Sysiphe.

Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un coeur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux."

("Le mythe de Sisyphe", Albert Camus, Gallimard, 1942)

 

Wikipédia.

Inspiré par la philosophie existentialiste, il fait le rapprochement entre la vie comme un éternel recommencement obéissant à de grands cycles du lambda avec Sisyphe, héros de la mythologie grecque. Pourquoi une telle punition ? Camus cite plusieurs versions du mythe, la plupart expliquant la punition de Sisyphe par une insulte faite aux dieux. Une version prête à Sisyphe, mourant, la volonté d'éprouver l'amour de sa femme, en lui demandant de ne pas lui donner de sépulture et de jeter son corps sur la place publique, après sa mort. Selon une autre version, Sisyphe découvrit la liaison entre le maître de l'Olympe, Zeus, et Egine ; il s'en alla monnayer l'information auprès du père, le fleuve Asopos. En échange de sa révélation il reçoit une fontaine pour sa citadelle. Sa trop grande perspicacité irrita les dieux qui le condamnèrent à porter un bandeau et à pousser au sommet d'une montagne un rocher, qui roule inéluctablement vers la vallée avant que le but du héros ne soit atteint.

Contrairement au Sisyphe que l'on présente habituellement dans la littérature, Camus estime qu'"il faut imaginer Sisyphe heureux". Sisyphe trouve son bonheur dans l'accomplissement de la tâche qu'il entreprend, et non dans la signification de cette tâche.

"Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni fertile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux."

Il fonde son raisonnement sur de nombreux traités philosophiques et l'œuvre de romanciers comme celle de Dostoïevski et de Kafka et que le bonheur revient à vivre sa vie tout en étant conscient de son absurdité, car la conscience nous permet de maîtriser davantage notre existence.

La révolte

Refusant le suicide, Camus catégorise trois genres : le héros absurde (dont il donne l'exemple de Don Juan, du comédien et du conquérant), le suicidaire et le croyant :

  • Le héros absurde fait face à l'absurdité de la vie. Il va même jusqu'à l'apprécier, recherchant toujours la même flamme, la même passion qui l'anime, comme le fait Don Juan en recherchant toujours cette première passion de femme en femme.
  • Le suicidaire ne voit plus aucun sens à sa vie et fait le « Grand Saut », au même titre que le croyant, échappant ainsi à l'absurdité de sa condition.
  • Le croyant, quant à lui, se livre à une cause et ne se préoccupe pas de l'essence existentialiste qui ronge tant les humains qui y ont fait face, ayant perdu la lumière et se retrouvant seuls face à leurs pensées.

Derrière ces trois archétypes de l'absurdité, Camus entend montrer que la révolte est le seul moyen de vivre sa vie dans un monde absurde. Cette révolte est plus importante dans le fait de se révolter que dans les causes défendues en elles-mêmes. Camus propose donc une théorie de l'engagement passionné et conscient qui est compatible avec le climat politique de son temps.

 

J'ai repris avec plaisir la lecture de cet ouvrage et j'ai retrouvé l'émotion qui m'avais étreint lorsque, adolescent, j'avais plongé dans ce texte. J'y avais trouvé le fondement dans mon engagement vers les montagnes. Une "révolte," un certain rejet des valeurs matérialistes, un désir de "conquête", non des sommets mais de mon potentiel, l'utilisation lucide et totale de mes capacités, même s'il fallait sans cesse "redescendre, " je sentais combien ces voyages en altitude me remplissait, comblait le vide d'une existence sans autre but que l'insertion sociale, les projets d'avenir, le parcours scolaire...C'était absurde effectivement, dérisoire bien que nécessaire. Mais cette nécessité n'était pas de mon ressort, elle m'était totalement imposée. L'alpinisme m'offrait au contraire une "voie" personnelle, l'inutilité du geste, de l'objectif. Monter pour redescendre ensuite, sans rien rapporter d'autres que le développement d'une quête spirituelle. Je prenais ma liberté.  

Je suis heureux aujourd'hui de ressentir ceette flamme. Elle ne s'est jamais éteinte, elle a survécu aux trombes d'eau qui auraient pu l'éteindre...Je retourne toujours vers les sommets et j'y trouve désormais une paix intérieure, un apaisement à travers le jeu. Il ne s'agit plus d'une révolte, d'une euphorie "conquérante" mais de l'observation de ce que je suis devenu, de mon insertion aussi dans ce monde que je fuyais, de l'amour pour cette nature, pour la vie, de ma façon d'éprouver l'existence. Comme s'il me fallait monter en altitude pour pouvoir juger lucidement de ce qu'est réellement cet observateur.

L'amour et la nature sont les ciseleurs talentueux du diamant qui brille en chacun de nous.   

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