, c'était être vivant. J'ai tenu un cahier, dès les premiers jours. C'est là que j'ai vraiment réalisé que les mots constituaient un support, un tuteur, un soutien, une aide inestimable. Il fallait que je pose mes idées, mes pensées, mes réflexions, mes détresses, mes interrogations. Je lisais beaucoup à l'époque. J'adorais la philosophie. Mais c'était les pensées des autres et les miennes, je les perdais dans le chaos des jours. Écrire, c'est s'ancrer, graver, inscrire, ce qui ne s'effacera plus jamais et qui restera disponible pour y revenir. J'ai éprouvé des moments de paix inespérée dans ces moments d'écriture. La nuit, surtout.
En revanche, je conteste ton affirmation, je ne suis nullement un auteur « confirmé » à mes yeux. J'ai écrit 13 romans, 7 sont édités. Je n'en vis aucunement. Et je n'espère aucunement que ça arrive un jour. D'ailleurs, il ne faut pas écrire avec l'intention d'en vivre, matériellement, mais uniquement spirituellement.
LVS : Comment as-tu découvert ton éditrice Anita Berchenko et comment travaillez-vous de concert ?
Thierry Ledru : J'ai croisé la route d'Anita Berchenko lorsqu'elle a créé sa propre maison d'édition. Elle avait lu « Jusqu'au bout ». Elle a toujours cru en mon potentiel, dès le début. J'ai eu une chance immense de la rencontrer. En plus de trente ans d'écriture, j'ai souvent entendu les éditeurs dire que mon écriture était trop « exigeante » ou avec un caractère philosophique trop ardu pour le lectorat « lambda »...
Anita me laisse une complète liberté d'écriture. Elle prend mes manuscrits et me propose des « arrangements » si c'est nécessaire à ses yeux. Je dois dire, avec plaisir, que c'est extrêmement rare. Je suis très exigeant avec moi-même...Je tiens absolument à proposer un texte abouti. Je n'attends pas de l'éditeur qu'il m'apporte une aide technique. Bien entendu que je suis tout disposé à retravailler un écrit mais mon objectif, c'est que ça ne soit pas nécessaire.
LVS : Qui sont tes lectrices et lecteurs et qu’attendent-ils de tes romans ?
Thierry Ledru : C'est une question à laquelle je suis incapable de répondre avec certitude. Je n'ai pas suffisamment de retour de leur part pour pouvoir identifier les éléments prédominants qui répondraient à leurs attentes. Je peux malgré tout avancer le fait que la quête spirituelle qui se retrouve dans chacun de mes romans est l'élément le plus recherché par les lecteurs et lectrices. Tout ce que la « crise existentielle » contient de révélations, dès lors qu'on en accepte les bouleversements.
Sans doute aussi que j'écris ce que je souhaite trouver dans un roman. J'ai écrit pour moi avant d'envisager bien plus tard de le proposer à d'autres. Les lecteurs et lectrices qui suivent mes publications et tous ceux qui lisent mon blog doivent trouver ce qui les touche au plus profond, ce qui les plonge dans cette dimension existentielle incontournable à mes yeux. J'ai reçu des commentaires allant dans ce sens. L'un d'entre eux venait d'un homme qui disait à quel point la lecture de « Là-Haut » l'avait transformé au point de concevoir désormais son existence dans cette dimension intérieure, dans cette pleine conscience des pensées et des actes, dans une démarche philosophique alors qu'il n'avait jusque-là éprouvé l'existence qu'avec une sorte de nausée...Rien ne peut me motiver davantage.
LVS : Tes personnages, tes héros femmes et hommes sont des athlètes qui adorent se surpasser et défier le vide. Quels rapports entretiennent-ils avec l’altitude qui les grise et la mort qui les guette en embuscade ?
Thierry Ledru : Tout cela relève de mon parcours de vie. J'ai énormément appris sur moi par la pratique de l'alpinisme. La haute montagne est un espace particulièrement exigeant. Ça n'est pas un terrain de jeu. Ou alors, il faudrait admettre que c'est un jeu dont l'issue peut se révéler fatale. A mes yeux, c'est une école de vie. Le sport d'endurance est également une épreuve salutaire. Explorer son potentiel au-delà du connu, au-delà des limites mentales. Il est nécessaire pour moi d'arracher la chair pour découvrir le noyau. L'alpinisme était donc une épreuve qui ne pouvait se cantonner à une exploitation du physique. Il fallait sonder les ressources mentales. Il fallait forer dans les strates les plus inconnues. La confrontation avec la mort est une école de vie. La mise en danger volontaire réclame une implication totale. La naissance de notre premier enfant a marqué l'arrêt de cet engagement. Il n'était plus question pour moi de risquer ma vie alors que j'avais décidé de la partager. L'altitude, la beauté des montagnes, l'effort long, la contemplation des horizons gagnés, rien de tout ça n'a disparu. Il me restait à transcrire ce vécu dans les romans pour en explorer moi-même ce que j'y avais appris.
LVS : Le personnage de Pierre, l’instit subversif à souhait remet en question sa hiérarchie et le mammouth de l’éducation nationale. Est-ce ton sosie ? Quel instit étais-tu ?
Je n’ai tué personne en tout cas ! Mais effectivement, j’ai été de plus en plus en décalage au fil de ma carrière, jusqu’à refuser d’obéir, lors de la réforme de Peillon. J’ai quitté mon poste et je suis passé en « désobéissance civique ». Trois ans de lutte administrative. Une période très dure sur un plan émotionnel… Mais j’ai tenu jusqu’au bout…Il y a beaucoup de moi chez Pierre, c’est évident. Les convictions, l’engagement, la détermination. Le plus difficile a été d’admettre que l’institution de l’éducation nationale au sein de laquelle j’avais passé toute ma vie professionnelle n’œuvrait plus pour le bien des enfants. Clair et net. Et c’était comme une trahison. J’ai été convoqué huit fois en hôpital psychiatrique, sommé de suivre une thérapie, j’ai perdu mon poste dont j’étais titulaire...
LVS : Dans ce contexte particulier, quels souvenirs gardes-tu des enfants ?
Il me reste de ma carrière des milliers de souvenirs merveilleux avec les enfants. De mon premier poste dans une classe unique jusqu’à la dernière année, plus de mille enfants rencontrés. Certains m’écrivent encore. Ils sont mariés, ils ont des enfants. On a fait de la voile en Bretagne ou sur le lac du Bourget, de l’escalade à Pen Hir ou à Chamonix, de la marche sur glacier, de la randonnée à VTT, des balades dans les bois en partant de l’école, hors sentier, au plus profond des coins perdus, on écoutait les oiseaux, on construisait des cabanes, on étudiait les traces, on traversait des torrents... Et puis une fois revenu en classe, on écrivait tout ça, on dessinait, on inventait des chansons, on lisait énormément. L’enseignement se nourrit des émotions. Sans émotion, rien ne se fixe. Sinon, sous la contrainte. Moi, je voulais de la joie, je voulais de la vie.
LVS : Comment définirai-tu ton travail d’écrivain ?
Thierry Ledru : À mon sens, il ne faut pas écrire avec un objectif, un espoir, une attente. Il faut écrire juste parce que ça répond à un besoin vital. Une nourriture spirituelle. En sachant que les lois du marché imposeront une réalité qui sera peut-être très douloureuse. Ne pas avoir de projet, ne pas tirer de plans sur la comète, permet de se protéger, de ne pas subir la menace de la désillusion. Je ne pense absolument pas en termes de catégorie, de style, de marché, d'édition, j'écris comme je le ressens. L’essentiel, à mon sens, est de ne pas se trahir.
LVS : Quelle relation intime entretiens-tu avec tes personnages ?
Thierry Ledru : Travailler quotidiennement. C'est une nécessité. Pour entrer dans son histoire, vivre avec ses personnages, les connaître, s'émouvoir avec eux, les accompagner, le plus beau cadeau étant de rêver d'eux la nuit, de les voir, de les entendre. De ressentir leurs peines et leurs joies.
Pendant l'écriture de "Noirceur des cimes", le personnage principal m'a appelé une nuit, dans un rêve, un appel déchirant, il allait mourir, il fallait que je vienne le sauver. Je me suis levé, j'ai allumé l'ordinateur, je lui ai dit que j'arrivais. Une situation d'urgence. Un écrivain à qui on demandait un jour si ce qu'il avait écrit était vrai a répondu: "Bien entendu que c'est vrai puisque je l'ai inventé." Indispensable vie commune.
LVS : Quelle place occupent-ils dans ta vie ?
Thierry Ledru : Vivre réellement avec ses personnages jusqu'à ce qu'ils ne soient plus à soi mais à eux-mêmes. Devenir dès lors le simple transcripteur de leurs parcours. "Je" n'écris pas, "ça" écrit en moi. A partir de là, il me semble qu'on peut parler de livres émouvants. Que l'écrivain disparaisse. Ce n'est pas le style qui importe mais la vie qu'on trouve dans le livre. Et la vie ne peut pas être inventée. Si le style l'emporte sur la vie, c'est juste qu'un exercice de style alors que le roman est une forme écrite de la vie.
Je me suis longtemps écouté parler dans mes écrits, par prétention, en pensant que c'était suffisant pour écrire quelque chose d'intéressant. Je n'avais rien compris. J'écris pour honorer la Vie, pas ma vie. J'écris par respect. Plus par prétention. Le chemin a été long. Mais ça en valait la peine.
LVS : Tu publies des pavés de plus de 400 pages. Les lectrices et lecteurs en général préfèrent lire des histoires courtes et faciles à lire. Qu’est-ce que tu réponds à leurs arguments ?
Thierry Ledru : « Kundalini » et « Jusqu’au bout » sont effectivement des romans volumineux mais les autres le sont moins. « Les héros sont tous morts » se lit facilement dans la journée. C’est un polar violent, tendu, sec… Pour ce qui est des deux premiers, il était considérablement important pour moi d’être crédible et au regard de l’évolution des personnages, il ne pouvait y avoir de simplifications pour réduire le volume. On ne passe pas de « justicier exécutant » à un « amour inconditionnel » en quelques pages… C’est long, chaotique, incertain. De la même façon, on ne passe pas du statut de femme abandonnée et en détresse à une femme épanouie, explorant la pleine conscience du Soi… Je ne voulais pas de ces raccourcis qui répondent aux exigences du marché ou aux habitudes des lecteurs. C’est sans doute mon intransigeance chronique ou l’attachement à mes convictions...Il s’agissait d’un défi également : écrire un texte nécessairement long mais parvenir à tenir l’attention, le rythme, l’intérêt.
LVS : Pari gagné ! Comment surgit dans ton esprit, l’idée, la thématique d’un roman ?
Thierry Ledru : C’est lié à mon vécu, à mes réflexions, à mes lectures. L’actualité également dès lors que je lui trouve un intérêt. « A cœur ouvert » (dernier roman publié cette année) est parti de la mise au point du premier cœur artificiel par la société Carmat. Comment vit-on avec un cœur artificiel ? Quels sont les effets d’une telle opération ? Beaucoup d’éléments m’intéressaient. J’ai démarré également une trilogie il y a quatre ans maintenant. Le survivalisme en est le nœud, la crise planétaire, écologique, financière, sanitaire, le pic pétrolier, la disparition des structures étatiques. « Les héros sont tous morts » en est le premier tome : un polar qui bascule dans le thriller au tome 2 puis dans l’anticipation au tome 3. Vu l’actualité du moment, je dois dire qu’à cette allure, ça finira par devenir une trilogie historique. Il faudrait que j’écrive plus vite que l’actualité…Le tome 3 est en cours.
LVS : En tant qu’écrivain hors normes qu’on ne peut pas ranger dans un genre littéraire précis, comment vis-tu cette position qui pourrait être considéré par certains comme particulièrement inconfortable ?
Thierry Ledru : L’éditrice de « Noirceur des cimes » avait dit que j’écrivais des romans « à visées philosophiques ». J’aimais bien l’expression. L’éditrice de « Kundalini » a dit de ce roman que c’était un « ovni littéraire ». Tout ça me réjouit et correspond à ce que je cherche à produire. Il est certain que pour une maison d’édition, le risque est grand car ça ne répond pas aux demandes les plus fortes. Personnellement je sais que je ne vivrai pas de mes écrits, donc je ne vis pas cette situation comme inconfortable. Bien évidemment que je serais très heureux d’être lu par cent mille personnes, je ne vais pas dire le contraire, mais que ça soit en écrivant ce qui ne me correspond pas, c’est impossible.
LVS : Toi qui adore les grands espaces naturels, comment vis-tu le confinement actuel ?
Thierry Ledru : On a un jardin, on est à cent mètres des chemins dans les bois, on marche tous les jours. Il n’y a personne ici. Plus question de monter en altitude, on respecte les consignes. Depuis la terrasse, on regarde la neige qui fond et les forêts verdir. On attend « la réouverture des portes. » On s’occupe du potager, je prépare le bois de chauffage pour le prochain hiver, j’entretiens notre fourgon aménagé pour les prochaines virées. On sait qu’on est des privilégiés en comparaison de tous ceux qui vivent en ville. On vit en confinement volontaire depuis bien longtemps. Notre quotidien n’est aucunement bouleversé.
LVS : Je te sais un farouche partisan de la simplicité volontaire et de la décroissance qui s’y rattache comme Sat ton héros. Mais toi dans ton quotidien, en quoi ça consiste l’application concrète de ces préceptes et cette philosophie de vie ?
Thierry Ledru : On vise l’autonomie alimentaire, Nathalie passe beaucoup de temps dans le potager, je m‘occupe des gros travaux, pelle et pioche mais elle gère les plantations, une main verte merveilleuse. On n’achète rien de neuf si c’est évitable, aucun vêtement, rien que du recyclé, on ne « sort pas en ville » (ce qui pour nous s’apparente non pas à une sortie mais à un enfermement), on vit dans un grand isolement, un choix délibéré. Pas de cinéma, pas de restaurant, pas d‘invitations chez des amis, pas de shopping, pas de voyages à l’étranger (refus de l’avion). Nos déplacements, c’est uniquement dans les montagnes. Pourquoi aller chercher à des milliers de kilomètres, le bonheur que l’on trouve ici. Beaucoup de lectures, du yoga, de la marche, du vélo, du ski de randonnée, du ski de fond, des raquettes à neige, des baignades dans les lacs de montagne, contemplation, méditation… « Je suis riche des biens dont je sais me passer » Louis Vigée. Une phrase qui nous sert beaucoup.
LVS : Dans ta maison d’amour7 pour paraphraser ce cher et regretté Pierre Vassiliu : quelle place y aurait le naturisme ?
Pour ce qui est du naturisme, la maison que nous cherchons sera notre lieu de nudité. Être nu, dans notre lieu de vie, pour ressentir la vie autour de nous et qu’elle se diffuse en nous, que nous soyons le plus proche de la terre, du ciel, de l’eau, de l’air, des animaux, des plantes, de notre potager. Nous souhaitons une nudité qui correspondra à la simplicité vers laquelle nous tendons depuis des années. Il ne s’agira plus de chercher épisodiquement un lieu isolé pour pouvoir goûter au bonheur de la nudité dans une nature protégée, il s’agira de vivre nu sur notre lieu de vie. Le naturisme est une philosophie de vie intégrale, corps et esprit. Il ne suffit pas de se dénuder dans un camp pour être naturiste. Alimentation, yoga, méditation, réflexions, communication, pensées, écriture, sport, contemplation... Agir selon une pleine conscience de la nature en soi et non seulement autour de soi.
LVS : Quels conseils donnerais-tu à une lectrice ou un lecteur de la Vie au Soleil qui voudrait se lancer dans l’écriture en vue d’être publié ?
Thierry Ledru : Lire, lire, lire, lire… Chercher dans ces milliers de lectures, celles qui vous touchent le plus, celles qui vous bouleversent, celles qui vous éveillent, celles qui vous placent au-dessus de vous-même, dans une sorte de vue macroscopique. Cette lecture sera celle qu’il vous faudra écrire.
On ne peut écrire de beau que ce qui vous fait grandir. Le reste, c’est inutile d’y consacrer son énergie. Pour écrire, il faut aimer les mots, aimer les ajuster, aimer ce qu’ils produisent en vous, aimer la musique qu’ils composent. Il faut être prêt à s’isoler, à entrer en soi, jour et nuit parfois, il faut être certain aussi que personne n’en souffrira autour de soi. L’écrivain est seul, dans un monde à part, une bulle infranchissable. Il faut travailler, travailler encore et encore, sans autre désir que cette musique personnelle que vous voulez atteindre. Il ne faut pas écrire en imaginant être publié. C’est la porte ouverte à des désillusions redoutables. Et c’est un manque de respect envers les mots eux-mêmes. Un écrivain écrit, un musicien joue, un sculpteur sculpte, un peintre peint, un danseur danse, un chanteur chante … C’est l’art qu’il faut créer, c’est pour cette création que chacun travaille et c’est dans cette création que se trouve le bonheur.
LVS : Pour finir, s’il y a un domaine qu’on n’a pas abordé et qui te tient à cœur, à toi la parole
Thierry Ledru : Merci Franck pour ton interview. Je finirai par une phrase prononcée par un de mes personnages de romans : « Si tu n’apprends rien de tes tourments, c’est que tu ne méritais pas qu’ils prennent soin de toi. »
Quelques liens concernant l’auteur :
http://la-haut.e-monsite.com/pages/kundalini.html (page vers le roman)
http://la-haut.e-monsite.com/pages/jusqu-au-bout.html (page vers le roman)
https://www.editionsdu38.com/les-auteurs/thierry-ledru/
(Interview réalisée en avril 2020)
Quelques propositions concrètes pour réunir des écrivain(e)s naturistes et leur permettre de se rencontrer et partager leur chaleur humaine à travers leurs œuvres à cœur ouvert entre eux et avec le public.
A l’heure où j’écris ces lignes, le coronavirus en plus des victimes humaines a mis à mal moult petites structures éditoriales, qui ne se redresseront sans doute jamais sans des aides ! Cette situation difficile accroit la difficulté pour les auteur(e) naturistes de trouver une maison d’éditions qui leur correspondent et tuent dans l’œuf l’espoir de certain(e)s. D’où aussi ces quelques propositions concrètes pour rassembler par des actions ou manifestations les auteur(e)s qui se réclament du naturisme (littéraires, sciences humaines et autres). Quel que soit leur mode d’édition, afin de les rendre solidaires les un(e)s des autres et plus indifférent(e)s comme c’était trop souvent le cas auparavant.
Ecrire c’est un acte solitaire face à soi-même et son écran ou son outil scripteur et sa feuille de papier blanche. Les trois auteur(e)s naturistes de ce dossier mais aussi tous les autres connaissent cette complication existentielle et passionnelle qui leur accapare de très longs moments de recherches et de créations.
Quand ils ont la chance qu’une éditrice ou un éditeur s’intéresse à leur travail, les soutienne au point de les publier en leur offrant leur confiance, c’est Byzance ! Encore faut-il que l’éditrice ou l’éditeur soit professionnel(le) au niveau de son service de presse et sa distribution, afin de donner connaissance de l’existence des ouvrages de ses auteur(e)s au plus grand nombre.
A part les médias spécialisés naturistes format papier ou sur la toile, les médias généralistes ne s’intéressent pas ou guère au naturisme. Il faut aussi compter sur les blogs, sites, forums naturistes pour avoir un espoir de toucher un public en principe intéressé, puisque partageant des valeurs proches des auteur(e)s. Mais ne soyons pas naifs. La part belle donnée à la culture en général pour s’enrichir l’esprit sur ces sites naturistes est par trop souvent exsangue des préoccupations des colistières et colistiers. Car lire représente un certain effort à accomplir et c’est fatiguant. Se muscler les doigts des mains sur son téléphone, smartphone ou tablette, représente une activité bien plus féconde et tactile.
Un ouvrage qui ne circule pas ou dont on ne parle pas est un ouvrage voué à la mort. C’est un coup supplémentaire asséné à son auteur(e) qui éprouvera un embarras à s’en dépêtrer. Comme une écharde à perpétuité plantée dans le pied. Elle rendra sa création boiteuse. Elle ne le poussera plus à vouloir continuer d’écrire une œuvre et la publier.
Déjà que les auteur(s) naturistes édité(e)s à compte d’éditeurs sont très peu nombreux et ou inconnu(e) les uns des autres.
Pour rassembler les auteur(e)s épars(e)s, il n’existe pas à ma connaissance de groupes de discussion naturiste sur la toile, où des conseils, échanges fructueux et constructifs sont partagés entre les participant(e)s. Voir également des textes mis en lecture comme au temps du gueuloir de Flaubert. Où des auteur(e)s se réunissaient pour parler de leurs œuvres en cours et les partager à haute et intelligible voix. Les passer au crible de la critique de ses pairs afin de recueillir en retour des conseils pour les améliorer entre gens du métier.
Malgré tout, des solutions pour briser cette insoutenable solitude créatrice se profilent à l’horizon.
Outre la création d’un groupe de discussions entre auteur(e)s déjà mentionné.
On aurait pu penser que la FFN (fédération française de naturisme), qui est censée rassembler tous les naturistes, s’intéresserait à cette forme de communication active par les livres. D’autant que pour redorer son blason, elle tente de réobtenir son statut d’antan perdu, d’association reconnue d’utilité publique au titre de l’éducation populaire insufflée dès le départ par son concepteur : Albert Lecocq. Sauf erreur de ma part, l’éducation libre et indépendante passe par les livres pour se cultiver et frayer avec d’autres univers indépendants des aléas de notre vie quotidienne. Par ses invitations aux voyages à tous les étages pour atteindre la voute étoilée et se pâmer à ciel ouvert.
Je sais qu’à son siège, elle reçoit parfois des auteur(e)s trié(e)s sur le volet pour une séance de dédicaces. C’est une intention louable qui devrait être ouverte à tous les auteur(e)s sans exception !
Son site pourrait être le réceptacle en écho de manifestations consacrées aux livres naturistes et en premier lieu, la vitrine du naturisme par les livres. Où tous les auteur(e)s quel que soit leur pedigree éditorial, auraient leur place. Une librairie naturiste en ligne ou des ouvrages pourraient être mis en vente et gérés par les auteur(e)s eux-mêmes qui s’occuperaient de la communication autour de leurs livre et la distribution pour celles et ceux qui sont autoédités. Pour les autres ce serai leur maison d’éditions qui s’adresserait à la FFN comme à une librairie.
Les articles et les liens concernant les ouvrages en ligne seraient consultables par tous.
Pour compléter le tableau pour l’instant virtuel et impersonnel derrière son écran, il pourrait y avoir une phase vivante autour des auteur(e)s en chair et en os qui pourrait être proposée à travers des salons du livre naturistes dans les centres ou associations naturistes, qui regrouperaient plusieurs écrivain(e)s et permettraient les rencontres entre auteur(e)s mais aussi avec leur public.
Salon du livre itinérant par exemple en été où les auteur(e)s seraient logés pour la nuit et leur trajet remboursé en favorisant le co-voiturage pour raison économique et écologique entre les auteur(e)s.
Et pour ne pas être considéré comme « du bétail » qu’on dévisage de façon étrange lors de salons consacrés aux livres, les auteur(e)s mis en relation pourraient établir des affinités électives en connaissance de cause des ouvrages lus et appréciés de leurs pairs. Ainsi des duos pourraient se former que l’on appellera A et B. A et B s’apprécient à travers leurs œuvres et veulent en rendre en compte. Ils lisent et partagent leurs œuvres. Ils établissent des fiches de lecture l’un(e) pour l’autre. Et au lieu d’être passifs chacun(e) le cul sur sa chaise à attendre ses lectrices et lecteurs pour dédicacer. Des moments privilégiés d’échanges entre auteur(e)s en binôme et le public pourraient prendre la forme d’échanges gratifiants où seraient abordés les modes de fonctionnement des écrivain(e)s, leurs thèmes favoris ainsi que leur rapport au naturisme… Puis la parole serait donnée au public, avec comme modérateurs les deux auteur(e)s.
Des fiches de lecture seraient affichées avec la photo de l’auteur(e), afin de briser l’anonymat, ce qui permettrait de les reconnaitre immédiatement.
Les séances de lecture / débat entre les A et B pourraient être filmées et retransmises sur la toile.
En résumé
Le siège de la FFN serait une librairie virtuelle et factuelle où par écran interposé on pourrait découvrir tous les ouvrages publiés par les naturistes, mais aussi venir les consulter sur place ou les acquérir depuis chez soi.
La FFN organiserait une veille documentaire concernant ces ouvrages et leurs couvertures médiatiques Elle serait autogérée par les auteur(e)s eux-mêmes, afin de ne pas donner de travail supplémentaire aux deux secrétaires.
La FFN organiserait via des clubs, associations naturistes des salons du livre naturiste fixes ou itinérants. En proposant à des duos d’auteurs de lire les ouvrages de leur coéquipière ou coéquipier et les défendre devant le public et en débat fraternel et respectueux avec lui.
Bien entendu, comme ces propositions émanent de ma part, je les assume et serais heureux de les défendre au sein d’un comité d’auteur(e)s intéressé(e)s pour se regrouper et partager leur travail autour de la création littéraire. Ce qui aurait pour effet immédiat de briser leur solitude et les ouvrir à un vaste public naturiste.
A suivre ! J’espère qu’elles recevront l’accueil nécessaire et vaincront les écueils des préjugés puisqu’elles s’adressent à des esprits ouverts, afin qu’un vecteur de communication naturiste à travers les livres prenne son essor entre tous les publics et les auteurs, qui se réclament de cette littérature précisément et de ce mode de vie.
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