"Printemps silencieux" de Rachel Carson

Le livre précédent, Cabane" d'Abel Quentin et celui-ci sont mes deux dernières lectures. Et le constat que j'en retire, c'est que nous sommes véritablement et définitivement une espèce toxique, néfaste, destructrice et que nous sommes incapables de prendre conscience des problèmes les plus profonds et les plus dramatiques parce que nous sommes pris dans un courant planétaire, une forme d'embrigadement auquel nous adhérons, quoi qu'il en coûte. 

J'ai au moins la satisfaction de lire les commentaires écrits par les lecteurs et lectrices de ces deux ouvrages et il est apaisant de se sentir moins seul. Bien que nous ne soyons qu'une minorité impuissante. 

Ce livre a été écrit en 1962, mon année de naissance et le rapport Meadows est paru en 1972. Bien évidemment, je n'avais aucune connaissance de ces écrits. Mais plus tard, j'aurais pu et j'aurais dû m'y intéresser. J'ai attendu d'avoir quarante ans pour vraiment commencer à m'instruire.Ce sont nos trois enfants qui ont été le maillon manquant, celui qui manquait à ma motivation, à cette prise de conscience. Quel monde allais-je leur léguer ? 

Lorsque j'ai eu mon permis de conduire et ma première voiture, l'été de mes 18 ans, je suis tout de suite parti à Chamonix, pour les sommets. Je traversais la France de nuit, Quimper-Chamonix, non-stop et je vidais le ballon de liquide de nettoyant de pare-brise tellement l'hécatombe d'insectes était volumineux. Aujourd'hui, pour chaque long trajet, nous roulons toujours de nuit et des insectes de nuit, il n'y en a quasiment plus. Ça peut paraître anecdotique mais c'est en réalité symptomatique de cette dévastation et de la vitesse à laquelle elle se réalise. 

Un autre exemple : quand j'étais à l'école primaire puis au collège, j'aimais aller à la pêche à la ligne sur une digue, au Cap-Coz. J'avais un équipement rudimentaire et je n'étais aucunement un spécialiste et pourtant je ramenais toujours du poisson à la maison, au grand plaisir de mes parents. Il y avait toujours d'autres pêcheurs, dix, vingt, parfois il fallait être attentif pour ne pas mélanger les lignes sur cette digue, c'était un coin réputé. On y est retourné il y a deux ans, en plein juillet et il n'y avait plus un seul pêcheur. Il n'y a plus de poissons. Dévastation. 

Le bois où je passais tous mes jours de congé était habité par des vols de pigeons et de tourterelles, j'aimais leurs roucoulements. Il n'y en a plus, le silence dans les arbres est complet. De la même façon, au printemps, alors que j'ai toujours dormi avec la fenêtre ouverte, j'aimais être réveillé par le chant des oiseaux, une cacophonie qui honorait le lever du soleil, je sautais dans mes habits des bois et je filais. Aujourd'hui, c'est le silence ou le chant de quelques oiseaux que j'entends comme des plaintes. 

J'ai 62 ans et j'ai l'impression d'assister à une mise à mort constante, une nature qui s'éteint, qui tombe dans le silence, un dépeuplement de tout. 

Nous sommes tous responsables, à différents niveaux. Responsables de notre indifférence, de notre ignorance, de cette adoration de la futilité, du déni de la mort propagée. Nous avons écouté les gouvernements, nous avons amassé des biens confortables, nous avons rejeté les lanceurs d'alerte, ignoré les scientifiques, nous nous sommes amusés et nous nous sommes contentés de gérer nos existences, au mieux. Quoi qu'il en coûte. 

Moi, comme tous les autres. 

Je n'ai plus aucun espoir de voir se produire, volontairement, une inversion du processus. J'espère par contre vivre assez vieux pour être encore là lorsque l'inversion surviendra parce qu'il ne pourra en être autrement. 

Je n'adhère pas aux arguments de ceux qui disent que nous n'allons pas vers la fin du monde mais vers la fin de l'humanité car il est trop facile de balayer d'un revers de main méprisant les milliards d'animaux, les milliards de plantes, toute cette vie que nous entraînons dans notre chute. Oui, la Terre s'en remettra mais il faut bien admettre qu'elle se reconstruira sur un épouvantable charnier. Que la planète ait déjà connu des dévastations totales, c'est certain mais celle vers laquelle nous allons sera de notre faute.

Voilà les trois citations en exergue du tome 3 de ma quadrilogie, "Le désert des Barbares"

Actuellement, l'humain mène une guerre contre la  nature. S'il gagne, il est perdu. »

Hubert REEVES

« L’enfer est vide, tous les démons sont ici. »

William SHAKESPEARE

Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste.

Kenneth BOULDING

 

Printemps silencieux par Carson
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Al Gore (Préfacier, etc.)Jean-François Gravrand (Traducteur)Baptiste Lanaspeze (Traducteur)

EAN : 9782918490005
288 pages

Wildproject Editions (20/05/2009) AUTRES EDITIONS

4.32/5   162 notes

Résumé editeurRésumé Membres

HistoriqueModifierLire

Premier ouvrage sur le scandale des pesticides, Printemps silencieux a entraîné l'interdiction du DDT aux États-Unis.
Cette victoire historique d un individu contre les lobbies de l'industrie chimique a déclenché au début des années 1960 la naissance du mouvement écologiste.
Printemps silencieux est aussi l'essai d'une écologue et d'une vulgarisatrice hors pair. En étudiant l'impact des pesticides sur le monde vivant, du sol aux rivières, des plantes aux animaux, et jusqu à l'ADN, ce livre constitue l'exposition limpide, abordable par tous, d'une vision écologique du monde.
50 ans après sa conception, on redécouvre Printemps silencieux au moment où l'on commence à s'intéresser, en France, à la philosophie de l'écologie.
« Ce n est pas moi, c est Rachel Carson qui a inventé l'écologie profonde », affirme en effet le philosophe norvégien Arne Næss.
Vendu à plus de 2 000 000 exemplaires, traduit en 16 langues, Printemps silencieux n'est pas seulement un best-seller : c'est un monument de l histoire culturelle et sociale du XXe siècle. Point de référence difficilement contournable de l'histoire de l'écologie, cet ouvrage fait partie de la bibliothèque de l'honnête homme.
C’est le livre-symbole du mouvement écologiste et un modèle de contre-lobbying (Rachel Carson est la première des « lanceurs d’alerte »).
« Printemps silencieux est l’acte de naissance du mouvement écologiste. » Al Gore.

Trollibi

Trollibi

12 février 2019

"Les générations à venir nous reprocherons probablement de ne pas nous être souciés davantage du sort futur du monde naturel, duquel dépend toute vie." (p.38)

En lisant l'ouvrage de Rachel Carson, je n'ai pu m'empêcher de penser à cette génération, celle de mes parents, celle de ces hommes politiques, qui se dédouane de l'enjeu climatique que nous vivons aujourd'hui en disant "Mais euh! Faut pas nous faire de reproches, on n'était pas au courant!" Et bien si... ils étaient au courant... depuis près de 60 ans, depuis 1962, depuis cette recherche, si bien documentée et qui fait froid dans le dos...

C'est toute l'histoire de la biodiversité en péril que nous raconte Rachel Carson dans "Printemps silencieux" : eaux polluées qui deviennent meurtrières pour la faune qui s'y développe, disparition d'espèces animales et végétales, conséquence directe de l'empoissonnement aux pesticides mais aussi par destruction de leur habitat naturel ou de leur nourriture. Et que dire des cas de mutations génétiques, de cancers et leucémies, qui augmentent depuis que les pesticides sont utilisés ?
Dans ce texte, très abordable même pour un non-scientifique, Rachel Carson accumule les exemples, les cas, les études, les points de vue et on ne peut rester insensible aux catastrophes écologiques qu'elle étale sous nos yeux. Elle nous rappelle que les insectes, les oiseaux, la flore sont des parties d'un tout, d'un cycle que l'homme et son désir de contrôle de la nature viennent perturber alors que l'homme lui aussi fait partie de ce cycle...
Les solutions biologiques pour lutter contre ce que l'homme juge "indésirable" existent, Rachel Carson en donne de nombreux exemples dans son ouvrage. Nul besoin de produits chimiques : le respect de chaque être vivant, l'observation et la compréhension de la nature offrent tout un tas de possibilités de trouver des solutions autre que la destruction d'une espèce pour le confort d'une autre...

Si "Printemps silencieux" a suscité une réelle prise de conscience dans les années 60, interdisant l'emploi du DDT et provoquant la naissance du mouvement écologiste, où en est-on aujourd'hui ? L'homme continue à utiliser des produits chimiques dangereux, en agriculture intensive, dans les jardins... Les populations d'insectes, d'oiseaux continuent de régresser, les abeilles sont en danger, de nombreuses espèces sont en disparues ou en voie d'extinction...

Incompréhension, tristesse, révolte, colère et dégoût pour la race humaine qui se croit supérieure à la nature sont les sentiments qui m'ont accompagnée tout au long de ma lecture et je me dis une fois encore qu'il y a beaucoup de travail à faire pour que l'homme moderne cesse de se croire le maître d'un monde dont il n'est qu'une infime partie et encore plus de travail pour qu'il comprenne qu'il provoque lui-même à sa propre autodestruction...

"Deux routes s'offrent à nous (...). Celle qui prolonge la voie que nous avons suivie est facile, trompeusement aisée ; c'est une autoroute, où toutes les vitesses sont permises, mais qui mène droit au désastre. L'autre, "le chemin moins battu", nous offre notre dernière, notre unique chance d'atteindre une destination qui garantit la préservation de notre terre." (p.258)

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