Vie intérieure
- Par Thierry LEDRU
- Le 01/12/2012
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Il est étonnant de constater que le langage autorise l’usage des deux auxiliaires dans le cas de la conscience.
« J’ai conscience que c’est difficile. »
Il s’agit d’une conscience tournée vers une situation, un élément qui m’est extérieur, comme une conscience projetée. Je ne suis pas impliqué dans cette conscience mais j’ai conscience de la situation. J’analyse les difficultés mais je reste détaché de cette conscience. Elle se nourrit de perceptions et d’expériences passées. La mémoire y joue donc un rôle considérable. C’est une conscience temporelle.
« Je suis conscient que c’est difficile. »
Il s’agit cette fois d’une conscience en moi qui a conscience de la difficulté de la situation comme une conscience renvoyée. Il ne s’agit plus seulement d’avoir conscience de quelque chose, mais d’être une conscience. Elle devient quelque chose en moi, ou quelque chose qui est moi, une sorte d’entité qui est révélée non uniquement par la situation elle-même mais par le fait que je suis totalement impliqué dans la conscience que j’en ai. Même s’il y a une part d’expériences passées dans cette conscience, elle est surtout en prise directe sur l’instant. On ne peut être auto conscient que de ce qui est. La dimension temporelle ne permet que la conscience. L’instant présent autorise la conscience réfléchie. On peut imaginer d’ailleurs que la gestion de cette situation sera plus efficiente dans le second cas. L’individu n’est pas seulement tourné vers l’agitation extérieure, il n’a pas simplement conscience de tout ce que cela implique (ce qui est déjà bien) mais il a conscience également que ce travail en lui le renvoie à son unité, à une connaissance de lui à travers les dispersions quotidiennes. Il est possible de donner à ce florilège d’actes un sens intérieur : la conscience de soi, l’observation vigilante de tout ce qui advient en soi lorsque l’individu se projette consciemment dans le monde extérieur.
On retrouve le même usage de la langue avec la notion de douleur.
« J’ai mal au dos. »
« Je suis mal. »
Étonnant de constater que la souffrance psychologique ne soit pas évoquée de la même façon que la douleur physique. La souffrance, qui dit « je suis mal » renvoie l’individu à sa conscience, une observation de lui-même, une introspection nécessaire. Il conviendrait pourtant de ne pas limiter la notion de vie intérieure à une image négative. « Nous sommes comme des noix. Pour être découverts, nous avons besoin d’être brisés. » Khalil Gibran. Est-ce qu’il est envisageable que la vie intérieure ne soit pas qu’une recherche de « soins » pour lutter contre la souffrance mais également et surtout une quête spirituelle afin d’éviter justement les enfermements, les aveuglements qui conduisent à cette souffrance ? C’est sans doute lorsque nous parviendrons à ce principe de responsabilité que nous grandirons.
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