Tourisme de masse (2)
- Par Thierry LEDRU
- Le 29/07/2018
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Thierry Ledru
18 min ·
Une solution très simple pour l'habitat: les habitations à l'année sont exonérées de taxe d'habitation et toutes les maisons louées pour les touristes ont une taxe triplée. Ça va déjà calmer tous ceux qui participent au saccage de leur région.
Deuxièmement, tous les emplois à l'année voient les taxes amputées de moitié et tous les emplois d'été doivent être associés à un logement de qualité. Ça va calmer les patrons qui se plaignent de ne pas avoir de personnel mais sont lespremiers à vouloir profiter du tourisme. On a le même problème ici dans les stations de ski où les saisonniers se "logent" dans des camions et "dorment" sur les parkings les plus reculés, parfois sans aucun accès direct à l'eau potable.
Tous les commerces à touristes 'hors alimentaire" doivent également être surtaxés.
Toutes les agences touristiques qui se contentent de faire du transport doivent être taxées afin que cet argent soit utilisé par les associations de sauvegarde du patrimoine.
Mais, bon, tout ça, faut du courage dans les municipalités et de la solidarité dans la population...Donc... :(
Autre remarque qui n'a rien à voir mais qui s'impose malgré tout : tous les gens qui sont sur cette photo sont en surpoids...
Quand les touristes ne sont plus les bienvenus
Par Emilie Tôn, publié le , mis à jour àVilles "muséifiées", gentrifiées, vidées... Les habitants acceptent de moins en moins les désagréments du tourisme de masse.
"Les croisiéristes qui débarquent à 1200 sur les falaises pour prendre deux-trois photos en coup de vent et puis s'en vont, clairement, nous n'en voulons pas. Chaque année, nous accueillons déjà environ un million de visiteurs. Sur un territoire en vallée encaissée extrêmement contraint de 4 km², ça devient compliqué à gérer." Pour Pierre-Antoine Dumarquez, le constat est simple et il le dresse sans que le cri des mouettes, qui l'entourent, ne vienne le perturber.
"Etretat est une commune de 1300 habitants, confrontée à un vieillissement de la population qui, en plus, est en phase décroissante.Si cette population à l'année continue de diminuer, ce sont les commerces et les écoles qui sont en danger", poursuit le premier adjoint au maire et président de l'Office du tourisme de la cité balnéaire. Avec ses falaises mythiques, sa plage, ses nombreux restaurants et ses maisons en brique, le petit village normand a tout ce qu'il faut pour attirer les touristes. Trop, peut-être, pour les "autochtones", qui se trouvent noyés sous cette marée de visiteurs et les désagréments qu'ils provoquent.
Ecoutez Emilie Tôn parler de la "tourismophobie", de ces Français que l'afflux de touristes commence à chasser des villes où ils habitent (sur SoundCloud).
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Les médias français s'en sont fait largement l'écho : à l'étranger, les habitants de San Sebastian, Barcelone, Amsterdam ou encore Gérone se sont mobilisés pour protester contre ce qu'ils perçoivent comme des hordes de touristes débarquant sur leurs terres. Le développement d'une offre de voyage low cost, complétée par l'uberisation des locations de vacances, grâce aux plateformes de type Airbnb, n'a cessé de faire grossir leurs rangs. Au point de pousser les locaux, mécontents de vivre dans des cartes postales aux apparences trompeuses, à se fédérer.
"Tourists go home", réclament-ils sur les murs de leurs villes. Comme les Vénitiens, ils n'ont pas envie que les locations de vacances fassent exploser les prix de l'immobilier et ne contraignent les leurs au déménagement. Et pour cause, en trente ans, la cité flottante a perdu la moitié de ses résidents. Ainsi qu'une grande partie de ses commerces de proximité, remplacés au fil des ans par des boutiques et restaurants attrape-touristes.
Peut-on s'attendre à une gronde "tourismophobe" similaire dans l'Hexagone ? Car elles sont nombreuses les communes, comme Etretat, à souffrir d'une trop grande attractivité. "C'est possible", avertit Marie Delaplace, professeure d'aménagement à l'École d'urbanisme de Paris (EUP) de l'université Paris-Est Marne-la-Vallée. "Dans certaines zones, les habitations sont complètement retirées du marché pour devenir des logements pour touristes. Il est plus rentable de louer quelques jours par-ci, par-là, plutôt qu'au mois." Vincent, administrateur de la page Facebook du "Front de libération Bordeluche (FLBP)", qui ironise avec humour sur les Parisiens de passage dans sa bonne ville de Bordeaux, confirme : "Dans le quartier Saint-Pierre, il n'y a plus que des Airbnb. Ça rapporte bien plus que de les louer à des étudiants."
Selon un recensement réalisé par l'Insee en 2015, Le Grau-du-Roi comptait ainsi 81% de résidences secondaires. La plupart servent principalement d'appartements-vacances mis en location pendant la saison estivale. Sur les 662 logements qu'affiche la commune de Germ, dans les Hautes-Pyrénées, seuls 3% sont occupés à l'année. A l'exception d'une poignée de moines, personne ou presque ne vit encore au Mont-Saint-Michel. Aux Baux-de-Provence, 22 irréductibles résistent dans le centre historique aux "touristes-envahisseurs". Dans certaines villes du littoral breton, le taux de résidences secondaires atteint aussi les 80%. Sur l'ensemble de la région, il ne représente pourtant que 12%.
"Ce sont des dizaines de milliers de logements inoccupés les trois-quarts de l'année et dont la vente fait monter les prix de l'immobilier sur le littoral", s'énerve Ewan Thébaud, du collectif indépendantiste Dispac'h. Le jeune homme regrette les conséquences d'un tel phénomène. "Comment un jeune ou un couple de jeunes, avec peu de revenus, peut-il s'installer dans ces secteurs-là quand le prix d'une maison descend rarement en dessous de 200 000 euros et peut facilement dépasser les 600 000 euros ? C'est le pouvoir de l'argent contre toute logique de développement durable des territoires. Nous réclamons que les élus prennent le problème à bras le corps."
Des villes gentrifiées
Au bar-tabac d'Etretat, installé dans une petite maison de briques à deux pas de la mairie, la serveuse confie une situation similaire. "Les propriétaires mettent tout en location-vacances. Beaucoup de gens qui travaillent ici vivent dans les campagnes alentours. C'est moins cher." Malgré son parc hôtelier de 296 chambres, le petit village normand a vu les plateformes de location prendre de plus en plus d'importance ces dernières années, au point d'inquiéter sérieusement la municipalité. "Rien que sur Airbnb, il y a 8000 arrivées de voyageurs par an. Etant donné le rendement annuel de 10000 euros par logement, les gens cherchent à acheter. Les résidences secondaires représentent désormais 50% de notre parc immobilier. Sans compter celles qui sont dans les communes voisines...", explique la directrice de l'office du tourisme, Magalie Thuillier.
Avec le temps, la responsable a observé une gentrification du centre de la commune causée par l'affluence de touristes hébergés dans ces propriétés. Une hausse des prix qui n'est pas sans conséquences pour les Etretatais. "Je ne peux pas faire mes courses dans les commerces du village, ça coûte trop d'argent. Mes enfants m'emmènent plus loin, en grande surface, pour les commissions", confie la dame en charge de l'entretien des toilettes publiques. Pas grand-chose à faire non plus le soir, surtout pour les plus jeunes, comme l'explique son fils, un grand gaillard âgé d'une vingtaine d'années. "Ici, on vient voir la falaise et on repart. Si on veut sortir, on doit aller au Havre."
Et pour travailler, il faut prendre la route dans la même direction. "Mon fils a eu de la chance, il a décroché un apprentissage à la boucherie", dit fièrement cette mère de trois enfants aux cheveux grisonnants. "Mais les autres ont dû partir, car travailler dans les hôtels et les restaurants, ce n'est pas possible l'hiver, quand ils sont vides", souffle son garçon.
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En Bretagne, Ewan Thébaud observe les mêmes départs. "Surtout chez les jeunes, qui se tournent vers les grandes villes comme Nantes, Rennes et Brest où il y a plus d'emplois stables." Pourtant, à Etretat, les emplois ne manquent pas. "Bien que le taux de chômage soit supérieur à la moyenne, les restaurateurs ne parviennent pas à recruter", souligne le premier adjoint Pierre-Antoine Dumarquez. Comment l'expliquer ? "Il est difficile de trouver du personnel dans ces zones où le marché de la résidence secondaire a fait grimper les prix des logements. Cela élève le niveau de salaire demandé", développe l'universitaire Marie Delaplace.
Faudrait-il également réglementer Airbnb et ses clones ? Depuis le 1er juillet, la plateforme s'est engagée à collecter directement la taxe de séjour dans les 23 000 communes françaises qui l'appliquent, avant de la reverser aux collectivités. Mais certaines villes ont décidé de prendre des mesures supplémentaires. "Pour éviter la spéculation immobilière dans le centre-ville et l'hyper centre-ville, la ville de Bordeaux a par exemple limité le nombre maximum de nuitées par logement à 120 par an", indique Fabien Raimbaud, chargé de projets à la Mission des offices de tourisme de Nouvelle-Aquitaine (Mona). Idem à Paris, où 20 000 logements ont déjà disparu du marché traditionnel pour rejoindre les plateformes de location. "Nous aimerions imposer la même chose à Etretat, pour que les habitants puissent revenir. Mais cette mesure ne concerne que des villes de plus de 200 000 habitants", regrette Pierre-Antoine Dumarquez, qui prévoit d'interpeller le gouvernement à ce sujet à la rentrée.
"Tout sature"
Sans hébergement, difficile de faire venir de nouveaux habitants. D'autant que l'image d'une ville saturée par le tourisme fait déjà office de repoussoir. "Nous aimons venir pour une balade. Mais je n'apprécierais pas vivre tous mes étés entre les vendeurs de glace et les touristes qui prennent des photos. Il y a des jours où c'est vraiment insupportable", confie du haut de la falaise une Havraise, qui s'est offerte un bol d'air frais en compagnie de sa fille après une journée au bureau.
A Bordeaux, c'est l'authenticité - réelle ou fantasmée - perdue qui créé cette sensation de saturation. "Depuis toujours, les Bordelais se retrouvent au marché des Capucins le dimanche matin pour grignoter et s'envoyer un verre de blanc. Maintenant, il y a tellement de monde qu'ils n'y vont même plus", râle Vincent du FLBP. Il le sait : cette muséification des centres-villes et villages poussent les habitants à les déserter pour vivre en périphérie, où les embouteillages sont moins nombreux, les places de stationnement plus disponibles et les commerces plus accessibles. "Les nouveaux arrivants ou les touristes ont causé une surchauffe : la ville est en sous-capacité pour le tram, les routes, les hôtels, les plages. Tout sature."
Avec les foules, vient également l'imprudence, comme à Etretat, où la municipalité a dû mettre en place une brigade pour dissuader les touristes de traverser le "trou à l'homme" - un tunnel sous la falaise qui dessert une plage isolée - lorsque la marée s'apprête à monter. "Les gens ne font pas attention et paniquent ensuite lorsqu'ils sont pris au piège, isolés par la mer", soupire Pierre-Antoine Dumarquez. Les avertissements signalétiques, la pédagogie de l'office du tourisme, la brigade présente sur place et même la création d'une amende... Rien n'y fait. En 2017, les secours sont intervenus 27 fois, aidant en tout 130 personnes au trou à l'homme. "Puisqu'en France les secours sont gratuits, c'est la collectivité qui paye. Rien qu'en patrouille, ça nous coûte 10 000 euros par an." Et c'est sans compter le coût écologique. "La surfréquentation des falaises fragilise aussi le site, où sont installées des espèces protégées, développe Magalie Thuillier. Les gens dépassent le sentier balisé. Ils créent de nouveaux cheminements à force de piétinement."
A Bayonne, où les Fêtes ont démarré ce mercredi, les habitants sont également lassés de mettre de leur poche pour la casse causée par le million de visiteurs qui y participent à chaque édition. Cette année, pour la première fois, les non-résidents ont dû payer un bracelet d'entrée à 8 euros, pour compenser les frais. "Les Bayonnais viennent surtout le mercredi et le jeudi, pas le week-end, pour éviter la foule, car les touristes viennent avant tout pour faire la fête. Ils ne respectent pas les traditions et les festivités", réagit Ludivine, habitante des lieux. "Les contribuables bayonnais en avaient assez de payer pour le nettoyage, la réparation et la sécurité. Ils râlaient, donc ce bracelet est peut-être une bonne chose !"
Peut-être inspiré par ce qui se passe côté espagnol, au pays basque français, aussi, ça commence à gronder. Aux revendications identitaires traditionnelles s'est ajoutée une petite dose de tourismophobie. Des autocollants "Parisien dégage, t'as Paris plage" sont apparus. A Biarritz, les locaux se sentent cernés et les élus sont invités à réagir. Et vite.
Y trouver son intérêt
Pour éviter les effets nuisibles du tourisme de masse, Fabien Raimbaud, de la Mona, estime que les collectivités doivent proposer des activités en dehors des centres touristiques. "A Lyon, les agents de l'office de tourisme vont à la rencontre des visiteurs dans les rues pour leur proposer des visites différentes, selon qu'ils sont là pour la première fois ou qu'ils connaissent déjà bien la ville."
Pour aller plus loin encore, le spécialiste du tourisme propose, en plus de faire de la pédagogie dans les écoles, d'impliquer les habitants sur le modèle des greeters, comme cela se fait à Paris où des bénévoles donnent de leur temps pour faire visiter la capitale autrement. "Ce qui est désagréable, lorsque l'on vit dans un quartier touristique, c'est de voir les touristes uniquement comme une externalité négative. Mais si, pour des raisons diverses, on les héberge ou on échange avec eux, on peut aussi y trouver son intérêt", affirme la chercheuse Marie Delaplace.
Mieux encore, pour éviter la saturation pendant les trois mois d'été : proposer des activités tout au long de l'année, pour mieux étaler la fréquentation touristique. "Etretat est à 2h30 de Paris, ce qui est un avantage et, en même temps, un inconvénient. Dès qu'il y a un rayon de soleil, les Franciliens débarquent en masse", constate Magalie Thuillier. Face à elle, des tracts pour toutes sortes d'événements : un salon du livre, des pièces de théâtre, un festival de l'image, des randonnées... "Nous essayons de ne pas les concentrer l'été. D'autant qu'à ce moment de l'année, les gens préfèrent la plage", sourit la directrice de l'office du tourisme, qui peut aujourd'hui se vanter d'accueillir des visiteurs de la Saint-Valentin à la Toussaint.
Dernière solution pour ne pas nuire à la qualité de vie des habitants : privilégier et faire la promotion d'un tourisme "de qualité". "Les cars qui déversent des foules pour une heure ou deux, sans consommer quoi que ce soit, ça ne créé que des nuisances. Nous, nous voulons des gens qui s'intéressent aussi au patrimoine historique et culturel du site", développe Pierre-Antoine Dumarquez, qui précise : "Sans pour autant faire un tri par l'argent."
Ces mesures sont-elles suffisantes pour réconcilier locaux et touristes ? "Je l'espère !", souffle Romain, un habitant de Biarritz, ville qui a perdu 15% de sa population en dix ans, au profit des résidences secondaires. Et il prévient : "Les gens en ont marre, tout le monde se barre. Si rien n'est fait, il ne restera que les touristes !" Mais Biarritz sans les Biarrots, est-ce vraiment encore Biarritz ?
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