"Un diagnostic alarmant"
- Par Thierry LEDRU
- Le 21/03/2023
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Un diagnostic alarmant, "des mesures urgentes" : ce qu'il faut retenir de l'ultime synthèse du GIEC
Par Luc Chemla
Publié le lundi 20 mars 2023 à 14h00
5 min
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Un ours polaire sur les glaces de l'archipel François-Joseph, près du Pôle Nord, en août 2021
© AFP - EKATERINA ANISIMOVA
Près de neuf ans après leur dernière synthèse, les experts climat de l'ONU ont livré ce lundi le dernier consensus scientifique sur le réchauffement climatique et sur la réponse urgente de l'humanité à ce défi existentiel. Il est encore temps d'agir mais il faut faire très vite, disent les experts.
Des impacts de pire en pire, mais des solutions sous notre nez. Près de neuf ans après leur dernière synthèse, les experts climat de l'ONU réunis en Suisse ont livré ce lundi le dernier consensus scientifique sur le réchauffement climatique et sur la réponse urgente de l'humanité à ce défi existentiel. Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) a ainsi publié la synthèse de son sixième rapport d'évaluation, un résumé des plus de 10.000 pages de travaux qu'il a publiées depuis sa précédente synthèse fin 2014.
En neuf ans, la communauté scientifique a établi que le réchauffement climatique causé par l'activité humaine se produisait plus vite et plus fort que prévu. Après une semaine de réunions à Interlaken, les représentants des États membres du Giec ont approuvé dimanche le "résumé pour les décideurs", une trentaine de pages synthétisant l'état de la science et le panorama des solutions possibles, sous une forme intelligible par tous.
Cette synthèse est "un guide de survie" selon le chef de l'ONU
Pour le chef de l'ONU, António Guterres, "les dirigeants ont besoin d'une orientation scientifique solide, franche et détaillée pour prendre les bonnes décisions (...) et accélérer la sortie des énergies fossiles et la réduction des émissions". D'après lui, cette synthèse est "un guide de survie pour l'humanité". Ce consensus scientifique du Giec sera la base factuelle des intenses tractations politiques et économiques des prochaines années. A commencer par le sommet climat de l'ONU en décembre à Dubaï, la COP28, où un premier bilan des efforts de chaque pays dans le cadre de l'accord de Paris sera dévoilé et où l'avenir des énergies fossiles sera âprement négocié.
Il est urgent "de prendre des mesures ambitieuses"
Dans cette synthèse, les experts sont formels : "une action climatique urgente peut assurer un avenir vivable pour tous". Ils se veulent également très clairs : "les choix qui seront faits au cours des prochaines années joueront un rôle crucial dans la décision de notre avenir et celui des générations à venir." Dans leur synthèse, ils rappellent qu'il existe de "multiples options réalisables et efficaces" pour réduire notamment les émissions de gaz à effet de serre et celles-ci "sont disponibles maintenant". Ainsi, pour Hoesung Lee, le président du GIEC, "ce rapport de synthèse souligne l'urgence de prendre des mesures plus ambitieuses". Il ajoute que "l'intégration d'une action climatique efficace et équitable réduira non seulement les pertes et les dommages pour la nature et les gens, cela apportera également des avantages plus larges".
Le réchauffement climatique atteindra 1,5°C dès 2030-2035
L’objectif affiché par le GIEC depuis 2018 est de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degrés. Or, dans cette synthèse, les experts notent que "cinq ans plus tard, ce défi est devenu encore plus grand en raison d'une augmentation continue des émissions de gaz à effet de serre." Le réchauffement climatique atteindra 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle dès les années 2030-2035, prévient le Giec, alors que la température a déjà grimpé de près de 1,2°C en moyenne. Cette projection est valable dans presque tous les scénarios d'émissions de gaz à effet de serre de l'humanité à court terme, compte tenu de leur accumulation depuis un siècle et demi.
Le constat est sans appel : "le rythme et l'ampleur de ce qui a été fait jusqu'à présent, et les plans actuels, sont insuffisants pour lutter contre le changement climatique." Le rapport pointe l'activité humaine. "Plus d'un siècle d'utilisation de combustibles fossiles ainsi que d'énergie et de terres inégales et non durables a entraîné un réchauffement climatique de 1,1 °c au-dessus des niveaux préindustriels. Cela a entraîné des événements météorologiques extrêmes fréquents et plus intenses qui ont causé des impacts sur la nature et les populations dans toutes les régions du monde."
Les effets du changement climatique plus graves qu'estimé auparavant
Parmi les autres conclusions faites par le GIEC, les années les plus chaudes que le monde a connues récemment compteront parmi les plus fraîches d'ici une génération, quels que soient les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre par l'humanité. "Le monde actuel est plus frais que celui de demain, au moins pour plusieurs décennies" commente Chris Jones, scientifique du service météo britannique et l'un des auteurs principaux de la synthèse. Les risques associés au réchauffement climatique sont plus graves que ce qui avait été estimé jusqu'à présent, concluent également les experts du Giec, en s'appuyant sur la multiplication observée des événements météo extrêmes comme les canicules, et de nouvelles connaissances scientifiques.
"Escalade rapide de dangers"
Le rapport souligne que l'accroissement du réchauffement climatique entraine une "escalade rapide de dangers " tels que d'intenses canicules, des précipitations et d'autres "phénomènes météorologiques extrêmes" qui "augmentent encore les risques pour la santé humaine et les écosystèmes." Il est notamment rappelé que dans chaque région des gens meurent de chaleur accablante. Pour Aditi Mukherji, l'un des 93 auteurs de ce rapport de synthèse, "près de la moitié de la population mondiale vit dans des régions très vulnérables au changement climatique." Il annonce même qu'au "cours de la dernière décennie, les décès dus aux inondations, aux sécheresses et aux tempêtes ont été 15 fois plus élevés dans les régions très vulnérables."
Quelles solutions ?
Pour les experts, "si le réchauffement climatique doit être limité à 1,5°C, les émissions de gaz à effet de serre devraient déjà diminuer et devront être réduites de près de moitié d'ici 2030". D'après le rapport, "la solution réside dans un développement résilient au changement climatique." Concrètement, "il s'agit d'intégrer des mesures d'adaptation aux changement climatique avec des actions pour réduire ou éviter les émissions de gaz à effet de serre de manière à fournir des avantages plus larges." La synthèse donne des exemples : "l'accès à l'énergie et aux technologies propres améliore la santé, en particulier pour les femmes et enfants ; l'électrification bas-carbone, la marche, le vélo et les transports en commun améliorent la qualité de l'air, améliorer la santé, les possibilités d'emploi et assurer l'équité."
Besoin d'investissements et appel aux gouvernements
Dans leur synthèse, les experts sont formels : "l'action climatique accélérée ne se produira que s'il y a une multiplication des financements." D'après Christopher Trisos, "un financement insuffisant et mal aligné freine les progrès". Les experts ont d'ailleurs un message pour les décideurs : "Il existe suffisamment de capitaux mondiaux pour réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre si les barrières existantes sont réduites." Pour le GIEC, "il est important d'augmenter le financement des investissements climatiques pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. Les gouvernements, par le biais de financements publics et de signaux clairs aux investisseurs, sont essentiels pour réduire ces barrières. Les investisseurs, les banques centrales et les régulateurs financiers peuvent également jouer leur rôle."
Les experts estiment que le climat, les écosystèmes et la société sont interconnectés et il est fondamental d'agir vite. "La conservation efficace et équitable de 30 à 50 % des terres, des eaux douces et des océans de la Terre contribueront à assurer une planète en bonne santé. Les zones urbaines offrent une opportunité à l'échelle mondiale pour une action climatique ambitieuse qui contribue au développement durable." Les scientifiques listent les secteurs où des efforts doivent être faits : "Des changements dans le secteur de l'alimentation, de l'électricité, des transports, de l'industrie, des bâtiments et l'utilisation des terres peuvent réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une meilleure compréhension des conséquences de surconsommation peut aider les gens à faire des choix plus éclairés."
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Références
Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)
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