L'obéissance consumériste

« Je pense depuis longtemps que si un jour les méthodes de destruction de plus en plus efficaces finissent par rayer notre espèce de la planète, ce ne sera pas la cruauté qui sera la cause de notre extinction, et moins encore, bien entendu, l’indignation qu’éveille la cruauté, ni même les représailles et la vengeance qu’elle s’attire, mais la docilité, l’absence de responsabilité de l’homme moderne, son acceptation vile et servile du moindre décret public. Les horreurs auxquelles nous avons assisté, les horreurs encore plus abominables auxquelles nous allons maintenant assister, ne signalent pas que les rebelles, les insubordonnés, les réfractaires sont de plus en plus nombreux dans le monde, mais plutôt qu’il y a de plus en plus d’hommes obéissants et dociles. »

Georges BERNANOS.

 

Quand on lit la vie de cet homme, on comprend de quoi il parle. Il faut remettre ses propos dans le contexte de cette époque.

Pour ma part, aujourd'hui, cette dernière phrase " ’il y a de plus en plus d’hommes obéissants et dociles. ", je ne la comprends pas dans le sens d'une obéissance envers l'Etat et ses institutions, envers l'idée de nation ou de citoyenneté mais une obéissance en tant que consommateur. 

Bernanos l'évoquait également dans ses conférences : " Il voyage en Europe pour y faire une série de conférences dans lesquelles il alerte ses auditeurs et ses lecteurs contre les dangers du monde de l'après-Yalta, l'inconséquence de l'homme face aux progrès techniques effrénés qu'il ne pourra maîtriser, et les perversions du capitalisme industriel (voir La Liberté pour quoi faire ? et La France contre les robots, 1947).(wikipedia)

L'obéissance est à la source du conformisme et le conformisme matérialiste nous a entrainés dans une voie guerrière, une guerre contre la nature.

Oserais-je parler de troisième guerre mondiale ?

L'expression semble envisageable étant donné que les effets de ce conformisme matérialiste ont désormais des conséquences planétaires et que ces conséquences contribuent à la mort de millions d'individus. C'est une guerre silencieuse, d'une perversité redoutable.

L'idée est de vivre mieux grâce au progrès et pour que cette vie meilleure advienne, l'humain s'est engagé dans une voie d'exploitation effroyablement diverse et d'une étendue folle : des océans aux forêts en passant par les profondeurs de la Terre, chaque parcelle de terrain doit être exploitée. Il en est ainsi si on veut que l'humain vive mieux. C'est cela le conformisme matérialiste. Et cette obéissance et cette docilité n'ont aucunement besoin d'être régimentée par la force. Chacun y participe de toute son énergie, en y plaçant tous ses rêves, depuis l'école jusqu'au cimetière.

Aucun Etat n'a jamais eu besoin de forcer ses citoyens à consommer...Beaucoup d'Etats ont eu par contre à écouter les critiques des citoyens qui ne pouvaient consommer autant qu'ils le souhaitaient.

Je ne m'exclus pas de ce groupe. Je suis moi aussi un consommateur. J'essaie de tout réduire au maximum mais je n'irai pas pour autant vivre dans une cabane.

Et je me dis maintenant que les générations à venir auront à inventer une autre voie. Et on peut aisément considérer cela comme une mission titanesque. Il s'agira de s'extraire non seulement d'une éducation formatée mais bien plus important encore d'une sorte de patrimoine génétique (je vais faire hurler les généticiens)...Je parle là d'un patrimoine génétique cérébral parce que ce fonctionnement remonte à tant de siècles qu'on pourrait envisager qu'il est inscrit dans notre ADN, dans tout ce qui nous constitue, dans la matière, dans les neurones, dans les cellules, partout en nous.

Vivre mieux, c'est vivre dans le confort matériel, vivre sans se priver de rien, ni des besoins vitaux, ni des désirs futiles. Posséder, profiter, jouir, amasser encore et encore.

L'idée d'une vie minimaliste est dans nos pays occidentaux une totale hérésie. Là, où en d'autres endroits du monde, la vie minimaliste n'est aucunement un choix mais une condamnation. Et non seulement, ces populations pauvres souffrent de leur existence quotidienne mais elles ont désormais à subir les effets planétaires de la vie matérialiste des populations privilégiées.

Le dérèglement climatique ne s'arrête pas aux frontières des pays riches. L'appauvrissement des ressources marines ne s'arrête pas aux eaux territoriales des pays qui possèdent les flottes de navires-usines. L'effacement de la biodiversité ne concerne pas que les forêts des pays occidentaux. 

L'obéissance consommatrice a des effets planétaires, le comportement matérialiste s'est répandu comme un ...virus.

Il est même considéré comme "anormal" de ne pas être contaminé. Les marginaux volontaires sont des énigmes, des gens dont il faut se méfier. Il n'est pas normal de ne pas souhaiter consommer.

La question désormais est de savoir si les humains d'aujourd'hui ont la capacité à s'extraire de cette obéissance normative pour qu'une autre voie se dessine et que les générations à venir n'est pas à subir ce formatage morbide. Car c'est bien de mort dont il s'agit.

Personnellement, je ne crois pas que nous soyons à l'aube d'une nouvelle ère spirituelle. La situation n'est pas encore assez grave. On en reparlera dans dix ans, ou vingt ans, ou trente ans, mais on en reparlera. Le problème, c'est que ce jour-là, il sera probablement trop tard. 

Il y a en ce moment une tempête hivernale, "historique" en Espagne. Madrid a les pieds dans la neige et je lis sur les réseaux sociaux des dizaines de commentaires de gens qui se moquent du réchauffement climatique, qui se moquent des "écolos-bobos", des "gauchistes verts" etc etc....

Des gens qui ne font donc pas la différence entre les notions de climat et de météorologie. Comment espérer que les choses changent ? 

Non, la situation n'est pas encore assez grave pour que les mentalités évoluent. On ne change pas "l'ADN cérébral" d'un coup de baguette magique. Il faudra une déflagration monumentale. 

 

blog

Ajouter un commentaire