"Tous les chemins mènent à l'homme"
- Par Thierry LEDRU
- Le 27/01/2019
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Jacques LucasTANTRA COMMUNAUTE
Admin · 10 juillet 2018 ·
Nous sommes nombreux à nous être interrogés sur notre identité : "Qui suis-je ? " - "Qu'est-ce que c'est qu'être un homme (une femme) ? " - et aussi "Quel est le but de la vie ? ". En fait, avec du recul, je crois qu'au lieu de se confronter directement à l'énigme du "Qui suis-je ?", il est préférable de se demander d'abord : "Qu'est-ce que je suis ?".
En effet, mieux vaut ne pas chercher ou attendre une réponse qui soit d'emblée une pleine perception satisfaisante de "moi". Le sentiment d'être "moi", est tributaire d'une bonne connaissance de soi accompagnée d'un amour de sa Nature quelle qu'elle soit. Un vrai travail d'approche, d'acceptation, d'appropriation et d'unification de soi-même est souvent nécessaire avant d'y accéder.
En réalité, notre identité personnelle, le "moi", est faite de 3 couches.
Notre identité sexuelle ou corporelle s'établit à partir de la perception de notre sexe et de notre corps. Nous devons aimer l'image et les sensations qu'ils nous procurent pour être à l'aise avec nous-mêmes. C'est le fondement de l'identité personnelle.
Notre identité de genre s'édifie à partir de nos fonctionnements relationnels et de nos comportements teintés de "masculin et/ou de féminin". La gestion de nos sentiments et émotions participe eux aussi à renforcer une image positive de nous-mêmes. Alors, pour être heureux, il n'y a pas d'autres solutions que de nous apprécier tel que nous sommes, sans vouloir décider de nos goûts, de nos émotions, de nos amours et de nos attirances ou désirs.
Notre identité sociale (elle-même composée de différentes facettes : professionnelle, religieuse, nationale ...) repose sur notre place dans la société, de nos actions et de nos choix d'appartenance à des groupes. L'image que les autres ont de nous ainsi que celle que nous avons de nous-mêmes doivent être cohérentes avec notre réalité, sans quoi on ne peut pas se sentir bien dans le monde.
Et c'est l'harmonisation et la cohésion de ces 3 couches de l'identité qui conduit à l'individuation, avec le sentiment d'être unifié. Ainsi émerge une sorte d'alliance qui donne l'impression d'être juste dans ses actes : "Je me sens être moi. C'est bien ainsi et personne ne peut me prouver le contraire."
"L'homme accompli", unifié, au "moi" réalisé, est pleinement conscient de lui-même et heureux de l'être. Il est authentique, en totale adhésion autant avec "ce qui est" qu'avec "ce qu'il est". Il se sent libre, créateur de sa vie, en pleine possession de ses désirs. Il ne cherche plus à être aimé ou à correspondre à ce qu'il aimerait être ou bien encore à ce qu'il croit que les autres attendent de lui.
Mais pour voir ce sentiment unificateur de la personnalité émerger en soi, il faut remettre en question les croyances et les modi vivendi transmis par l'éducation, la famille, la société et la culture. La traversée de doutes et de moments de solitude est inévitable. C'est le prix à payer pour acquérir la liberté d'être "moi" différencié et émancipé. C'est un vrai travail sur soi qui demande souvent du temps !
Toutefois, si "Qui suis-je ?" engage un véritable travail d'acceptation et de connaissance de soi-même, ce n'est qu'une étape qui cache, la plupart du temps, une aspiration encore plus profonde : la découverte de "Soi", de l'universel. Sentir sa place dans le cosmos et trouver du sens à son existence constitue un achèvement de la quête de soi-même.
Selon C.G. Jung : " L'inconscient personnel doit être traité en 1er .... faute de quoi, la porte qui mène vers l'inconscient cosmique ne s'ouvrira pas."
L'unité intérieure permet donc, si on y aspire, d'accéder plus facilement à la perception de "Soi". Et l'accès à cette conscience s'accomplit grâce à l'Alliance du principe masculin et du principe féminin, à l'intérieur de soi.
Quels sont les facteurs qui autorisent et/ou favorisent cette Alliance alchimique ? Et quelles sont les étapes incontournables qui ponctuent le chemin qui part de la structuration du "moi" pour aboutir à la connaissance du "Soi" ?
La résilience
Tout au long de l'existence, chacun est poussé par les aléas de la vie à vivre des crises et des deuils dont certains peuvent déstabiliser profondément la personnalité.
Pour Boris Cyrulnik1, la résilience permet à un homme affecté par un évènement traumatique de prendre acte de l'évènement et de l'accepter pour ne plus vivre dans la dépression. Il peut alors se reconstruire. Mais la résilience n'est accessible qu'avec une structuration précoce du psychisme et un vécu (antérieur à la confrontation à ces faits traumatisants) fait d'expériences constructives dans l'enfance. Il semble donc important pour être heureux et équilibré d'être initié à "l'art d'être résilient" et ensuite d'entretenir une attitude de "lâcher prise" face aux circonstances diverses de la vie.
Comment apprend-on à devenir résilient ?
La psychanalyse : le complexe d'Oedipe
Depuis Freud et la psychanalyse, l'importance du père est reconnue et soulignée. Grâce à lui, porteur de la Loi, un enfant - un fils en particulier - peut s'individuer et accéder à son vrai désir - débarrassé des aspects fusionnels, névrotiques et pulsionnels qui sont, la plupart du temps, liés à la relation à la mère, sans que celle-ci en soit forcément coupable ou même responsable.
En effet, le père doit séparer (avec amour) le fils de sa mère pour l'aider à défusionner. L'acceptation de cette séparation initie 3 autres résiliences : la prévalence du père, son insuffisance à combler sa mère et lâcher son exigence à être satisfait par elle. De cette façon, il admet qu'il n'est pas un "petit dieu tout-puissant" et accède à son humanité. Mais il lui reste ensuite encore bien du chemin à parcourir pour devenir un homme.
Le rôle du père
Une vraie relation, intime, basée sur l'amour, ne peut pas s'installer entre père et fils si le père hésite à toucher ses enfants, qu'il ne les prend pas dans ses bras, ne s'occupe pas vraiment d'eux et ne cherche pas à partager du plaisir avec eux.
Lorsqu'un lien satisfaisant est établi, le rôle du père peut s'exercer pleinement. C'est lui qui valide son fils dans son sexe, puis plus largement dans la totalité de son être : ses bons comportements ainsi que ses projets et choix de vie. Un vrai père stimule les aspirations de ses enfants et les accompagne dans leurs réalisations.
En retour, le fils perçoit les comportements paternels comme des références. Le père devient exemplaire. Il transmet une belle image de l'homme et du masculin à laquelle son fils aura envie de s'identifier.
Les archétypes
Selon C. G. Yung, nos psychismes se construisent à partir d'images archaïques de l'homme. D'après moi, les 4 images majeures de l'homme sont : le Père, le Guerrier, l'Amant et le Sage. Ces figures mobilisent la libido2 et façonnent le caractère et les comportements masculins. Tous issus de l'image paternelle, les archétypes sont donc potentiellement porteurs d'idéaux.
Le masculin : c'est quoi ?
Nous sommes tous nés de la rencontre d'un spermatozoïde et d'un ovule et nous avons hérité de traits physiques mais aussi psychiques et comportementaux de nos 2 parents. Les neurobiologistes attribuent une part de notre façon d'être à "l'inné" et une autre part de notre personnalité à "l'acquis" ou autrement dit, à des choix passés mais souvent devenus inconscients.
Le masculin à l'image du spermatozoïde est dynamique, tonique, fonceur, agressif (malheureusement parfois dans le mauvais sens du terme). Il va de l'avant alors que le féminin, à l'instar de l'ovule, est passif, réceptif, accueillant. Or ce sont là les racines à partir desquelles se déclinent les caractéristiques du masculin et du féminin qui nous animent tous dans des proportions variables, personnelles.
Pour un garçon, mieux vaut s'identifier à son père plutôt qu'à sa mère pour se "sentir être un homme".
L'homosexualité
Notre père a désiré et sans doute aimé notre mère. Le message d'une "relation hétérosexuelle", fondatrice de l'identité masculine est ainsi transmis à l'enfant.
Si le père est réticent à toucher ses fils, ceux-ci le sentent. Ils en déduisent que les hommes ne doivent pas se toucher entre eux et que le toucher comme les émotions sont des domaines réservés à la relation aux femmes. Plus tard, à l'adolescence, des jeunes, frustrés de reconnaissance et en carence de câlins paternels, doutent de leur identité : "Suis-je un homme si je prends du plaisir à toucher et/ou à être touché par un homme ?"
Au début du 20ème siècle, sous la pression religieuse, le monde médical a créé le terme "homosexualité3".
D'abord considérés comme des délinquants puis comme des malades, les gays se sont sentis exclus de la société. (Auparavant, il n'existait que les pédérastes - on dit aujourd'hui "pédophiles" pour les individus qui ont des relations sexuelles avec des mineurs. Ce terme, lui aussi, a été inventé récemment).
Aujourd'hui, être homophobe est un délit poursuivi par la loi. Tant mieux ! Mais le mal est fait. Une croyance s'est profondément enracinée dans le psychisme de bien des hommes : si on prend du plaisir avec un homme, on est homosexuel et on n'est pas un homme .... ! En tout cas, c'est ce que j'ai entendu dans la bouche de certains hommes dont l'orientation est hétérosexuelle mais aussi de bien d'autres à orientation homosexuelle.
Ainsi quand j'écoute de nombreux "gays", je comprends qu'ils se définissent d'abord comme étant "homosexuel" et ensuite homme. Ils s'excluent volontairement du monde des hommes et affirment très fort leur différence d'orientation sexuelle au point qu'elle devient pour eux une facette "re-père" de leur identité.
Et de nos jours, certains jeunes, en recherche de leur identité sexuelle, se trouvent en proie à des tourments identitaires. Ils ont peur d'être disqualifiés de leur Nature d'homme s'ils aiment ou sont attirés par des hommes. Pourtant, ce n'est pas parce qu'on préfère les hommes qu'on ne fait pas partie de leur clan ! Il n'y a pas deux communautés masculines séparées par l'orientation sexuelle ou les goûts amoureux.
Comment se sentir homme au-delà de l'orientation sexuelle ? Et est-il possible de compenser et réparer une carence de père ?
Les rituels de passage et l'homo-sensualité
La psychothérapie peut aider les jeunes en recherche d'eux-mêmes. Mais il existe aussi des rituels de passage ; des stages "entre hommes" qui visent spécialement la validation de la Nature masculine en réparant, entre autres, les manques et dysfonctionnements liés aux carences paternelles.
Dans les temps anciens, ces rituels étaient obligatoires, imposés à tous les jeunes4. Ils marquaient le passage de l'enfance à l'âge adulte. Des rites homo-sensuels, cadrés et ritualisés y étaient pratiqués.
L'homo-sensualité est bien différente de l'homosexualité. La jouissance et le plaisir sexuel ne sont pas recherchés. La finalité de ces pratiques est de favoriser l'établissement d'une personnalité bien ancrée dans sa Nature masculine : identité sexuelle et identité de genre.
Beaucoup de ceux qui ont participé à ces rituels se sentent ensuite densément être des hommes. En effet, se laisser toucher par eux aussi bien physiquement qu'émotionnellement ainsi que de s'autoriser le plaisir de les toucher permet d'intégrer son féminin intérieur et d'équilibrer ses polarités masculine et féminine. Il semblerait même que ce soit là une clé majeure sur les chemins qui mènent à l'homme.
La participation à un rituel initiatique "entre hommes" est fondamentale également pour ceux qui ont du mal à s'affirmer ou bien à trouver leur place dans le monde parce que leur masculin est sclérosé. Ils peuvent le découvrir et l'apprivoiser sans redouter l'hostilité de l'entourage.
De moi à Soi : Le Masculin Sacré
"Deviens l'homme que tu Es" disait Nietzsche.
Ce travail est fondamental pour chaque homme mais il n'est pas suffisant pour être vraiment heureux quand on cherche du sens à son existence et sa place dans le cosmos.
Bien enraciné dans son identité, les différentes couches du "moi" intégrées et le masculin et le féminin harmonieusement équilibrés, il est alors temps de se lancer dans une démarche spirituelle pour trouver réponse à cette aspiration légitime ?
L'énergie masculine, naturellement, incite à surpasser ses peurs, à se dépasser soi-même. Quand elle est pondérée par la part féminine de l'être et dynamisée par l'essence lumineuse, amoureuse des 4 archétypes majeurs, elle ouvre à la transcendance : c'est le Masculin Sacré qui invite à incarner ses qualités pour percevoir la dimension "cosmique" du "Soi". Mais s'y immerger requiert un travail intensif puisqu'il s'agit de lâcher "être moi" pour "être Soi".
Cette dimension de l'être, profondément inscrite en nous, transcende le moi. Et sa perception permet de se sentir connecté au "Grand-Tout". D'ailleurs, c'est à partir de cette Reliance ou "connexion" qu'on peut trouver un sens commun à tous, dénué des empreintes culturelles et religieuses. Ainsi, Socrate, en son temps, a fait graver sur les murs du temple de Delphes : "Connais-toi toi-même et tu connaitras l'Univers et les dieux".
Mais "Soi" est impersonnel et infiniment plus grand que "moi". L'Amour qu'il dégage est perçu comme étant divin ... à condition d'être prêt à le recevoir. Mieux vaut être un homme accompli, ayant intégré sa vulnérabilité5, pour entreprendre cette démarche car l'ego doit être transcendé. Et "mourir à soi-même" est plus aisé quand "moi" n'a plus rien à prouver ou à défendre. D'ailleurs, ceux qui perçoivent son immensité tout en restant attachés à leur individualité égotique peuvent être terrorisés face à "Soi" car "moi" n'est rien ou très peu à côté de l'infinitude de l'Etre.
L'individu qui s'identifie à "Soi" se retrouve dans une perspective d'évolution et de connexion au cosmos qui dépasse l'entendement. Chacun est à sa place dans la communauté humaine comme chaque évènement qui survient aussi bien dans l'univers que dans nos vies personnelles.
Et sentir cette perfection du "Grand-Tout" dont nous sommes une infime partie comble de joie et de sens.
J'invite ceux qui souhaitent en savoir plus sur l'un des thèmes évoqués dans cet article, à lire mon dernier livre : Tous les chemins mènent à l'homme paru en septembre 2015 aux éditions "Le Souffle d'Or", disponible en librairie ou directement sur le site de l'éditeur : souffledor.fr
Jacques Lucas
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