1 – Nourrir Paris
«Il y a quatre grandes questions : d’où venons-nous? qui sommes-nous? où allons-nous? et qu’est qu’on va manger ce soir?» Woody Allen, Hannah et ses sœurs, 1986
Vulnérabilité
En cas de blocus (routier ou autre), la ville ne possède que 3 jours de réserves. Les parisiens sont d’autant plus vulnérables que les produits viennent souvent de très loin et passent quasi systématiquement par la case Rungis et accumulent les food miles (kilomètres alimentaires). Ce sont souvent plusieurs milliers de kilomètres (3500 pour un pot de yogourt) qui sont parcourus par les aliments, sans compter le déplacement du consommateur au supermarché, bien souvent en voiture. Au final le produit consomme plus d’énergie pour son déplacement, qu’il n’en apporte à son consommateur. Et cela a des conséquences sur les déchets : en europe, 160 kg de déchets d’emballage dont les 2/3 sont d’origine alimentaire. Approximativement, un tiers des impacts environnementaux d’un ménage sont liés à la consommation de nourriture et de boisson.
Relocalisation
La relocalisation de la production, les circuits courts sont un des fondements d’une ville résiliente.
L’agriculture urbaine est pratiquée par plus de 800 millions d’habitants, 200 millions réalisent de la production de marché, 150 milions la pratiquent à plein temps (revue vertigo, janv 2011). ce qui représente 15 % de la production mondiale de nourriture.
Paris Intra muros, par sa densité n’offre que peu de place pour une autosuffisance alimentaire, les jardins partagés ont plus pour objectif de créer de la convivialité, que d’assurer sa subsistance, la solution est à trouver au delà, à l’échelon régional, par une coopération étroite entre consommateurs locaux et producteurs. C’est bien à cette échelle (la biorégion) que devra être considérée l’autosuffisance locale des parisiens, en créant des liens supra locaux, où l’échelle pourra varier en fonction des produits ou services considérés.
Le développement des AMAP en est la préfiguration. Leur nombre augmente, mais peine à répondre à la demande, faute de producteurs et de terrains disponibles. Il y a actuellement plus de 100 AMAP en ile de France. Le nombre de paniers moyens étant de 50, cela représente environ 5000 familles. Ce qui reste marginal.
D’autant que les espaces agricoles représentent plus de 45 % du territoire d’île de France (CESR) et sont parmi les plus fertiles d’Europe. Ces terres sont cependant principalement tournées vers le conventionnel. 60 000 ha/an de terres agricoles qui disparaissent, En France, une ferme disparait toutes les 15 minutes.
Le problème est principalement lié au fait que les produits sont souvent destinés à l’export, peu tournés vers le marché local. Le problème du prix des terres agricoles reste un frein à l’installation. Il s’agit alors de réserver l’achat des terres à vocation agricole aux acteurs agricoles biologiques, tournés vers le marché local. Un développement à grande échelle est possible pour des solutions de type Amap comme le montre l’exemple japonais (tekkei) ou 1/3 des aliments consommés proviennent des tekkei. A condition que l’accès à la terre soit rendu possible.
D’autres solutions devront être menées en parallèle pour assurer l’autosuffisance de Paris. Il s’agit tout d’abord de se poser une question fondamentale : de quelle surface a t-on besoin pour assurer sa propre subsistance (et celle de sa famille?).
La surface couramment admise pour répondre aux besoins d’une famille de 4 personnes est de 250m2, ou 35 à 40 m2 par personne selon certaines sources, moins si le jardin est en permaculture et bien conçu. C’est bien sur encore moins si parallèlement il s’approvisionne pour certains produits dans une amap, s’il est impliqué dans un jardin partagé dans son quartier, ou s’il s’associe à d’autres jardiniers pour échanger les surplus.
Un droit à la terre
Cette surface est globalement peu, mais difficile à offrir aux parisiens. Il est par ailleurs aujourd’hui difficile de concevoir que chaque parisien souhaite mettre ses mains à la terre pour assurer sa subsistance.
Mais ne serait-il pas normal que chaque habitant de paris, ou plus généralement un immeuble collectif se voit attribuer une parcelle? Dont la surface serait équivalente à la surface minimale de subsistance?. C’est à dire remettre au goût du jours les jardins familiaux.
L’intérêt serait multiple : limiter l’étalement urbain en contre-carrant les inconvénients liés à l’habitat collectif (l’absence de jardin) et diminuant l’avantage comparatif du pavillon au milieu de sa parcelle (et son jardin qui bien souvent n’est qu’une pelouse).
Concrètement, attribuer ou donner accès à 50m2 (soyons généreux) à chacun 2.2 milions de parisiens intramuros reviendrait à 11 000 ha, soit quasiment la superficie de paris intramuros (quand même!), 3 fois la superficie de l’aéroport Charles de Gaulle (que la ville post carbon devra récupérer), ou par personne le double d’une place de parking (ratio de 25m2, englobant la voie d’accès à ce parking).
Cette attribution pourrait être étendue à l’ensemble des franciliens vivant en logement collectif (72% des logements en Ile de France).
11 000 ha c’est aussi l’équivalent d’une ceinture verte (ou plutôt maraîchère) localisée à environ 10 km de Paris, d’une circonférence de 110 km et d’1km d’épaisseur. Ce pourrait être la limite de l’agglomération.
Mettre en oeuvre
L‘acteur clé de cette politique serait la région. La région attribuerait d’office, dés la naissance, jusqu’à la mort un droit à la terre. Une terre qu’elle aura préalablement et progressivement acquise; La région possède déjà les outils les PRIF agricole, mis en place par l’Agence des Espaces Verts, accompagnée de la Safer, 16000 ha ont actuellement été acquis.
Un acteur existe et peut permettre la mise la mise en oeuvre du projet, en assurant la connexion entre propriétaires et demandeurs (producteurs potentiels) : Terre de Liens.