Réfugiés climatiques
- Par Thierry LEDRU
- Le 23/07/2017
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C'est effrayant, terrifiant, inconcevable dès qu'on y réfléchit un peu...L'impact de nos sociétés "modernes" est tel qu'il condamne des millions d'être humains, à la misère, à l'exode, à la fuite et nous, dans nos citadelles illusoires, nous nous posons la question de savoir ce que nous allons en faire, comment nous allons pouvoir gérer ces "invasions" qui ne sont fondamentalement que les effets de nos propres errances, de nos insouciances, de nos désirs de croissance infinie, de nos enfermements matérialistes, de nos mirages économiques...Il est consternant d'ailleurs d'utiliser ce terme "économique" alors que nous n'avons aucunement fait preuve d'économie, de prudence, de gestion réfléchie et nous en voyons désormais les conséquences. Nos croissances sont à bout de souffle, la misère frappe des millions de citoyens et désormais, nous allons devoir reconnaître nos responsabilités au regard de millions de réfugiés climatiques...Bienvenue dans le monde de demain matin...
Réfugiés climatiques, la crise du siècle
MARION D’ALLARD
MARDI, 15 NOVEMBRE, 2016
L'HUMANITÉ
Le 7 novembre 2013, des résidents vivant à proximité des pentes du volcan Mayon sont évacuées en prévision du typhon Haïyan qui menacait plusieurs provinces du centre des Philippines.
Photo : AP
Selon les estimations de l’ONU, 250 millions de personnes, seront, d’ici 2050, forcées de s’exiler à cause des bouleversements du climat. Un enjeu humanitaire et géopolitique majeur, pourtant soigneusement mis de côté dans les négociations internationales.
Les changements environnementaux sont devenus l’un des principaux facteurs, sinon le principal, de migrations et déplacements de populations dans le monde. Ce préambule, posé conjointement par les chercheurs et les ONG, annonce l’ampleur d’un phénomène dont l’accélération met désormais la question des réfugiés climatiques au centre des enjeux humanitaires.
Alors que plusieurs dizaines de chefs d’État et de gouvernement, accompagnés par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, arrivent aujourd’hui à Marrakech, où, depuis une semaine, les négociateurs internationaux tentent de faire avancer la lutte contre le réchauffement climatique, la délégation américaine menée par John Kerry est particulièrement attendue, l’élection de Donald Trump, pourfendeur de la cause climatique, préfigurant un pas en arrière mortifère. Un an après la signature de l’accord de Paris, par lequel le monde s’est engagé à maintenir le réchauffement planétaire « bien en dessous des 2 °C », la mise en œuvre des mesures annoncées est au cœur de cette COP22. Il n’est plus temps de tergiverser.
1. Derrière les catastrophes, des millions de déplacés
L’ONU annonce 250 millions de réfugiés climatiques à l’horizon 2050. Pour la seule année 2015, et d’après les chiffres de The Internal Displacement Monitoring Centre (IDMC), 18,9 millions de personnes ont été déplacées sous le coup de phénomènes climatiques extrêmes. Bien sûr, « les mouvements de populations ayant pour origine l’environnement ont toujours existé dans l’histoire de l’humanité », explique François Gemenne, chercheur en sciences politiques et directeur exécutif du programme politique de la terre à Sciences-Po. « En revanche, poursuit-il, 85 % des événements climatiques extrêmes qui poussent les populations à l’exil sont désormais liés au réchauffement climatique. C’est une donnée nouvelle. »
Sur l’ensemble des populations déplacées pour des raisons environnementales, « 55 % fuiraient des inondations et 29 % des tempêtes », détaille pour sa part la Cimade (1). Selon François Gemenne, « trois grandes régions correspondant à trois types de phénomènes environnementaux sont particulièrement concernées par ces épisodes extrêmes ». Il s’agit de l’Afrique subsaharienne avec, en cause, les sécheresses et la dégradation des sols. Un impact catastrophique dans une région du monde où plus de la moitié de la population dépend de l’agriculture. L’Asie du Sud et du Sud-Est, région la plus peuplée du globe, se trouve, elle, la plus exposée aux typhons et autres tempêtes. À tel point que, dès 2007, le Groupe international d’experts sur l’évolution du climat alertait sur le fait que « les rendements des cultures en Asie centrale et du Sud pourraient chuter de 30 % d’ici le milieu du siècle ». Enfin, particulièrement exposés également, les petits États insulaires, dont la montée du niveau des mers menace jusqu’à l’existence même. Dans la liste figurent les archipels du Pacifique, les îles Marshall, la Polynésie, les Maldives, mais également les quelque 7 000 îles des Philippines et leurs 100 millions d’habitants, ou la Malaisie et ses 27 millions de Malaisiens. Toujours selon l’IDMC, l’Inde, la Chine, le Népal, les Philippines et la Birmanie figurent aussi en tête de liste des pays les plus vulnérables face au réchauffement climatique. Pour autant, ses effets frappent également les pays développés, « à l’instar de la montée du Danube, qui inquiète la plupart des États des Balkans, dont les Roms, vivant dans des conditions précaires et délaissés par les pouvoirs publics, sont les premiers à souffrir », complète la Cimade. Car, s’il est un dénominateur commun aux multiples réalités du changement climatique, c’est que les populations les plus vulnérables en sont les premières victimes.
2. comment les définir, comment les dénombrer ?
Temporaires ou définitifs, régionaux ou internationaux, les déplacements de populations liés aux bouleversements climatiques sont divers dans l’espace et dans le temps. Ils demeurent en conséquence très difficiles à quantifier. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), « l’impact météorologique de l’évolution du climat peut se traduire par deux facteurs migratoires distincts : les processus climatiques comme la hausse du niveau des mers, la salinisation des terres agricoles, la désertification et la rareté grandissante de l’eau, et les événements climatiques tels que les crues, les tempêtes et les inondations causées par la montée brutale du niveau des lacs glaciaires ». Cependant, et contrairement aux idées reçues, l’immense majorité – 95 % – de ces déplacements contraints se font à l’échelle nationale. Au Bangladesh, par exemple, les migrations internes sont « devenues une véritable stratégie de survie pour les populations », explique la Cimade, dans un pays « soumis à l’élévation du niveau de la mer, aux inondations, sécheresses, cyclones et érosions ». Derrière cette réalité, et c’est le cas aussi au Bangladesh, se trame également l’aggravation des situations de grande précarité. « Les gens partent pour survivre. Ils quittent un endroit vulnérable pour un autre endroit tout aussi vulnérable », indique François Gemenne. Pour eux, l’exil est sans fin. Mais pour d’autres, la situation oblige à passer les frontières, à s’établir ailleurs.
Sur les bords du lac Tchad, dont l’assèchement pousse les communautés d’éleveurs à aller toujours plus loin chercher de l’eau, la situation confine à l’intenable. « En cinquante ans, le lac est passé d’une superficie de 25 000 kilomètres carrés à 2 500 à peine. Plus de 30 millions de personnes vivent sur ses rives de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche », raconte Hindou Oumarou Ibrahim, coordinatrice de l’Association des femmes peules autochtones du Tchad. Là-bas, la crise environnementale a créé « une situation explosive qui dégénère souvent en conflits régionaux, nationaux et même internationaux », poursuit-elle. Les migrations climatiques peuvent être temporaires, comme après une catastrophe naturelle. Elles peuvent aussi devenir tout ce qu’il y a de plus définitif. C’est le destin tragique auquel sont promis les habitants de certains États insulaires. Car, l’option de la disparition totale de certains territoires est désormais envisagée par les climatologues. « Le cas de certaines îles menacées d’engloutissement par la montée des eaux nous oblige, collectivement, à repenser la notion même de frontières géographiques. » Les populations insulaires devenant, de fait, apatrides, « comment considérer dès lors un État dont le territoire a disparu ? » interroge François Gemenne.
3. Les oubliés du droit international
Réfugiés, déplacés, migrants, il persiste un flou autour de la définition même de ceux que le changement climatique pousse sur les routes. En 1985, le Programme des Nations unies tente une première approche, estimant qu’est considérée comme réfugiée environnementale « toute personne forcée de quitter son habitation traditionnelle d’une façon temporaire ou permanente à cause d’une dégradation nette de son environnement qui bouleverse son cadre de vie et déséquilibre sérieusement sa qualité de vie ». Pour autant, cette définition ne fait pas consensus et les discussions internationales continuent d’achopper sur la question du statut de ces réfugiés climatiques. D’autre part, relève François Gemenne, « il reste compliqué de nommer globalement ces mouvements migratoires, tant les facteurs qui les provoquent sont multiples et souvent interdépendants ». Un agriculteur d’Afrique subsaharienne faisant face à la dégradation des sols (sécheresses, inondations, désertification…), décidant de s’installer en ville dans un premier temps et n’y trouvant pas de quoi gagner sa vie, tente de rejoindre l’Europe. Est-il considéré comme migrant climatique ou économique ? Le chercheur plaide pour une approche globale des flux migratoires sans « catégoriser » les réfugiés. Pour l’OIM, en revanche, cette catégorisation a son importance. « Savoir s’il faut qualifier les personnes déplacées par les changements du climat de “réfugiés climatiques” ou de “migrants climatiques” n’est pas seulement affaire de sémantique, explique l’organisation. Selon que l’on acceptera l’une ou l’autre définition, les implications au regard du droit international se traduiront par des obligations bien réelles pour la communauté internationale. »
À l’heure actuelle, la convention de Genève, signée en 1951 et relative au statut international des réfugiés, précise qu’il concerne toute personne faisant l’objet d’une « crainte bien fondée de persécution », excluant de fait les réfugiés du climat. Les choses commencent néanmoins à bouger. La Suisse et la Norvège sont à l’origine de l’initiative Nansen, adoptée en octobre 2015 par 109 États. Définissant un « agenda de protection », cette initiative vise à construire un cadre légal international sur la question des déplacés climatiques transnationaux. Elle n’est cependant toujours pas mise en œuvre. Les conférences climatiques peuvent être l’occasion de remettre l’ouvrage sur le métier. Pour autant, la création d’un statut spécifique ne saurait être considérée comme la « solution miracle », prévient François Gemenne. Et ne vaudrait d’ailleurs pas grand-chose sans la mise en œuvre de politiques nationales qui anticipent et protègent les populations concernées. Ainsi, poursuit le chercheur, « cette question des migrations climatiques ne serait plus appréhendée seulement comme une condition urgente de survie, mais pourrait être planifiée et vue comme une véritable stratégie d’adaptation pour l’avenir ». Pour s’en convaincre, « il suffit de voir ce qui se passe actuellement en Europe sur la question des réfugiés et à quel point une telle situation, lorsqu’elle n’est pas anticipée, peut confiner au chaos ».
(1) Association de solidarité qui œuvre auprès des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile.
Catastrophes naturelles : le bilan est pire que ce que l’on pensait
« L’impact économique et humain des catastrophes naturelles est nettement plus important qu’on ne le pensait jusqu’ici », écrit la Banque mondiale dans un rapport publié
hier. En détail, l’institution estime que 26 millions de personnes basculent chaque année dans la pauvreté suite à des vénements climatiques extrêmes, dont le coût
global annuel est, par ailleurs, évalué à 520 milliards de dollars. Contrairement aux travaux précédents, les auteurs de ce rapport ont pris en compte, en plus des pertes matérielles, les pertes de « bien-être » des populations, relatives à la santé, à l’alimentation ou à l’éducation.
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