Le lac Vostok

Tiens, en voilà un bon scénario de film. Une bactérie remontée à la surface, qui élimine les scientifiques sur place et qui s'étend à toute la planète; Ca leur apprendra à forer aussi profond que la bêtise humaine;

 

http://www.lepoint.fr/science/lac-de-vostok-nous-sommes-obliges-de-croire-les-russes-sur-parole-10-02-2012-1430134_25.php

 

Selon Yves Frenot, président du Comité pour la protection de l'environnement en Antarctique, en forant jusqu'au lac, la Russie n'a enfreint aucune réglementation internationale.

Les chercheurs russes de la station de Vostok le 5 février, le jour où ils ont atteint le lac sous une couche de 3 769 mètres.

Les chercheurs russes de la station de Vostok le 5 février, le jour où ils ont atteint le lac sous une couche de 3 769 mètres. © AP/Sipa

 
  • Par Guy Savoy

En atteignant la surface du lac Vostok, enfoui sous 4 kilomètres de glace en Antarctique, les Russes ont-ils pris un risque insensé en matière de contamination bactérienne ? Sous prétexte de vouloir découvrir une vie autonome depuis au moins un million d'années, ne l'ont-ils pas condamnée à mort ipso facto ? Les scientifiques russes qui ont conduit le forage affirment avoir pris toutes les mesures possibles et imaginables pour que leur foreuse n'introduise pas d'organismes étrangers dans les eaux du lac, et, inversement, pour que des germes - éventuellement pathogènes - du lac ne remontent pas en surface.

Dans le document qu'ils ont remis l'an dernier au Comité pour la protection de l'environnement (CPE) en Antarctique, et que Le Point.fr s'est procuré, les autorités russes écrivent : "La couche de kérosène-fréon dans le trou de forage constitue une barrière biologique efficace au transport de matériel biologique depuis la surface par les équipements de forage et le câble. Par conséquent, les risques potentiels de contamination des eaux relictuelles (protégées de toute concurrence extérieure, NDLR) du lac, en utilisant la méthode russe, sont réduits au minimum." C'est cette notion du "risque minimum" qui pose problème à de nombreux scientifiques et à plusieurs pays, qui condamnent l'initiative russe. Simple rappel : les experts de l'atome japonais ne parlaient-ils pas également de risque minimum quant à la fusion simultanée du coeur de plusieurs centrales nucléaires nippones ? On connaît la suite...

Dans les clous

Reste qu'en poursuivant leur forage jusqu'à la surface du lac Vostok, les Russes n'ont enfreint aucune réglementation internationale. Ils sont restés totalement dans les clous, selon Yves Frenot, directeur de l'Institut polaire français Paul Émile Victor (Ipev), qui préside le Comité pour la protection de l'environnement en Antarctique. "Les Russes ont fourni l'étude d'impact réclamée par le Protocole de Madrid pour toute activité en Antarctique. Ils l'ont rendue publique, à la fois dans leur pays et à l'international comme le veut la procédure, puis l'ont soumise en 2003 au CPE pour discussion", précise Frenot. L'étude a été très contestée par la communauté scientifique internationale. "Elle était très sceptique quant aux capacités d'atteindre le lac Vostok sans contamination par le fluide de forage, et, par conséquent, elle encourageait vivement les Russes, d'une part, à faire des essais préliminaires dans des lacs plus petits pour tester leur technologie et, d'autre part, à attendre que la technologie s'améliore avant de travailler en grandeur nature à Vostok", poursuit le directeur de l'Ipev.

Après sept ans de réflexion, les Russes ont donc produit l'an dernier un document répondant point par point aux craintes émises par le CPE. Grosso modo, ils ont répété qu'ils avaient revu tous leurs calculs, qu'ils étaient sûrs de leur coup, et que, donc, plus rien ne les empêchait de percer les derniers mètres jusqu'à la surface du lac. Et ce en toute légalité. "Effectivement, confirme Yves Frenot, l'étude d'impact finale ne repasse pas devant le comité. La Fédération de Russie est juste tenue de la faire circuler. L'autorisation définitive de forer est donnée par l'autorité compétente nationale. Il n'y a aucun moyen d'empêcher une activité de se faire à partir du moment où l'autorité compétente nationale délivre une autorisation."

Aucune obligation

Pire que cela, le Protocole de Madrid ne prévoit aucun contrôle de l'activité sur place. Les scientifiques russes n'ont de comptes à rendre à personne, sinon à leurs propres autorités. Aucune délégation internationale ne pourra se rendre spécialement sur place pour vérifier les travaux de forage. "On peut le regretter, mais c'est comme cela. On attend avec impatience que les Russes nous rendent compte de leurs travaux, qu'ils nous expliquent s'ils estiment que c'est un succès, s'il y a eu contamination ou non, mais surtout ce qui leur permet de l'affirmer. Mais là, une fois encore, ils ne sont pas obligés de nous faire ce rapport", note Yves Frenot. On imagine facilement qu'en cas de contamination de la surface par des bactéries du lac, les Russes n'aillent pas le crier sur les toits. "Nous sommes obligés de croire les Russes sur parole", poursuit-il.

L'enjeu scientifique en vaut-il la chandelle ? Le responsable du forage parle d'une avancée pour l'espèce humaine aussi importante que le jour où l'homme est allé dans l'espace. Petite plaisanterie qu'il ne faut pas prendre au sérieux. Dans leur enthousiasme, les Russes auraient un peu trop tendance à vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Par exemple, lorsqu'ils parlent d'une grande avancée attendue en matière climatique, elle est généralement considérée comme fausse par tous les paléoclimatologues du monde.

Plaisir médiatique

Les carottages actuels ou à venir dans la calotte glaciaire fournissent suffisamment d'informations sans avoir à explorer le lac Vostok. Quant à la découverte d'une vie "extraterrestre" extraordinaire, il existe encore sur Terre et sous les océans de très nombreuses formes de vies isolées et inconnues pour satisfaire la curiosité de milliers de scientifiques. Bref, les Russes se sont surtout fait un grand plaisir médiatique en perçant le lac Vostok et en prenant le risque d'une contamination. Sans doute réduit, mais bien réel. Maintenant, on peut aussi penser au risque pris par les Américains le jour où ils ont posé le pied sur la Lune. Celui de la polluer biologiquement ou, au contraire, de rapporter sur Terre des germes nocifs. Qui s'en soucie, aujourd'hui ?

 



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