Livre du mois.
- Par Thierry LEDRU
- Le 05/05/2012
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Coulisses de mes exploits...
" Coulisses de mes exploits...obscènes "
Behind the Scenes of my exploits…
de
Pascal Querou.
Si « l’œil écoute » c’est forcément que « l’oreille regarde »
© Paul claudel.
Rien ne prédestinait Tristan Medelec à embrasser une profession de technicien à la télévision…
Issu d’une famille bourgeoise et intellectuelle, le jeune Tristan avait une vie agréable, pratiquement sans heurt…
A 18 ans, il choisit de devenir artiste peintre sans grande conviction.
Habité par un grand vide, il cherche sa voie en tâtonnant, adulescent vivant la bohème comme si l’évidence allait devenir réalité.
Orphelin à vingt ans, cette disparition lui transperce le corps et l’esprit…
Il se retrouve seul avec sa sœur, vivant d’une somme conséquente reçue en héritage, il n’a donc pas l’obligation de travailler pour subvenir à ses besoins et s’enferme confortablement dans une oisiveté, un bulle hermétique impénétrable, carapace contre l’adversité du monde.
Le commencement de sa vie d’adulte, apparaît comme une parenthèse intemporelle, nourrit d’une sexualité débridée à la recherche d’affections fugaces mais combien nécessaires pour se sentir exister et combler ses manques. Le capital épuisé, un cousin lui suggère de devenir éclairagiste, il deviendra preneur de son pour France 2.
Le hasard fait que son premier baptême du feu allait lui ouvrir un destin imprévisible…Sans qualification il apprendra sur le terrain, et deviendra le témoin privilégié des évènements, des comportements, des réactions, dont il n’avait jamais soupçonné l’existence dans le genre humain…
« Ce jour-là, Mercredi 22 juin 1994, la radio confirma que le Conseil de Sécurité de L’ONU venait d’adopter la résolution 929 qui donnait droit à l’armée française de mener une opération à but humanitaire autorisant la force au Rwanda. Inutile de dire que France2, se devait de couvrir un tel événement qui allait permettre à nos soldats de se distinguer pour une juste cause… Et devenir par la force des choses un des feuilletons médiatiques de l’été… »
Tristant Medelec, avait déjà voyagé avec ses parents et sa sœur, au Sénégal, dans des ghettos d’occidentaux, sans vraiment prendre conscience de la réalité locale. Les premières visions des africains coiffés de bérets, vêtus de treillis et harnachés de kalachnikov perturbèrent ces souvenirs imagés de léthargie africaine envoûtante, classés dans le rayon folklore de son enfance.
Le cruel jaillissait d’un coup devant lui..
« Des enfants s’agglutinaient autour de nous. Et un petit gars haut comme trois pommes d’environ cinq ou six ans me montra le sommet de son crâne avec le bout du doigt. Traversé par une entaille encore sanguinolente… Un autre guère plus vieux s’approcha à son tour, et remua le petit bout de bras qu’il lui restait et qu’un vieux bandage crasseux recouvrait… »
La part d'enfance qui sommeille encore en lui, s'en trouve boulversée.
Les évènements du génocide que tout un chacun a suivi en son temps sur les chaînes de télévision sont nombreux et inoubliables de part leurs atrocités. Graduellement Medelec, qui ne maîtrisait pas toutes les subtilités géopolitiques et diplomatiques des évènements historiques qu’il couvrait, se rend compte qu’il est associé en tant français libérateurs mais acclamés par les Hutus assassins. Lui, qui était si fier de ses principes humanistes et démocratiques d'occident, sent la méprise de la situation créant en lui un mal être empli de culpabilité.
Pascal Querou nous écrit un livre entre l' autobiographie et la fiction romancée empli d’humanité, il peint avec ses mots ses ressentis d’homme vulnérable toutes les facettes de l’humanité qu’il découvre pendant son activité professionnelle, que ce soit l’adaptation instantanée d’une équipe d’hommes et de femmes de télévision qui se connaissent à peine, et qui réagissent spontanément à des situations complètement chaotiques ou encore les regards insoutenables des africains blessés.Les horreurs de la guerre ethnique organisée ne peuvent que choquer les esprits même si dans le feu de l’action le travail d’information passe en première ligne.
L’homme profondément bon se pose toutes les questions spirituelles et éthiques sur le genre humain qui s’autodétruit dans la rage dépuratrice, mais les images atroces restent imprimées dans sa mémoire et l’apparition de troubles somatiques correspond à un moment particulier où le deuil subit un blocage sélectif en rapport avec le retour de la problématique historique.
Ce roman est une fresque faite de craquelures psychologiques ressenties par un homme qui regarde et entend ce que les autres protagonistes semblent vivre autrement que lui-même.
Dans les formes les plus abstraites de l’intelligence, les facteurs affectifs interviennent toujours…l’homme cherche l’équilibre entre l’assimilation des faits et l’accommodation de son être face à des situations extérieures qui le déséquilibrent.
Le monde des médias et de l’information est traversé part une palette de caractères humains et d' hommes nourris d’ expériences vivantes qui modifient leurs personnalités intrinsèques.
On rencontre des rédacteurs aveuglés par les tumultes extraordinaires des situations exposées, prêts à tout, pour devenir les barons de l’information. Certains aristocrates du reportage sont jalousés par les médiocres, condamnés à couvrir l’actualité la plus banale. Chacun recherchant la reconnaissance de sa personnalité à travers l' activité journalistique et caressant l’espoir d’un regard soutenu de la direction, avec pour questionnement : la télévision peut-elle vous rendre fou ?
Medelec y répond : "Car j’avais la certitude que la télévision rendait fou. Dans le sens où les moins scrupuleux souvent implicitement encouragés par une partie de leur hiérarchie et aveuglés par leur ego difforme, n’hésitaient pas à surenchérir sur l’ampleur d’un événement pour lui donner un caractère exceptionnel. Et le transformer en avatar sensationnel… ou en aléa sordide. Pour d'autres une certaine déontologie et un sens de la qualité paraissaient une conception poussiéreuse du métier…le racolage organisé par la création de nouvelles chaînes de télévision, avait amplifié un style très décontracté, qualifié de méthodes de voyous par les plus intègres"
Ce roman n’est pas anodin …il met en exergue la situation professionnelle de ces personnes qui prennent beaucoup de risques pour nous informer des évènements que nous ne voudrions pas voir.
Nos jeunes étudiants diplômés, face à un avenir professionnel incertain et un monde d’une dureté révoltante, font le choix d’un métier qui, à défaut d’être payant, s’inscrit dans une quête de sens, un goût d’aller voir ailleurs, de mieux comprendre ce monde de plus en plus étroit, mais complexe..
On dira qu’ils sont téméraires, naïfs, idéalistes : « Cette peur qui me donnait un sentiment de vie extrême. Comme si chaque seconde comptait double ou triple… et cette sensation me remplissait entièrement. Et rendait tout le reste complètement insignifiant… ».
Mais ce sont des humains comme les autres. La disparition de nos journalistes de guerre, nous rappelle à la fois la brutalité insensée de la guerre et le courage de ceux qui ont choisi de s’en faire les témoins. Aux dernières nouvelles …
Morts aussi à Homs en Syrie,Gilles Jacquier ( janiver2012 ) et Anthony Shadid ( février2012 ), tous deux âgés de 43 ans et pères de famille. Anne Nivat, récemment expulsée de russie pour son travail de terrain à la fois très humain, lucide et surtout critique, est une jeune mère aussi.
Remi Ochlik, jeune photographe français de 28 ans, vient d’être tué en Syrie, tout comme sa collègue américaine Marie Colvin. En 2004, à 20 ans, il avait choisi de partir en Haïti dans l’indifférence générale, lors de la chute du président Aristide. Il a été aux premières loges du printemps arabe en 2011, en Tunisie, en Égypte et en Libye. Il a remporté plusieurs prix d’excellence pour son travail.
Pascal Querou, vitrail d'une cathédrale humaine, ose partager sa fragilité et la part de féminité qui l'habite. Un rayon de lumière rassurant parcourt ce roman, symbole de l'amour de sa compagne qui en filigrane lui éclaircit son histoire personnelle, et donne encore un sens à sa vie.
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"Coulisses de mes exploits...
obscènes "
Genre : roman
Auteur : Pascal Querou
394 pages
Prix : 18 euros
ISBN : 978-2-36013-083-2
© Marie-Christine Dehove pour frencwriterswordwide.com
5 mai 2012
En savoir plus sur Pascal Querou.
"Coulisses de mes Exploits...obscènes" livre sélectionné pour le livre du mois de mai 2012.
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