Le catastrophisme climatique
- Par Thierry LEDRU
- Le 26/02/2021
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Dans la continuité de l'article précédent, je partage celui-ci.
Il reprend les arguments de Michael Schellenberger et son combat contre le "catastrophisme climatique".
TRIBUNE. Pourquoi les affirmations catastrophistes sur le climat sont fausses
https://www.lepoint.fr/postillon/tribune-pourquoi-les-affirmations-catastrophistes-sur-le-climat-sont-fausses-
Pour l'écologiste pragmatique Michael Shellenberger, les déclarations apocalyptiques s'avèrent scientifiquement erronées et politiquement contre-productives.
Par Michael Shellenberger*
Publié le 09/12/2019 à 15h46
Ces dernières semaines, les journalistes et les défenseurs de l'environnement ont fait un certain nombre de prédictions apocalyptiques sur l'impact du changement climatique. L'écologiste Bill McKibben a suggéré qu'en Australie, les incendies causés par le climat avaient rendu les koalas « pratiquement éteints ». Extinction Rebellion affirme : « Des milliards de gens mourront » et « la vie sur Terre est en train de s'éteindre ». Vice magazine soutient que « l'effondrement de la civilisation a peut-être déjà commencé ».
Peu ont plus attiré l'attention sur cette menace que la militante étudiante Greta Thunberg et la représentante démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, sponsor du Green New Deal. Cette dernière prétend que « le monde va s'écrouler dans douze ans si nous ne nous attaquons pas au changement climatique ». Dans son nouveau livre, Thunberg affirme : « Vers 2030, nous serons en situation de déclencher une réaction en chaîne irréversible hors du contrôle humain, qui conduira à la fin de la civilisation telle que nous la connaissons. »
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Parfois, les scientifiques eux-mêmes font des affirmations apocalyptiques. Si la terre se réchauffe de quatre degrés, « il est difficile de voir comment nous pourrions accueillir huit milliards de personnes, voire la moitié d'entre elles », a déclaré l'un d'entre eux, Johan Rockström, directeur de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l'impact du climat. Si le niveau de la mer s'élève autant que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat le prévoit, un autre scientifique, Michael Oppenheimer, professeur des sciences de la Terre à Princeton, a déclaré : « Ce sera un problème ingérable. »
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L'écologiste « pragmatique » Michael Shellenberger en février à Madrid.
© Oscar Gonzalez / NurPhoto
Des déclarations apocalyptiques comme celles-ci ont des répercussions dans le monde réel. En septembre, un groupe de psychologues britanniques a déclaré que les enfants souffrent de plus en plus de l'anxiété causée par le discours effrayant sur le changement climatique. En octobre, un militant d'Extinction Rebellion (XR) – un groupe environnemental fondé en 2018 pour désobéir civilement afin d'attirer l'attention sur la menace que les changements climatiques font peser sur l'existence humaine – et un vidéaste ont été frappés et battus dans une station du métro londonien par des voyageurs en colère. Et fin novembre, un cofondateur de XR a déclaré qu'un génocide comme celui de l'Holocauste « se reproduisait, à une bien plus grande échelle, et à la vue de tous » à cause du changement climatique.
Le changement climatique est une question qui me tient à cœur et à laquelle j'ai consacré une partie importante de ma vie. J'ai été politiquement actif sur cette question pendant plus de vingt ans et j'ai fait des recherches et écrit à ce sujet pendant dix-sept ans. Au cours des quatre dernières années, mon organisation, Environmental Progress, a collaboré avec certains des plus grands climatologues du monde pour empêcher les émissions de carbone d'augmenter. À ce jour, nous avons contribué à prévenir l'augmentation des émissions, pour l'équivalent de 24 millions de voitures supplémentaires sur les routes.
Je tiens également à rétablir l'exactitude des faits et de la science et j'ai, ces derniers mois, corrigé la couverture médiatique inexacte et apocalyptique des incendies en Amazonie et en Californie, qui ont été présentés à tort comme étant principalement attribuables aux changements climatiques.
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L'approche catastrophiste du changement climatique est autodestructrice
Les journalistes et les militants ont l'obligation de décrire les problèmes environnementaux avec honnêteté et précision, même s'ils craignent que cela réduise la valeur de ces nouvelles ou leur impact sur le public. Il y a des preuves concordantes du fait que l'approche catastrophiste du changement climatique est autodestructrice, car elle détourne et polarise de nombreuses personnes. Et exagérer le changement climatique risque de nous éloigner d'autres questions importantes, y compris celles sur lesquelles nous pourrions avoir un meilleur contrôle à court terme.
Je ressens le besoin de le dire d'emblée parce que je veux que les questions que je m'apprête à soulever soient prises au sérieux et ne soient pas rejetées par ceux qui qualifient de « négationnistes du climat » ou de « retardateurs du climat » ceux qui repoussent l'exagération.
Cela étant posé, examinons si les données scientifiques appuient ce qui a été dit.
Premièrement, aucun organisme scientifique crédible n'a jamais dit que les changements climatiques menacent la civilisation d'effondrement et encore moins l'espèce humaine d'extinction. « Nos enfants vont mourir dans les 10 à 20 prochaines années. » Quel est le fondement scientifique de ces allégations ? » Andrew Neil, de la BBC, a interrogé le mois dernier une porte-parole de XR visiblement mal à l'aise. « Il est vrai que ces affirmations ont été contestées », répond-elle. « Il y a des scientifiques qui sont d'accord et d'autres qui disent que ce n'est pas vrai. Mais le problème général, c'est que ces morts vont bien se produire. » « Mais la plupart des scientifiques ne sont pas d'accord avec cela » poursuit Neil. « J'ai examiné les rapports du Giec et je ne vois aucune référence à des milliards de personnes qui mourront, ou à de telles conséquences pour les enfants dans 20 ans. Comment mourraient-ils ? » « Des migrations de masse à travers le monde ont déjà lieu en raison de la sécheresse prolongée qui sévit dans certains pays, en particulier en Asie du Sud. Il y a des incendies de forêt en Indonésie, dans la forêt amazonienne, en Sibérie, dans l'Arctique », dit-elle.
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Mais en disant cela, la porte-parole de XR a grossièrement déformé la science. « Il existe des preuves solides que les catastrophes déplacent des personnes dans le monde entier, note le Giec, mais des preuves limitées que le changement climatique ou l'élévation du niveau de la mer en sont la cause directe. » Qu'en est-il de cette « migration de masse » ? « La majorité des mouvements de population qui en résultent ont tendance à se produire à l'intérieur des frontières des pays touchés », explique le Giec.
Ce n'est pas comme si le climat n'avait pas d'importance. C'est que les changements climatiques sont compensés par d'autres facteurs. Plus tôt cette année, les chercheurs ont constaté que le climat « a affecté les conflits armés organisés dans des pays. Cependant, d'autres moteurs, tels que le faible développement socio-économique et les faibles capacités de l'État, sont jugés beaucoup plus influents. »
En janvier dernier, après que les climatologues eurent critiqué la représente Alexandria Ocasio-Cortez pour avoir dit que la fin du monde arriverait dans douze ans, son porte-parole a répondu : « Nous pouvons ergoter sur la phraséologie, qu'elle soit existentielle ou cataclysmique », ajoutant : « Nous observons beaucoup de problèmes [liés au changement climatique] qui ont déjà un impact sur des vies. » Cette dernière partie est peut-être vraie, mais il est également vrai que le développement économique nous a rendus moins vulnérables, ce qui explique pourquoi le nombre de victimes de catastrophes naturelles a diminué de 99,7 % depuis son point culminant de 1931. Cette année-là, 3,7 millions de personnes sont mortes des suites de catastrophes naturelles. En 2018, 11 000 seulement. Et ce déclin s'est produit au cours d'une période où la population mondiale a quadruplé.
Qu'en est-il de l'élévation du niveau de la mer ? Le Giec estime que le niveau de la mer pourrait monter de deux pieds (0,6 mètre) d'ici 2100. Est-ce que cela semble apocalyptique ou même « ingérable » ? Considérons qu'un tiers des Pays-Bas se trouve sous le niveau de la mer et que certaines régions se trouvent à sept mètres sous le niveau de la mer. On pourrait objecter que les Pays-Bas sont riches alors que le Bangladesh est pauvre. Mais les Pays-Bas se sont adaptés à la vie sous le niveau de la mer il y a quatre cents ans. La technologie s'est un peu améliorée depuis.
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Qu'en est-il des allégations de mauvaises récoltes, de famine et de mortalité massive ? C'est de la science-fiction, pas de la science. Aujourd'hui, les humains produisent suffisamment de nourriture pour 10 milliards de personnes, soit 25 % de plus que ce dont nous avons besoin, et les organismes scientifiques prédisent une augmentation de cette tendance, et non un déclin. L'Organisation des nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) prévoit uneaugmentation des rendements agricoles de 30 % d'ici 2050. Et les régions les plus pauvres du monde, comme l'Afrique subsaharienne, devraient connaître des augmentations de 80 à 90 %.
Personne ne suggère que le changement climatique n'aura pas d'impact négatif sur le rendement des cultures. Cela se pourrait. Mais ces baisses doivent être relativisées. Les rendements du blé ont augmenté de 100 à 300 % dans le monde entier depuis les années 1960, tandis qu'une étude reposant sur 30 modèles a révélé que les rendements diminueraient de 6 % pour chaque degré Celsius d'augmentation des températures. Les taux de croissance futurs des rendements dépendent beaucoup plus de l'accès des pays pauvres aux tracteurs, à l'irrigation et aux engrais que du changement climatique, selon la FAO.
Tout ceci explique pourquoi le Giec prévoit que les changements climatiques auront un impact modeste sur la croissance économique. D'ici 2100, le Giec prévoit que l'économie mondiale sera de 300 à 500 % plus importante qu'elle ne l'est actuellement. Le Giec et le lauréat du prix Nobel d'économie de Yale, William Nordhaus, prédisent conjointement qu'un réchauffement de 2,5 °C et 4 °C réduirait le produit intérieur brut (PIB) de 2 % et 5 % au cours de la même période.
Cela signifie-t-il que nous ne devrions pas nous inquiéter du changement climatique ? Pas du tout.
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Doit-on s'inquiéter pour les koalas ? Absolument !
L'une des raisons pour lesquelles je travaille sur le changement climatique est que je m'inquiète de l'impact qu'il pourrait avoir sur les espèces en péril. Le changement climatique pourrait menacer un million d'espèces dans le monde et la moitié de tous les mammifères, reptiles et amphibiens dans divers endroits comme le Rift Albertin en Afrique centrale, habitat du gorille des montagnes dont l'espèce est menacée.
Mais il n'est pas vrai que « nous mettons notre propre survie en danger » par des extinctions, comme Elizabeth Kolbert l'a affirmé dans son livre, La Sixième Extinction (éditions Vuibert). Aussi tragiques que soient les extinctions d'animaux, elles ne menacent pas la civilisation humaine. Si nous voulons sauver les espèces en voie de disparition, nous devons le faire parce que nous nous préoccupons de la faune pour des raisons spirituelles, éthiques ou esthétiques, et non pour des raisons de survie.
Et exagérer le risque et suggérer que le changement climatique est plus important que des choses comme la destruction de l'habitat sont contre-productifs. Par exemple, les incendies en Australie ne conduisent pas à l'extinction des koalas, comme l'a suggéré Bill McKibben. Le principal organisme scientifique qui suit l'espèce, l'Union internationale pour la conservation de la nature, ou UICN, qualifie le koala de « vulnérable », qui est un niveau en dessous de « en danger », deux niveaux en dessous de « en danger critique d'extinction » et trois en dessous de « éteint » à l'état sauvage.
Doit-on s'inquiéter pour les koalas ? Absolument ! Ce sont des animaux étonnants et leur nombre est tombé à environ 300 000. Mais ils font face à des menaces beaucoup plus importantes comme la destruction de leur habitat, les maladies, les feux de brousse et les espèces envahissantes. Envisagez les choses ainsi. Le climat pourrait changer radicalement – et nous pourrions encore sauver les koalas. Inversement, le climat pourrait ne changer que modestement – et les koalas pourraient toujours disparaître.
L'accent monomaniaque mis sur le climat détourne notre attention d'autres menaces qui pèsent sur les koalas et sur les possibilités de les protéger, comme la protection et l'expansion de leur habitat. En ce qui concerne les incendies, l'un des scientifiques australiens les plus éminents sur la question déclare : « Les pertes dues aux feux de brousse peuvent s'expliquer par l'exposition croissante des habitations aux broussailles sujettes au feu. Aucune autre influence n'a besoin d'être invoquée. Donc, même si le changement climatique avait joué un petit rôle dans l'occurrence des feux de brousse récents, et nous ne pouvons l'exclure, le changement d'exposition des biens au risque est un facteur largement prééminent. »
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Les incendies ne sont pas non plus uniquement dus à la sécheresse, qui est fréquente en Australie, et exceptionnelle cette année.« Le changement climatique joue son rôle ici », a expliqué Richard Thornton du Bushfire and Natural Hazards Cooperative Research Centre en Australie, « mais il n'est pas la cause de ces incendies. »
Il en va de même pour les incendies aux États-Unis. En 2017, les scientifiques ont modélisé 37 régions différentes et ont découvert que « les humains peuvent non seulement influencer les régimes de feu, mais que leur présence peut en fait éclipser, ou même neutraliser, les effets du climat ». Parmi les dix variables qui influent sur le feu, « aucune n'était aussi importante… que les variables anthropiques », comme la construction de maisons, la gestion de feux et l'utilisation du bois en tant que combustible à proximité des forêts.
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Les scientifiques du climat commencent à repousser les exagérations des militants, des journalistes et des autres scientifiques. « Alors que de nombreuses espèces sont menacées d'extinction », a déclaré Ken Caldeira de Stanford, « le changement climatique ne menace pas l'extinction de l'homme… Je ne voudrais pas qu'on motive les gens à faire ce qu'il faut en leur faisant croire quelque chose qui est faux. » J'ai demandé au climatologue australien Tom Wigley ce qu'il pensait de l'affirmation selon laquelle le changement climatique menace la civilisation. « Ça me dérange vraiment parce que c'est faux », a-t-il dit. « Tous ces jeunes ont été mal informés. Et c'est en partie la faute de Greta Thunberg. Pas délibérément. Mais elle a tort. » Mais les scientifiques et les militants n'ont-ils pas besoin d'exagérer pour attirer l'attention du public ? « Je me souviens de ce que disait Steve Schneider, un climatologue de l'université de Stanford, répondit Wigley. « Il avait l'habitude de dire qu'en tant que scientifique, nous ne devons pas vraiment nous préoccuper de la façon dont nous présentons les choses dans nos communications avec les gens de la rue qui ont besoin d'un petit coup de pouce pour réaliser que le problème est grave. Steve n'avait aucun scrupule à parler de cette façon biaisée. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ça. »
Nécessité d'un terrain d'entente
Wigley a commencé à travailler à plein temps sur la science du climat en 1975 et a créé l'un des premiers modèles climatiques (MAGICC) en 1987. MAGICC reste l'un des principaux modèles climatiques utilisés aujourd'hui. « Quand je m'adresse au grand public, dit-il, je souligne certaines des choses qui pourraient réduire le réchauffement prévu et d'autres qui pourraient l'accroître. J'essaie toujours de présenter les deux côtés. »
Ce qui me dérange pour partie dans la rhétorique apocalyptique des activistes du climat, c'est qu'elle s'accompagne souvent d'exigences visant à refuser aux pays pauvres les sources d'énergie bon marché dont ils ont besoin pour se développer. J'ai constaté que de nombreux scientifiques partagent mes préoccupations.
« Si vous voulez minimiser la proportion de dioxyde de carbone dans l'atmosphère en 2070, vous pourriez bien être amené à accélérer la combustion du charbon en Inde aujourd'hui », a déclaré Kerry Emanuel, climatologue du MIT. « Cela semble paradoxal. Le charbon est terrible pour le carbone. Mais c'est en brûlant beaucoup de charbon que les Indiens s'enrichissent, et en s'enrichissant ils ont moins d'enfants, et en n'ayant pas autant de gens qui brûlent du carbone, on sera peut-être en meilleure position en 2070. »
Emanuel et Wigley affirment qu'une rhétorique extrémiste rend plus difficile un accord politique sur le changement climatique.
« Il faut trouver un terrain d'entente où l'on peut faire des choses raisonnables pour atténuer les risques et essayer en même temps de sortir les gens de la pauvreté et les rendre plus résilients », dit Emanuel. « Nous ne devrions pas être forcés de choisir entre sortir les gens de la pauvreté et faire quelque chose pour le climat. »
Fort heureusement, il y a une grande marge de manœuvre entre l'apocalypse climatique et le déni climatique.
*Nommé « héros de l'environnement » par le magazine Time en 2008 et fondateur du think thank Environmental Progress, Michael Shellenberger se définit comme un écologiste pragmatique et pro-nucléaire. Il est un fréquent contributeur de Forbes, du New York Times et du Washington Post.
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