Romans ou essais ?
- Par Thierry LEDRU
- Le 06/12/2011
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Des éditeurs et parfois des lecteurs m'ont dit que je ne devrais pas m'obstiner à écrire dans le registre du roman mais que je devrais m'atteler à écrire des essais.
Mais si je ne m'y résouds pas, c'est parce que je tiens à ce que mes écrits ne soient pas associés à des réflexions intellectuelles mais qu'ils représentent la vie dans toute sa dimension : intellectuelle, spirituelle, philosophique, évènementielle, quotidienne, passionnelle...
Le roman est un miroir de l'existence alors que l'essai en est son commentaire.
Je ne veux pas commenter.
L'autre raison s'oppose à l'idée que le roman n'est qu'un divertissement et qu'il n'est pas destiné à conduire l'individu à un questionnement existentiel. Je pense au contraire que le roman a une force immense quant à l'identification possible du lecteur aux personnages alors que l'essai ne favorisera pas ce transfert et par conséquent la perception profonde des idées.
L'essai s'en tiendra à la raison, le roman y ajoutera l'émotion.
Si le roman parvient à transcrire une démarche intellectuelle en la nourrissant des émotions, son absorption en sera renforcée.
Je n'oublierai jamais ma première lecture de "Citadelle" de Saint-Exupéry. Les pensées philosophiques de toute une vie.
Aucun essai philosophique n'aura à mes yeux la puissance du roman parce que s'y ajoutent la beauté incommensurable de la musique, de la poésie, des images, des dialogues, des paysages, des odeurs, des gestes, des regards, des sourires, des larmes, de la détresse ou de la joie de vivre. De tout ce qui fait l'existence et de tout ce qui renforce la conscience de la vie en soi.
Alors, sans doute que je prends un risque en voulant mêler cette construction romanesque avec une démarche existentielle mais je ne peux pas trahir l'enfant qui vit en moi et qui posait sur sa poitrine le livre de Saint-Exupéry, après des heures de lecture, au fond de son lit. Et qui pleurait de bonheur.
J'ai découvert l'émotion amoureuse en lisant des romans.
Jamais, aucune image de film de cinéma, ne m'a procuré le bonheur des écrits.
L'enfant est là. Et le goût salé de ses larmes de joie en répétant inlassablement, dans son âme, l'assemblage des mots.
On ne peut pas répéter en soi une scène de film. Il faudrait posséder le talent des acteurs. Mais on peut répéter les mots, l'écrivain les a donnés, ils n'appartiennent à personne, ils aiment celui qui les accueille à coeur ouvert, celui qui les absorbe dans une mémoire aimante, non pas cette mémoire qui nous permet de retrouver nos clés de voiture, mais cette mémoire qui ressemble à un placenta nourricier, là où sont entreposés les aliments spirituels, là où germent les désirs de croissance, l'aimantation vers la conscience et l'éveil.
Tout ça remonte à si loin que je ne saurais continuer en le perdant de vue.
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