TERRE SANS HOMMES (2)

 

Puisque le titre du tome 3 de la quadrilogie en cours, "LE DESERT DES BARBARES" vient du titre d'un roman existant, roman de Dino Buzzati, "Le désert des Tartares", j'ai décidé d'user du même procédé pour le titre du tome 4.

J'abandonne "RESET" pour "TERRE SANS HOMMES".

"Terre des hommes" de Saint-Exupéry m'avait marqué, considérablement. Pour la beauté de l'écriture et la force de vie des personnages. J'aurais pu titrer ce tome 4 par un "No man's land", expression que tout le monde connaît mais la référence à Saint-Exupéry me plaît. Il fait partie des auteurs qui m'ont invité à écrire.

Et au vu de ce que je raconte, il s'agit bien d'une planète vidée de sa population dans les grandes dimensions...

 

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CHAPITRE 4

 

« Théo, tu penses que l’électricité peut être rétablie un jour ?

Assis sur un banc, sous le couvert des étoiles. Si longtemps qu’ils n’avaient pu profiter des cieux ouverts. Une chouette au loin lançait des alertes aux rongeurs. Le temps de la chasse approchait.

« Qu’elle soit de nouveau exploitable, c’est possible mais que les infrastructures soient en état, sûrement pas.

- Et ça serait réparable ?

- Je ne sais pas mais le problème majeur vient des stocks de produits de remplacement. Et de leur acheminement. Il faudrait des mois, des années sans doute. Tout dépend en fait de l’état de chaque pays mais principalement de ceux qui ont des usines de production. Et comme le maillage industriel en France est en décrépitude depuis des années, le pays ne possède certainement pas tout ce qui est nécessaire.

- Tout venait de Chine, c’est ça ?

- De Chine et de l’Asie du sud-est. Dans une très grande proportion. Et on n’a aucune idée de ce qui se passe là-bas. Et de toute façon, encore une fois, les réseaux d’acheminement ne sont pas en état. Et il faut imaginer que la Chine se concentrera sur le rétablissement de son économie avant d’envisager une reprise du commerce mondial. Et il en sera de même partout. C’est l’effacement de la mondialisation que nous vivons et l’établissement de communautés locales avant même de parler de pays. Il n’y a plus de transport parce qu’il n’y a plus de carburant où qu’il n’est pas accessible. Il faut de l’électricité pour pomper dans une citerne. Les routes sont vides. Ceux qui survivent trouvent dans leur environnement immédiat de quoi subvenir à leurs besoins vitaux. Personne n’est capable d’organiser une reprise des échanges commerciaux.

- Et personne ne peut s’avancer à donner une durée, c’est ça ?

- Exactement. Peut-être que les populations des centres urbains à proximité des zones industrielles trouveront des produits manufacturés pour remettre en état un réseau électrique local mais encore faut-il qu’une centrale nucléaire puisse fournir de l’énergie et personne n’est en mesure de dire dans quel état sont les centrales. On peut juste espérer qu’elles n’ont pas fini par exploser. Il reste aussi les centrales hydroélectriques. Quand les barrages n’ont pas cédé. Mais tout ça est très complexe quand il faut le remettre en état.

- C’est effrayant la vitesse avec laquelle tout a dérapé.

- Parce que l’humanité est engagée depuis bien longtemps sur une route verglacée.

- Et donc, maintenant, quel est l’avenir de cette humanité confinée ?

- Confinée, oui, le mot est parfaitement adapté. Sauf que les confinements liés au coronavirus, c’était un mot d’ordre et que maintenant c’est le désordre. Je pense que l’avenir appartient aux communautés, rurales principalement. Parce qu’elles disposent de l’espace pour produire la nourriture nécessaire alors que dans les villes, les espaces verts n’ont jamais été cultivés et ça ne se fait pas du jour au lendemain. Des gens pourraient se servir des terrains de football par exemple mais il faut des graines et il faut nourrir le terrain, l’amender, il faut des mains et des outils basiques, et puis il faudra attendre le printemps pour que ça pousse. Et en attendant ? Il reste les jardins des particuliers, des potagers urbains mais ça ne nourrit pas un quartier. Sans parler, bien évidemment, que ceux qui se lanceraient dans une production locale en ville auraient à lutter contre les pillards. Il va falloir organiser des surveillances. Il faudra des armes et les gens lambda n’ont pas d’armes à feu.

- Les villes vont donc se vider.

- Perdre une bonne partie de la population qui a survécu au Hum et au choléra, aux barbares, aux maladies, aux accidents, aux inondations et à tout ce qui peut se produire quand plus rien ne tourne rond. Et je n’ai aucune idée du pourcentage.

- Tu penses qu’on pourra descendre dans la vallée un jour ?

- Tant que rien ne m’y forcera, je ne m’y risquerai pas.

- Et qu’est ce qui pourrait t’y obliger ? »

Les yeux dans le vague, une réflexion intérieure avant qu’il ne réponde.

« Un besoin médical, je pense, la recherche d’un médicament précis ou d’un chirurgien. Mais tu es là.

- Je ne peux pas refermer une plaie avec mes mains. Juste accélérer la cicatrisation.

- Oui, Laure, je sais. Il faut être prudent. »

Des regards bienveillants et pourtant cette incertitude. Ne pas compter sur les services médicaux.

« En fait, nous sommes revenus des siècles en arrière, reprit Laure.

- Je pense que rien n’est comparable. Nous avons de multiples connaissances, nous avons des matériaux à récupérer et des outils.

- Un Moyen Âge moderne en quelque sorte. On connaît l’anatomie humaine, les troubles ou les maladies, on sait comment intervenir mais on n’a plus les structures. La différence avec le Moyen Âge, c’est qu’on peut avoir une idée précise des causes d’un décès.

- Oui, c’est ça, on sait de quoi on meurt. On peut se demander si ça a une utilité. Les gens qui apprennent par un médecin qu’ils ont un cancer, est-ce que ça leur permet de mieux lutter ou est-ce que ça les détruit intérieurement ?

- J’imagine que chaque cas est différent.

- La force de caractère, le goût de la vie ou à l’inverse l’acceptation d’une fatalité mortifère, comme l’aboutissement d’une existence sombre. Comment tu réagirais, Laure ?

- Je ne sais pas mais a priori mais je verrais ça comme une course. L’objectif étant de franchir la ligne en tête et que la maladie reconnaisse sa défaite.

- Un défi en quelque sorte ?

- Oui, la course d’une vie. Sans doute qu’il faut avoir vécu d’autres épreuves avant ça. Mais en même temps, je peux imaginer qu’au contraire, il y a un effondrement. Le fameux « pourquoi moi » alors que j’ai tout fait pour y échapper.

- Rien de simple, rien de gravé dans le marbre. L’incertitude. Exactement ce que l’humanité vit en ce moment. Qui va en réchapper ?

- Nous », répondit Laure, immédiatement.

 

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