Le spécisme en voie d'extinction.

L’homme est aussi un animal

Il y a encore 150 ans, la plupart des citoyens des pays d’Europe occidentale accordaient moins de droits et de capacités cognitives aux Noirs qu’aux Blancs, ou aux femmes qu’aux hommes. Peu à peu, les mentalités ont évolué, de sorte que nous avons globalement considéré que la première attitude – le racisme – et la seconde – le sexisme – ne correspondent ni à une vision juste des choses, ni à une attitude saine et propice au bien-être de tous.

Un processus analogue semble en cours, concernant notre rapport aux animaux. L’idée selon laquelle l’être humain serait intrinsèquement supérieur aux autres animaux et aurait sur eux des droits particuliers, perd peu à peu de ses soutiens. Un terme est apparu, qui rend compte de ce phénomène : le spécisme. Le spécisme validerait une hiérarchisation des espèces, comme le racisme a tenté le faire pour les origines ethniques, et le sexisme, pour les sexes. En tant que tel, il pourrait bien un jour être traité d’une façon analogue : réprouvé, puis abandonné.

Nous voyons partout autour de nous des signes révélateurs. Manifestations pour la fermeture des abattoirs, alertes sur les conditions d’abattage, mise en cause croissante de l’expérimentation animale, répudiation du foie gras ou des cirques traditionnels… L’actualité témoigne d’évolutions majeures dans la manière dont les Français conçoivent leur relation avec les animaux non humains. Ces mutations de la sensibilité avaient été anticipées par plusieurs pionniers des sciences sociales comme le sociologue Norbert Elias et l’anthropologue Claude Lévi-Strauss, qui auguraient d’un rejet civilisationnel de la viande. Elles sont confirmées dans les analyses récentes de Steven Pinker, qui décrit un élargissement historique du cercle moral : la chasse décline, l’expérimentation animale est plus stricte, le végétarisme croît… « La tendance historique est claire : dans le futur, les gens considéreront que l’élevage d’animaux destinés à l’abattage est une pratique barbare », n’hésite pas à écrire l’influent intellectuel de Harvard.

Depuis une cinquantaine d’années, la dénonciation de l’instrumentalisation des animaux et des conditions de leur utilisation alimentaire, vestimentaire ou de loisir a fait l’objet d’une intensification des travaux en éthique animale, face à une élévation des cadences de l’abattage : 70 milliards d’oiseaux et de mammifères sont tués dans les abattoirs chaque année dans le monde, ainsi que 1 000 milliards de poissons. Dans le monde, près de 100 millions d’animaux sont annuellement sacrifiés pour la recherche scientifique. C’est dans ce contexte qu’au début de l’année 2018, la première revue scientifique mondiale en psychologie sociale publiait une série d’études consacrées au spécisme. Avant cette publication, un nombre croissant de recherches ont dévoilé les normes et processus cognitifs qui neutralisent l’inconfort psychologique résultant de l’exploitation et la consommation des animaux.

Qu’est-ce que le spécisme ?

Forgé en 1970 par le psychologue britannique d’Oxford Richard Ryder, ce terme a été popularisé cinq ans plus tard par le philosophe de Princeton Peter Singer pour dénoncer ce qu’il considérait comme une discrimination injustifiable, à l’exemple du racisme ou du sexisme. Le spécisme correspond à l’attribution d’une valeur morale inégale à un animal en fonction de son appartenance à une espèce donnée, ce qui conduit à ignorer les intérêts biologiques propres des animaux non humains. 

 

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